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25. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Telle est la vraie portée de cette réforme du goût, que commencèrent Les Précieuses ridicules. […] Plaire en faisant appel à des goûts équivoques, c’est ne plaire qu’à demi. […] Le luxe a ses modes, le faux goût a les siennes, l’orgueil et le vice ont aussi les leurs. […] De là une sorte de vernis d’un goût douteux, une teinte équivoque, qui se répand sur l’ensemble de sa poésie. […] Il s’agissait de servir le public promptement et selon ses goûts.

26. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Vinet ne permettait pas de le confondre avec le goût théâtral. Ce goût naît du besoin de voir la vie où elle n’est pas. […] En présence de doctrines pareilles, la tâche du jeune professeur est de combattre les préjugés de la science aussi bien que ceux de l’ignorance, de faire aimer de ses élèves les chefs-d’œuvre de la littérature française et de leur en inspirer l’intelligence avec le goût. […] Gardons-nous de le verser dans une coupe qui ne soit pas faite du cristal le plus pur, de peur qu’il ne s’y mêle quelque goût étranger. […] S’il lutte contre le faux goût, c’est qu’il aime le simple et le vrai.

27. (1697) Poquelin (Dictionnaire historique, 1re éd.) [graphies originales] pp. 870-873

C’étoit un defaut que peut-être nous ne savons pas ; c’étoit le ridicule ou de quelques faits particuliers, ou de quelque goût passager & commun en ce tems-là, mais qui nous est inconnu lors même que nous pouvons consulter les originaux. […] C’est une prérogative de grand poids ; car enfin l’on ne peut pas accuser ce siecle de manquer de goût pour les endroits relevez des Poëtes Latins. […] Il a des beautez qui disparoîtroient dans les versions, & à l’égard des païs où le goût n’est pas semblable à celui de France ; mais il en a un grand nombre d’autres qui passeroient dans toutes sortes de traductions, & de quelque goût que les lecteurs fussent, pourveu qu’ils entendissent l’essence des bonnes pensées.

28. (1732) Moliere (Grand Dictionnaire historique, éd. 1732) [graphies originales] « article » pp. 45-46

Il donna avant & depuis ce tems-là, plusieurs pieces dans le veritable goût de la comedie, que nos auteurs avoient negligé, corrompus par l’exemple des Espagnols & des Italiens, qui donnent beaucoup plus aux intrigues surprenantes, & aux plaisanteries forcées, qu’à la peinture des mœurs & de la vie civile. […] Dans le Bourgeois gentilhomme, le Pourceaugnac, les Fourberies de Scapin, & les autres de cette nature, il a trop donné au goût du peuple, pour les situations & les pointes bouffonnes.

29. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Enfin sa Troupe fut arrêtée au service du Roi en 1665 ; et ce fut alors, que l’on vit règne le vrai goût de la Comédie sur le Théâtre Français. […] Bien des gens de goût se récrièrent contre elle ; mais le peuple pour qui Molière l’avait faite, la vie en foule et avec plaisir. […] Molière, pour se venger de ce Campagnard, le mit en son jour sur la Scène, et en fit un divertissement au goût du peuple, qui se réjouit fort à cette pièce. […] Enfin sa Troupe fut arrêtée au service du Roi en 1665 ; et ce fut alors, que l’on vit régner le vrai goût de la Comédie sur le Théâtre Français. […] Celle-ci l’ayant vivement attaqué dans son Traité des causes de la corruption du goût, il lui répondit par les Réflexions sur la critique, […].

30. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

Guidé par la nature, le goût, le discernement, il connut qu’un poëte dramatique, loin de se faire une diction à lui, ne doit avoir que celle que le caractere de ses pieces ou de ses personnages amene naturellement. […] Peu d’Auteurs ont la force de lutter contre le goût du siecle ; & voilà le mal. […] Je suis persuadé que le goût d’expression qui regne aujourd’hui, vient moins d’une imagination heureuse que de la stérilité des Auteurs : la moindre réflexion suffit pour le prouver. […] C’est à mes lecteurs à peser cette pensée, à juger combien de goût, de force d’esprit, de philosophie, de grandeur d’ame, elle décele, & sur-tout dans un Roi. […] On devroit donc intituler dialogues, romans, recueil d’épigrammes ou de bons mots les comédies de nos jours ; peut-être sous ce titre seroient-elles lues & estimées de la postérité : mais en les donnant pour des comédies, je doute que, si dès-à-présent elles ne plaisent pas aux personnes de goût, elles puissent dans la suite avoir un succès plus favorable.

31. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Ce n’est pas assurément que je veuille blâmer en cela le goût français, ni disputer de la prééminence des genres. […] Tout ce qui dans cette pièce manque de finesse et de goût vient de l’auteur français, et contraste avec l’esprit délicat de la poésie espagnole : Scarron est pourtant un écrivain du siècle de Louis XIV, et qui ne manque pas de réputation. […] Mazarin avait introduit en France le goût de l’opéra italien. […] Le goût pour les sentiments romanesques, qui a dominé pendant une partie du dernier siècle, a prolongé un peu l’existence du drame larmoyant ; mais la tragédie bourgeoise n’a jamais eu beaucoup de succès en France, parce qu’on y aime trop ce qui a de l’éclat et de pompe. […] Ils avaient bien raison de combattre en désespérés, car si cette pièce avait réussi, c’en était fait peut-être des saintes unités, et de ce lion goût qui veut que l’on sépare à jamais la peinture des héros de celle des gens du peuple.

32. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Regnard imitateur de Moliere. » pp. 51-80

Ma premiere femme étoit assez gentille, Une Bretonne vive, & coquette sur-tout, Qu’Eraste, que je sers, trouvoit fort à son goût : Je crois, comme toujours il fut aimé des dames, Que nous pourrions bien être alliés par les femmes ; Et de monsieur Géronte il s’en faudroit bien peu Que par-là je ne fusse un arriere-neveu. […] Nous voyons dans ces deux couplets les mêmes mots, les mêmes idées ; les deux personnages y ont les mêmes prétentions, les mêmes fatuités ; tous les deux vantent la beauté de leurs dents, de leur jambe, la finesse de leur taille, la délicatesse de leur goût & de leur esprit, leur talent singulier pour séduire les femmes ; tous les deux concluent qu’avec leur mérite on peut être content de soi dans tous les pays. […] Et moi, je ne prends point de goût à votre raillerie. […] Vos ris ne sont point de mon goût, Et vos airs insolents ne plaisent point du tout. […] Mais Regnard pillant Moliere le maître de son art, quand il est à peine dans le tombeau ; Regnard voulant s’approprier les traits frappants des chefs-d’œuvre qu’on représente journellement, & qu’on représentera toujours, à moins que le goût ne retombe tout-à-fait dans la barbarie ; Regnard, dis-je, s’exposant à être comparé tous les jours à Moliere, me paroît ou bien inconséquent ou bien présomptueux.

33. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

L’interprétation est encore un goût à la mode. […] Il ne se contentait pas de faire composer à sa Julie une Guirlande de madrigaux célèbres ; il en composait aussi, et du même goût. […] Quel génie a trouvé grâce devant ce qu’on appelle le goût ? Et cependant le génie reste, et le goût change, et nous n’en raisonnons pas comme Voltaire, qui n’en raisonnait déjà plus comme Boileau. […] Point de mesure, donc point de goût.

34. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Il affectionne les vieilles modes, pour le plaisir de ne pas faire comme son temps ; et il attaque les nouvelles, par dépit d’être seul de son goût. […] Il a voulu la former tout exprès pour lui ; il ne lui souffre aucun goût auquel il aurait à sacrifier les siens ; il lui a interdit les bals, les rubans, et jusqu’à la société de Léonor, sa sœur. […] Les gens d’un goût délicat voulaient qu’il n’eût plus besoin ni d’un trait hasardé, ni d’une grimace, ni d’un coup de brosse, ni d’aucun embellissement emprunté à la mode, et fragile comme elle. […] Plus d’un homme de goût, tout en battant des mains à L’École des Maris, demandait à Molière le Misanthrope et le Tartufe. […] Les gens de goût y reconnaissent la langue la plus près de la pensée, et l’expression la plus parfaite de l’esprit de société dans notre pays.

35. (1706) Lettre critique sur le livre intitulé La vie de M. de Molière pp. 3-44

Car bien que je ne sois pas de son temps, je sais néanmoins qu’il a eu des Scènes à la Cour, et ailleurs, qui auraient fait plaisir à un Lecteur de goût. […] Nous avons eu pour le goût du temps des Pièces excellentes avant Molière. […] C’est un don de la Nature, que l’Expérience façonne sans aucunes règles, que de s’accommoder au goût du Public. […] L’Auteur fait bien connaître par cette proposition, qu’il n’entend ni l’action de la Chaire, ni l’action du Théâtre : car je ne puis m’imaginer que cela soit sorti de la bouche de Chapelle, qui était un homme d’esprit et de goût.

36. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. Du Genre gracieux. » pp. 91-102

Ce genre, accrédité par les Graces 17 & par Zénéide 18, qui sont en effet deux petits chefs-d’œuvre dans leur espece ; ce genre, dis-je, a pris naissance de la pastorale, non telle qu’elle étoit du temps des soties, des mysteres, mais telle qu’on la traita quand le goût, commençant à s’affranchir des liens de la grossiéreté & de la barbarie, les Auteurs mirent l’Amour au rang de leurs interlocuteurs, firent succéder la galanterie à la dévotion, les détails agréables aux grossiéretés, les tableaux tendres & voluptueux aux situations les plus indécentes. […] Les pieces dans ce goût ne doivent être que des miniatures. […] Je pourrois aisément traiter tous les autres avec la même exactitude ; si je n’étois sûr de rendre par-là mon ouvrage trop monotone, il me seroit très aisé de démasquer la véritable origine de tous les genres, & de prouver, par des exemples frappants, que ceux à qui l’on veut donner un air de nouveauté, ne paroissent tels aux yeux de l’ignorance, qu’en s’éloignant des bons modeles, en se parant de toutes les vieilles rapsodies auxquelles l’enfance de l’art a donné naissance, & que le goût avoit fait oublier.

37. (1801) Moliérana « Vie de Molière »

Son goût pour l’étude se développa, il pressa son grand père d’obtenir qu’on le mît au collège, et il arracha enfin le consentement de son père qui le mit dans une pension, et l’envoya aux Jésuites. […] Louis XIV, qui avait un goût naturel et l’esprit très-juste, sans l’avoir cultivé, ramena souvent par son approbation la cour et la ville aux pièces de Molière. […] Peinture simple des ridicules qui étaient alors répandus dans la province, d’où ils ont été bannis à mesure que le goût et la politesse s’y sont introduits.

38. (1836) Une étude sur Molière. Alceste et Célimène (La Revue de Bordeaux et Gironde unies) pp. 65-76

. — C’est non seulement un homme de génie, mais c’est encore un homme d’esprit et de goût. […] L’amour d’Alceste pour Célimène est facile à comprendre ; il est homme de goût, elle est femme de goût; il est homme d’esprit, elle est femme d’esprit ; mais Alceste a du génie : de là, l’inégalité et le malheur.

39. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

De cette comparaison entre les œuvres de la même famille, un grand intérêt peut surgir, celle-ci éclairant celle-là, en même temps que les unes et les autres obéissent aux mêmes lois du goût, de l’esprit et du bon sens. […] Le Malade imaginaire est complètement un imbécile, sans une ombre de goût et d’esprit, en dehors de sa maladie ; le Bourgeois gentilhomme, autre victime : on ne lui laisse pas même assez de bon sens pour se conduire, au-delà de sa passion d’être et de paraître. — Tout ou rien, voilà la comédie ; ou la honte absolue, ou la gloire sans tache ! […] Cela est si doux, en effet, et si rare au théâtre, une belle jeune fille innocente, naïve, toute blanche, heureuse, qui récite avec beaucoup d’esprit et de grâce les vers incisifs de Molière, avec beaucoup de tact et de goût la prose élégante de Marivaux ! […] La comédie reprend un peu quand arrive le Fâcheux au plus fort de la répétition, et quand Molière donne la réplique à Lagrange, qui joue un rôle de marquis ; le gazouillement de mademoiselle Duparc et de mademoiselle Molière est aussi une plaisanterie du meilleur goût ; tant que Molière reste dans la comédie il est excellent ; mais une fois dans la satire, il faut avouer qu’il va trop loin. […] Saint-Évremond, un bel esprit de cette famille des beaux esprits, disait souvent que les grands admirateurs étaient de sottes gens, et La Bruyère, qui se plaignait, puisque les grands sujets lui étaient défendus, d’être forcé de faire la satire des ouvrages de l’esprit, indique à merveille les limites de la critique : « Il ne faut pas, dit-il, mettre un ridicule où il n’y en a point, c’est se gâter le goût, c’est corrompre son jugement et celui des autres.

40. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. De la Catastrophe ou du Dénouement. » pp. 503-516

quelle différence pour quiconque a du goût ! […] J’ai toujours admiré le dénouement de l’Amour Médecin, & j’ai été bien flatté de voir Riccoboni de mon sentiment, parcequ’il est très agréable de penser comme un homme de goût. […] Voilà comme chez Moliere le goût, la finesse, la vraisemblance, les égards, la délicatesse du cœur, l’économie & toutes les bienséances concourent à le mettre, pour les dénouements comme pour les autres parties de ses drames, au-dessus de tous les Auteurs.

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

Rire à la comédie, pleurer à la tragédie ; voilà le premier précepte établi par les anciens, par le goût & la raison, suivi par les bons Auteurs de tous les pays. […] Si leurs drames sont tristes, en revanche ils me paroissent eux-mêmes bien plaisants, de vouloir se montrer plus sages que la nature, cette mere bienfaisante qui donne un goût agréable aux aliments les plus nécessaires. […] Madame la Comtesse d’Escarbagnas en purge la province, y établit le goût de la bonne société, & la politesse aisée qui regne dans la capitale. […] La Poésie a été de tout temps, & de l’aveu de toutes les personnes de goût, une imitation de la nature. […] Un tel aveu est d’un grand comédien, & d’un homme qui voit avec peine le goût du public se corrompre tous les jours.

42. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

« Le goût pour les spectacles était presque général en France, depuis que le cardinal de Richelieu avait accordé une protection distinguée aux poètes dramatiques. […] Molière s’avisa donc de faire des vers du goût de ceux de Benserade à la louange du roi, qui représentait Neptune dans une fêtea. […] On se contenta d’admirer également et l’art avec lequel Molière avait mis en œuvre ce qu’il avait emprunté de Plaute, et la justesse de son goût dans les changements et dans les additions qu’il avait cru devoir faire. […] « Les personnes d’un goût exquis, celles dont nous avons dit qu’elles avaient la vue meilleure que les autres, prévirent même d’abord quel parti le public prendrait avant peu de jours. […] La Muse Dauphine est une gazette en vers, dans le goût de celles de Loret et de Robinet ; elle est aussi divisée par semaines.

43. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

Cette maligne haine, outre qu’elle y foisonne, Y dure beaucoup plus que le goût d’un amant. […] Oui, milord hypocondre, Je pourrois censurer les usages de Londre,   Comme vous attaquez nos goûts : Mais je ris simplement & de vous & de nous. […]  Esclave né d’un goût national,  Vous êtes toujours partial.

44. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

Corneille, entraîné par l’exemple de ceux qui avaient pris sa place, crut devoir s’y conformer, et tempérer le sujet plein d’horreur et d’effroi qu’il avait choisi par la passion de l’amour, qui en général est toujours du goût des spectateurs. […] Racine le porta peu de temps après, le genre comique n’était qu’amusant et gai ; et c’est dans ce goût qu’on vit paraître L’Amant indiscret, ou le Maître étourdi ; La Comédie sans comédie ; Le Geôlier de soi-même ; Le Pédant joué, et Le Campagnard. […] « [*]Les incidents du Dépit amoureux sont arrangés avec plus d’art (que ceux de L’Étourdi), quoique toujours dans le goût espagnol. […] Il connut par là les goûts du siècle ; il vit qu’il était malade, et que les bonnes choses ne lui plaisaient pas. […] Picorin, poète dans le goût précieux.

45. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Les frères Parfaict rapportent l’avis d’un meilleur juge en ce genre : « Personne n’a mieux su se mettre à l’air de son visage par l’arrangement de sa coiffure, et plus noblement par l’ajustement de son habit. » Non-seulement elle ne suivait pas servilement la mode, mais elle la corrigeait quelquefois avec une telle sûreté de goût qu’elle la faisait et l’imposait. […] Outre sa beauté, elle y apportait « une voix extrêmement jolie, » elle « chantoit avec un grand goût le français et l’italien, elle dansoit à ravir. » Molière, nous apprend de Visé, se vantait « de faire jouer jusques à des fagots ; » on devine quel maître eut en lui une élève si bien douée et dont le succès lui tenait au cœur autant que le sien propre. […] Elmire a, du reste, les goûts de luxe et d’élégance d’Armande elle-même ; ce « train » de maison, ces robes de « princesse, » qui excitent les colères de MmePernelle, étaient le cadre que Molière avait donné à la beauté de sa femme. […] A défaut d’autres preuves, son goût de la parure et ses recherches de fantaisie originale suffiraient pour l’indiquer. […] Avide de plaisirs et de vie bruyante, Armande aurait voulu imposer ses goûts à son mari ; revenu de bien des choses, souffrant, écrasé de travail et de soucis, Molière aspirait à la vie de famille, intime et cachée.

46. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

Ces plaisirs magnifiques, qui durèrent sept jours, et à la description desquels Voltaire n’a pas dédaigné de consacrer plusieurs pages, étaient dans ce goût moitié guerrier et moitié galant qui rappelle les jeux de l’ancienne chevalerie. […] Les changements qu’il y a faits tiennent à plusieurs causes : quelques-uns étaient commandés par la différence de goût qui existe entre les deux nations ; d’autres sont dus au génie particulier de l’imitateur ; d’autres, enfin, doivent être attribués aux circonstances qui maîtrisaient et précipitaient son travail. […] Pieyre, l’estimable auteur de L’École des pères, a fait sur la Comédie de La Princesse d’Élide un travail qui a obtenu l’approbation des gens de goût. […] Tour à tour barbare et généreux à l’égard des hommes, il est prêt à leur ôter froidement la vie, plutôt que de contrarier le plus léger de ses goûts, en leur donnant la plus juste des satisfactions ; et, pour sauver leurs jours attaqués, il n’hésite pas à exposer les siens.

47. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Le goût a changé avec les mœurs ou plutôt avec les bienséances. […] L’étude et le goût de la langue espagnole s’étant introduits en France à la suite d’une reine, Anne d’Autriche, les auteurs dramatiques de sa nation étaient devenus familiers à ceux de la nôtre, qui puisèrent à l’envie des sujets dans les innombrables productions de Lope de Vega, de Calderon et de leurs disciples. […] Le public applaudissait à ces compositions monstrueuses : les chefs-d’œuvre qui seuls pouvaient former son goût n’existaient pas encore. […] La comédie héroïque est l’inverse de la tragédie bourgeoise : notre goût les repousse toutes deux ; ce sont moins deux genres que deux espèces bâtardes qui n’ont jamais pu s’acclimater parmi nous. […] Lui-même a-t-il imposé ce titre d’une manière tout à fait exacte, lorsqu’il a nommé École des maris, une pièce où nul mari ne figure, et qui serait presque aussi bien appelée l’École des parents, ou des instituteurs, puisque la principale moralité qu’on en doive tirer, c’est qu’il ne faut point user envers la jeunesse d’une sévérité excessive, si l’on ne veut lui inspirer une juste aversion pour soi, et en même temps un goût plus vif des choses même qu’on lui interdit ?

48.

Louis XIV surtout qui a de l’honnête homme en toute chose et qui a le goût de l’honnête homme, a le courage de son goût. […] Et encore est-ce plutôt par tradition que par goût qu’on continue à maintenir cette représentation annuelle. […] Le goût du public a trop changé. […] Il y a là, chez Molière, une façon de grouper les mots qui relève fortement le goût de cette bagatelle, et que nous aurions voulu retrouver en hollandais. […] Le traducteur y a aussi ajouté plusieurs grossièretés, ayant le goût du terroir de ce temps.

49. (1852) Molière, élève de Gassendi (Revue du Lyonnais) pp. 370-382

Ils se sont fait plus de renommée par leur amour des plaisirs, par leurs débauches, leurs goûts aventureux, leur turbulence, leurs vers anacréontiques, que par leur sagesse ou leurs travaux philosophiques ; ils ont eu plus de souci de mettre en pratique la philosophie d’Épicure, ressuscitée par Gassendi, que d’en approfondir la théorie. […] Ainsi Armande dit à Henriette : Songez à prendre goût des plus nobles plaisirs, Et, traitant de mépris les sens et la matière, A l’esprit, comme nous, donnez-vous tout entière… Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie. […] Pour donner plus de goût à sa traduction, Molière avait rendu en prose toutes les matières philosophiques, et il avait mis en vers les belles descriptions de Lucrèce. » (Mémoires sur la vie de Molière, en tête de l’édition d’Aimé Martin).

50. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Pieces intriguées par le hasard. » pp. 223-240

Marcella se trouble : elle dit à Lisardo que son secret & sa vie sont dans ses mains, ce qui confirme Lisardo dans l’idée où il étoit que la maîtresse de son ami a du goût pour lui. […] Pour peu qu’on ait de goût, on admirera la richesse de cet acte ; mais l’on se gardera bien de dire que le hasard seul en a rapproché tous les incidents. […] Riccoboni semble dire que le spectateur est flatté de voir des incidents amenés par le hasard, parceque le hasard est la divinité qui préside à tous les événements de la vie ; mais Riccoboni avoit trop de goût pour avoir une pareille idée.

51. (1663) Nouvelles nouvelles pp. 210-243

Et comme, loin de combattre les mauvais goûts du siècle et de s’opposer à ses appétits déréglés pour lui faire reconnaître son erreur, ils s’accommodent à sa faiblesse, il ne faut pas s’étonner si ce même siècle leur donne des louanges que la postérité ne leur donnera sans doute pas. […] Cependant il est constant qu’il a le goût fin et délicat, qu’il connaît bien les défauts de tout ce qu’il voit, et qu’il n’estime pas tout ce qu’il approuve ou qu’il feint d’approuver. […] Il connut par là les goûts du Siècle, il vit bien qu’il était malade et que les bonnes choses ne lui plaisaient pas.

52. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il était le juge même du goût public, sauf à voir, lui aussi, son arrêt cassé par les maîtres. — À Dieu ne plaise, que Votre Majesté se connaisse en vers mieux que moi, disait Despréaux. […] La première lecture qu’en fit Molière se fit chez Ninon de Lenclos, cet honnête homme d’un goût exquis, d’une beauté fine, d’une philosophie pleine de grâce et de malice. […] Le petit goût précieux, la démarche pédante, le comme il faut, le curieux style aux petites recherches, les coups de raquette et d’éventail n’ont rien à faire en tout ceci. […] Jamais peut-être Molière n’a représenté avec plus de goût les innocentes coquetteries d’une jeune et belle femme d’esprit. […] comme tout cela aurait besoin d’être joué avec beaucoup de goût, de retenue, de modestie, et de politesse.

53. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

Lorsqu’il commença à travailler elle était dépourvue d’ordre, de mœurs, de goût, de caractères ; tout y était vicieux. […] La Cour ne lui fit pas perdre le goût qu’il avait pris dès sa jeunesse pour la Comédie : ses études n’avaient même servi qu’à l’y entretenir. […] C’étaient les Trois Docteurs Rivaux, et le Maître d’École, qui étaient entièrement dans le goût Italien. […] Tout le monde sait combien les bons Juges, et les gens du goût délicat se récrièrent contre ces deux pièces. […] Molière s’avisa donc de faire des vers du goût de ceux de Benserade, à la louange du Roi, qui représentait Neptune dans une fête.

54. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Si l’on demande aux faits positifs des preuves de cet état moral, on n’a que l’embarras du choix : son goût pour Lucrèce qu’il traduit, sa longue amitié avec Chapelle, ses relations avec le sceptique La Mothe le Vayer et l’incrédule des Barreaux. […] Plusieurs détails décèlent même le goût du bibelot, comme nous dirions aujourd’hui ; ainsi « une grande coupe de porcelaine fine, » soixante-huit pièces de cette porcelaine de Hollande, — « vases, urnes, buires, »— dont on parait les cheminées et les buffets, etc. Grimarest était donc bien renseigné lorsqu’il écrivait : « Il étoit très sensible au bien qu’il pouvoit faire dire de tout ce qui le regardoit ; ainsi, il ne négligeoit aucune occasion de tirer avantage dans les choses communes comme dans le sérieux, et il n’épargnoit pas la dépense pour se satisfaire. » Appelons les choses par leur nom : avec un sentiment très vif du charme que met dans la vie un entourage familier de belles choses, Molière n’était pas exempt d’un certain goût d’ostentation. […] Le goût de l’ordre n’empêchait pas un certain laisser-aller dans la conduite de ses affaires. […] Médiocrement chrétien et peu respectueux dans un siècle imprégné de foi et d’esprit hiérarchique, épicurien de goûts et de conduite, Molière était, à la fois, en retard et en avance sur son temps ; il se rattachait au XVIe siècle par son esprit d’indépendance, il faisait pressentir le XVIIIe par son désir de tout soumettre au rire, c’est-à-dire à la discussion.

55. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Tout l’artifice du poète consiste à transposer les rôles, c’est-à-dire à mettre l’ignorance et la sottise du côté des admirateurs de L’École des femmes, le jugement, l’esprit et le goût du côté de ses détracteurs ; et, comme de raison, c’est à ceux-ci que demeure tout l’avantage de la contestation. […] Un homme d’esprit et de goût entreprend de la défendre un peu méthodiquement contre les attaques sournoises d’un auteur, grand partisan des règles et surtout grand ennemi des succès d’autrui. […] Sa voix était charmante ; elle chantait avec beaucoup de goût, et n’en mettait pas moins dans sa parure, où seulement elle outrait trop la magnificence. […] Il avait du goût pour l’épée ; ses parents voulurent le mettre dans la robe. […] À la demande du roi, il composa, dans ce goût, la comédie du Mariage forcé, qui fut représentée, pour la première fois, au Louvre, le 29 janvier 1664 : le roi dansa dans une des entrées.

56. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Dire que la chasteté du langage ne doit pas aller au-delà de celle des mœurs, quelque corrompues qu’elles soient, c’est prétendre que la société de mœurs honnêtes est condamnée à entendre et à parler un langage qui respire le mépris de l’honnêteté et de la morale ; c’est avancer que le langage peut mettre à découvert des mœurs que la morale oblige à cacher ; c’est aussi établir en principe que des esprits délicats et polis n’ont pas le droit d’exclure de leur langage des expressions grossières et brutales, et j’observe ici que si la décence est une loi de la morale, c’est aussi une loi du goût. […] Le cynisme prive de tous les charmes qu’elle répand dans la vie sociale à tous les degrés des liaisons et des intimités qu’elle procure, Le goût veut donc, comme la morale, que moins les mœurs sont pures, et plus on les déguise sous un langage exempt de leur souillure.

57. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Concision, dont je me suis servi au commencement de cet article, ne sera pas sans doute du goût de mon Censeur ; mais lui-même qui se tient si fort à l’antique n’a-t-il rien hasardé dans sa Critique ? […] Je me récrierai toujours contre ces Juges, qui n’ayant qu’une légère connaissance de la langue, s’imaginent que ce qui n’est pas à leur goût et à leur portée, n’est pas bon : et que toutes sortes de sujets peuvent être traités d’un style général. […] Son goût dégénère tous les jours : accoutumé depuis quelque temps à des traits grossiers, il n’est plus susceptible de délicatesse. […] Il savait par son expérience que le Public de Paris n’était pas aisé à gagner dans un temps, où il y avait des Auteurs et un goût pour lesquels il était prévenu. […] Mon Censeur n’est plus le même, quand il parle du Courtisan extravagant, il manque de goût, « Cela, dit-il, n’est pas bon dans un Livre ; c’est un morceau de Pièce tout fait pour le Théâtre. » Mais il n’a pas remarqué que cette aventure aurait été plate, si je n’avais mis le Courtisan en action, si je n’avais peint son caractère par ses expressions, que je n’aurais pu employer dans un simple récit.

58. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

Brueys et Palaprat, nés tous deux dans le midi de la France, et qui avaient la vivacité d’esprit et la gaieté qui caractérisent les habitants de ces belles provinces, réunis tous deux par la conformité d’humeur et de goût, et qui mirent en commun leur travail et leur talent, sans que cette association délicate ait jamais produit entre eux de jalousie, nous ont laissé deux pièces d’un comique naturel et gai. […] Il avait alors près de quarante ans, et la vie qu’il avait menée jusque-là, son goût pour le plaisir, le jeu et les voyages, semblaient promettre si peu ce qu’il est devenu, que quelques détails sur sa personne et ses aventures, d’ailleurs curieux par eux-mêmes, ne feront que répandre plus d’intérêt sur la notice de ses ouvrages dramatiques. Regnard, célèbre par ses comédies, aurait pu l’être par ses seuls voyages : c’était chez lui un goût dominant qui ne fut pas toujours heureux, mais qui était si vif, qu’éteint parti pour voir la Flandre et la Hollande, il alla, en se laissant toujours entraîner à sa passion, d’abord jusqu’à Hambourg, de Hambourg en Danemark, en Suède, et de Suède jusqu’en Laponie. […] Peut-être aussi le désir de plaire au roi de Suède, qui ne l’avait engagé à faire ce voyage que pour recueillir les observations qu’il y pourrait faire, le rendit plus attentif qu’il ne l’aurait été naturellement ; et cet esprit courtisan que l’on prend toujours auprès des rois asservit pour un moment l’humeur indépendante et libre d’un homme absolument livre à ses goûts, et qui semblait ne changer de lieu que pour se défaire du temps. […] Après le Joueur, il faut placer le Légataire : il y a même des gens d’esprit et de goût qui préfèrent cette dernière pièce à toutes celles de Regnard : c’est peut-être le chef-d’œuvre de la gaieté comique, j’entends de celle qui se borne à faire rire.

59. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Molière veut que l’amour repose sur la confiance, et la confiance ne peut exister sans la convenance des âges, des caractères, des goûts. […] Tout le reste est dans le même goût. […] Ceci est de meilleur goût. […] Une ancienne passion devient pour elles une prison insupportable. » Voilà ce que pense des dames de son temps l’homme que Tacite appelle l’arbitre du goût. […] Il se peut que ce vin fût alors très agréable au goût, mais nous pouvons affirmer qu’il a singulièrement dégénéré.

60. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

Boileau, le champion de la raison, qu’on trouve sur la brèche partout où le goût du temps essaie d’en franchir les remparts, s’est montré là, comme en maint endroit, le digne second de Molière, et il a retrouvé le pinceau de Juvénal pour aider son ami à rendre la coquette à jamais odieuse : D’abord, tu la verras, ainsi que dans Clélie, Recevant ses amants sous le doux nom d’amis, S’en tenir avec eux aux petits soins permis ; Puis, bientôt en grande eau sur le fleuve de Tendre, Naviger à souhait, tout dire, et tout entendre. […] Bien plus, il la voulait jusque dans le langage parlé par l’amour, et il repoussait, autant par cœur que par goût, le style faux que l’on croyait alors le style obligé de la passion. […] Ce n’était pas seulement, on le répète, son goût, c’était son cœur sincère qui s’indignait avec Alceste contre le sonnet d’Oronte, et préférait hautement la chanson de ma mie et du roi Henri À ces quolifichets dont le bon sens murmure. […] V, Le je ne sçay quoy ; et non pas le sec paragraphe de l’Essai sur le Goût, de Montesquieu : Du je ne sais quoi.

61. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

C’est le génie d’où elle émane, c’est le goût qui la comprend et qui la sent. […] Comprenez-vous que cet homme ait un si grand train de maison, sans aucun goût de recevoir ? […] Mlle Fix a du talent, de la bonne volonté : elle avait étudié son rôle avec goût. […] Encore Cadet y porte-t-il un certain goût d’art et une mesure relative. […] Perrin cède trop aisément en cette affaire aux préventions d’un goût personnel.

62. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Sous Charles II, prince imbu usages, des opinions et des goûts de la France, les deux genres furent séparés, et la comédie de mœurs se montra sur la scène anglaise. […] Corneille avait imité en homme de génie ; les auteurs de l’époque copièrent sans discernement et sans goût. […] Au reste, l’extrême importance attachée au mérite d’un dénouement est un des raffinements, une des exigences de notre goût moderne. […] En tout, ses habitudes se sentaient d’un certain goût pour la magnificence, l’apparat et la représentation. […] Il avait aussi du goût pour le commandement, et sa gravité habituelle l’y rendait propre.

63. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

On ne peut même point les accuser de manquer de goût, puisqu’ils prennent celui de ces dames. […] Nous vous avons tout confié, mesdames : notre goût comme, notre honneur. […] Pardonnez la perversité de mon goût. […] Je vous ai expliqué de mon mieux pourquoi la pruderie anglaise, excommuniait le mot ivre, — sans prétendre pourtant que toutes les dames anglaises aient le goût en question, Dieu merci !

64. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Non-seulement en effet ils ne réussiront jamais à prouver que le secret de Corneille, de Racine, et de Molière est venu jusqu’à eux, transmis fidèlement de génération en génération, mais il n’est pas malaisé de leur montrer que le sens qu’ils donnent parfois à leurs rôles ne s’accorde pas avec l’intention de hauteur et blesse le goût et la raison. […] Un tel conseil n’est pas du goût des comédiens. […] On ne sait pas à quel point le goût public est dépravé par les œuvres uniquement destinées à combattre l’ennui. « C’est une vieille pièce, disait-on près de moi ; mais elle est si bien jouée ! […] L’ancien répertoire, mieux compris et mieux rendu, relèverait le goût des spectateurs, et lorsque le public se serait familiarisé avec les grands ouvrages simplement conçus, écrits dans une langue harmonieuse et hardie, les écrivains dramatiques sentiraient plus vivement le besoin d’étudier ces beaux modèles.

65. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

Les remarques de Voltaire et de La Harpe sont pleines de goût, mais peu nombreuses. […] Lorsqu’il commença à travailler, elle était dépourvue d’ordre, de mœurs, de goût, de caractères ; tout y était vicieux. […] Il n’y avait aucun goût de théâtre ; rien n’y était dans la nature : c’était plutôt un recueil de bons mots que des scènes suivies. […] Molière s’avisa donc de faire des vers du goût de ceux de Benserade, à la louange du roi, qui représentait Neptune dans une fête. […] Une tendre amitié et le goût de la comédie les ayant réunis, ils élevèrent leurs tréteaux à l’Estrapade, et ils obtinrent une si grande vogue, que le bruit en parvint jusqu’à Richelieu.

66. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Le roi, à peine arrivé, et pendant que l’orgueil de madame de Montespan était au plus haut degré d’exaltation, prit du goût pour la comtesse de Ludres, qui était attachée au service de Madame. […] Madame de Caylus dit qu’elle avait pour elle le goût et l’habitude du roi ; c’est-à-dire sa familiarité.

67. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Les gravelures devenaient à la mode ; et Dancourt, comme bien des auteurs, servit le public selon son goût. […] Le goût du jeu, qui ne se rencontrait guère jadis que chez les gens de qualité, avait gagné toutes les classes. […] On voit presque aussitôt se propager dans toutes les classes le goût funeste de l’agiotage, qui bientôt dégénère en passion effrénée. […] Serait-ce l’effet du hasard, ou ne serait-ce pas plutôt celui de vos goûts et de vos penchants que les auteurs ont su deviner et exploiter? […] Cela pouvait faire rire, mais c’était à coup sûr aux dépens du goût, et, ce qui est pire encore, aux dépens de la vérité.

68. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Il est plus naturel de penser qu’il s’y rendit sans peine, et qu’il n’eut l’air de s’en défendre que pour ne pas compromettre la délicatesse de son goût ; et, si dans le fait il avait peu de penchant pour un genre indigne de ses hautes conceptions comiques et de la pureté de son école, il n’était pas fâché de traduire sur la scène le libertin effronté qui se joue de toutes les lois divines et humaines, avant d’y exposer le libertin hypocrite qui invoque sans cesse le ciel pour satisfaire les plus honteuses passions. […] Qui nous dit que sa politique n’eût pas imposé silence à ses goûts, à sa raison même ? […] Son auteur reçut de publics hommages, on le proclama le vengeur de la religion et du goût, et un autre poète de la même cabale lui adressa une épître de félicitations où l’on remarque ce passage : Molière plaît assez, son génie est folâtre ; Il a quelque talent pour le jeu du théâtre ; Et, pour en bien parler, c’est un bouffon plaisant Qui divertit le monde en le contrefaisant. […] Le poète de la raison et du goût, Despréaux, était l’admirateur du génie de Molière ; il le proclamait dans ses vers, il le répétait à la cour. […] C’est donc plutôt une correction indiquée au goût de l’auteur qu’une concession faite à la susceptibilité des bigots.

69. (1802) Études sur Molière pp. -355

Je remarque principalement l’envie qu’il a de faire rire, et j’applaudis à cette question, si remplie de goût, que lui fit Préville après la pièce : Qui de nous deux était le comique ? […] Il est bien surprenant qu’aucun homme de goût ne se soit pas élevé contre la bande de papier qui cachète la boîte d’or dans laquelle cette lettre est renfermée. […] Ferme, appuyez, messieurs les gens de goût. […] Peut-être servirait-on l’art, le goût et les jeunes comédiens, en faisant représenter de temps en temps, sur tous les théâtres, L’Impromptu de Versailles. […] La multitude rit à la vérité, mais les gens de goût haussent les épaules.

70. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Tous ces grands défauts à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles que quelque faut goût, quelque sot entêtement, quelques affectations ridicules, telles que celles qu’il a reprises assez à propos dans les prudes, les précieuses, dans ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelque poésie de leur façon à montrer aux gens. […] Aussi peut-on dire qu’il se souciait peu d’Aristote et des autres maîtres, pourvu qu’il suivît le goût de ses spectateurs qu’il reconnaissait pour ses uniques juges.

71. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX & dernier. Des causes de la décadence du Théâtre, & des moyens de le faire refleurir. » pp. 480-499

Quand une troupe adoptera des monstres dramatiques, l’autre, toujours ferme dans le bon genre, empêchera le goût de se corrompre, ou nous ramenera au vrai beau. […] Sachez l’amuser, il vous donnera la préférence, & le goût triomphera sans peine de la futilité la plus déshonorante pour la nation59. […] Qu’on cesse d’y représenter ces drames étonnants qui blasent le goût, & produisent sur le public l’effet des liqueurs fortes sur les palais délicats ; qu’on ne s’y borne pas à rouler sur sept ou huit canevas, tandis qu’on a le fonds le plus riche ; qu’on y reprenne ces parodies si propres à corriger les ridicules, si nécessaires pour la police du Parnasse ; qu’on y parle enfin plus au cœur & à l’esprit qu’aux oreilles : alors tout Paris dira avec Fontenelle en y courant : Je vais au grenier à sel.

72. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Or, au milieu de tant de perfection intellectuelle et de génie en toutes choses, régnait, au sujet de la femme, je ne sais quel faux goût, qui fut cause que ni le sublime Corneille ni même le tendre Racine ne firent tout à fait ce qu’on pouvait attendre d’eux : c’est seulement dans l’excès de la passion dramatique que Pauline, Hermione et Phèdre trouvèrent ces accents poignants et simples qui sont des cris de génie. […] À cette époque, quelques dames, illustres autant par l’esprit que par la naissance, puisèrent dans la société des hommes éminents et lettrés qui les entouraient, un amour de la science, un soin des lettres, un purisme de langage, qui n’étaient certes qu’une qualité de plus ajoutée à tant d’autres dans une marquise de Rambouillet, trônant par la souveraineté du goût, de la beauté et de la conversation, au milieu d’une cour où se pressaient Richelieu, Vaugelas, Racan, Balzac, Voiture, Corneille, Patru, Saint-Evremond, Montausier, où vieillissait Malherbe et débutait Bossuet, entre Julie d’Angennes, Mme de Longueville, Mlle de Coligny, Mme de La Fayette et Mme de Sévigné. […]   Le bon sens et le goût de Molière furent choqués de voir tant de femmes se gâter elles-mêmes par cette mode prétentieuse.

73. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. M. ROCHON DE CHABANNES. » pp. 381-412

Madame Lisban a la migraine, & ne veut pas accompagner son époux chez Dormene : elle est surprise de n’avoir pas encore vu de la journée Lindor son petit-cousin : elle le trouve charmant : Marton ne le trouve pas moins aimable, il lui en conte : elle demande à sa maîtresse si elle n’est pas alarmée du goût qu’elle ressent pour Lindor, & de l’indifférence qu’elle a pour son époux : Madame Lisban répond qu’elle aime Lindor comme un enfant, & qu’on est sage quand on le veut. […] Lisban accourt en faisant de grands éclats de rire : il a surpris Lindor dans le plus vif tête-à-tête avec Marton : il est venu fort heureusement pour la petite, & souhaite ne pas arriver aussi mal-à-propos, si sa femme a jamais quelque goût frippon. […] Vous en êtes pour l’italienne, je le vois : c’est là le grand goût : aussi, qu’est-ce que cette musique françoise ? […] Je suis fort aise qu’il soit de votre goût.

74. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Quant à La Fontaine, que son amour pour la rêverie et son indifférence pour la fortune tinrent toujours loin des faveurs, qui, seul avant Fénelon eut au temps de Louis XIV le goût de la solitude et le talent, de peindre la nature, comme on veut bien convenir qu’il ne doit son génie qu’à lui-même, à ses goûts et à ses auteurs favoris, les vieux écrivains du XVIe siècle, il est inutile d’insister sur ce point. […] à ce nouveau point de vue, comparez encore les deux époques : au-dessous de Corneille, vous trouvez, parmi ses contemporains, des poètes qui ont souvent un goût équivoque, mais où l’on sent encore une véritable sève ou tout au moins beaucoup d’esprit : Rotrou, Racan, Scarron, Sarrazin, Voiture. […] Ce qui fait peu d’honneur au moins à son goût, c’est que, tandis qu’il donnait sept mille livres à la troupe de Molière, il donnait à la troupe de Scaramouche quinze mille livres de pension.

75. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Tel était chez Molière le goût de la comédie, qu’à la tête d’une troupe ambulante il se mit à parcourir les villes de province. […] Si vous voulez absolument critiquer notre grand homme, critiquez-le plutôt d’avoir un peu sacrifié au goût de l’époque dans deux ouvrages, La Princesse d’Élide et Les Amants magnifiques. […] Le Noir, sieur de La Thorillière, était gentilhomme et capitaine de cavalerie, mais il se sentit un goût si décidé pour jouer la comédie, qu’il se détermina à demander à Louis XIV la permission d’entrer dans la troupe de Molière. […] Madame Molière était excellente comédienne ; elle avait une voix charmante, chantait avec beaucoup de goût le français et l’italien. […] Peu de temps après être entrée dans la troupe de Paphetin, elle prit du goût pour Beauval, qui n’était alors que gagiste de la troupe de Paphetin, et dont l’emploi était de moucher les chandelles.

76. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [16, p. 46-47] »

Un jour Molière, pour éprouver le goût de cette servante, lui lut quelques scènes d’une comédie de Brécour*, comédie qu’il disait être de lui : la servante ne prit point le change ; et après avoir entendu quelques pages, elle soutint que son maître n’avait pas fait cette pièce.

77. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « epigraph »

« Mais si, comme on l’a dit et comme de notre temps on ne se lasse pas de le prouver, l’histoire est toujours à faire, cela est vrai surtout de l’histoire des lettres, où les tentatives nouvelles du talent, les disputes des écoles, les prétentions du paradoxe et les démentis de l’expérience font incessamment découvrir des points de vue négligés dans l’art, des enseignements utiles pour le présent, des encouragements à la vraie nouveauté, des préservatifs contre la fausse et stérile hardiesse, et toute une étude d’imagination et le goût à faire pour l’avenir, sur les monuments du passé. » M. 

78. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « À M. Vacherot » p. 1

Vous m’avez communiqué le goût des questions de critique générale, et, ce qui est plus, beaucoup d’idées : je vous devais ce livre.

79. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [39, p. 69] »

Traductrice de L’Iliade (1699) et de L’Odyssée (1708) d’Homère, elle s’opposa aux libres adaptations de Houdar de la Motte et prit vivement position pour les Anciens dans son traité des Causes de la corruption du goût (1714).

80. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII.*. M. PIRON. » pp. 277-287

En jugeant les Auteurs morts nous n’avons fait, ou du moins nous sommes censés n’avoir fait, que recueillir les divers sentiments des hommes lettrés & des personnes de goût de toutes les nations : mais de quel droit nous aviserions-nous de prononcer sur les vivants, tandis que la renommée encore incertaine répete confusément ce que les partisans ou les ennemis de leur genre disent tour à tour sur leur compte. […] Quand même un homme auroit l’esprit assez juste, le goût assez épuré pour ne se laisser corrompre ni par les admirateurs ni par les critiques outrés, quand même il seroit en état de se dépouiller de tout esprit de parti & de porter un jugement sain, il doit attendre, pour le prononcer, que la voix publique l’ait confirmé29.

81. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [55, p. 89] »

Ses œuvres, tragédies, comédies, poèmes, sont dans le goût du temps ; les sujets sont empruntés à l’exotisme, à l’Antiquité classique et surtout à la littérature anglaise ; il cherche à émouvoir, attendrir ou effrayer, plutôt qu’à présenter des situations vraisemblable ou à respecter l’histoire.

82. (1910) Rousseau contre Molière

Elle a un oncle qui depuis quelques jours est ministre, et cela lui donne sur Philinte une supériorité qui n’est pas du tout du goût de celui-ci. […] Rousseau a pu sentir tout cela et ne point être en goût d’attaquer Molière relativement à cette pièce. […] Du goût ? […] Elle ne sera pas le professeur de son mari mais son disciple ; loin de vouloir l’assujettir à ses goûts, elle prendra les siens. […] Elle est certainement de meilleur goût que le public contemporain des auteurs.

83. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

C’était un reste du goût dépravé qui avait régné depuis la renaissance des lettres, et de cette mode ancienne d’avoir dans les cours ce qu’on nommait le fou du prince. […] La pupille d’Ariste, qu’il a eu soin de ne point gêner sur les goûts innocents de son âge, tient une conduite irréprochable, et finit par épouser son tuteur. […] Oui ; mais, à vous parler franchement entre nous, Il est plus pour cela selon mon goût que vous. […] La critique, en particulier, n’est utile qu’au talent; en public, elle est utile au goût: hors ces deux cas, à quoi sert-elle? […] La colère n’y regarde pas de si près, et l’homme de l’esprit le plus sévère peut manquer de goût quand il se fâche.

84. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Nous croyons être dispensés de parler du pillage maussade que les compositeurs du théâtre anglais ont fait de quelques-unes de nos tragédies et de nos comédies ; la tragédie anglaise ne captive le goût des spectateurs de cette nation que lorsqu’elle est affreusement barbare, et la comédie n’obtient des applaudissements qu’au moyen d’un sujet composé aux dépens des bonnes mœurs : avec un pareil goût on peut s’imaginer que les tragédies de Corneille ou de Racine, et les comédies de Molière, doivent être étrangement défigurées. […] Quelques personnes de goût nous ont conseillé de joindre, à la fin de ce volume, un catalogue chronologique des pièces du théâtre français, depuis son origine jusqu’à la fin de l’année 1665. […] Riccoboni, dans ses Observations sur la comédie et sur le génie de Molière, détaille avec une grande connaissance du théâtre, et beaucoup de goût, les beautés de la comédie de L’École des maris ; ensuite il joint au juste éloge de cette pièce les remarques suivantes. […] « À la moitié du second acte, par exemple, le poète espagnol amène une fête, ou un jeu dans le goût de sa nation, et dont voici les principales règles. […] Voici un passage de cette brochure qui pourra faire juger du goût et du talent de cet écrivain.

85. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [23, p. 51] »

S’étant formé en Italie, notamment sous la direction de Carissini, Charpentier s’est forgé une manière très personnelle de faire la synthèse entre l’apport italien et le goût français en musique.

86. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

La Cour ne lui fit pas perdre le goût qu’il avoit pris dès sa jeunesse pour la Comedie ; ses études n’avoient même servi qu’à l’y entretenir. […] Mais il n’en connut que mieux le goût du temps : il s’y accommoda entierement dans l’Ecole des Maris, qu’il donna le 24. de Juin 1661. […] De semblables Critiques n’empêcherent pas le cours de l’Amphitryon, que tout Paris vit avec beaucoup de plaisir, comme un spectacle bien rendu en nôtre langue, & à nôtre goût. […] Moliere s’avisa donc de faire des vers du goût de ceux de Benserade, à la loüange du Roi, qui representoit Neptune dans une fête. […] Pour donner plus de goût à sa traduction, Moliere avoit rendu en Prose toutes les matieres Philosophiques, & il avoit mis en Vers ces belles descriptions de Lucrece.

87. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

La réalité a pour symbole une planche partagée en cases sur laquelle le poète peut jouer le vulgaire jeu de dames ou le royal jeu d’échecs, selon qu’il ne possède que de simples morceaux de bois rond, ou des figures artistement taillées164 — Le besoin d’effacer en soi toute originalité pour se faire une surface unie a donné aux Français pour les termes généraux un goût contraire au vrai style comique. […] Nous avons remplacé par cette métaphore équivalent celle que voici, qui nous paraît moins claire : Le satirique ordinaire attache quelques bévues ou quelques fautes de goût sur son pilori, pour leur jeter, au lieu d’œufs pourris, quelques saillies pleines de sel… Mais le thyrse de l’humoriste n’est ni un bâton de chef d’orchestre, ni un fouet, et ses coups tombent au hasard.

88. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Unités. » pp. 352-366

Nos premiers poëtes François étoient aussi dans ce goût-là, & les modernes ne l’ont pas tout-à-fait perdu. […] Indépendamment de ses ouvrages dramatiques, nous avons de lui une histoire raisonnée du Théâtre Italien, depuis la décadence de la Comédie Latine jusqu’à son siecle ; un poëme italien sur la déclamation ; des observations sur la comédie & sur le génie de Moliere, ouvrage dont il est souvent question dans celui-ci ; des réflexions historiques & critiques sur les différents Théâtres de l’Europe, avec des pensées sur la déclamation ; un ouvrage intitulé la Réformation, dans lequel il a souvent des vues qui seroient tout-à-fait opposées au goût de notre siecle.

89. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Ses goûts s’annoncèrent dès son enfance ; il parlait à peine, qu’il chantait déjà : sa vie ne fut, pour ainsi dire, qu’une longue fête ; parvenu à son dix-septième lustre, il tirait encore des sons mélodieux de sa lyre octogénaire ; enfin, les Muses avaient présidé à sa naissance, et les Muses ont reçu son dernier soupir. […] Disciple des Collé, des Piron, des Favart, il fut admis par eux à cet ancien caveau, véritable académie du plaisir, qui fut aussi, plus souvent qu’on ne pense, l’académie du bon, goût.

90. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Je serais la plus heureuse personne du monde dans un pays où, pour peu qu’on ait de grandeur on en a toujours plus que de bonheur… J’ai beau renoncer à tous mes goûts, à tous mes sentiments, on m’accuse de choses horribles. » Plus loin : « On fera la Saint-Hubert à Villers-Cotterets ; on m’a donné 400 louis pour mes habits. » Ces lettres sont postérieures à l’établissement des enfants à Versailles, c’est-à-dire à 1674. […] Les choses terribles c’étaient des scènes de jalousie : les choses horribles qui étaient imputées à la gouvernante, c’était d’employer l’art, le manège, l’intrigue d’une femme galante pour séduire le roi ; tandis qu’elle renonçait pour la paix à tous ses goûts, à tous ses sentiments.

91. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

D’un autre côté, madame de Maintenon ne promettait pas au roi le genre de plaisirs dont il avait le goût si vif et l’habitude si forte. […] Un monarque d’Orient n’est pas plus changeant dans ses goûts ; il jette le mouchoir à droite, à gauche, suivant la fantaisie du moment.

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