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4. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

On sent là, comme aux courtes et dignes paroles qu’elle adresse à Trissotin sur sa brusque retraite, une nature énergique et noble au fond, à qui il ne manquait peut-être que d’être contenue et dirigée par un mari ayant lui-même plus de caractère. […] En effet, c’est du côté de la prude aux hypocrites alarmes, que se trouve l’impudeur, tandis que la plus noble décence se montre dans le langage de la jeune fille qui sait être vraie, simple, et digne dans l’aveu de son penchant pour une honnête union. […] Mais comme, pour qu’il lui pardonnât, il faudrait qu’elle quittât ce monde dont les vanités l’enivrent, Célimène recule et tout est fini entre le noble cœur et elle dont elle-même se sent indigne. […] Une femme qui, dans Molière, se trouve dans une position bien délicate, affreuse mémo, puisqu’elle est adultère sans le savoir, c’est cette belle et noble Alcmène d’Amphitryon. […] Quelle noble indignation aux plaintes de celui-ci, plaintes qui doivent la révolter, d’autant plus qu’elles lui semblent si imméritées, alors même qu’elles sont, au contraire, si désespérément justes !

5. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Le roi était tout-puissant sur la nation par sa gloire, par le noble usage qu’il faisait de sa gloire même : Molière était tout-puissant près du roi par le plaisir qu’il donnait à la cour, par la louange, par le concert de louanges que Racine et Boileau, ses jeunes amis, guidés par ses conseils et son exemple, prodiguaient à l’envi au monarque. […] Trop souvent même, c’est sympathiser avec le sentiment général ; c’est au moins imiter quelque noble exemple. […] Il était grand citoyen aussi quand il livrait à la moquerie publique la manie de se faire noble, de se donner des titres, de se séparer du commun état.

6. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

La reconnaissance et  l’enchantement populaires ont attaché à cette brillante époque le nom du prince qui était le centre et le principal ressort de ce noble mouvement des cœurs et des intelligences : Voltaire a prouvé que ce n’était pas sans raison. […] On raconte que son premier pédagogue étant venu le sermonner pour rompre son dessein, il fit si bien qu’il l’enrôla lui-même pour jouer les pères nobles dans la troupe improvisée de ses acteurs nomades. […] À ce compte, il aurait fallu fermer la bouche aux nobles et pieux orateurs du dix-septième siècle, parce que les prédicateurs de la Ligue avaient profané la chaire évangélique. […] Les hommes véritablement pieux ont une tout autre allure, et Molière a peint leurs mœurs avec une vérité qui prouve à quel point il les estimait, et que réellement il ne voyait au monde « chose plus noble et plus belle que la sainte ferveur d’un véritable zèle » : Point de cabale en eux, point d’intrigues à suivre ; On les voit pour tous soins se mêler de bien vivre. […] Jourdain n’est pas du bois dont on peut faire les nobles, et le marquis Dorante, pour parler comme Corneille, « est d’une tige illustre, une branche pourrie ».

7. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

C’est une œuvre essentiellement morale, de montrer que la passion qui tient le plus de place dans le monde, et dont les excès sont le plus funestes, est pleine de joie et de dignité, quand l’homme sait se garder assez pour n’y céder que dans le temps et les circonstances qui peuvent la rendre utile, noble, et faire d’elle le soutien et le charme de la vie. […] Ces ressorts aident le poète à hâter sans invraisemblance la liaison des cœurs qu’il est obligé d’unir en quelques scènes ; et pourtant, ce court espace lui suffit aussi.pour montrer que l’amour vrai est l’amour des âmes, faites par Dieu avec le tendre et noble penchant de se donner tout entières à des âmes dignes d’elles. […] Ni la violence ni l’autorité ne pourront rien sur lui que l’exciter davantage à une noble révolte457. […] Quel contraste entre la passion jeune et noble des Horaces, des Clitandres, et les risibles et honteux soupirs des amoureux hors d’âge488 ! […] Il apprend aux hommes mûrs que, s’ils sont dédaignés ou trompés par les femmes, c’est moins pour leur âge que pour leurs travers ; et l’exemple d’Ariste, dans l’École des Maris, montre qu’à tout âge une âme douce et noble est aimable.

8. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Je ne tairai cependant pas que, dans une des deux Nouvelles de Boccace qui lui ont servi pour l’intrigue de sa pièce, on voit, comme dans cette pièce même, une belle-mère noble, reprochant au roturier qui est son gendre, la bassesse de son extraction, l’injustice des plaintes qu’il forme contre sa femme, et l’indignité de sa propre conduite. […] Les anoblis et les faux nobles abondaient. […] D’honnêtes et riches bourgeois, désespérant de devenir nobles de leur chef, voulaient du moins s’allier à des familles nobles : les uns donnaient leur fille à quelque gentilhomme obéré, qu’une grosse dot affranchissait de la poursuite de ses créanciers ; les autres, en plus petit nombre, épousaient eux-mêmes quelque fille de qualité, dont les parents recevaient, pour prix de cette mésalliance, de quoi rétablir leurs affaires délabrées. […] Ils se consolaient, se dédommageaient de leur noble indigence, par un profond respect pour eux-mêmes et pour ceux de leur classe ; par un mépris non moins profond pour ceux qui n’en étaient pas ; enfin par toutes ces petites jouissances de vanité, que leur procuraient les hommages de leurs paysans et les honneurs du banc seigneurial. […] Heureusement Louis XIV, satisfait de réussir dans son noble métier de roi, ne trouvait pas mauvais que les hommes de lettres fussent plus connaisseurs et plus habiles que lui en littérature.

9. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

Cette description des Plaisirs de l’Île enchantée n’est rien moins qu’un morceau bien écrit ; mais elle est un témoignage de la noble magnificence que Louis XIV déployait dans ses plaisirs ; et, ce qui suffirait seul pour la préserver de l’oubli, elle contient une mention curieuse de la représentation des trois premiers actes du Tartuffe. […] Notice historique et littéraire sur La Princesse d’Élide Molière avait pu se convaincre, par le peu de succès de Dom Garcie de Navarre, que le genre noble, sérieux et galant ne convenait point à son génie, et probablement il ne se fût pas décidé de lui-même à tenter une seconde épreuve. […] Molière, condamné à traiter un sujet noble, n’eut garde d’en exclure le seul personnage comique que lui offrît son original ; et, sans s’embarrasser s’il commettait une espèce d’anachronisme, il fit du gracioso espagnol un de ces fous en titre d’office, qu’autrefois les princes de notre Europe entretenaient pour leur amusement. […] La passion du roi pour mademoiselle de La Vallière avait donné à toute sa cour le signal de la galanterie et de la volupté ; parmi les jeunes seigneurs, quelques-uns étaient ses confidents, tous étaient ses imitateurs ; et, dans toutes les fêtes données par le monarque, les poètes chargés de les embellir de leurs talents, offraient l’histoire fidèle de ces nobles amours sous le voile des plus transparentes allégories. […] Le dom Juan créé par Molière est aussi noble, aussi élégant dans ses manières et dans ses discours, qu’il est affreux dans ses principes et dans ses actions.

10. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Quel hommage plus noble peut offrir un amant à l’objet de sa tendresse et de son respect ? […] Dès 1645 donc, le temps était venu où cette femme respectable devait voir sa maison se fermer à la jouissance d’une société choisie, mais nombreuse ; jouissance toute noble, toute glorieuse, mais par cela même d’un éclat incommode pour son âge. […] Petit, dans la vie de Montausier, « venaient y chercher cette noble simplicité et cette liberté honnête qui semblent être bannies du palais des rois.

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