/ 163
4. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Du Choix d’un Sujet. » pp. 25-38

Les deux vieillards s’abordent en tremblant, en se demandant mutuellement pardon, en se priant de n’avoir aucun ressentiment de ce qui s’est passé, & de ne pas faire éclater la chose ; ils se mettent à genoux l’un devant l’autre, & filent le quiproquo le plus plaisant ; mais Albert sort d’un trouble pour tomber dans un plus grand, quand Polidore lui dit que Valere a séduit sa fille Lucile. […] Ajoutons qu’il y a encore dans cette piece dix scenes qui, sans être de la même vigueur, sont cependant extrêmement plaisantes. […] On est à la campagne : un plaisant fait une espiéglerie à quelqu’un de la compagnie ; les autres s’écrient : Ah ! […] Mais, mais, voilà qui est du dernier plaisant !

5. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. De l’Etat, de la Fortune, de l’Age, du Rang, du Nom des Personnages. » pp. 39-75

Enfin si le vieillard a dix ans de moins, ses prétentions seront moins ridicules & moins plaisantes : par conséquent si le Marquis a dix ans de plus, sa fatuité, loin d’exciter à rire, fera pitié. […] Si en la lisant on a fait exactement la supposition dont nous sommes convenus, si l’on s’est peint le Marquis à quinze ans ou à quatre-vingt, son rôle a non seulement cessé de paroître plaisant, mais celui de la Comtesse a encore cessé d’être honnête. […] Un nom qui dénote la profession d’un personnage peut à la vérité être plaisant, & faire jetter un sourire en passant ; mais ce n’est que dans les farces. […] Poisson appelle un de ses Gascons, dans le Procureur Arbitre, M. d’Esquivas : le fameux Limousin de Moliere porte le nom de Pourceaugnac ; l’un & l’autre n’auroient pas été moins plaisants quand ils se seroient nommés Jean-de-Vert. […] Je voudrois bien savoir de quelle façon on pourroit l’ajuster pour le rendre plaisant ; & si, quand on le berneroit sur le théâtre, il seroit assez heureux pour faire rire le monde.

6. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXX. Des Caracteres propres à tous les rangs. » pp. 328-330

Premiérement le plaisant qui naît de l’extrême disproportion qu’il y a entre les manieres ou le langage d’un homme, avec les airs & les discours qu’il veut affecter, auroit disparu chez un homme au-dessus de la Bourgeoisie, parcequ’après un certain état, l’uniformité d’éducation ne met plus de nuances entre les propos & les manieres des hommes : d’un autre côté, ce même contraste auroit été dégoûtant dans un homme au-dessous de M. […] Il s’est ménagé encore le plaisant qui naît de la bassesse de ce Courtisan intéressé qui ne rougit pas de passer dans l’esprit de Jourdain pour son Mercure, pourvu que le Bourgeois lui prête de l’argent & régale sa maîtresse.

7. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Rapin1 n’ont que des valets pour les plaisants de leur théâtre ; et les plaisants du théâtre de Molière sont les marquis et les gens de qualité : les autres n’ont joué dans la comédie que la vie bourgeoise et commune ; et Molière a joué tout Paris et la Cour. […] Le même auteur voyant Molière au tombeau dépouillé de tous les ornements extérieurs dont l’éclat avait ébloui les meilleurs yeux, durant qu’il paraissait lui-même sur son théâtre, remarqua plus facilement ce qui avait tant imposé au monde, c’est-à-dire, ce caractère aisé et naturel, mais un peu trop populaire, trop bas, trop plaisant et trop bouffon.

8. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. Des Pieces intriguées par des noms. » pp. 204-215

Il est très facile de tirer des scenes & des situations plaisantes du nom des personnages ; mais le comique qui en résulte, me paroît tout-à-fait indigne de la grande comédie : je vais le prouver par deux exemples, l’un pris chez les Italiens, & l’autre chez les Grecs. […] Ces deux noms persuadent à tous ses braves camarades que la maréchaussée est à leurs trousses, ils se jettent à terre de frayeur ; Arlequin sur-tout meurt presque de peur, & fait des singeries très plaisantes qui ne sont, comme je l’ai dit, amenées que par des ressorts très indignes de la bonne comédie. […] Le comique qu’Euripide a mêlé à son espece de Conte d’Ogre, ne fera pas, je crois, un grand nombre d’admirateurs, & me servira à prouver avec l’exemple précédent que le plaisant qui résulte des noms est digne tout au plus de la farce.

9. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLII. De l’art d’épuiser un Sujet, un Caractere. » pp. 493-503

Cela n’est pas plaisant. […] Cela n’est pas plaisant. […] On rendroit le héros plaisant en lui faisant faire des efforts pour rappeller ses anciennes graces auprès d’une jeune personne qui en riroit, & ne l’avertiroit que trop bien, par son indifférence, de se ménager une retraite honorable.

10. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Jourdain, n’était pas plus vil ; il était aussi plaisant, et il ne devait pas scandaliser davantage un siècle dont l’ami de Matta continuait à faire les délices. […] Suivi d’un gros de courtisans, il rencontra bientôt après Lulli, à Versailles : Bonjour, lui dit-il en passant, bonjour, mon confrère  ; et cela, dans le temps, s’appela un bon mot de M. de Louvois, qui n’avait jamais été si plaisant. […] Molière a justement saisi le degré de la société où il devait placer son personnage ; et Voltaire a rendu parfaitement sensible l’excellence de son choix : « La folie du Bourgeois, dit-il, est la seule qui soit comique, et qui puisse faire rire au théâtre : ce sont les extrêmes disproportions des manières et du langage d’un homme, avec les airs et les discours qu’il veut affecter, qui font un ridicule plaisant. […] Autour du ridicule principal qui domine toute la composition, quel nombreux et plaisant cortège de ridicules secondaires, qui, tour à tour, lui donnent ou en reçoivent du lustre ! […] Rousseau ne pouvait ignorer toutes ces choses ; mais, par une des plus étranges saillies de son humeur sophistique, il a trouvé plaisant d’appliquer cette expression convenue d’honnête homme, à un homme qui n’est rien moins qu’honnête, en en dépouillant celui à qui elle convient dans toutes ses acceptions.

/ 163