« Le peuple à son bon sens décerna la puissance. […] En effet, la Mothe suppose que le « peuple singe », voulant élire un roi, avait décidé de choisir celui qui aurait pu saisir en sautant un fruit « pendant au bout d’une branche assez haute ». […] Mais, pour ne laisser aucun doute sur cet article, il faut apprendre au peuple, aux demi-savants et aux adorateurs de la comédie, que Molière n’a fait monter la médecine en spectacle de raillerie sur le théâtre, que par intérêt et pour se venger contre une famille de médecins, sans se mettre en peine des règles du théâtre et particulièrement de celles de la vraisemblance, car, de toutes les pièces dont ce comédien a outré les caractères, ce qui lui est souvent arrivé, et qu’on ne voit guère dans l’ancienne comédie, celles où il a joué les médecins sont incomparablement plus outrées que toutes les autres ; mais, comme il faut être maître pour s’en apercevoir, ceux qui cherchent à rire ne pensent qu’à rire, sans se mettre en peine s’ils rient à propos.
Une religion toute sensuelle comme le polythéisme, n’exigeait pas cette pureté de mœurs, cette abnégation de soi, ce renoncement au plaisir que la nôtre commande, et dont on peut outrer les apparences pour imposer au peuple et pour le tromper.
Le Comique Latin, loin de repousser ces bruits avec l’empressement & la vigueur d’un homme sensible à la gloire, se contente de dire dans le prologue des Adelphes : Pour ce que disent les envieux, que les premiers de Rome & de la République aident l’Auteur à faire ses pieces & travaillent tous les jours avec lui, bien loin d’en être offensé, comme ils se l’imaginent, il trouve qu’on ne sauroit lui donner une plus grande louange ; c’est une marque qu’il a l’honneur de plaire à des personnes qui vous sont agréables, Messieurs, & à tout le Peuple Romain, & qui, en paix, en guerre & dans toutes sortes d’affaires, ont rendu à la République en général & à chacun en particulier des services très considérables, sans en être pour cela plus fiers ni plus orgueilleux.
Mais Dorine surtout, la servante d’Orgon, incarne en elle le bon sens de la Française du peuple.
Son Étourdi, son Dépit amoureux, ses Précieuses ridicules, et son Cocu imaginaire, sont plus que suffisants pour prouver cette vérité, puisque la Cour les a non seulement approuvées, mais encore le peuple, qui dans Paris sait parfaitement bien juger de ces sortes d’ouvrages ; quelques applaudissements toutefois que l’on ait donnés aux deux premières de ces pièces, la troisième a beaucoup plus fait d’éclat qu’elles n’ont fait toutes deux ensemble, puisqu’elle a passé pour l’ouvrage le plus charmant et le plus délicat qui ait jamais paru au théâtre ; l’on est venu à Paris de vingt lieues à la ronde, afin d’en avoir le divertissement.
Le second titre de cette comédie, celui qu’on lui donnait et qu’on lui donne encore le plus ordinairement, nous paraît aujourd’hui d’une licence intolérable ; mais ce mot qui nous choque si fort, ce mot, qu’on ne trouve plus que dans le vocabulaire du bas peuple, le mot Cocu enfin, puisqu’il faut le prononcer, était autrefois employé par les gens de la meilleure compagnie. […] Ces censeurs de Molière jugent la Faculté d’autrefois par celle de nos jours, ou du moins croient qu’il n’existe entre elles que cette différence en amélioration que deux siècles amènent naturellement chez un peuple policé. […] » Nous répondrons, avec Rousseau, à Cailhava : « Non, elle ne l’aurait pas senti ; à moins toutefois que la servante La Forêt ne fût pas seulement bonne, mais qu’elle fût en même temps une personne fort extraordinaire pour le rang où elle se trouvait. » La coquetterie comme l’exerce Célimène, et la pruderie comme la conçoit Arsinoé, ne peuvent être appréciées par une femme du peuple ; tandis que la colère et la rancune de Martine, l’insouciance et l’humeur battante de Sganarelle sont des scènes dont elle peut être juge, parce qu’elle en est sans cesse témoin et souvent actrice.
Mais dès que sa ruelle se peuple, quelle souveraine aisance ! […] Les ancêtres de Tartuffe Dans la littérature d’un peuple dont le caractère éminent fut toujours la franchise, le Tartuffe n’est pas, du reste, un événement accidentel et fortuit, mais plutôt le dernier terme d’une légende qui s’achève par un chef-d’œuvre. […] À son convoi, une femme du peuple à qui l’on demandait quel était ce mort qu’on enterrait : « Eh !