Détails biographiques sur les acteurs de L’Impromptu de Versailles J’ai pensé que quelques détails biographiques sur tous les comédiens dont la troupe de Molière était composée à l’époque où fut joué L’Impromptu de Versailles, se rattachaient assez naturellement au commentaire de cette pièce, dans laquelle ils figurent presque tous sous leur propre nom. […] Molière, qui semblait déjà avoir épuisé les traits du ridicule contre ses ennemis de la cour et de la ville, dans La Critique de l’École des femmes, ne fut peut-être pas moins embarrassé que flatté de l’ordre que lui donna Louis XIV, de se moquer d’eux une seconde fois : c’était lui prescrire de recommencer son propre ouvrage, au risque de demeurer inférieur à lui-même, et de procurer un véritable triomphe à ses adversaires, loin de leur faire essuyer un nouvel échec. […] Je l’ai déjà fait entendre, la répétition pour laquelle les comédiens sont rassemblés, ne peut être qu’un prétexte, ou, si l’on veut, qu’un principe d’action propre à faire naître des incidents, des épisodes satiriques, tels que cette plaisante imitation du jeu des comédiens de l’hôtel de Bourgogne ; cette arrivée d’un marquis ridicule qui assomme Molière de ses questions, et les actrices de ses fadeurs ; enfin, cette dispute si heureusement imaginée, où Molière, blâmé d’un excès de modération envers ses ennemis, les accable, les écrase par la manière même dont il démontre qu’il a dû les ménager. […] Panurge, consultant tout le monde pour savoir s’il doit se marier et s’il sera cocu (ce sont les propres termes dont se sert Rabelais, et que Molière répète), Panurge est l’original de Sganarelle.
Le despotisme d’un seul est encore préférable : hors ses propres faiblesses, il est possible qu’il livre toutes les autres aux libertés de la scène, et qu’ayant autour de lui les modèles, il aime à s’amuser de la ressemblance. […] Toute la puissance d’un grand roi est à peine assez grande contre la colère des dévots ; et Louis, qui avait une volonté ferme et prompte, sentit que, pour protéger le Tartuffe, il fallait des précautions et du temps ; « il défendit dès lors cette comédie pour le public, jusqu’à ce qu’elle fût achevée et examinée par des gens capables d’en faire un juste discernement, et ajouta que personnellement il n’y trouvait rien à dire1. » Ainsi le roi faisait d’abord pencher la balance par le poids de sa propre opinion, tout en ménageant la susceptibilité des gens d’église et des vrais dévots. […] Le roi, si imprudemment accusé, vengeait sa propre cause : les ennemis du poète lui avaient préparé un nouveau triomphe ; ils avaient servi à sa fortune en travaillant à sa ruine, contribué à sa gloire en voulant lui ravir sa renommée : tel est le châtiment, tel est le véritable supplice de l’envie. […] Leur porte en hiver se fermait à cinq heures, en été à sept, avec autant de ponctualité qu’en un couvent bien réglé : alors les broches tournaient, la cassolette s’allumait, le gibier se rôtissait, le couvert se mettait bien propre, et l’hypocrite triumvirat mangeait de grande force, et buvait volumineusement à la santé de ses dupes. […] Il ne se joué pas à la ligne directe, et il ne s’insinue jamais dans une famille où se trouvent à la fois une fille à établir et un fils à pourvoir ; il y a là des droits trop forts et trop inviolables ; on ne les traverse point sans faire d’éclat, et il t’appréhende, sans qu’une pareille entreprise ne vienne aux oreilles du prince à qui il dérobe sa marche, par la crainte qu’il a d’être découvert et de paraître ce qu’il est. » Sans doute les faux dévots ont plus beau jeu chez un célibataire que chez un père de famille ; on calomnie, on dépouille plus facilement des collatéraux que des enfants ; mais le vrai tour de force de Tartuffe est de faire déshériter le fils même de la maison ; et si l’auteur nous prouve que le fanatisme peut aveugler un père jusqu’à lui faire oublier son propre sang pour un misérable fardé d’une fausse dévotion, ne fait-il pas voir à plus forte raison l’empire que de pieux imposteurs peuvent exercer sur des hommes qui ne tiennent pas au lieu puissant de la famille ?
Racine plaide sa cause, et, pour être son propre avocat, il ne se pique ni d’être moins subtil que les gens du métier, ni d’être plus sincère. […] Racine a vaincu Despréaux dans sa propre science. […] On changeait les noms propres, on modifiait légèrement la position sociale du héros s’il y avait quelque avantage à lui faire endosser un costume plus familier aux auditeurs. […] Il relève la tête, voit un Arabe qui venait de le manquer et qui rechargeait son arme ; il saisit son propre fusil déposé par terre, envoie à l’Arabe une balle dans la poitrine, puis il replie son portefeuille et regagne la barque. […] Je regrette de donner sur ce sujet un travail que l’éloignement où je suis de Paris, sans autres ressources que ma propre bibliothèque, ne me permet pas de faire plus complet.
Il gagne le Notaire, &, sous mon propre nom, Fait dresser le contrat ; &, par ce stratagême, Feignant d’être témoin, je signe pour moi-même.
Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle.
Je vais plus loin : ne pourrions-nous pas souhaiter qu’un Auteur adroit, en s’emparant des beautés de Moliere & de celles de Moreto, remaniât le même fond plus heureusement que Coypel & Marivaux, & le rendît tout-à-fait propre à nos mœurs ? […] Trivelin, son valet, profite de cette circonstance, & s’avise d’un stratagême propre à éprouver les véritables sentiments de Flaminia pour son maître : il feint qu’autrefois charmé d’une jeune personne qu’il a vue à Ferrare, & fatigué des rigueurs continuelles de Flaminia, Lélio va partir pour reprendre ses anciennes chaînes Cet artifice produit son effet.
J’appelle mœurs, une manière particulière de vivre, d’envisager les objets, certains usages propres à un état, à une classe d’hommes, souvent à une nation entière, qui changent, varient, se reproduisent sous d’autres formes, et ne peuvent laisser aucune trace de leur existence passagère. […] Le but de Molière a été de dépouiller la vertu de son austérité, de lui marquer ses véritables limites, de la pénétrer de cette grande vérité, que l’excès en tout peut devenir répréhensible ; que, fait pour vivre avec ses semblables, le sage, pour son propre bonheur et la tranquillité de la société, doit être indulgent pour les fautes des autres hommes.