Les dix-huit noms propres qui s’étaient associés aux noms de ces fleurs étaient les plus célèbres du temps ; la peinture et la calligraphie, qui fixaient sur le vélin les fleurs y les vers, le nom des auteurs, étaient des chefs-d’œuvre.
Je puis, du reste, faire valoir, à ma décharge, qu’à mesure que le temps passait et que les hommes se renouvelaient — si les hommes se renouvellent, — à mesure du moins que changeaient les mœurs, la comédie de Molière apparaissait aux critiques sous des aspects nouveaux, dont plusieurs fort inattendus pour Molière, si le sort eût voulu, pour notre bonheur, qu’il eût la vie aussi dure que ses chefs-d’œuvre et qu’il pût lire les fantaisies que ceux-ci ont inspirées de notre temps. […] Je sais que la traversée des âges produit sur les chefs-d’œuvre le même effet que la traversée des Indes sur le bon vin ; ce qu’ils ont d’imperfections se dépose ; ils y gagnent cette saveur unique et ce bouquet d’immortalité qui font que, quand on en débouche une bouteille, je veux dire quand on en joue un quelque part, les douze ou quinze cents personnes appelées à la dégustation se recueillent dans un même sentiment de religion et de bien-être. […] Je n’ai pas l’intention d’analyser ce petit chef-d’œuvre, qui, dans ses vingt pages, nous en dit plus que les plus gros livres sur la société polie de ce temps, — comme aussi sur l’art du théâtre ; car Molière y a mis son esthétique, marquée au coin de son admirable bon sens. […] Mais il faut que je m’arrête ici : l’amour de mon sujet ne m’a que trop entraîné déjà. — J’espère d’ailleurs, toucher prochainement un mot de cette histoire, dans une autre conférence sur le chef-d’œuvre que je viens de nommer.
Dans notre désir de rendre hommage à cette noble entreprise littéraire sans trop sortir du cadre de nos études habituelles, nous avons essayé de rechercher dans ces trois chefs-d’œuvre la pensée philosophique et morale qui les anime ; et, de même que nous nous étions occupé naguère de la psychologie de Racine1, nous tenterons d’exposer dans les pages qui suivent ce que l’on peut appeler la philosophie de Molière. […] C’est surtout Bourdaloue qui, dans un admirable sermon sur l’hypocrisie, a développé avec un art profond et une émouvante dialectique cette grave objection contre le chef d’œuvre de Molière. […] On a dit que nos écrivains du xviie siècle sont tous des écrivains de cour, que c’est pour la cour que nos chefs-d’œuvre ont été écrits. […] Dans cette littérature, il n’est point surprenant que le chef-d’œuvre du théâtre comique ait eu pour objet la peinture du monde mis en regard de la générosité, la loyauté et de l’honneur.
L’action. — Moins vive que dans les autres chefs-d’œuvre de Molière, le nœud moins serré, les incidents moins multipliés ; mais en revanche, combien d’autres beautés ! […] Voilà, disent bien des personnes, voilà une de ces pièces que Molière lisait à sa servante, et non ses chefs-d’œuvre. […] La pièce que nous allons analyser est un chef-d’œuvre d’imitation ; rien n’y est de l’invention de Molière, cependant tout paraît avoir été créé par lui et jaillir de la même source. […] La comédie du Tartuffe fut jouée à Chantilly, chez le grand Condé, le 2 septembre 1668 ; six mois après, Louis XIV accorda une nouvelle pension littéraire à son protégé, et permit définitivement que Paris pût jouir du chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. […] Turcaret est sans doute un chef-d’œuvre ; mais que fait, que dit le fermier-général de Lesage, qui ne soit indiqué par le receveur des tailles de Molière ?
L’Europe regarde cet ouvrage comme le chef-d’œuvre du haut comique. […] Il est inutile d’examiner ici en détail les beautés de ce chef-d’œuvre de l’esprit, et de montrer avec quel art Molière a peint un homme qui pousse la vertu jusqu’au ridicule, rempli de faiblesse pour une coquette, de remarquer la conversation et le contraste charmant d’une prude avec cette coquette outrée. […] Molière ayant suspendu son chef-d’œuvre du Misanthrope, le rendit quelque temps après au public, accompagné du Médecin malgré lui, farce très gaie et très bouffonne, et dont le peuple grossier avait besoin ; à peu près comme à l’opéra, après une musique noble et savante, on entend avec plaisir ces petits airs qui ont par eux-mêmes peu de mérite, mais que tout le monde retient aisément.
Je doute que ses contemporains se soient laissé convaincre : mais la postérité, mieux placée pour reconnaître les chefs-d’œuvre, n’a pas regardé Les Plaideurs comme un pique-nique de société littéraire, ni comme un essai de la première jeunesse. […] Il avait fait un chef-d’œuvre, mais de satire plus que de comédie. […] Où a-t-il rêvé, à vingt ans, les chefs-d’œuvre de son âge mûr ? […] Mais il faut bien reconnaître que, dans ses chefs-d’œuvre, Molière évite la note contemporaine ; et l’on ne saurait l’en blâmer. […] D’un autre côté, la pièce entièrement mise en vers avait-elle chance de devenir un chef-d’œuvre ?
Cette piece, qui sera toujours regardée des connoisseurs comme un chef-d’œuvre, n’eut que cinq représentations.