La Comtesse saisit ce moment pour lui conseiller de donner un autre époux à Mariane : elle va parler du Marquis, quand Julie trop chagrine la prie de remettre l’entretien à une autre fois. […] Dans quel moment devons nous le croire ? […] Et ne le fais-tu pas, bourreau, dans le moment ? […] Dave persiffle Simon, en lui disant que son fils languit après le moment d’épouser Philumene ; qu’il a peint son impatience dans une chanson. […] Je crois qu’à tous moments il va perdre l’esprit.
La perfection de l’art dramatique exige au contraire qu’un Auteur ne me prévienne jamais bien clairement sur ce qui arrivera dans l’entr’acte ; c’est le moyen de me faire desirer plus ardemment l’acte suivant, & le moment qui m’instruira de ce qui s’est passé derriere la toile. […] Madame Murer, furieuse, s’écrie, après avoir rêvé un moment : Vengeance, soutiens mon courage ! […] Un moment après il repasse avec un bougeoir allumé, sort par la porte du vestibule, & rentre sans lumiere, suivi de plusieurs domestiques auxquels il parle bas ; & ils passent tous à petit bruit chez Madame Murer, qui est alors censée leur donner ses ordres. […] Un moment après Robert entre par le vestibule, une lettre à la main, un bougeoir dans l’autre : comme c’est la réponse du Comte de Clarandon qu’il rapporte, il se presse de passer chez Madame Murer pour la lui remettre. […] Un moment après les acteurs paroissent ; le valet se retire, & le cinquieme acte commence.
Margiste saisit ce moment pour la dérober à tous les yeux & faire courir le bruit de sa mort. […] Voici le moment du crime ; le souvenir m’en glace encore d’effroi. […] Tant de coups redoublés suspendirent toutes les facultés de mon ame ; je demeurai sans mouvement, sans connoissance ; c’est dans ce moment que tout s’exécuta.
C’est le hasard seul qui fait arriver Sosie dans un moment où Mercure ne le peut laisser entrer chez Amphitrion. […] C’est Dom Félix, qui, ayant vu sortir le pere de Laura avec sa sœur, profite de ce moment pour parler à Laura. […] Les Italiens représentent très souvent une piece dans laquelle Arlequin éprouve vingt-six infortunes, & c’est au hasard qu’il les doit toutes : il demande l’aumône à un cabaretier qui se trouve un frippon ; le hasard ne produit rien là de fort merveilleux : il traverse un bois, il rencontre, par hasard, des voleurs qui le déshabillent & lui volent sa bourse : il se couche dans une écurie, il se place par hasard auprès d’un cheval qui rue : il s’enveloppe dans une botte de paille au milieu du chemin, des voleurs y mettent le feu pour se chauffer : il veut entrer dans une maison par la fenêtre, le hasard veut que le balcon tombe précisément dans ce moment, &c. […] Il trouve enfin un protecteur qui écrit au Roi pour lui vanter les services de l’infortuné : il parvient aux pieds du Trône ; son maître prend le papier, commence à le lire : le héros croit ses malheurs finis ; point du tout : le hasard veut que le Roi s’endorme dans ce moment. […] Une vieille matrone passe par hasard dans ce moment.
Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule. Mais cet avantage que Goethe perd un moment, il le retrouve le moment d’après, quand, par exemple, la lecture d’un chœur de Sophocle ou d’une ode de Pindare fait couler à longs traits dans tous ses sens et dans son âme une émotion, une félicité, que jamais ne goûta madame de Staël. Quand j’écoute avec ravissement une mélodie italienne, et que vous, mon cher lecteur, vous haussez légèrement les épaules avec une expression de quasi-mépris sur les lèvres, je vous plains, et en fait je suis plus favorisé que vous, puisqu’à ce moment-là j’ai un sens qui vous manque.
Comme tout change d’un moment à l’autre ! […] Vous mourez d’envie de venir dans le grand monde, et moi d’en sortir. » À quelque temps de là, elle écrivait à l’abbé Gobelin : « Si je suivais mon inclination, il n’y a pas de moment dans la journée que je ne demandasse à me retirer. […] « Quanto », dit madame de Sévigné dans une lettre du 11 novembre, « dansa aux derniers bals toutes sortes de danses comme il y a 20 ans, et dans un ajustement extrême. » Et le roi, toujours voluptueux, qui se flattait par moments de revoir des mêmes yeux et de retrouver dans le même éclat les charmes dont il avait été épris, se prêtait aux illusions de la parure, et se plaisait à y ajouter sa magnificence.
« Après qu’un Auteur aura choisi son sujet, il faut qu’il se souvienne de prendre l’action qu’il veut mettre sur le théâtre à son dernier point, &, s’il faut ainsi dire, à son dernier moment ; & qu’il croie, pourvu qu’il n’ait point l’esprit stérile, que moins il aura de matiere empruntée, plus il aura de liberté pour en inventer d’agréable ; &, à toute extrémité, qu’il se restreigne jusqu’à n’en avoir en apparence que pour faire un acte : les choses passées lui fourniront assez pour remplir les autres, soit par récits, soit en rapprochant les événements de l’histoire, soit par quelques ingénieuses inventions ». […] Je ne prétends pas décourager les jeunes Auteurs qui, piqués de la noble émulation de se signaler, voudroient prendre une action à son dernier moment ; au contraire, ils feront très bien, & je les y exhorte, s’ils se sentent assez de ressources dans l’esprit pour féconder le peu de matiere qui leur reste, & pour remplir leur but sans le secours du moindre alliage. […] Voilà par conséquent Durval qui, aux yeux du spectateur, agit, dès ce moment, pour lui & pour son ami : l’intrigue, l’action, l’intérêt, tout devient double ; le spectateur verra un double dénouement, ou il n’en verra aucun.