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133. (1910) Rousseau contre Molière

Conduisez-vous d’après la maxime susdite, et vous verrez… ». […] Et en effet, non plus dans sa préface, mais dans le prologue en vers qui fut joué avant la pièce proprement dite, Fabre prend soin d’insérer, non pas la note de Rousseau : « Je ne doute point que sur l’idée que je viens de proposer un homme de génie ne pût faire un nouveau misanthrope… », mais le portrait de Philinte d’après Rousseau : « Ce Philinte est un de ces honnêtes gens du grand monde… » Et, à ce Philinte-là, il a opposé un Alceste qui, selon les indications de Rousseau, est sensible à tous les malheurs, excepté à ceux qui le frappent. […] Peut-être ; mais quand le défaut naturel se rapproche du vice de caractère de manière à en être peu discernable, on en est responsable (d’après l’opinion générale des hommes), on en est coupable, on le fait exprès. […] Qui se ferait une idée du XVIIe siècle d’après ce que nous en a peint Molière se figurerait un temps où les hommes, parfaits du reste, n’ont eu à se reprocher que quelques légers ridicules. […] Maintenir la société, telle qu’elle est, fondée sur ses maximes traditionnelles, sur ses proverbes, sur ses préjugés conservateurs, surtout sur son amour et son culte du juste milieu en toutes choses, sur ses vices adoucis, sur ses vertus médiocres, sur ses énergies tempérées, sur ses lâchetés restant décentes, c’est tout Molière, moins son génie d’artiste ; — persuader à la société qu’elle est infâme, bien pis encore, qu’elle est médiocre, qu’elle est dégénérée, qu’elle est malade, qu’elle est une « décrépitude » de l’humanité, qu’elle ne mérite que d’être fuie ; mais que, peut-être, à se regarder peinte ainsi d’après nature et à prendre le dégoût de soi, elle pourrait, se fuyant elle-même, se réformant radicalement, se régénérant, se jetant dans la chaudière d’Eson, redevenir saine, pure et forte, car elle a commencé par être bonne ; c’est tout Rousseau, moins son génie d’artiste.

134. (1900) Molière pp. -283

Quand on a fait ce premier travail préalable, il faut étudier les procédés du génie ; c’est ce que nous ferons aujourd’hui ; il faut prendre ensuite les trois ou quatre grandes œuvres capitales, pour les considérer en elles-mêmes, et non plus d’après leurs caractères généraux ; ce sera la troisième partie de ces études, puis, il faut essayer d’apprécier le rôle historique joué par l’homme, son rôle de moraliste, de moraliste influent ; ce sera le complément de ces études sur Molière. […] Ce premier sens que je ne partage pas, et qui tendrait à substituer cette sorte de Dieu-Humanité au Dieu-Providence, ce qui est fort loin de mon idée, ce sens-là on ne peut refuser de le voir dans la scène du Pauvre, d’après tout ce qui précède. « Je n’ai pas voulu donner pour l’amour de Dieu, je donne pour l’amour des hommes. » Mais l’autre sens y est aussi, parce que, arrivé à cette limite extrême du grand seigneur effréné, Dom Juan est jeté, d’un mouvement en arrière, dans la conception la plus contraire à tout ce qui a inspiré sa vie jusque-là, dans ce grand sens du mot humanité où l’emploient tous les grands publicistes de notre temps. […] Il arrivait à un Romain de tuer sa femme, parce qu’elle avait bu quelques gouttes de vin pur sans sa permission ; il pouvait, d’après le vieux droit de la République, sans dire pourquoi, l’étrangler en conseil de famille.

135. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Lessing composait d’après la méthode française, et presque avec les personnages de Molière, les premières comédies que nous avons de lui ; Elias Schlegel lui empruntait l’idée et jusqu’aux bons mots de ses pièces. […] Vous pensez d’après vous-même, mais, pour le reste, vous vous conformez à l’usage ; il faut (c’est la maxime que vous répétez sans cesse), il faut bien faire comme tout le monde ! […] Perrin des fouilles profondes exécutées par les archivistes dans la poudre des vieux documents ; voilà le costumes du temps, voilà la musique de Lulli ; voilà les ballets tels qu’on a pu, à défaut d’indications précises, les restituer d’après les airs qui y furent adaptés ; voilà tout l’extérieur du spectacle dont on a joui sous Louis XIV ; tout cela est exquis, charmant, délicieux, admirable, étonnant, prodigieux ; entassez, tant qu’il vous plaira, toutes les épithètes de Mme de Sévigné.

136. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

D’après ces regles que nous allons avoir occasion de développer & d’appliquer, on peut juger des progrès de la comédie ou plûtôt de ses révolutions.

137. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Ce trait, quoiqu’il ne porte que sur un détail minime, montre bien la différence entre cette fausse rhétorique, qui juge d’après des règles, et la vraie rhétorique, qui, ne faisant de l’éloquence que la peinture de la pensée, comme dit Pascal, cherche sa loi dans la pensée même. […] Aux yeux de La Bruyère, Tartuffe est un hypocrite de théâtre et non pas un hypocrite observé d’après nature. […] Il ne serait pas nécessaire de nous étendre longuement sur ce sujet pour faire voir ce qu’il y a de juste et ce qu’il y a de faux dans la théorie comique que Schlegel s’est faite d’après Aristophane.

138. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

. — D’après eux, le comble du génie, pour un poète comique, c’est de faire pleurer ; pour un auteur tragique, c’est probablement de faire rire.

139. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

C’est d’après ce même principe que l’Église se considère encore comme investie, jure divino, du droit d’enseigner, et regarde comme une usurpation tout enseignement laïque ; le Tartuffe, au contraire, était une revendication pour la raison profane du droit de séparer la vraie piété de la fausse, de flétrir celle-ci en respectant l’autre ; ce droit, il est vrai, n’avait jamais fait défaut à la liberté profane, car les romans et les poésies satiriques, depuis Jean de Meung jusqu’à Régnier, avaient toujours raillé les cagots et les moines.

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