[71, p. 105-106] 1705, Grimarest, p. 58 L’Avare de Molière eut à peine sept représentations lorsqu’il parut. […] Disait-on, Molière est-il fou, et nous prend-il pour des sots, de nous faire essuyer cinq actes de prose ? […] Molière fut vengé de ce jugement du public, lorsqu’il donna cette pièce pour la seconde fois, le 9 septembre 1668.
1775, Anecdotes dramatiques, tome I, p. 394-395 Boileau a beaucoup loué Molière, et vivant et mort ; mais dans l’Art Poétique, où il paraît plus particulièrement le juger, il dit que Molière : Peut-être de son art eut remporté le prix, Si moins ami du peuple, en ses doctes peintures, Il n’eut point fait souvent grimacer ses figures ; Quitté pour le bouffon, l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence* allié Tabarin. […] Molière est l’esprit le plus original et le plus utile qui ait jamais honoré et corrigé l’espèce humaine, et Boileau même le jugeait à peu près ainsi.
[22, p. 50-51] 1705, Grimarest, p. 109-110 Un jour qu’on représentait le Tartuffe, Champmêlé166 qui n’était point alors dans la troupe, alla voir Molière dans sa loge qui était près du théâtre. Comme ils en étaient aux compliments, Molière s’écriait : ah, chien ! […] Mais Molière qui s’aperçut de son étonnement, lui dit : ne soyez pas surpris de mon emportement ; je viens d’entendre un acteur déclamer faussement et pitoyablement quatre vers de ma pièce ; et je ne saurais voir maltraiter mes enfants de cette force-là, sans souffrir comme un damné.
1775, Anecdotes dramatiques, tome I, p. 354 Molière a joué, dans les Femmes savantes, l’hôtel de Rambouillet*, qui était le rendez-vous de tous les beaux esprits. Molière y eut un grand succès, et y était fort bien venu ; mais lui ayant été dit quelques railleries piquantes, il joua ses railleries, Cotin* et Ménage* : le premier sous le nom de Trissotin ; et le second sous celui de Vadius, qui eurent la querelle si plaisamment dépeinte dans les Femmes savantes. […] Ce dernier allant voir cette dame, après la première représentation des Femmes savantes, où elle s’était trouvée, elle ne put s’empêcher de lui dire : Quoi, monsieur, vous souffrirez que cet impertinent de Molière nous joue de la sorte ?
[6142, p. 37-38] Molière se présenta un jour pour faire le lit du roi. […] » Cette aventure vint aux oreilles du roi, qui fut très-mécontent qu’on eût témoigné du mépris à Molière. […] Coquille : Belcocq → Bellocq Bellocq, Pierre (Paris, 1646 – 1704) : lettré et poète, s’était lié d’amitié avec Molière, Racine et Boileau.
Le déchaînement était si grand, que Molière n’osait se montrer. […] Après la représentation, le roi, qui n’avait pas encore porté son jugement, dit à Molière : « Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle a été représentée ; mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait mieux diverti ; et votre pièce est excellente. » Aussitôt l’auteur fut accablé de louanges par les courtisans, qui répétaient, tant bien que mal, ce que le roi venait de dire à l’avantage de cette pièce.
Molière naquit avec une telle inclination pour la Comédie qu’il ne fut pas possible de l’empêcher de se faire Comédien. […] Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la Profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser la même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représente que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires. […] Il est vrai que la Troupe ne réussit pas cette première fois : mais Molière fit un Compliment au Roi, si spirituel, si délicat et si bien tourné, et joua si bien son rôle dans la petite Comedie qu’il donna ensuite de la grande, qu’il emporta tous les suffrages, et obtint la permission de jouer à Paris. […] Molière avait remarqué que les Français avoient deux défauts bien considérables ; l’un, que presque tous les jeunes Gens avoient du dégoût pour la Profession de leurs Pères, et que ceux qui n’étaient que Bourgeois voulaient vivre en Gentilshommes et ne rien faire ; ce qui ne manque point de les ruiner en peu de temps ; et l’autre, que les femmes avaient une violente inclination à devenir, ou du moins à paraître Savantes, ce qui ne s’accorde point avec l’esprit du ménage, si nécessaire pour conserver le bien dans les familles.