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4. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Regnard imitateur comparé avec la Bruyere, Plaute, & la nature. » pp. 5-50

Autre embarras de Merlin, qui exhorte son vieux maître à ne point parler de la vente de la maison à Madame Bertrand, parcequ’elle est devenue folle, & que ses parents vont la faire renfermer. […] Bertrand arrive ; Merlin persuade à la bonne vieille, que Géronte est devenu fou, & les deux vieillards se plaignent mutuellement. […] La finta Pazza, la feinte Folle, jouée à Paris par l’ancienne Troupe Italienne, pourroit avoir fourni le sujet & les lazzis des Folies amoureuses, où nous voyons Agathe feindre d’être folle, pour échapper à son tuteur Albert, & paroître en vieille, en musicienne Italienne, en Officier. […] Ils trouvent le frere qui se moque de leurs reproches, & les maltraite si bien en protestant de ne pas les connoître, qu’il passe pour fou dans leur esprit, & qu’ils projettent de le mettre entre les mains d’un Médecin2. […] Est-il naturel que le Menechme brutal s’humanise tout-à-coup jusqu’au point d’épouser une vieille folle qu’il hait, & cela pour avoir la moitié de la somme que son frere lui vole ?

5. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

L’aliéniste Leuret avait défini le fou: Un homme qui se trompe. […] Locke a défini le fou : Un homme qui raisonne juste en partant d’un faux principe. […] Notre sœur est folle, oui. […] Toute la différence qui existe entre le fou en santé et le fou malade est que les passions qui aveuglent le premier appartiennent à son caractère naturel et sont dues à l’activité normale de son cerveau, tandis que les passions qui dominent et aveuglent le second n’appartiennent pas à son caractère, elles sont suggérées par une activité cérébrale pathologique. […] Il en est absolument de même chez le fou malade.

6. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Fou un peu plus fou que les autres dans la maison de fous du globe terrestre, il prononce orgueilleusement du haut de sa folie qu’il ignore, un sermon triomphant contre ses frères les fous126. […] La comédie se joue de la folie universelle, trop folle et surtout trop universelle, pour mériter l’indignation156.

7. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

— À quoi bon m’étaler cette bizarre école Du mauvais sens, dis-tu, prêché par une folle ? […] Enfin le poète suppose à sa précieuse une docte demeure, toujours ouverte aux beaux esprits, où se tiennent les bureaux du faux bel esprit, où s’étale une école de mauvais sens prêché par une folle ; aucun de ces traits n’est applicable à madame Deshoulières, qui n’était point une folle, qui ne tenait point école, qui n’avait point de maison, point de cercle, qui était fort pauvre, allait dans le monde chercher le monde, et passait une grande partie de son temps à l’hôtel de Nevers. […] Il avait été frappé du plaisir qu’elle avoue avoir éprouvé à la lecture d’une critique de Bérénice, et n’avait pas remarqué que ce qu’elle appelle la folle passion de cette pièce lui déplaisait non seulement par sa folie, mais aussi parce que Bérénice rappelait cette Marie Mancini, nièce de Mazarin, que Louis XIV avait voulu épouser, et qui était odieuse à la société fréquentée par madame de Sévigné, Il n’avait pas lu ce qu’elle dit de Bajazet : La pièce m’a paru belle ; Bajazet est beau, mais Racine n’ira pas plus loin qu’Andromaque.

8. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Il ne se borne pas à emprunter pour ne jamais rendre, et à épuiser le coffre-fort d’un sot bourgeois, en se moquant de lui ; il fait semblant de s’entremettre pour favoriser les folles amours de M.  […] Les trois premiers actes, en effet (mettant à part cette différence d’étendue, qui est le moindre des défauts), sont égaux, en leur genre, à tout ce que Molière a composé de plus parfait ; et, si les deux derniers sont une farce plus folle que plaisante, c’est que les ordres du Roi ne laissèrent pas au poète le temps de finir ainsi qu’il avait commencé, ou peut-être que la destination particulière du spectacle le contraignit de terminer par un de ces divertissements de danse et de musique, qu’il est si difficile de faire sortir naturellement d’une véritable action comique. […] Plus loin, un simple artisan, un tailleur, parle avec le plus risible enthousiasme d’un métier que la fatuité met en crédit ; et ses ouvriers, qui n’ont pas encore le droit d’avoir de la vanité, rançonnent, en attendant, celle d’autrui, et se font payer par un fou des qualifications qu’un homme sensé punirait comme d’insultantes moqueries. […] Il est vrai que son amour, approuvé de tous, n’a pour ennemi que la folle vanité de M. […] C’est Cléonte, assurément ; car la noble et périlleuse sincérité avec laquelle il convient de sa condition, est tout le contraire de la folle vanité de M. 

9. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

C’est en 1671, dans toute la force de son génie, quand il ne manque plus à ses chefs-d’œuvre que les Femmes savantes et le Malade imaginaire, que Molière donne les Fourberies de Scapin, et qu’il exalte un héros de la même volée que Mascarille et Sbrigani, roi de la pièce d’un bout à l’autre, qui dresse les fils de famille à courir les filles258 et à insulter leurs pères259, qui vole plus effrontément que tous ses prédécesseurs260, avec un entrain si victorieusement comique qu’il est impossible à l’âme la plus ferme de résister au fou rire causé par le mulet et la galère 261, et de n’être pas, malgré tous les principes, enchantée de voir réussir ces admirables fourberies. […] Ces réflexions n’ôtent rien à la valeur artistique de toutes les œuvres de Molière, ni à la portée morale de plusieurs, ni à l’éclat du bon sens qui brille par traits saillants jusque dans les plus folles scènes ; mais elles sont nécessaires si l’on veut se rendre compte de la morale de Molière. […] Peut-on aimer comme Je Dorante du Bourgeois gentilhomme, et voler en même temps l’or, les bagues même que l’on offre à sa maîtresse ; la laisser entretenir par un vieux fou qu’on flatte, et faire argent de l’honneur de celle qu’on veut s’attacher par un lien sacré 267 ?

10. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

Raynouard la pièce, devenue célèbre, où l’on voit des vierges sages et des vierges folles, « prudentes, fatuæ » attendre, près du tombeau du Christ, la résurrection de l’époux divin. […] A la vérité, on se trouverait d’accord ainsi avec un ancien critique, qui n’a connu ni « le théâtre » de Hroswitha, ni les Vierges sages et les Vierges folles, ni les Epîtres farcies ; il en coûtera peut-être quelque chose à notre amour-propre d’avoir édité tant de vieux textes, pour n’arriver qu’à répéter avec Boileau, que « le théâtre fut longtemps, chez nos dévots aïeux, un plaisir ignoré. » Toutefois, Messieurs, je n’y vois pas grand mal et, quand les idées reçues ont du bon, je trouve assez sage de s’y tenir. […] Le vieux monde, fatigué d’une longue route, s’est endormi dans un bois ; Abus s’empare de la scène; il fait sortir successivement des arbres voisins, comme autant de dryades, sot dissolu, sot glorieux, sot corrompu, sot trompeur, qui représentent gens d’église, gens de guerre, gens de justice et marchands, puis sot ignorant et sotte folle. […] Le marchand apporte tromperie, fausse mesure, avarice et usure ; l’ignorant choisit convoie Aise, chicheté, rusticité, rébellion; et enfin Sotte folle prend caquet, dépit, variation et faiblesse avec enragement. Voilà les six piliers faits et l’édifice debout; mais une nouvelle dispute survient à propos de Sotte folle ; on se bat et tout s’écroule.

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