Le rôle lui a porté bonheur. […] Cependant il avait cru que son bonheur serait plus vif et plus sensible s’il le partageait avec une femme ; il voulut remplir la passion que les charmes naissants de la fille de la Béjart avaient nourrie dans son cœur, à mesure qu’elle avait crû. […] Il a, ce Molière, toute l’honnêteté bourgeoise, toute la probité, toute l’humeur laborieuse de sa famille ; il a la science, la mesure, le goût du beau, l’amour du bien, la soif inassouvie du bonheur, le courage dans la souffrance, il a surtout la pitié, cette vertu suprême, cette vertu des grands cœurs, et l’on ne peut s’empêcher de l’aimer après l’avoir admiré. […] Comme acteur, Molière a bien de l’adresse ou du bonheur de débiter avec tant de succès sa fausse monnaie et de duper tout Paris avec de mauvaises pièces. […] Une comédie, jouée en 1669, au théâtre du Marais ou à l’hôtel de Bourgogne, — on n’en est point certain, — La Critique du Tartuffe, disait tout net : Molière à son bonheur doit tout son avantage !
À côté de la piquante Célimène, Molière a placé la sincère Éliante, qu’il nous dépeint comme une jeune femme remplie d’agréments, mais douce d’humeur, droite de cœur et de jugement, modeste, indulgente et sage, possédant enfin ces qualités essentielles au bonheur, sur lesquelles prévalent trop souvent des dons plus brillants et moins solides.
Partout où nous le rencontrons, il aime ; partout où il aime, il trouve moins des occasions de bonheur tranquille, que des occasions de dépit jaloux, et cependant, il ne cesse jamais d’aimer. […] J’ai voulu que l’innocence de mon choix me répondit de mon bonheur : j’ai pris ma femme, pour ainsi dire, dès le berceau. […] Ils le préparèrent, ils en égayèrent les péripéties ; ils complétèrent, pour le poète, cette science du cœur, dont il ne voulait rien ignorer, dût son bonheur en payer les frais. […] On parla d’une passion, à laquelle Son Altesse ne dédaignait pas de répondre ; et partout ce fut pour faire payer chèrement à Tartuffe le bonheur de ce nouvel amour. […] Par bonheur, ce fut une chute, qui suffit pour lui faire comprendre que son chemin n’était pas de ce côté-là.
Voici comment cette résolution du jeune Poquelin est expliquée et appréciée par l’auteur d’Élomire hypocondre : Le Boulanger de Chalussay fait dire à Angélique, qui représente dans la pièce Madeleine Béjart : Ce fut là que chez nous on eut pitié de toi : Car mes frères, voulant prévenir ta folie, Dirent qu’il nous fallait faire la comédie, Et tu fus si ravi d’espérer cet honneur, Où, comme tu disais, gisait tout ton bonheur, Qu’en ce premier transport de ton âme ravie Tu les nommas cent fois ton salut et ta vie. […] Mais nul n’avait traduit avec énergie et bonheur ce mouvement d’opposition. […] Cependant la troupe, qui avait le bonheur de plaire au roi, fut gratifiée par Sa Majesté de la salle du Palais-Royal, Monsieur l’ayant demandée pour réparer le tort qu’on avait fait à ses comédiens ; et le sieur de Ratabon reçut un ordre exprès de faire les grosses réparations de la salle du Palais-Royal : il y avait trois poutres de la charpente pourries et étayées, et la moitié de la salle découverte et en ruine. […] « On a toujours remarqué, dit Grimarest, qu’il donnait aux pauvres avec plaisir, et qu’il ne leur faisait jamais des aumônes ordinaires. » S’il se trouvait dans les conditions de fortune les plus favorables, il avait un entourage beaucoup moins rassurant pour la tranquillité et le bonheur de sa vie : il cheminait au milieu d’un groupe de femmes qui devait ajouter bien des tourments aux soucis dont il était chargé. […] prouvait qu’une tyrannie étroite de la part des maris n’était nullement propre à assurer le bonheur domestique.
Celui de Thomas Corneille, qui est resté seul en possession du théâtre, n’est pas seulement une copie élégamment versifiée de la pièce de Molière : les idées de l’original y sont quelquefois corrigées ou étendues avec bonheur.
Il ne perd pas de temps du reste, et dès qu’on lui parle de ce mariage avec Marianne : Ce n’est pas le bonheur après quoi je soupire… Et, avec une suavité digne de sainte Thérèse, il fait sa déclaration d’amour à Dieu dans la personne d’Elmire, car … je n’ai pu vous voir parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint. […] Et ne vous y trompez pas : s’il demande la liberté de douter de son bonheur, ce n’est pas défiance modeste, c’est ruse d’amant.
Chacun porte la peine ou reçoit le prix de son caractère ; mais la peine n’est pas tragique, ni la récompense romanesque ; tout est imité de la vie, où le bonheur qu’on tire du bien penser et du bien faire est médiocre, et où le châtiment attaché aux travers n’est jamais assez dur pour nous en corriger. […] Fille respectueuse et attachée à ses parents, elle n’est pas dupe de leurs défauts ; et quand il y va de son bonheur, elle sait le défendre d’une main douce, mais ferme.