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21. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

Elle s’est toujours soutenue au théâtre, et fait voir que Quinault avait plus d’un talent : elle est bien conduite : les caractères et la versification sont d’une touche naturelle, mais un peu faible. […] Il avait beaucoup d’esprit, du talent naturel, et ce qui doit encore recommander davantage sa mémoire aux gens de lettres, peu d’hommes leur ont fait plus d’honneur par la noblesse des sentiments et des procédés. […] Un simple motif de complaisance pour le roi de Suède, qui le pressa de visiter la Laponie, ou plutôt sa curiosité naturelle, le conduisit jusque près du pôle, précisément au même endroit où des savants ont été de nos jours vérifier des calculs mathématiques et déterminer la figure de la terre. […] Géronte et madame Argante, où chacun d’eux croit que l’autre a perdu l’esprit, sont d’un comique naturel sans être bas, et achèvent de confirmer ce que Despréaux répondit à un critique très-injuste, qui lui disait que Regnard était un auteur médiocre. […] Il y a dans son dialogue de l’esprit qui n’exclut pas le naturel: il rend ses paysans agréables sans leur ôter la physionomie qui leur convient, et il saisit assez bien quelques-uns des ridicules de la bourgeoisie.

22. (1739) Vie de Molière

On commença à ne plus estimer que le naturel ; et c’est peut-être l’époque du bon goût en France. […] Il est vraisemblable, naturel, tiré du fond de l’intrigue ; et, ce qui vaut bien autant, il est extrêmement comique. […] Cette façon de traiter le Misanthrope est la plus commune, la plus naturelle, et la plus susceptible du genre comique. […] C’est ce naturel grossier qui fait le plaisant de la comédie ; et voilà pourquoi ce n’est jamais que dans la vie commune qu’on prend les personnages comiques. […] L’auteur de Cinna fit à l’âge de 67 ans cette déclaration de Psyché à l’Amour qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre.

23. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

La galanterie n’était pas la seule cause des variations qui avaient lieu ; la cupidité, la vanité, la turbulence, enfin l’inconstance naturelle à certains caractères et à certaines situations, y avaient part aussi. […] Les bâtards de Henri IV, qui n’ont cessé de troubler la France, tant qu’ils ont vécu, ne faisaient que suivre la vocation naturelle des bâtards avoués qui, ne pouvant marcher les égaux des princes légitimes, ne veulent cependant point se soumettre à la condition de simples sujets. […] L’inclination naturelle de la reine la portait à la galanterie ; elle aimait les fêtes propres à l’exalter.

24. (1821) Sur le mariage de Molière et sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène pp. 131-151

Il est donc naturel que l’on veuille connaître les principaux traits de sa vie, et surtout celui qui en lie un fait très important à celle du célèbre Molière, sur lequel une dissertation curieuse qui vient d’être publiée par M.  […] Son erreur à cet égard est donc très naturelle, et ne diminue nullement la force de son témoignage. […] Il commet à la vérité une erreur en énonçant le fait en ces termes : « Le baron de Modène eut de la nommée Guérin, femme de… Bejard comédienne de Molière, une fille naturelle que celui-ci épousa. » On voit que la véritable naissance d’Armande-Grésinde est avouée ici clairement par une famille qui ne craignait plus alors des réclamations trop tardives, et qui s’honorait en quelque sorte de s’allier ainsi à un nom devenu célèbre ; mais celui de Guérin n’appartenait pas à la mère ; il rappelle seulement celui qu’avait pris la femme de Molière en se remariant, et sous lequel sa vie avait été composée et publiée de son vivant ; car elle n’est morte que le 30 novembre33 1700. […] Les points placés avant le mot Bejard, font voir que ce qui précède était une simple note en marge, et que le manuscrit portait : « Le baron de Modène eut de la nommée Bejard, comédienne de la troupe de Molière, une fille naturelle que celui-ci épousa (Guérin, femme de). » Le texte ainsi rétabli, par une simple transposition facile à comprendre pour, un manuscrit dont l’auteur n’est pas l’éditeur, prouve que la tradition n’a pas varié, qu’elle est universelle, et ne peut être détruite par un acte que toutes les parties ont eu intérêt à falsifier, comme tant d’autres que nous connaissons.

25. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Autrement, dans les romans comme au théâtre, la femme ne quitta point alors le fard de la mode, qui pouvait la rendre plus majestueuse ou plus spirituelle, mais qui glaçait sous la convention son charme principal, le naturel. […] Harpin pour lui offrir des vers de quinze syllabes et des poires de bon chrétien, pour jouer tour à tour l’amant langoureux et l’amant emporté 297 ; le beau style lui a si bien tourné la tête qu’elle ne sait plus parler français, excepté quand le naturel revient au galop 298 avec son vocabulaire trop peu précieux 299. […] Gomme il s’est moqué des femmes à toilette dans les Précieuses ridicules 319 et dans la Comtesse d’Escarbagnas 320, et comme en même temps il a compris et apprécié le naturel féminin, qui aime à se parer innocemment et à se rendre gracieux ! […] C’est un spectacle moral, de montrer celte imprescriptible liberté de l’âme qui reste bonne, pure, intelligente, capable et désireuse du vrai et du bien, malgré les efforts les plus patients et les plus habiles ; qui, jusque dans la naïveté d’une extrême ignorance, garde une fleur de grâce native, marque ineffaçable de son origine et de ses droits ; en sorte qu’après la lecture de la lettre d’Agnès, il n’est personne qui ne dise avec Horace : Malgré les soins maudits d’un injuste pouvoir, Un plus beau naturel peut-il se faire voir ? […]   Chassez le naturel, il revient an galop.

26. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

surtout quel naturel! Ne cessons de le dire : le naturel est le charme le plus sûr et le plus durable ; c’est lui qui les fait aimer; c’est le naturel qui rend les écrits des anciens si précieux, parce que, maniant un idiome plus heureux que le nôtre, ils sentaient moins le besoin de l’esprit; c’est le naturel qui distingue le plus les grands écrivains, parce qu’un des caractères du génie est de produire sans effort; c’est le naturel qui a mis La Fontaine, qui n’inventa rien, à côté des génies inventeurs, enfin c’est le naturel qui fait que les Lettres d’une mère à sa fille sont quelque chose, et que celles de Balzac, de Voiture, et la déclamation et l’affectation en tout genre sont, comme dit Sosie, rien ou peu de chose. […] Quelle leçon pour l’amour-propre, qui nous est si naturel à tous ! […] Cette excuse est si naturelle, que Rousseau l’a prévue; mais il la trouve insuffisante, et revient à son refrain : Voilà comme on avalit la vertu. […] La Comtesse d’Escarbagnas ne représente-t-elle pas au naturel cette manie provinciale de contrefaire gauchement le ton et les manières de la capitale et de la cour?

27. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Ce n’était pas, en cette occasion, différence de goût ; c’était opposition naturelle de sentiments et d’intérêts. […] Cette espèce de ridicule ne se trouve point dans les princes ou dans les hommes élevés à la cour, qui couvrent toutes leurs sottises du même air et du même langage ; mais ce ridicule se montre tout entier dans un bourgeois élevé grossièrement, et dont le naturel fait à tout moment un contraste avec l’art dont il veut se parer. » Pour sentir quels durent être à la fois l’effet comique et l’effet moral de la pièce, il faut se reporter au règne de Louis XIV, et considérer quel était, à cette époque, l’état de l’opinion, relativement à la noblesse. […] L’orgueil et la bassesse conspirant pour un même résultat, des respects dus à une prééminence sociale, avaient fini par être exigés et rendus comme des hommages à une supériorité naturelle. […] Fille de bon sens et domestique dévouée, elle ne s’élève pourtant pas au-dessus de la sphère naturelle de ses idées et de ses intérêts : tandis que madame Jourdain se lamente sur les ruineuses folies de son mari, elle rit à gorge déployée du grotesque accoutrement de son maître ; et la seule chose qui la désole dans ce nouveau train de vie, c’est qu’elle prend beaucoup de peine pour tenir son ménage propre , sans pouvoir en venir à bout. […] La latinité d’Apulée, comme celle de tous les Africains qui ont écrit dans la langue des Romains, est rude, obscure, remplie de termes à la fois barbares et affectés ; mais ses idées sont plus naturelles que ses expressions ; son style, infecté des vices communs à son siècle et propres à son pays, brille néanmoins de toutes les qualités d’un esprit vif et gracieux, éloquent et poétique.

28. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [56, p. 89-93] »

Dans ses comédies d’intrigues, il y a une souplesse, une flexibilité, une fécondité de génie dont peu d’anciens lui ont donné l’exemple. » « Il a su allier le piquant avec le naïf, le singulier avec le naturel ; ce qui est le plus haut point de perfection en tout genre. […] Plus naturel que le premier, plus resserré et plus décent que le second, plus agissant et plus animé que le troisième : aussi fécond en ressorts, aussi vif dans l’expression, aussi moral qu’aucun des trois.

29. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. De la Gradation. » pp. 342-351

Par exemple, avant-hier j’ai, sur votre toilette, Trouvé certain billet, où son ardeur parfaite Est peinte au naturel, quoiqu’avec beaucoup d’art. […] Ce sens est naturel ; c’est tout ce que j’y vois. […] Naturel !...

30. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Les situations sont le plus souvent des inventions arbitraires ; il fallait y substituer des événements naturels. […] Au lieu de rôles, sous lesquels l’homme perçait, voilà l’homme au naturel ; l’intérêt, c’est le plaisir de la surprise, auquel s’ajoute celui de la voir expliquée. […] Célimène ne sait point se fixer : n’est-il pas naturel que tout le monde la quitte ? […] Beaucoup de femmes y avaient gâté leur naturel. […] C’est une personne d’esprit qui s’est formée et fortifiée dans son naturel par les travers d’autrui.

31. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

La malice naturelle aux hommes est le principe de la comédie. […] C’est dans ce genre que fleurit Ménandre, poete aussi pur, aussi élégant, aussi naturel, aussi simple, qu’Aristophane l’étoit peu. […] Telle est la source du comique Anglois, d’ailleurs plus simple, plus naturel, plus philosophique que les deux autres, & dans lequel la vraissemblance est rigoureusement observée, aux dépens même de la pudeur. […] Il a sçu allier le piquant avec le naïf, & le singulier avec le naturel, ce qui est le plus haut point de perfection en tout genre. […] Il est plus naturel qu’Aristophane, plus resserré & plus décent que Plaute, plus agissant & plus animé que Térence.

32. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Enfin, si nous sortons du monde des lettres, des arts et de la science, où il est naturel que Molière ait eu ses principales relations, pour revenir à la haute société, nous y trouvons des amis de Molière, et de tout degré. […] Admettons qu’un ou deux traits du passage qu’on vient de lire soient grossis par maladresse, mais tenons l’ensemble pour exact ; et, de l’éloge de Mlle Poisson, retenons que la bonté naturelle de Molière faisait vite oublier ses accès de colère. […] Il ne perd jamais une occasion de célébrer l’amour simple et complet, celui qu’inspire la bonne loi naturelle. […] Cette fois, le naturel du poète comique reprend le dessus sur la rancune de l’homme ; la pièce ne contient plus de profession de foi invraisemblable ; elle est toute en action et les traits portent d’autant mieux. […] Shakspeare recommande, lui aussi, le naturel, mais, à ce conseil, il en joint beaucoup d’autres qui l’expliquent et le complètent ; de plus, il ne parle pas de la tragédie, mais du drame, ce qui est assez différent.

33. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Il ajoute que les beautés des portraits qu’il fait sont si naturelles qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossières : et que le talent qu’il avait à plaisanter s’était renforcé de la moitié par celui qu’il avait de contrefaire. […] Bouhours, par le jugement avantageux qu’il semble en avoir fait dans le monument qu’il a dressé à sa mémoire, où après l’avoir appelé2 par rapport à ses talents naturels, Ornement du Théâtre, incomparable Acteur, Charmant poète, illustre Auteur, Il ajoute pour nous précautionner contre ses partisans et ses admirateurs, et pour nous spécifier la qualité du service qu’il peut avoir rendu aux gens du monde, C’est Toi dont les plaisanteries Ont guéri des Marquis l’esprit extravagant. […] Le même auteur voyant Molière au tombeau dépouillé de tous les ornements extérieurs dont l’éclat avait ébloui les meilleurs yeux, durant qu’il paraissait lui-même sur son théâtre, remarqua plus facilement ce qui avait tant imposé au monde, c’est-à-dire, ce caractère aisé et naturel, mais un peu trop populaire, trop bas, trop plaisant et trop bouffon.

34. (1816) Molière et les deux Thalies, dialogue en vers pp. 3-13

Il est toujours bien temps d’embrasser ce parti, Lorsque de la beauté l’éclat est amorti ; Vous n’en êtes point-là ; non, croyez-en Molière, Reprenez votre humeur, vous pourrez longtemps plaire Et par le naturel et par la vérité ; Laissez là ce maintien, ce langage affecté ; Laissez ce style faux dont le bon sens murmure, Car ce n’est pas ainsi que parle la nature. […] Si quelque bon esprit, gai, naturel et rond Ose vous faire rire, on crie au mauvais ton ; Et ses discours trop vrais excitent le scandale. […] Depuis assez longtemps de drames abreuvée, Je vivais de mes pleurs ; rien n’est moins étonnant, J’avais perdu mon père ; il revient maintenant, Et bientôt avec lui ma gaîté naturelle.

35. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

Tous les personnages de l’Ecole des maris sont des bourgeois : Sganarelle, Ariste, Isabelle, Léonor, Valere, peuvent fort bien s’entretenir dans les rues de Paris, & y avoir de légers démêlés, sans blesser leur rang & la vraisemblance ; mais il est très peu naturel qu’Amphitrion, un Général d’armée, ait, dans une rue, avec sa femme une explication aussi vive, aussi sérieuse, aussi délicate & aussi longue que celle qui suit. […] Je viens de leur prouver qu’ils pouvoient introduire, faire parler, agir avec plus de décence certains personnages dans les rues d’une petite ville que dans celles de la capitale ; par conséquent ils ont le plus grand tort du monde de ne pas se mettre à leur aise quand ils le peuvent sans s’écarter de la vraisemblance & du naturel. […] Je me félicitois intérieurement ; je croyois que leurs ris partoient du fonds comique de l’aventure, de la situation des quatre amants, de l’adresse de la coquette, de l’air naturel qu’auroit sa promenade mise en action, & son sac à ouvrage descendu par le balcon. […] A Londres, les pendus adressent des discours au peuple ; les Anglois trouvent fort naturel qu’un acteur qui leur débite des moralités, soit perché sur une potence.

36. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

C’est donc là un dénouement qui n’est ni naturel ni préparé. […] C’est comme ces jeux où les enfants se cachent : ils ne peuvent pas rester tranquilles dans leur coin ; ils avancent toujours la tête pour regarder si on ne les découvrira pas ; enfin, il faut connaître Marivaux, pour comprendre ce que c’est que de la naïveté sans naturel et sans innocence. […] En fait de chefs-d’œuvre du haut comique, on cite encore deux ouvrages isolés de deux poètes qui, s’ils paraissent les avoir composés avec effort, ont montré dans d’autres branches de la littérature leur talent naturel avec plus de liberté. […] Deux inventions extraordinaires peuvent devenir naturelles l’une par l’autre. […] Lessing a prononcé un jugement sévère contre Le Fils naturel, sans pourtant reprocher à Diderot la manière maladroite dont il a pillé Goldoni.

37. (1716) Projet d’un traité sur la comédie pp. 110-119

Le Socque est inférieur au Cothurne ; mais certains hommes, dans les moindres conditions, de même que dans les plus hautes, ont par leur naturel un caractère d’arrogance : Iratusque Chremes tumido delitigat ore. […] Il se sert des phrases les plus forcées, et les moins naturelles.

38. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Après Molière, il suivit les grandes voies naturelles, mais non sans y tracer son sentier à part. […] Le vieux génie gaulois avait une inclination naturelle pour ces fantasmagories parlantes. […] Tous les traits heureux en sont relevés par une grâce naturelle et une libre aisance. […] Elle ne l’a point fait sortir des conditions naturelles de son art. […] Ils ont le sang plus gaulois; et leur heureux naturel se trahit dans des domaines plus divers.

39. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Les intrigues de Molière sont simples, claires et naturelles. […] Quelques-uns ont été admirés, qui sont plus factices que naturels, qui ressemblent plus à une subtile combinaison du poète, qu’à un événement qui résulte de l’action et la termine. […] Fénelon dit : «  En pensant bien, il parle souvent mal ; il se sert des phrases les plus forcées et les moins naturelles. […] Il est cent fois plus naturel de penser qu’il y eut négligence de la part du prêtre, rédacteur de l’acte. […] Elle est plus naturelle, dit-il ; et il faut préférer la justesse de l’expression à la régularité scrupuleuse du vers.

40. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

Il était donc naturel que l’on vécût largement dans cette « maison des Cinges », qui porte désormais la plaque commémorative delà naissance de Molière. […] Quoi de plus naturel à l’homme que de vouloir s’élever au-dessus de ses semblables, si ce n’est de vouloir jouir des plaisirs de la vie ? […] Mais, en revanche, elle a les qualités de ses défauts  : elle est saine, franche, naturelle, et elle a, — dans les choses qui sont de son domaine, — le poids, l’autorité, la force. […] Elles le ramènent au naturel. […] Mais il a le naturel, il a l’ampleur, il a la force, il a la fantaisie, la fantaisie caricaturale, énorme, inattendue ; et il manque de grâce et de délicatesse, mais il a la profondeur.

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

Cette récapitulation est très ingénieuse ; mais est-il naturel que le Juge prenne une tête de bœuf pour celle d’Agnelet ? […] J’ai détaillé la farce de Patelin, pour faire connoître que si elle a survécu à mille autres pieces faites après elle, c’est parcequ’on y voit du simple, du naturel & du comique, nés de la situation & non du mot. […] Est-il naturel que le Baron, bête comme un dindon, sache l’espagnol, le latin, l’italien, le languedocien, & que le sachant il s’applique à traduire toutes les phrases de Frontin ? Est-il naturel encore que Frontin, voulant engager le Chevalier dans quelque fredaine qui le fasse déshériter, emploie toute son adresse pour l’excuser auprès de son pere, en lui disant que son fils est ensorcelé ; qu’il l’attendrisse sur son sort, & qu’il obtienne son consentement pour unir le Chevalier à Zaïde ? […] Maître Pierre Patelin, à cinq personnages. — Le nouveau Patelin, à trois personnages. — Le Testament de Patelin, à quatre personnages. — Maître Pierre Patelin & son jargon, à cinq personnages. — Maître Pierre Patelin restitué à son naturel. — Maître Pierre Patelin de nouveau revu. — La Vie de Maître Pierre Patelin, ensemble son testament, le tout par personnages. — Le Nouveau Patelin, à trois personnages. — Patelinus, nova comœdia, traducta per Alexandrum Connibertum.

42. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Il serait plus sage de s’en tenir au sens naturel des paroles écrites, sans essayer de les commenter, de les compléter par le ton, par le geste, par le regard. […] Je ne crois pas que dans le personnage d’Agnès il ait voulu peindre Armande Béjart ; le bon sens le plus vulgaire n’accepterait pas une telle conjecture : mais tous les contemporains s’accordent à voir dans Arnolphe l’image des douleurs éprouvées par l’auteur lui-même, et certes, pour ceux qui connaissent la biographie de Molière, ce rapprochement est tout naturel. […] quel accommodement, etc. » Il paraît croire que cette interjection inattendue donne plus de naturel au débit. […] À quoi bon inviter les comédiens à ne pas oublier les limites naturelles de leur domaine ? […] Molière se passera très bien de leurs commentaires ; les découvertes qu’ils s’attribuent resteront stériles, leur sagacité s’épuise en vains efforts : qu’ils se contentent donc du sens naturel, du sens accepté par tous, et renoncent à la tâche téméraire qu’ils se sont donnée.

43. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

Elle avait été appelée à l’éducation des enfants naturels par les mêmes motifs qui avaient fait confier à madame de Montausier celle des enfants légitimes. […] Elle était un des premiers sujets de l’école de Julie d’Angennes ; il y avait de la différence sans doute entre la place de gouvernante des enfants de France et celle des enfants naturels : il y avait aussi de la distance entre Julie d’Angennes, duchesse de Montausier, et Françoise d’Aubigné, veuve Scarron ; mais les traditions de la cour, depuis François Ier, l’élévation et l’insolence des maîtresses avouées, l’élévation, l’insolence et la turbulence des bâtards avaient habitué à regarder les légitimations de ceux-ci comme à peu près équivalentes à la légitimité.

44. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. » pp. 57-70

Il n’est pas naturel, lorsqu’un mari surprend à sa femme le portrait d’un jeune homme, que cette femme le reprenne de force. […] Outre cela, il est très naturel que Célio allant parler à Scapin, sa sœur le fasse entrer chez elle. […] Je crois que le Poëte François a très bien fait de ne prendre que la quintessence de la comédie italienne ; mais je pense aussi que dans ce qu’il en a imité, il est quelquefois moins chaud, moins rapide, moins naturel même que l’Italien.

45. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

L’homme a beau varier ses compositions, l’écrivain a beau s’exercer dans les genres les plus différents, tout ce qui sort de sa plume porte le cachet de son talent naturel. […] La manie de l’analyse succède à l’esprit d’observation ; le précieux, au naturel ; la manière, à la grâce. […] Lorsque tous les rangs se mêlent, lorsque toutes les distinctions s’effacent, on doit bientôt parler d’égalité, de loi naturelle ; aussi, en suivant les comédies du temps, voyons-nous des imaginations exaltées rêver, dans un siècle corrompu, les perfections chimériques de l’âge d’or.

46. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

Jetons d’abord, Messieurs, un coup d’œil sur ce que fut le théâtre français avant Molière : c’est la préface naturelle et nécessaire de notre étude. […] Le lendemain il joua, presqu’au naturel, la résurrection. […] On s’est bien souvent demandé si notre littérature avait plus gagné que perdu à quitter sa voie naturelle, ses traditions propres, sa libre allure, pour se mettre au service de l’imitation et n’être plus qu’un reflet, plus ou moins brillant, de l’antiquité grecque et romaine. […] Mais pour la vigueur et l’invention, pour le naturel des sentiments, comme pour l’instinct des véritables conditions théâtrales et pour l’entente du dialogue, ces oeuvres vont bien au-delà de celles des Jodelle, des Garnier, des Hardy; et si nous devons chercher quelques germes d’art dramatique avant Corneille et Molière, c’est là qu’ils existent. […] Cette même naïveté du dialogue, cette entente dramatique, cette vivacité et ce naturel des peintures et des sentiments, c’est encore notre plus ancien théâtre qui, dans le genre comique, nous en fournit des exemples.

47. (1740) Lettres au Mercure sur Molière, sa vie, ses œuvres et les comédiens de son temps [1735-1740] pp. -89

Mais qu’elle ait écrit les Lettres au Mercure, où il n’est question ni de son père Du Croisy, le créateur du rôle de Tartuffe, ni de son beau-père Raymond Poisson, le. premier des Crispins, dont Molière enviait le naturel, ni de son mari Paul, excellent comédien, cela me semble inadmissible. […] Il ajoute que les beautez des portraits qu’il fait sont si naturelles qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossières, et que le talent qu’il avoit à plaisanter s’étoit renforcé de la moitié par celui qu’il avoit de contrefaire15. […] Claude-Emmanuel Loüillier29, surnommé Chapelle‌ 30, fils naturel d’un maître des Comptes31, étoit l’intime ami de Moliere et les délices des bonnes compagnies et des agréables débauchez de son temps : on l’annonçoit six mois avant que de l’avoir dans une partie ; mais on ne le voyoit gueres hors des fumées du vin. […] La sagesse de ses expressions, la conduite de ses intrigues, la finesse de ses pensées, le tour naturel de son style, et surtout la beauté de ses caractères, qui tendent tous à rendre le vice ridicule et méprisable, sont des choses que quelques-uns de ceux qui lui ont succédé dans le genre comique, ont imité d’assez près dans un petit nombre de pièces, mais qui peut-être ne se trouvent reunis dans aucune. […] Il représentoit tous les premiers rôles d’une maniéré si originale, si imposante et si naturelle, qu’il faisoit oublier tous les grands acteurs qui les avoient joués avant lui ; et un mérité qui lui étoit particulier, c’est qu’il jouoit toujours également bien sans être journalier.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. Pieces intriguées par un événement ignoré de la plupart des Acteurs. » pp. 192-198

Pour que les pieces de ce genre soient bonnes, il faut que l’événement sur lequel l’Auteur veut bâtir son intrigue soit premiérement très naturel, très vraisemblable ; qu’il soit ensuite connu par un très petit nombre d’acteurs ; & qu’un mot, en dévoilant tout le mystere, puisse amener un dénouement prompt & facile. […] Aristote a pensé, a dit ce qu’il a voulu ; mais un jardinier qui voudroit enter un rosier naturel sur une tige artificielle, me paroîtroit un grand extravagant.

49. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Dans l’Étude qu’on va lire, Dorante, soit par indolence naturelle, soit (nous inclinons à le croire) par artifice et par un peu de mauvaise foi, ignore ou fait semblant d’ignorer cette dernière évolution de Monsieur Lysidas. […] Ils profiteront sur-le-champ de cette heureuse circonstance pour écrire a priori l’histoire naturelle, et communiquer ainsi à certaines parties de cette science un caractère nouveau de certitude rationnelle, que l’empirisme est incapable de lui donner. […] Que s’ils imaginent, sous une forme positive, un dénouement plus naturel, et un personnage aussi méprisable, mais plus gai, leur imagination n’est qu’un souvenir : ce dénouement, c’est celui de quelque autre chef-d’œuvre, et ce drôle, ce sera Falstaff, par exemple. […] Le reste étant trop beau pour elle, elle déclarait, avec la franche impertinence de son âge et l’énergie de conviction naturelle aux jugements de goût, que le reste était ennuyeux et laid. […] Cette prétendue pureté naturelle du goût n’est qu’une supposition chimérique.

50. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

La bienséance du langage est l’expression naturelle des mœurs honnêtes. […] Les sympathies et les antipathies naturelles sont des lois de la morale, intimées à tous les cœurs bien nés.

51. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. La Chaussée, imitateur de Regnard, d’un Auteur Espagnol, d’un Auteur Italien, d’un Romancier François, &c. » pp. 262-276

En revanche est-il naturel que durant l’espace de vingt ans le Marquis & Mélanide n’aient pu se donner de leurs nouvelles ? Est-il naturel que Mélanide, logée chez Dorisée, ait si bien évité la compagnie, qu’elle n’y ait jamais vu le Marquis ? Est-il naturel que Darviane soit parvenu à son âge sans s’opiniâtrer à découvrir quels sont les auteurs de ses jours, & qu’il se soit cru tout bonnement le neveu de sa mere ?

52. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

Mais l’art de faire rire n’est pas simple, et s’il en a connu toutes les variétés, depuis les charges à l’italienne, les coups de bâton de Scapin et les clystères d’Argan, jusqu’aux fines répliques de Célimène, il a puisé plus que personne aux sources naturelles du rire, à celles qui le font communément jaillir de nos lèvres à tous. […] Elle convient encore à la foule, parce qu’elle ne lui propose pas des problèmes rares, exceptionnels ; elle lui soumet des questions qui intéressent sa vie quotidienne et elle lui offre en même temps les solutions les plus sensées, parce que les plus logiques et les plus naturelles. […] Mais cet art de bâtir des personnages d’une vérité autre que la vérité naturelle, laquelle est fugitive et changeante, tandis qu’ils demeurent eux permanents, cet art aboutirait aisément à créer des types en quelque sorte figés, conventionnels et fictifs, étrangers à la vie.

53. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Il était fort naturel à la jeune marquise de s’intéresser à la reine malheureuse dont elle était l’alliée ; mais il lui était pénible d’avoir à disputer sa confiance aux Concini, qui l’avaient captée par l’espionnage et la délation, et n’étaient occupés qu’à irriter une jalousie trop bien fondée. Il était d’ailleurs naturel à une jeune femme élevée dans une famille de mœurs pures et décentes, de partager le dégoût général pour les amours du roi, qui n’avaient plus l’excuse de la jeunesse. […] Voltaire a dit de ce recueil, que la finesse n’en exclut pas le naturel.

54. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

En somme, on peut dire que le sage, ou plutôt l’honnête homme de Molière (car dans cette expression de sage il y a quelque chose d’exceptionnel et d’orgueilleux), l’honnête homme de Molière est l’homme le plus naturel, celui qui use le. mieux de toutes ses facultés pour atteindre au but de la nature humaine ici-bas et ailleurs ; son guide dans cette voie, c’est le bon sens ; son soutien, c’est la conscience. […] Présenter des images très délicates et en même temps très pratiques de l’honnêteté la plus élevée, de l’amour le plus naturel et le plus pur, c’est évidemment rendre service aux hommes et leur insinuer doucement le sentiment de la joie intime et de la dignité que produit le noble usage de leurs facultés. […] On veut aller plutôt à la pratique qu’à l’érudition, et essayer de présenter nettement les considérations naturelles qu’inspire une étude morale de Molière. […] — Il est étonnant de trouver la même appréciation toute superficielle, répétée à cent cinquante ans de distance, avec la même légèreté, par un critique d’école nouvelle : « Molière, trop pressé, forcé de se plier au ton convenable, gêné par l’alexandrin monotone, n’a pas toujours atteint le style naturel. » H.

55. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Ils visent trop constamment au naturel. Il n’y a rien de moins naturel que de parler en vers. […] Il y est charmant, d’un naturel parfait et d’une gaieté étonnante. […] Donc, plus Dandin sera « naturel », plus le ridicule sera fort. […] Il est trop spirituel pour jouer au naturel ce ridicule imbécile.

56. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Tout en étant de son siècle et de sa génération, il n’en est pas moins convaincu que le dix-septième siècle a été le grand siècle des lettres françaises; que le nôtre, pour courir après le naturel, a trop souvent été infidèle à la nature, et que le meilleur service à rendre à de jeunes hommes, à leur entrée dans la carrière littéraire, est de faire avec eux une étude sérieuse de ce que l’on nommait naguère la littérature classique de la France. […] Leur vigueur est surhumaine; mais combien souvent ils n’atteignent ce degré de puissance que par le sacrifice de sentiments naturels. […] La Bruyère a dit : Corneille est plus moral et Racine plus naturel. Vinet relève quelque part ce mot et le corrige : « Si Racine est plus naturel, dit-il, il est plus vrai, et s’il est plus vrai, il est plus moral. […] Ils ont le sang plus gaulois, et leur heureux naturel se trahit dans les domaines les plus divers.

57. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Elle ne sait point se fixer : n’est-il pas naturel que tout le monde la quitte ? […] Ce serait donc se méprendre sur les causes qui expliquent une des plus originales créations de Molière, et le développement naturel de son génie. […] Que d’entrain ou de naturel ! […] Il est donc responsable de la haine qui a tari la source des affections les plus naturelles. […] Quelques mots suffiront à l’analyse d’une action aussi simple que naturelle.

58. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Dufresny imitateur comparé à Moliere, à Champmeslé, son Mariage fait & rompu comparé à l’histoire véritable du faux Martin-Guerre, & à la nature. » pp. 81-99

Je veux croire qu’après cette réponse consolante le Tailleur puisse naturellement se fier au Marquis ; je veux croire que le Marquis, ayant dessein d’emprunter encore au Tailleur, puisse naturellement se persuader qu’il y réussira en le traitant ainsi : mais on m’avouera que la scene de Moliere étant aussi naturelle pour le moins, & beaucoup plus agréable, Dufresny doit nous paroître aussi téméraire que ridicule d’avoir voulu lutter avec lui. […] Cela est-il encore bien naturel ? […] Il n’est peut-être pas bien naturel que l’hôtesse & son frere, ayant un état, s’exposent à être pendus pour favoriser les amours de Valere ; mais on peut supposer aisément qu’ils en attendent une grande récompense.

59. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VI. Les Femmes. » pp. 103-120

L’affectation en cette matière est pire qu’en toute autre, et je ne vois rien de si ridicule que cette délicatesse d’honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles, et s’offense de l’ombre des choses343. » Que le naturel du cœur et de l’esprit soit son charme344. […] Quel mérite n’est-ce point que d’avoir seul, sans modèle ancien ni exemple contemporain, su voir et dépeindre avec tant de finesse.et d’énergie ce que doit être la femme : pure, simple, franche, douce, naturelle gracieuse ! […] Chez l’homme, les passions coupables sont quelquefois revêtues d’un vernis d’élégance, même de grandeur, qui les rend propres à intéresser : c’est un privilège des femmes que l’honneur leur soit si naturel et si nécessaire, qu’elles paraissent repoussantes sitôt qu’elles s’en séparent.

60. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Vu de ce profil, Montausier présente bien plutôt le type d’un Oronte que celui d’un amateur passionné de la naïveté et du naturel. […] Quoi de plus naturel au poëte que de mêler aux créations de son génie des allusions prises à la réalité tantôt triste, tantôt heureuse et riante de sa propre existence ? […] avec quelle .verve, quel naturel, devaient jouer ces acteurs, les familiers, les camarades et les témoins d’un homme de génie, partageant en quelque sorte son inspiration, et possédant eu eux une “étincelle de ce feu sacré qui animait le poëte 48. […] Amédée Roux affirme que Molière a peint Montausier au naturel dans Le Misanthrope.

61. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. » pp. 144-179

Est-il naturel que le Prince ne sût pas où logeoit son maître de physique, & que, le sachant, il n’eût pas reconnu sa maison ? Est-il naturel qu’il ait été plusieurs fois en bonne fortune chez une femme sans s’informer du nom & de la qualité de son époux ? […] Elle lui répondit par deux ou trois révérences ordinaires qui ne finirent que lorsqu’il lui fit faire deux ou trois tours de chambre ; ce qu’elle fit par hasard de si bon air, sa beauté naturelle & son air de Pallas y contribuant beaucoup, que le trop fin Grenadin en demeura charmé. […] Une bourgeoise, femme de médiocre condition, qui demeuroit vis-à-vis de la maison de Don Pedre, charitable de son naturel, & prenant grande part aux peines de son prochain, s’apperçut bientôt & de l’amour de l’étranger, & du peu de progrès qu’il faisoit auprès de sa belle voisine. […] de la Souche, ne sont-elles pas plus vraies, plus naturelles que celles qui caractérisent les folies de Don Pedre ?

62. (1802) Études sur Molière pp. -355

Mais avec un peu de réflexion, l’on verra que le héros de la pièce italienne, en passant en France, a pris cette grâce, cette amabilité, cette galanterie si naturelles à sa nouvelle patrie. […] Plaisant, oui, mais naturel, non. […] Pline, dans son Histoire naturelle, cite cette épitaphe : Turbâ se medicorum, periisse. […] Cela est vrai ; mais la scène est si naturelle qu’elle conserve tontes les grâces de la nouveauté. […] du naturel !

63. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Des Pieces intriguées par un Valet. » pp. 125-134

Dans ce temps-là Périphane, pere de Stratippocle, apprend qu’Acropélistide, sa fille naturelle, & qu’il n’a jamais vue, est prisonniere. […] L’Auteur a voulu dire, sans doute, que les comiques venus après Moliere & Regnard, ayant perdu de vue cette gaieté naturelle avec laquelle on doit faire parler les valets, cet esprit souple, délié avec lequel on doit les faire agir, n’ont plus osé en introduire sur la scene ; mais il est ridicule de dire, parceque l’impuissance des Auteurs les a bannis du théâtre, qu’ils ne jouent plus le même personnage dans le monde.

64. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

C’est leur physionomie qui apprend si l’on est clair ou obscur, diffus ou laconique, naturel ou plat, élégant ou grossier. […] On ne peut disconvenir que les talents mêlés, qui se laissent aller à leur naturelle abondance, n’aient d’ordinaire plus de variété, plus de grâce et de charme ; mais on ne peut douter que les talents distincts ou qui savent se concentrer, ont plus de caractère, de vigueur et d’essor.

65. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

La véritable largeur n’est point dans la sensibilité littéraire ; elle est dans l’intelligence, et le plus bel emploi qu’un philosophe puisse faire de son intelligence, c’est d’expliquer avec calme par une seule cause naturelle ou par une série logique de causes naturelles, tout ce qui étonne, irrite, scandalise, désole, chagrine, impatiente les esprits vulgaires et bornés.

66. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. M. DE CHAMFORT. » pp. 420-441

En un mot son pere n’avoit rien oublié pour lui inspirer de bonne heure l’amour du gain, & l’attacher à ses intérêts d’une maniere capable de prévenir l’ardeur naturelle de ses autres passions. […] Notre jeune homme y descendit à terre avec plusieurs autres Anglois ; & sans prendre garde à un parti d’Indiens qui s’étoient cachés dans les bois pour les observer, ils s’éloignerent un peu trop du bord de la mer, de sorte que les Naturels du pays fondirent sur eux, & les massacrerent presque tous. […] Cependant étant demeuré seul, sa générosité naturelle le sollicita à faire quelque chose de plus pour la consolation de cet Etranger.

67. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Ce Gorgibus du Cocu imaginaire est dessiné absolument sur le même modèle que celui des Précieuses ridicules ; c’est, pour dire vrai, le même personnage dans deux situations différentes, et, ce qui le rend digne d’observation dans les deux pièces, c’est qu’il montre quelque chose de ce bon sens naturel, de cette raison populaire que nous verrons développée avec plus de force, mais non avec plus de vérité, dans l’admirable rôle du Chrysale des Femmes savantes. […] Il est vraisemblable, naturel, tiré du fond de l’intrigue ; et, ce qui vaut bien autant, il est extrêmement comique. […] Nous avons vu que Molière, depuis Les Précieuses ridicules, premier essai, parmi nous, de la véritable comédie de mœurs, avait encore deux fois cédé à la force de l’exemple ; dans Le Cocu imaginaire, en appliquant à une intrigue peu naturelle les couleurs de la comédie bouffonne que Scarron avait mise en vogue ; dans Dom Garcie de Navarre, en revenant au système d’imitation qu’il semblait avoir abandonné, et en s’essayant, contre le gré de son génie, dans le faux genre de la tragi-comédie. […] Poisson, surtout Le Mercure galant, et les deux Ésope 5, de Boursault, auteur dont le talent naturel et facile, incapable peut-être de s’élever avec succès jusqu’au développement d’une intrigue ou d’un caractère, brilla dans des scènes détachées, d’une invention heureuse et d’une exécution piquante.

68. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Presque toujours souffrant, et ayant en vain demandé l’adoucissement de ses maux à des hommes qui se vantaient du pouvoir de les guérir, il était naturel qu’il fît peu de cas d’un art, dont les promesses sont si trompeuses, les moyens si insuffisants, les erreurs si fréquentes et si funestes. […] Les nombreux personnages qui concourent à l’action de la pièce, ou dont les portraits seulement sont encadrés dans le dialogue, offrirent aux yeux des attitudes si naturelles, des formes si bien senties, des traits si bien modelés, qu’on voulut voir des individus peints avec ressemblance, où il n’y avait que des espèces représentées avec vérité, et qu’on chercha partout, à la cour comme à la ville, les originaux dont Molière avait pris les figures à leur insu pour les transporter et les distribuer dans sa composition. […] Si Sganarelle n’est pas proprement un caractère, il est du moins l’image fidèle et plaisante d’une espèce d’hommes assez commune dans les derniers rangs de la société, de ces hommes possédant un fonds naturel d’esprit et de gaieté ; fertiles en quolibets et en reparties grivoises ; fiers de quelques grands mots mal appris et plus mal employés qui les font admirer de leurs égaux ; docteurs au cabaret et sur la voie publique ; aimant leurs femmes et leur donnant des coups ; chérissant leurs enfants et ne leur donnant pas de pain ; travaillant pour boire et buvant pour oublier leurs peines ; n’ayant ni regret du passé, ni soin du présent, ni souci de l’avenir, véritables épicuriens populaires, à qui peut-être l’éducation seule a manqué pour figurer, sur une plus digne scène, parmi les beaux esprits et les hommes aimables. […] Le naturel de l’auteur, c’est-à-dire le génie comique perce et se montre par intervalle à travers ce mélange de sentiments guindés et d’aventures romanesques ; mais ce sont des lueurs passagères qui ne servent, pour ainsi dire, qu’à éclairer et à rendre plus sensible la triste insipidité du reste.

69. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

Et l’Auteur qui la transporte sur son théâtre, n’est-il pas également un imitateur plus ou moins bon, selon qu’il la rend plus ou moins plaisamment, qu’il la place plus ou moins bien, & sur-tout d’une façon plus ou moins naturelle ? […] C’est la nature qu’il imite quand ses pieces s’exposent, s’intriguent & se dénouent naturellement ; quand les sorties & les entrées de ses acteurs n’ont rien de forcé ; quand ils ne font & ne disent que des choses naturelles ; quand leur dialogue est coupé naturellement. […] Les enfants de village, à qui on ne confie ni papier ni plume, trouvent le secret de satisfaire leur ardeur naturelle pour l’imitation, sur l’écorce des arbres, avec le limon qu’ils pêtrissent à leur gré, avec un charbon dont ils pensent merveilleusement parer les murs de leur chaumiere. […] Je ne citerai point ceux de nos Auteurs qui laissent passer devant eux dans la société des choses naturelles, pour ne recueillir que deux ou trois mots à la mode, & quelques tournures de phrase dont on se moquera bientôt ; ceux qui ne voient rien de pittoresque dans les hommes tels qu’ils sont, & s’en forment d’imaginaires ; ceux qui ne remarquent aucune situation plaisante dans le cours de la vie humaine, dans le train du monde, & voient tout du côté noir ou larmoyant : c’est encore Scarron qui va nous servir de preuve convaincante.

70. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Ils sont, dit-il, d’un naturel accompli, et lorsqu’une fois on les a vus dans un rôle, on ne peut plus y voir qu’eux ; ils produisent l’illusion complète ; certains de leurs jeux de scène, par leur justesse ou leur force, leur finesse ou leur pathétique, valent les tirades les mieux composées. […] Elle tint compte de l’observation, et le public ne s’aperçut en rien de cet incident de coulisses, car le chroniqueur Loret déclare qu’on ne saurait jouer avec plus de naturel qu’elle ne fit. […] Au milieu d’une pompe royale, c’est l’apothéose de leur manière d’entendre l’amour ; tous les sentimens y sont grandioses et nobles, presque naturels avec cela. […] On a vu que, dans les trois pièces qui suivent celle-ci : Mélicerte, le Sicilien et Amphitryon, Armande est laissée de côté : c’est Mlle de Brie qui en obtient les beaux rôles ; ne serait-ce point un effet du ressentiment de son mari, effet très naturel et d’autant plus pénible pour elle que jusqu’alors elle avait eu dans les distributions une part plus flatteuse et plus large ? […] Si l’on admet que la Fameuse Comédienne, malgré sa détestable inspiration, n’est pas l’œuvre du premier venu, mais d’une actrice douée d’un talent de style naturel, le plus simple serait d’admettre encore que ce morceau est aussi bien son œuvre que tout le reste.

71. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Mais, comme l’essence d’un art ne se révèle pleinement que dans l’ensemble de son développement historique176, l’histoire générale de la tragédie forme, avec la théorie sommaire de cet art, l’introduction nécessaire et naturelle d’une étude spéciale de la comédie. […] Elles font valoir avec force les liens de la parenté naturelle, les liens qui attachent un fils à sa mère. […] Apollon oppose à ce rapport purement naturel le droit moral de l’époux, et ici la gravité du génie d’Eschyle est digne d’être éternellement admirée. […] Mais, s’il est un trait de son génie qui soit plus remarquable que les autres, n’est-ce pas la libéralité avec laquelle il prodigue à ses moindres personnages mille dons naturels, dont la profusion éclatante les rend très supérieurs au rôle spécial qu’ils ont à remplir ? […] Partout il met en scène non son objet, mais les grâces un peu lourdes de sa propre personne, cherchant à étonner le lecteur par des rapprochements inouïs de choses et d’idées, sans lien naturel ni rapport déchiffrable.

72.

Licandre, poète et bel esprit qui « parle en chantant, tant les vers lui sont naturels », est auteur d’une comédie sur laquelle il vient consulter un certain M.  […] Le geste naturel aide au naturel du dialogue. […] À ceux-ci sont suspendus en diverses attitudes très naturelles et très bien étudiées sept singes. […] René Delorme aurait pu ajouter que l’intimité dans laquelle Molière vécut avec les comédiens italiens rend toute naturelle sa présence parmi eux dans l’œuvre picturale qui nous occupe. […] Ce voisinage était fait pour resserrer leur intimité, née d’une inclination naturelle.

73. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [54, p. 88] »

Ôtez cela à Molière, continuait-il, je ne lui connais point de supérieur pour l’esprit et le naturel ; ce grand homme l’emporte de beaucoup sur Corneille, sur Racine et sur moi ; car, ajoutait-il en riant, il faut bien que je me mette de la partie ».

74. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [1, p. 33] »

Il aimait fort à haranguer ; et quand il lisait ses pièces aux comédiens, il voulait135 qu’ils y amenassent leurs enfants, pour tirer des conjectures de leurs mouvements naturels. » 134.

75. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il se sert des phrases les plus forcées et les moins naturelles. […] C’est là, en ces sortes d’affaires, une question bien simple et bien naturelle, et pourtant, Sganarelle ne s’est même pas demandé quel âge il a ! […] Mais soudain, et par une péripétie très naturelle, très vraisemblable et très inattendue, la scène change. […] Restons, chacun dans notre naturel, ne forçons point notre talent. […] N’être pas naturel !

76. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

L’attachante simplicité du drame français a remplacé la fatigante complication de l’imbroglio espagnol ; à de longues conversations où la subtilité s’unit à l’emphase, a été substitué un dialogue précis, simple et naturel ; des invraisemblances de caractère ou de situation ont disparu ; enfin, un dénouement, qui choque à la fois la raison et les convenances, habilement modifié, est devenu un dénouement nouveau, où sont ménagées toutes ces délicatesses de sentiment et toutes ces bienséances de mœurs qui embellissent la passion de l’amour. […] Il a versifié ce que Molière n’avait eu le temps que d’écrire en prose ; il a supprimé un des prétendants à la main de la princesse, et donné à l’autre un commencement d’amour pour Aglante, qui rend leur mariage au dénouement plus naturel et plus intéressant ; enfin, il a resserré en trois actes bien remplis la pièce divisée par Molière en cinq actes trop courts et pourtant quelquefois trop vides. […] Molière doit-il être blâmé, peut-il être excusé d’avoir mis sur le théâtre, même pour le dévouer à l’exécration des spectateurs, et le montrer expirant sous les coups de la vengeance céleste, un homme qui tourne en dérision les mystères de la religion révélée, et repousse même les premiers fondements de la religion naturelle ?

77. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [46, p. 78-80] »

»219 n’est ni moins naturel, ni moins ingénieux, et il est d’un plus fin comique.

78. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [47, p. 80] »

Il ne les cherchait pas : la vivacité de son génie les lui fournissait sur le champ, et ils avaient presque toujours un naturel qui charmait.

79. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. Des Vers & de la Prose dans les Comédies. » pp. 103-117

Les Auteurs qui se bornent à faire des drames, parcequ’ils trouvent très commode de prendre dans un roman le fond de leur sujet, les scenes presque dialoguées, & les situations toutes marquées, trouvent encore plus commode de pouvoir transporter tout cela sur la scene sans prendre la peine de faire des vers, & ne manquent pas de s’écrier que la prose est plus naturelle. Oui, sans doute, pour les personnes qui ne savent pas faire des vers naturels.

80. (1801) Moliérana « Vie de Molière »

Louis XIV, qui avait un goût naturel et l’esprit très-juste, sans l’avoir cultivé, ramena souvent par son approbation la cour et la ville aux pièces de Molière. […] L’hypocrisie y est parfaitement dévoilée, les caractères en sont aussi variés que vrais, le dialogue également fin et naturel.

81. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Madame de Montespan elle-même, malgré le plaisir qu’elle avait trouvé autrefois dans ces conversations, les tourna après en ridicule pour divertir le roi63. » Il était fort naturel sans doute qu’à la cour, où tant d’intrigues étaient toujours en action, soit pour la galanterie ou pour la fortune, on regardât comme oisifs les gens qui faisaient les plaisir de la conversation, et que le roi et madame de Montespan, dans les ébats d’un double adultère, eussent besoin de donner un nom ridicule aux personnes spirituelles de mœurs régulières et décentes. […] Madame de La Sablière regarda d’abord cette distraction, cette désertion ; elle examina les mauvaises excuses, les raisons peu sincères, les prétextes, les justifications embarrassées, les conversations peu naturelles, les impatiences de sortir de chez elle, les voyages à Saint-Germain où il jouait, les ennuis, les ne savoir plus que dire ; enfin, quand elle eut bien observé cette éclipse qui se faisait, et le corps étranger qui cachait peu à peu tout cet amour si brillant, elle prit sa résolution, le ne sais ce qu’elle lui a coûté.

82. (1717) Molière (Grand Dictionnaire historique, éd. 1717) [graphies originales] « article » p. 530

Les beautés des portraits qu’il a fait, sont si naturelles, qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossières, et le talent qu’il avait de plaisanter était renforcé de la moitié par celui qu’il avait de contrefaire.

83. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Il citait même un vers de Rotrou dans sa pièce des Sosies qu’il prétendait plus naturel que ces deux de Molière. […] Il fait supporter l’usure au fils même de l’Avare, en qui elle devient plus naturelle, que le Docteur qui n’est que dévot. […] Jusque-là, pour ainsi dire, on n’avait pas encore diverti le public avec des visages naturels. […] « Il y avait alors dans ce collège deux enfants, qui eurent depuis beaucoup de réputation dans le monde, c’était Chapelle et Bernier, celui-ci connu par ses voyages aux Indes : et l’autre, célèbre par quelques vers naturels et aisés, qui lui ont fait d’autant plus de réputation, qu’il ne rechercha pas celle d’auteur ; Lhuillier, homme de fortune, prenait un soin singulier de l’éducation du jeune Chapelle, son fils naturel, et pour lui donner de l’émulation, il faisait étudier avec lui le jeune Bernier dont les parents étaient mal à leur aise. Au lieu même de donner à son fils naturel un précepteur ordinaire, et pris au hasard, comme tant de pères en usent avec un fils légitime qui doit porter leur nom, il engagea le célèbre Gassendi à se charger de l’instruire. » « [*]M. 

84. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XII. Des Scenes. » pp. 223-249

Il ajoute que quelquefois le mot Scene signifie un ombrage naturel de quelque antre, ou quelque autre lieu sombre & solitaire, comme Virgile le prend dans l’Enéide, l. […] Dans le second exemple que j’ai cité, il n’est pas naturel qu’Orgon soit encore la dupe de Tartufe ; aussi Orgon dénoue-t-il bien vîte l’intrigue, & ne permet pas à Tartufe de la filer. […] Ses talents naturels l’appelloient sur le Parnasse.

85. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

Les liens de respect, d’affection, de devoirs réciproques qui eu unissent les divers membres, sont ce qu’il y a de plus naturel dans la loi ‘ morale657 ; et l’esprit de famille est pour les êtres sensibles et intelligents un élément si constitutionnel, qu’on le retrouve sous forme d’instinct jusque chez les animaux. […] toujours mettre en scène des chefs de famille fous et ridicules, qui font une guerre haineuse aux désirs naturels et raisonnables de leurs enfants ? […] Quelque avantage qu’il y ait à démontrer que les pères ne doivent être ni intéressés, ni débauchés, ni insouciants, ni égoïstes, ni avares, ni durs, il y a un plus grand désavantage à ne pas montrer qu’ils sont respectables parce qu’ils sont pères, à ne pas faire ressortir tout ce qu’il y a de naturel et de bon dans la famille grandissant autour d’eux avec amour et ^soumission.

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Pieces à scenes détachées, dans lesquelles une Divinité préside. » pp. 61-74

Les comédies de ce genre sont premiérement moins naturelles, moins vraisemblables que les pieces dans lesquelles on n’admet aucun être surnaturel ; en second lieu l’Auteur ne sauroit que très difficilement y ménager une intrigue : si à force d’art il y réussit, cette intrigue doit, de toute nécessité, être défectueuse, puisqu’elle ne peut jamais rouler sur le principal personnage. […]  Te voilà jeune, fraîche, belle ;  Ton amant est tendre & fidele :  Et loin d’avoir cette douceur Qu’annonce de tes traits la grace naturelle,  Tu n’as qu’amertume & qu’aigreur.

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