Affligé d’une Armande Béjart, aigre, coquette, infidèle, inconsciente surtout de son génie ; entouré d’inférieurs ; indigné des basses manœuvres de ses ennemis ; cherchant vainement la paix du cœur et celle de l’âme, il put rêver comme le plus haut idéal de bonheur auquel l’humanité doive réellement prétendre, la bienveillance, la bonté, la franchise et cette vie de famille saine, affectueuse, cette existence calme et paisible, que lui ne connut jamais. […] Molière, se servant du théâtre comme de la seule tribune où la pensée libre, héritière de l’antiquité, de Montaigne, de Rabelais, influencée par Descartes, pouvait lutter contre le dogme oppresseur, osa par un trait de génie, comme le dit justement M.
Que notre grand comique n’ait pas su découvrir la marche future des sciences, sans doute c’est une erreur bien pardonnable, et toutefois le dirai-je, ce serait presque avec un douloureux regret que je verrais le génie de notre grand homme engagé seul dans une voie qui nous paraît aujourd’hui plus ou moins ridicule, condamné seul à voir les progrès des sciences accuser tous les jours la faiblesse de son regard, et creuser sans cesse l’abîme qui le séparerait tous les jours davantage de nous et de la vérité. Oui, si ce reproche est fondé, c’est une tache, ou si l’on veut, c’est une ombre bien légère ; mais enfin, c’est une ombre qui ternit pour moi l’éclat de cet incomparable génie.
Assurément acteurs et public ont joint alors à l’hommage que réclamait le génie de Molière, le tribut de reconnaissance que M. […] Il ne s’agit pas, cette fois, d’un rapprochement entre ces deux grands génies, qui, par des chemins différents, sont arrivés à un même sommet : celui d’où les hommes, vus de haut, s’observent dans l’absolue vérité de leurs caractères. […] C’est toujours là qu’il faut en revenir avec cet ennemi des pédants, dont le merveilleux génie est fait tout simplement de bon sens et de clarté ! […] Son vaste génie s’adresse d’instinct à l’humanité tout entière, en quelque temps et sous quelque latitude qu’elle vive. […] Or, qu’on nous cite un seul article où respire ce respect des aïeux littéraires, ce culte sacré des génies nationaux qui nous semble être le vrai patriotisme !
Il a peut-être dit mille fois avec Horaced, j’aimerois mieux passer pour le plus chétif de tous les Auteurs, & être content, que d’avoir un si grand esprit, & un génie si admiré, & souffrir tant d’inquietudes.
Si les Auteurs dramatiques, lorsqu’ils n’ont qu’une bonne scene à placer dans un acte, convenoient du moins avec courage que leurs forces ne s’étendent pas plus loin, s’ils ne nous donnoient qu’un acte composé d’une seule scene ou de deux, comme Plaute dans sa Persane, ils feroient un bien petit mal : mais ils ne veulent pas avouer leur foiblesse ; ils se croiroient déshonorés si leurs pieces n’avoient pas cinq actes, leurs actes cinq scenes, & leurs scenes une certaine longueur ; de sorte que pour faire disparoître les lacunes que laisse le génie, il faut appeller au secours l’esprit, qui les remplit à son ordinaire avec des sentences, des madrigaux, des épigrammes, des pointes, des exclamations, des dissertations amoureuses ou philosophiques, des scenes détachées, des personnages étrangers au sujet, des caracteres qui n’ont aucun rapport avec le principal.
Il n’y a personne au monde qui les pût si bien exprimer, à moins qu’il n’eût son génie, quand il serait un Siècle à les tourner.
Racan, dit Boileau, avait plus de génie que Malherbe, mais il est plus négligé et songe trop à le copier.