Quand j’écoute avec ravissement une mélodie italienne, et que vous, mon cher lecteur, vous haussez légèrement les épaules avec une expression de quasi-mépris sur les lèvres, je vous plains, et en fait je suis plus favorisé que vous, puisqu’à ce moment-là j’ai un sens qui vous manque.
S’il est inférieur à Shakespeare en expression poétique, — ce n’était pas son affaire ; — • il lui est égal en fécondité, comme créateur, et supérieur en vérité. […] C’est ce qui a été examiné dans un livre récent, l’Enigme d’Alceste, et l’auteur, qui est un ferme partisan du préjugé qui fait du Misanthrope un personnage tragique, a dépensé beaucoup d’érudition et de dialectique pour démontrer qu’Alceste est un mythe, une incarnation, comme Vichnou ou Rama ; que dans ce xviie siècle, beaucoup trop admiré, plus admiré que connu, après cette horrible Fronde, dont le côté frivole a si longtemps caché le côté funeste, en face du pays épuisé, de la noblesse vendue, de la justice achetée, des mœurs corrompues, des hypocrisies florissantes, Alceste, dit M. du Boulan, Fauteur du livre que je viens de désigner, a été l’expression, mieux que cela, « l’explosion « de l’honnêteté publique se personnifiant « dans un janséniste ». […] Quand il a trouvé, il n’a pas perdu sa journée et, pour me servir d’une expression familière, il ne revient pas bredouille.
Le fameux Garrik, cet Auteur, cet Acteur Anglois, si cher à Thalie, à Melpomene, & sur-tout à l’honnêteté, sait si bien composer à son gré l’expression de son visage, qu’il a fait ébaucher son portrait sous deux figures différentes, & par le même Peintre, sans en être reconnu : cette singularité, quoique vraie, seroit bien difficile à mettre, avec vraisemblance, sous les yeux du spectateur.
Plus vous étudierez les maîtres et les disciples venus après eux, — pater et juvenes patre digni , et plus vous trouverez qu’ils obéissent au même art poétique, où il est enseigné que la poésie est une imitation des actions, des paroles et des mœurs de nos semblables ; que cette imitation, pour être exacte et fidèle doit être conforme aux mœurs et aux usages des temps dont on parle, et que c’est justement dans la juste expression des caractères que les poètes font paraître cet art de l’imitation qui est un art si charmant, lorsqu’il est fidèle et complet ; même le mensonge est agréable s’il a les apparences de la vérité. […] Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images : il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement. » Il disait encore :« Amas d’épithètes, mauvaises louanges ; ce sont les faits qui louent et la manière de les raconter.
jugez, par cet essai, Si nos Auteurs n’ont pas cette expression tendre...
Dans les lettres publiées on voit un peu trop peut-être la mère de madame de Grignan ; et malgré le charme des narrations, la justesse des observations, la finesse naïve des expressions, la grâce des tours, et enfin la solidité des pensées que répand en courant sa plume légère, on ne peut se dissimuler qu’il y règne au fond un peu de monotonie.
Voilà ce que les mortels n’ont été appelés à voir deux fois ni sur le trône de notre bon Henri IV, ni sur le trône que, suivant la belle expression de Chamfort, Molière a laissé vacant. […] Il faudrait peindre d’abord les habitudes grossières du peuple à cette époque, sa brutalité sensuelle, son langage cynique, sou égoïsme impudent qui le ravalait au niveau de la bêle : puis à côté de ce portrait vigoureux, il faudrait placer le portrait vivant de la classe bien élevée : là se rencontrent les sentiments délicats, la naïveté charmante, l’innocence et la pudeur dans leur expression la plus gracieuse.