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4. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

L’éternel attrait des pièces de Molière, c’est que l’auteur ne s’y montre pas, c’est que nous ne voyons que ses personnages, et dans ses personnages l’humanité tout entière. […] Il ne montre pas un sens moins droit ni moins délicat lorsque, parlant en son propre nom2, il combat les scrupuleux qui proscrivent absolument la comédie. […] Ce nouveau dessein de moraliste réformateur déjà sensible dans Les Précieuses ridicules, qui sont l’École des salons, se montre plus clairement encore dans la fable et dans le titre même des deux pièces qu’il composa ensuite et coup sur coup : L’École des maris et L’École des femmes. […] L’intention du poète était de faire voir ce qu’il convient d’accorder aux défauts des hommes si l’on veut vivre avec eux, et si Philinte, pour plus de sûreté, pousse, comme il nous semble, la complaisance un peu loin, il est clair qu’Alceste montre trop de rudesse, et qu’avec un caractère tel que le sien il faut tôt ou tard quitter la partie. […] Il montre sans animosité, mais avec une verve de comique plus vive et plus étincelante que nulle part ailleurs, quels peuvent être les périls de ce travers, de cet engouement de bel esprit qui enlève aux femmes les qualités aimables et solides par où elles sont véritablement femmes.

5. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

Molière ne nous montre pas la vanité désappointée de G.  […] Cette dernière phrase montre la corde. […] La phrase précédente montre toujours G.  […] Un vers vous montre la fatalité de la science des pédans, un autre vers toute leur politique. […] Dans le poème épique c’est le poète qui parle, il se montre.

6. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Est-il bien sûr de n’être vulnérable par aucun endroit, et de n’avoir pas besoin, pour quelque faiblesse, de cette indulgence dont il se montre si dépourvu envers autrui ? […] Philinte ne montre-t-il pas encore pour lui tout son dévouement ? […] L’action d’Alceste, loin de faire voir ici la force de sa vertu, montre plutôt que dans cette circonstance, comme dans beaucoup d’autres, il n’en a pas assez pour se vaincre, pour triompher d’une passion condamnable et qu’il se reproche amèrement. […] En aucune façon; cela montre seulement sa vanité, travers commun à tous les hommes, et dont les hypocrites, pas plus que d’autres, ne sont exempts. […] La scène dans laquelle Tartuffe se montre vraiment hypocrite est celle où il s’avoue coupable et se jette aux genoux d’Orgon pour implorer la grâce de Damis.

7. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. M. COLLÉ. » pp. 354-380

Dupuis feint d’être surpris de la joie que montre Desronais pour une charge : Mariane dit que ce n’en est pas là le sujet, & dévoile la véritable cause de ses transports. […] Dupuis dit à Desronais qu’il est un étourdi, qu’il n’est pas libre ce jour-là, montre la lettre de la Comtesse : Desronais est anéanti ; Mariane sent la plus vive douleur : Dupuis est enchanté ; mais Mariane, touchée des remords de Desronais, lui pardonne. […] Voici ma montre : il ne me reste pas un sol. […] Peggy se montre, fait voir au Roi les lettres que Milord lui a écrites pour la séduire, & la promesse de mariage qu’il lui a faite : Milord traite tout cela de petite affaire de galanterie. […] Henri releve tout le monde avec bonté : il jette un regard menaçant sur Concini, lui montre Agathe, lui reproche son crime.

8. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Une autre, non moins dénuée de fondement, nous montre dans Alceste, Plapisson, bel esprit patenté de l’hôtel de Rambouillet, original qui jouissait d’une réputation usurpée de philosophe, le même qui, prenant en pitié l’admiration du public pour L’École des femmes, s’écriait dans son grotesque dédain : Ris donc, parterre, ris donc 2 ! […] Tandis que Fléchier nous le montre vertueux, franc, rigide et « méprisant les voies obliques des passions et des intérêts ; » tandis que Mme de Sévigné reconnaît « une sincérité et une honnêteté de l’ancienne chevalerie » dans ce courtisan « Qui pour le pape ne dirait, Une chose qu’il ne croirait ; » le malin Despréaux lui décoche un trait de satire et le peint en un vers : « Le ris sur son visage est en mauvaise humeur. » Le duc de Saint-Simon déclare que « parmi toutes ses; façons dures et austères, Montausier était infiniment respecté. » Enfin, la rude franchise de Montausier, et cette raideur qui, au dire de certains panégyristes, ne fléchissait pas même en présence du monarque le plus absolu de l’univers, étaient presque devenues proverbiales. […] III Un second point de vue, qui ouvre des aspects plus attachants, nous montre les types des personnages du Misanthrope dans l’entourage même du poète. […] Mais parmi toutes ces allusions, perdues pour nous, le temps n’en a épargné qu’une seule, celle qui nous montre, dans le mystérieux Timante, Saint-Gilles, l’antagoniste de la Fontaine. […] Bien qu’il faille un peu rabattre de ce jugement, pour la représentation de cette pièce, il est vrai de dire qu’en général on se montre un peu trop dédaigneux à l’endroit des interprètes modernes de l’ancien répertoire.

9. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

Armande, on le voit, avait dû être merveilleusement douée ; les avantages qu’elle avait reçus de la nature primait même assez ceux de sa sœur Henriette, pour que ce fut à elle, Armande, que se fussent adressés tout d’abord les hommages de Clitandre, homme de cœur et de mérite ; mais ses manières hautaines son dédain affecté des sentiments les plus doux et les plus naturels : ses prétentions à une philosophie creuse, toute de montre et de pédantisme, et ses indécentes déclamations contre le mariage, et ses nœuds de chair, ses chaînes corporelles avaient fini par éteindre dans le cœur de son amant la passion que sa beauté y avait fait naître et c’est, blessé de ses mépris, qu’il avait reporté toutes ses affections vers la moins belle, mais plus aimable Henriette. […] Ce qui montre toute la hauteur et toute la justesse des vues de Molière dans l’opposition qu’il s’est plu à faire de ces deux caractères de femme, c’est l’impression que laissent les scènes si scabreuses du premier et du quatrième acte, où la pédante Armande affecte ces délicatesses quintessenciées à l’endroit du mariage. En effet, c’est du côté de la prude aux hypocrites alarmes, que se trouve l’impudeur, tandis que la plus noble décence se montre dans le langage de la jeune fille qui sait être vraie, simple, et digne dans l’aveu de son penchant pour une honnête union. […] Après la brillante Célimène vient, un peu plus tard, dans Le Tartuffe, le personnage d’Elmire, qui nous montre une fois de plus toute l’adresse de Molière à traiter les situations les plus difficiles.

10. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

Ce charme d’une affection naturelle dans des âmes. pures, Molière le montre maintes fois sur son théâtre ; et chaque fois c’est avec une émotion nouvelle qu’on s’intéresse de cœur à ces simples et touchantes passions, qu’elles entraînent les dieux mêmes et les nymphes comme Amour et Psyché 439, ou les valets et les servantes comme Covielle et Nicole 440. […] Armande et Bélise, dans leur coquetterie de pédantes, ne soupçonnent point ce que c’est qu’aimer467, et la comtesse d’Escarbagnas, dans sa coquetterie de vieille provinciale’, montre en caricature extravagante quelle distance de la terre au ciel il y a de la coquetterie à l’amour468. […] Molière était obligé d’en demeurer aux termes de la comédie, et l’art même lui défendait de mettre sur la scène autre chose que les lettres de Célimène et les avances mielleuses d’Arsinoé 470 ; mais pourtant, quand il montre la jeune coquette refusant d’aller ensevelir dans un désert ses fautes et son repentir471, il laisse deviner la vie qu’elle mènera dans v le monde : Peut-être avant deux ans,...... […] Il apprend aux hommes mûrs que, s’ils sont dédaignés ou trompés par les femmes, c’est moins pour leur âge que pour leurs travers ; et l’exemple d’Ariste, dans l’École des Maris, montre qu’à tout âge une âme douce et noble est aimable.

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