Son expression n’est pas toujours juste; mais elle est quelquefois singulièrement heureuse, par exemple dans ces vers, où il parle d’un plaideur de profession : Il achetait sous-main de petits procillons Qu’il savait élever, nourrir de procédures ; Il les empâtait bien, et de ces nourritures Il en faisait des bons et gros procès du Mans.
Mais, on le sait, l’amour n’aime pas trop les généralités, surtout les abstractions, et ce tendre sentiment à l’égard de l’antiquité avait bientôt fini par se concentrer dans une ardente passion pour Aristote : Aristote, expression, représentation, personnification, incarnation de la philosophie et de l’école au dix-septième siècle.
C’est la nature prise sur le fait; et cette expression si naïve, qu’il croîtrait pour cela? […] Molière pensait que la comédie doit peindre l’homme; il a cru que si jamais elle pouvait nous présenter un tableau instructif, c’était en nous montrant combien le sage même peut avoir de faiblesse dans l’âme, de défauts dans l’humeur et de travers dans l’esprit; enfin, pour me servir des expressions mêmes du Misanthrope.
« [*]On se révolta généralement contre quelques expressions qui paraissent indignes de Molière. […] Ce qui a été mal rendu en français par l’expression du Festin de Pierre.
De Pure diffère à cet égard de Somaise : « L’objet principal de leurs soins, c’est, dit-il, la recherche des bons mots et des expressions extraordinaires, pour conserver dans l’empire de la conversation, un juste tempérament entre le style rampant elle pompeux. » Mais ce but n’était pas condamnable.
Si Molière n’était qu’un esprit, l’âcre satire ne lui coûterait pas : elle serait l’expression naturelle et complète de ce qu’il souffre ; mais c’est un cœur aussi, et comme le fiel ne sort jamais du cœur, on n’en trouve pas dans ses œuvres. […] Ainsi, dans le Misanthrope même, où il est tout entier avec toutes ses peines, on ne trouve, sauf quelques éclats de ce rire désespéré dont je parlais tout à l’heure, que l’expression d’un chagrin qui craint d’être contagieux en se faisant trop voir ; qui aime mieux faire rire, que se faire plaindre, et au fond duquel on sent bien moins la haine du mal que des regrets pour l’absence du bien. […] Un an après, cependant, en 1662, au moment où il achevait L’École des femmes, expression encore plus complète de ses pressentiments, il épousait Armande ! […] Dans l’intention d’offrir à sa femme le rôle d’Angélique, et sachant combien la douceur de la voix ajouterait à l’expression des sentiments naturels, il avait su rendre ce rôle assez aimable, pour l’aire applaudir d’un bout à l’autre l’actrice qu’il en chargerait. […] C’était pour lui une incurable maladie, selon l’expression de la Bruyère : « Elle lui dure depuis trente ans ; il ne guérit point : il veut, il a voulu et il voudra gouverner les Grands. » La direction des âmes moins qualifiées ne lui déplaisait pas, non plus ; de là ces dix milliers de consciences, que l’auteur des Caractères nous montrait tout à l’heure dans sa clientèle.
Aimer et chérir Molière, c’est être antipathique à toute manière dans le langage et l’expression ; c’est ne pas s’amuser et s’attarder aux grâces mignardes, aux finesses cherchées, aux coups de pinceau léchés, au marivaudage en aucun genre, au style miroitant et artificiel. […] Il ne se passe pas d’année sans qu’une nouvelle édition des œuvres de Molière ne voie le jour ; des savants sont occupés sans cesse à rechercher et à épurer de nouveaux manuscrits ; sa gloire est célébrée dans d’innombrables conférences publiques ; les expressions qu’il met dans la bouche de ses personnages se retrouvent partout, et les types créés par lui, ses principales œuvres, revivent sans cesse. […] « Agréez l’expression de tous mes sentiments distingués.