Ces ressorts, comme tous ceux d’un drame, produisent différents effets, selon le génie de l’Auteur qui les fait agir : souvent ils excitent le rire le plus bas, quelquefois ils font verser les larmes les plus ameres, & ils peuvent remplir les différents degrés qui séparent ces deux extrêmes.
Confiez-leur les principaux fils de votre ouvrage : les premiers en feront une comédie héroïque, un drame, ou bien une piece que l’on ne pourroit permettre : les seconds fileront une intrigue indécente, ou fade, ou remplie de persifflage : les troisiemes mystifieront le public en n’amenant que des mystifications sur la scene ; & les quatriemes révolteront.
Nous ne nous épuiserons pas en longs raisonnements pour cela, les exemples nous en éviteront la peine, & nous opposerons les deux uniques comédies de la Chaussée, toutes les deux très mauvaises, toutes les deux imitées, au meilleur de ses drames dû pareillement à une imitation, mais plus heureuse, parcequ’elle étoit plus facile.
On voit que sur le théâtre des Gelosi et dans les comédies même, l’élément comique ne prévalait pas exclusivement ; le sentiment, la passion et le drame y tenaient une bonne place ; la bouffonnerie n’y était souvent qu’accessoire et épisodique, et ainsi mesurée elle n’en produisait sans doute qu’un plus grand effet.
On ne te trouve plus, chez nous, que dans les drames ; L’égoïsme, insensible à la voix du malheur, Aux pleurs de la pitié ferme toujours son cœur ; Et la philosophie et sa douce influence N’ont pu, de son exil, tirer la bienfaisance : Le cri de l’infortune est à peine écouté ; L’homme d’esprit sourit au mot d’humanité ; Le mérite caché languit dans la misère, Et l’intrigant, hélas !
Vous savez, Madame, qu’une comédie angloise fort irréguliere (comme le sont la plupart des drames d’une nation d’ailleurs si riche) m’a fourni les caracteres que j’ai peints, & qui sont presque étrangers à nos mœurs ».
Qu’on examine, aux représentations de cette comédie, si toutes les parties qui ont quelque rapport avec la manie annoncée, ne sont pas plus animées que celles qui s’en écartent : vues séparément, les dernieres ont cependant autant de beautés, & peut-être davantage, preuve incontestable que dans un drame les plus petites choses doivent être liées très fortement les unes aux autres, & qu’elles tiennent de là leur plus grand mérite.