Mais dans ses autres compositions il fut moins fidèle aux traditions de la comédie de l’art ; il céda, à son tour, à la tendance qui emportait le théâtre italien vers les complications extravagantes et les spectacles fantastiques.
Ils se trouvaient ensemble dans les résidences royales, participaient souvent aux mêmes fêtes, aux mêmes spectacles ; ils assistaient à de communs repas : « Molière, dit Palaprat, vivait dans une étroite familiarité avec les Italiens, parce qu’ils étaient bons acteurs et fort honnêtes gens. » On s’explique parfaitement l’influence qu’un de ces théâtres eut sur l’autre.
Le spectacle que Molière nous présente est exact ; mais est-ce que le spectacle contraire ne pourrait pas être exact aussi ?
Molière, de retour à Paris, rapportait dans son bagage deux grandes pièces déjà jouées en province : L’Étourdi, ou les Contre-temps et Le Dépit amoureux, et quelques farces par lesquelles on avait coutume de terminer le spectacle, et dont l’une, Le Docteur amoureux, valut principalement à la nouvelle troupe, dans l’importante représentation du 24 octobre, la faveur du roi et de la cour. […] Nous reproduisons ce portrait, qui représente Molière adressant au public le compliment d’usage à la fin du spectacle.
Donner la vie en spectacle aux vivants eux-mêmes ; peindre dans les personnages l’homme de tous les âges et de tous les pays ; transporter sur la scène la vie intime de la société tout entière ; embrasser d’un coup d’œil l’unité variée de la nature, « si féconde en bizarres portraits 22; »connaître l’homme, comprendre ce qu’il y a d’un et d’immuable dans ce « sujet divers et ondoyant 23 ; »suivre et saisir, dans le labyrinthe du cœur humain, les passions, ces Protées aux mille métamorphoses ; prendre pour type l’espèce et non l’individu ; attaquer les travers et les ridicules , abstraction faite des personnes ; tracer des caractères et non des portraits ; inventer et non copier ou contrefaire; n’emprunter à l’observation que des traits de caractère et d’effet, en les rendant plus vifs et plus saillants que la réalité, sans toutefois faire violence à la vérité et à la nature ; tenir compte des préférences des contemporains, tout en restant fidèle aux préceptes éternels de l’art ; en un mot, observer et créer, voilà le rôle du poëte comique ; et tel fut le secret de Molière. […] Sans aucun doute, les contemporains ont placé des noms connus au bas de chacun de ces portraits, et plus d’un de ces beaux de cour, se donnant en spectacle sur les bancs de l’avant-scène, a dû offrir au public le malin plaisir de comparer la copie à l’original.
Il disoit aux passants avec emphase : Entrez, Messieurs, voyez mon spectacle : toute la Cour a vu cela, toute la Ville a vu cela, cela n’est pas cher, cela se voit tout de suite : vous serez contents, très contents ; si vous n’êtes pas contents, on vous rendra votre argent ; mais vous serez contents, très contents. […] Laurent : il fit imiter jusqu’à l’habillement, la coeffure, le son de voix de Lerat ; & l’acteur qui le représentoit eut grand soin de répéter souvent : Entrez, Messieurs, voyez mon spectacle : toute la Cour a vu cela, toute la Ville a vu cela, cela n’est pas cher, cela se voit tout de suite : vous serez contents, très contents ; si vous n’êtes pas contents, on vous rendra votre argent ; mais vous serez contents, très contents. Le coup porta ; l’homme aux tableaux fut piqué, il se vengea le lendemain, en criant aux passants : Entrez, Messieurs, voyez mon spectacle ; vous y verrez la d’Ancourt & ses deux filles : toute la Cour a vu cela, toute la Ville a vu cela, cela n’est pas cher, cela se voit tout de suite : vous serez contents, très contents ; si vous n’êtes pas contents, on vous rendra votre argent ; mais vous serez contents, très contents.
Son plaisir en société était la conversation ; le plaisir extraordinaire qu’elle s’accordait, mais dont elle n’abusait pas, c’était le spectacle20 ; alors il n’y avait pas spectacle tous les jours, et l’on n’allait pas à la comédie tous les jours qu’on la jouait.