Lysidas se souvient-il d’une remarque bien fine et bien juste que faisait Uranie, le jour où L’École des femmes était si habilement attaquée, et si vivement défendue dans sa maison ? […] Lysidas, d’érudit qu’il était devenu métaphysicien, et la spirituelle Uranie, assistant en 1862 à une représentation de L’École des femmes, juste deux siècles après la première. […] Par quelle logique inaperçue est-elle partie de cette émotion vive pour arriver à des critiques si justes et si élégantes ? […] Serait-ce qu’elle compare aujourd’hui leurs œuvres à cet idéal devenu clair à ses yeux, et la netteté de cette intuition est-elle cause que ses sentiments actuels sont justes ? […] Je nie qu’elles soient justes, moi théoricien, moi dialecticien ; démontrez que j’ai tort et qu’elle a raison.
Bornons-nous à rappeler qu’il vécut si bien en dehors de son siècle, que son siècle ne le comprit point, que son ami Boileau l’oublia absolument, lui et la fable, dans son Art poétique, et qu’enfin Mmede Sévigné elle-même, toujours citée parmi les rares esprits de son temps qui paraissent avoir apprécié le grand poète à sa juste valeur, parle pourtant de ses chefs-d’œuvre comme de bagatelles 3, jolies, il est vrai, mais peu dignes d’occuper des gens nés pour s’occuper de questions infiniment plus graves, comme celle de savoir quel a été le costume de M. d’Hocquincourt à la dernière promotion des chevaliers de l’ordre, ou si Mmede Ventadour aura le tabouret. […] Qu’on admire. et rien n’est plus juste, les séductions infinies du style de ces deux grands hommes, leurs écrits ne sont pas inférieurs peut-être à ceux de leurs devanciers, mais ils dénoncent autour d’eux une infériorité réelle, une décadence qui va aller en s’augmentant. […] On sait combien le roi goûtait peu ce bel-esprit chimérique, et la correspondance de Fénelon prouve qu’il n’était guère plus juste à l’égard du roi. […] On comprend que Boileau, vieux et chagrin, voyant cette décadence, s’écriât : « En vérité, les Pradons, dont nous nous sommes tant moqués, étaient des aigles auprès de ces gens-là. » Il faut être juste cependant : à cette époque où, sous Mmede Maintenon, la cour voyait succéder la dévotion et la tristesse aux fantaisies brillantes d’autrefois, où Louis XIV, frappé dans ses affections les plus chères, après avoir vu mourir autour de lui ses fils et ses petits-fils, restait presque seul de sa famille dans son palais morne et silencieux, il y a encore un coin de la littérature où toute la vie intellectuelle du temps semble s’être réfugiée : c’est la comédie. […] Il est vrai qu’en 1673 le roi s’avisa envers les académiciens d’une générosité vraiment grandiose : comme ils travaillaient alors au Dictionnaire et se réunissaient une ou deux fois par semaine, pour stimuler leur activité, il fut réglé qu’une somme de 40 livres serait allouée pour chaque séance, soit 1 livre par membre ; il est juste d’ajouter que les membres présens devaient partager entre eux la part des absens.
L’or semble une faveur lorsqu’un seul le dispense ; Donné par tous, est-il plus juste récompense ? […] L’un vous dira comment, suppléant à la loi, La Comédie au vice inspire un juste effroi ; L’autre comment les Arts, pour glorieux salaire, Décernent au génie un culte populaire, Et, fiers de partager l’encens de ses autels, En l’immortalisant deviennent immortels. » fin.
Chaque narration reproduit l’événement qui vient d’arriver ; et, d’une narration à l’autre, il y a tout juste l’intervalle de temps nécessaire pour un événement nouveau : ainsi, l’attention et la curiosité du spectateur sont constamment tenues en haleine. […] S’il était vieux, imbécile et maussade, l’aversion d’Agnès pour lui serait toute naturelle, et il n’en résulterait aucune leçon ; mais il est dans la force de l’âge ; il est homme d’esprit et homme du monde : son infortune alors ne provient que de son faux calcul, et elle en est la juste punition. […] Cette pièce, qui paraît ne pas avoir été représentée, n’est qu’un insipide réchauffé de toutes les critiques justes, exagérées et fausses qui avaient été faites de L’École des femmes, et une lourde réfutation de tout ce que Molière avait dit pour la défense de sa comédie. […] Cependant, outre le choix de Racine, qui seul formerait un préjugé favorable pour Montfleury, il est certain que de son temps on le regardait comme un très grand acteur, et cela n’empêche pas que la critique de Molière ne soit juste. […] Il écrivit une Lettre sur les affaires du théâtre, dans laquelle il l’accusait, non seulement d’avoir outragé toute la noblesse du royaume, mais même d’avoir offensé la majesté souveraine, que cette noblesse environne et soutient ; accusation non moins absurde que perfide, fondée sur le plus grossier des paralogismes, celui qui, concluant du particulier au général et de l’individu à l’espèce, veut voir la satire injuste de toute une classe d’hommes respectables et respectés, dans la juste critique d’un petit nombre d’hommes ridicules qui en font partie.
La rapidité du dialogue consiste, dit-on, à faire répondre juste, vîte & en peu de mots, chaque personnage à ce qu’on lui demande. […] Non, vous avez, mon oncle, un esprit vif & juste ; Vous jouissez encor d’une santé robuste ; Vous avez de gros biens. […] Je pourrois citer ici nombre d’exemples qui trouveront mieux leur place dans l’article où il sera question du juste embonpoint des pieces, des scenes, du dialogue.
Il est juste qu’après avoir cité les pieces dans lesquelles Moliere a satisfait à cette regle, je cite celles où il l’a négligée. […] Après avoir fait part au spectateur de l’histoire secrete des principaux personnages d’un drame, & l’avoir intéressé à leur sort par cette confidence, il est juste de lui apprendre nettement, & le plutôt qu’on peut, l’état actuel de leurs affaires, & de le préparer adroitement sur ce qui peut leur arriver d’heureux ou de malheureux ; mais de façon que flottant entre la crainte & l’espérance, il s’intéresse doublement aux événements. […] Il est encore juste que le spectateur connoisse les personnages qui doivent concourir à des événements auxquels il s’intéresse. […] Je tombe d’accord que cela seroit juste.
L’œuvre la plus moralisatrice du monde pourra être interprétée juste à contresens de toutes ses intentions. […] Remarquez de plus que la pièce tout entière est pénétrée, comme il est juste, du même esprit. […] La formule, quoiqu’elle puisse paraître insuffisamment élogieuse, est juste. […] Cependant, et c’est ici, pour ainsi parler, la mensuration juste, en tant que chez M. […] Et il est juste de dire qu’il a, lui aussi, son sens social ; seulement son sens social est juste le contraire de celui de Molière.
Heureusement pour eux, un jeune homme instruit, & qui ne craint pas de déroger en le paroissant, éleve la voix, expose l’avant-scene, rend compte du but de l’Auteur, rapporte en passant quelques détails saillants, s’étend sur les principaux événements qui conduisent au dénouement, & met ses auditeurs à portée de juger par eux-mêmes du juste mérite de l’ouvrage. […] L’acteur doit encore avoir reçu du Ciel assez de feu pour établir, entre sa voix, ses gestes & sa sensibilité, une harmonie aussi sure que prompte, qui les fasse agir tantôt ensemble, tantôt séparément, mais toujours sans se nuire, mais toujours avec cette précision momentanée & dans cette juste mesure qui échappent à toutes les finesses du goût & de la réflexion. […] Si c’est une faute, je l’ai faite à dessein, pour avoir occasion d’avertir les personnes citées dans le courant de cet ouvrage, que je suivrai là-dessus le caprice de ma plume ; & qu’en leur donnant ou en leur ôtant ce titre, je ne prétends point prendre la balance pour peser leur juste mérite.
Mon pere, ma raison ne fut jamais plus saine : Mais un juste sujet.... […] Mais un juste sujet.... […] Notre vengeance, pour être différée, n’en sera pas moins éclatante ; au contraire, elle en tirera de l’avantage, & cette occasion de l’avoir pu prendre, la fera paroître plus juste aux yeux de tout le monde.
Un avocat au parlement de Paris, un sieur de Rochemont, s’oublia jusqu’à remontrer au roi, dans un odieux libelle, « que l’empereur Théodose condamna aux bêtes des farceurs qui tournoient en dérision nos cérémonies, dans des pièces qui n’approchoient point de l’emportement qui paroît au Festin de Pierre 3. » On aimerait à rencontrer, dans les écrits contemporains, des renseignements exacts sur cette lutte du génie contre les mauvaises passions, lutte qui commença par le Festin de Pierre, et dans laquelle jamais Molière ne faiblit, ni, ce qui est plus admirable encore, ne dépassa les justes bornes. […] N’est-il pas, par exemple, bien remarquable que la plus belle scène de Don Juan, celle qui vient d’être saluée d’applaudissements unanimes, soit précisément cette scène du pauvre, conçue et exécutée par Molière dans le sentiment le plus juste et le plus vrai du drame romantique16 ? […] Et qu’on ne dise pas que j’attribue indument à Molière tout le bruit qui s’est fait autour de don Juan, lorsque, pour être juste, je devrais en reporter l’honneur à Tirso de Molina !
Le style est rempli, à la vérité, de négligences et d’impropriétés ; mais dans les phrases même les plus vicieuses et les plus embarrassées, le mouvement est toujours juste et le sens toujours exact. […] « La petite ode d’Horace, Donec gratus eram tibi, dit Voltaire, a été regardée comme le modèle (il eût été plus juste de dire le germe) de ces scènes qui sont devenues des lieux communs. » Lieux communs, soit ; mais ceux-ci du moins ne s’useront pas comme les autres : on ne se lassera pas plus de la peinture de l’amour, qu’on ne se lassera de l’amour lui-même.
Le titre influe sur toute la piece ; & un Auteur doit l’analyser, connoître à fond sa juste signification, & le bien saisir, afin de ne pas imaginer une seule situation, de ne pas faire une seule scene, de ne pas arranger un seul incident, qui n’y répondent. […] Dom Juan, le héros de la piece, est un scélérat, pour qui la religion, la probité, les mœurs la nature n’ont rien de sacré, qui se moque des justes réprimandes de son pere, qui se fait un jeu de séduire l’innocence de vingt jeunes beautés qu’il sacrifie à son libertinage.
On l’en contrerait, je crois, plus juste, en l’attribuant à l’esprit du moment, au dégoût généralement répandu pour l’incontinence, l’horreur des scandales, à la profonde appréhension (les conséquences que la vie et la mort de Henri IV avaient répandues dans les âmes délicates. […] Segrais, venu plus tard, en parle en ces termes : « Elle était, dit-il, bienfaisante et accueillante, et elle avait l’esprit droit et juste : c’est elle qui a corrigé les méchantes coutumes qu’il y avait avant elle.
Après lui, Molière est le premier qui s’en soit servi, et l’on peut dire qu’il en a fait une application plus juste. […] Au commencement de l’acte suivant, Delmire reparaît avec le jour : il est juste de dire qu’elle est un peu honteuse de s’être oubliée jusqu’à ce point. […] Lui-même a-t-il imposé ce titre d’une manière tout à fait exacte, lorsqu’il a nommé École des maris, une pièce où nul mari ne figure, et qui serait presque aussi bien appelée l’École des parents, ou des instituteurs, puisque la principale moralité qu’on en doive tirer, c’est qu’il ne faut point user envers la jeunesse d’une sévérité excessive, si l’on ne veut lui inspirer une juste aversion pour soi, et en même temps un goût plus vif des choses même qu’on lui interdit ? […] Il est juste toutefois d’excepter Le Procureur arbitre, de P.
Voilà la juste mesure. […] Et encore, non ; la comparaison n’est pas juste. […] On se retirait de l’amour juste à l’époque où nous venons d’y entrer. […] Il eût pris juste le contrepied du parti auquel il s’est arrêté. […] De Féraudy a toujours le jeu réglé et juste.
On peut également remarquer que celle-ci ressemble beaucoup à l’anecdote sur L’Alcade qui se trouve juste au-dessus.
On lui a fait un juste reproche d’avoir, dans George-Dandin, montré une femme mariée manquant à ses devoirs. […] Notre admiration nous la ferait porter plus haut encore, et c’est jusqu’à La Métromanie qu’il nous semblerait juste de l’élever. […] Mais examinons si, en effet, les idées qui dirigeaient Molière, en composant ses ouvrages, sont aujourd’hui surannées et insuffisantes, et si par hasard il n’y aurait pas plus d’avantage à se renfermer dans les justes limites d’un art que de vouloir les trop étendre. […] Le personnage d’Eliante est tout juste ce qu’il doit être dans l’ouvrage pour servir les vues de l’auteur. […] Ainsi, pour en donner une juste idée, il ne faudrait pas, à l’exemple de beaucoup de comédiens, débiter certains passages du rôle avec cet accent tendre et véhément que d’ordinaire on emploie au théâtre pour exprimer les élans d’un amour honnête.
Une solution comme celle que je cherche, comme celle que nous cherchons, si vous ne l’avez pas déjà trouvée, doit être, n’est-ce pas, une théorie de la critique faisant leur juste part aux dogmes littéraires, au sentiment littéraire, à l’histoire littéraire ? […] Et quel bien précieux qu’une idée juste et claire !
D’un autre côté, Molière a négligé, à son grand regret sans doute, plus d’une situation piquante, plus d’une combinaison ingénieuse que lui offrait le poème espagnol ; content de disposer avec plus d’art et de renfermer dans des proportions plus justes les scènes qu’il s’appropriait, il n’a fait souvent qu’en arrêter le trait, au lieu d’y appliquer la couleur, qu’en ébaucher les masses, au lieu d’en peindre avec soin les détails ; multipliant les actes, apparemment pour multiplier les divertissements qui devaient les séparer, il semble avoir quelquefois manqué de matière, et son dernier acte principalement n’est, pour ainsi dire, qu’une dernière scène, à laquelle on pourrait même trouver trop peu d’ampleur et de développements. […] Pour faire la juste part du blâme et de la louange, le théâtre français n’a pas une pièce plus mal construite que Le Festin de Pierre ; il n’a pas un personnage plus largement dessiné que dom Juan. […] Tour à tour barbare et généreux à l’égard des hommes, il est prêt à leur ôter froidement la vie, plutôt que de contrarier le plus léger de ses goûts, en leur donnant la plus juste des satisfactions ; et, pour sauver leurs jours attaqués, il n’hésite pas à exposer les siens.
On a supposé que ces remarques justes et inoffensives avaient été rapportées à Boileau, et que c’est à madame de La Sablière que s’appliquent ces quatre vers de sa dixième satire, publiée en 1693, dix-neuf ans après l’épître critiquée, peu avant ou peu après la mort de cette femme aimable, qui eut lieu dans la même année. […] La Fontaine était, des quatre amis, celui qui avait dans l’esprit le plus de notions de morale, qui avait les plus justes et les plus étendues, depuis la morale des rois, qui est si bien établie dans toutes celles de ses fables où se trouve un lion, jusqu’à celle du prolétaire qui s’adapte à la fourmi ; mais il était aussi celui de cette société à qui les devoirs domestiques et les préceptes de la continence étaient le plus indifférents et la morale pratique le plus étrangère. […] Ce mot, La Harpe la jugé sévère contre l’auteur de tant de lettres charmantes, et à ce sujet il a mis en avant que le goût qui juge est différent de celui qui crée, distinction juste et dont La Harpe est un exemple lui-même, car il a beaucoup et bien jugé, et son goût stérile n’a rien produit ; mais il ne faut pas conclure de ce que le goût qui juge ne prouve pas celui créé, que le goût qui crée ne comprend pas celui qui juge, car le goût qui juge bien de ce qui doit entrer dans ses compositions juge nécessairement bien le choix des autres ; de sorte qu’il est absurde de dire que madame de Sévigné, douée du goût qui crée, pouvait bien être privée du goût qui juge.
Le style en est simple et noble ; les pensées en sont justes et pleines de raison ; les sentiments en sont vrais, élevés et profonds : on peut dans ces écrits rendre tout à la fois une idée juste de la portée et des directions de la marquise de Rambouillet, et des conversations qui avaient lieu dans son intimité.
Si, malgré cet objet qui vous a pu surprendre, Prince, vous me rendez ce que vous devez rendre, Et ne demandez pas d’autre preuve que moi Pour condamner l’erreur du trouble où je vous vois ; Si de vos sentiments la prompte déférence Veut, sur ma seule foi, croire mon innocence, Et de tous vos soupçons démentir le crédit, Pour croire aveuglément ce que mon cœur vous dit, Cette soumission, cette marque d’estime, Du passé, dans ce cœur, efface tout le crime : Je rétracte à l’instant ce qu’un juste courroux M’a fait, dans la chaleur, prononcer contre vous ; Et, si je puis un jour choisir ma destinée, Sans choquer les devoirs du rang où je suis née, Mon bonheur, satisfait par ce respect soudain, Promet à votre amour & mes vœux & ma main. […] Juste Ciel ! […] Peut-être eût-elle dissipé tes soupçons ; peut-être eût-elle satisfait une juste curiosité, & détruit une apparence qui pouvoit t’inspirer une jalousie bien fondée ? […] Ramassons maintenant les traits les plus frappants de la piece italienne & de celle de Moliere : pesons leur juste valeur ; instruisons-nous dans l’art de l’imitation, en voyant ce que notre Poëte a bien ou mal imité ; & lorsqu’il sera au-dessous de l’original, un respect mal entendu ne nous empêchera pas de le dire, puisque l’Auteur s’est rendu lui-même justice sur son ouvrage.
Mais, dans tous les plaisirs permis, utiles même, tant qu’ils ne deviennent pas des passions, c’est l’excès seulement que Molière condamne avec une verve sans pareille, en montrant combien deviennent maniaques et ridicules ceux qui, même dans leurs divertissements, se laissent aller au delà de la juste mesure. […] Mais ce calme du sage n’est ni l’indifférence211 ni l’orgueil212 : il faut que, toujours maître de soi, l’honnête homme supporte bravement le mal sans jamais se laisser faire le bien213 ; que, malgré tous les défauts des autres, il reste pour eux indulgent, bienveillant, serviable214 ; qu’il ne soit pas simplement un homme honnête et bon, mais un homme instruit, aimable, capable de conversation, spirituel s’il peut215 ; qu’il répande autour de lui non seulement le bien, mais l’agrément, et que toutes ses qualités ne lui donnent jamais un sentiment d’amour propre216 ; qu’il ait, avec la modestie, la dignité et les bonnes manières sans affectation217 ; qu’il songe même à la façon de s’habiller, sans être négligé ni ridicule, mais aussi sans outrer la mode218 ; qu’avec une juste libéralité il évite soigneusement les excès de luxe dans la toilette comme dans la vie, et qu’il ne sacrifie point son bien ni sa famille aux inutiles satisfactions de la vanité, ou aux prétendues exigences du monde219 : ce chapitre est infini, et Molière semble n’avoir pas oublié un seul des éléments, même les plus insignifiants en apparence, dont doit se composer cette perfection de la société polie, l’honnête homme. […] Il a dit que de son temps « les ressorts de notre machine étaient des mystères où jusque-là les hommes ne voyaient goutte, » ce qui était vrai alors ; et il a déclaré formellement que « ce n’était point les médecins qu’il jouait, mais le ridicule de la médecine, » ce qui était juste alors.
Mais comme, dans ce siecle charmant, tout est soumis au tribunal des Dames, qu’elles font sur-tout le sort des ouvrages de génie, & qu’il importe beaucoup à la république des lettres que le plus grand nombre ait des idées vraies, justes & dignes de ce goût fin, délicat & naturel que le beau sexe a reçu en partage, je me contenterai de faire remarquer aux Dames qui seront en ceci d’un avis contraire au mien, qu’il faut bien moins d’adresse pour présider à la parure d’une femme jeune & jolie, qu’à celle d’une vieille : & elles se récrieront, sur-tout si elles sont parées des fleurs de la beauté & de la jeunesse ; il a raison : Madame une telle, par exemple, est un sujet ingrat, que l’art de trois Marthons des mieux stylées ne sauroit embellir ; elle est toujours d’une laideur amere : si ! […] Après que l’Auteur s’est déterminé pour un sujet, qu’il a mesuré son étendue, qu’il a pesé sa juste valeur, il doit voir s’il peut se flatter de faire rire les hommes en les corrigeant, ou s’il est contraint de se borner à les faire rire.
Cet exemple suffit pour faire voir que les pieces de son espece peuvent pétiller d’esprit & de gaieté si la critique est juste, si les épigrammes sont enfantées par une fine raillerie, & non par la noire malignité ; mais il ne faut pas se dissimuler qu’elles n’étendent pas bien loin la gloire de leur Auteur, puisqu’elles ne font que paroître & disparoître, puisqu’elles ne durent que pendant la nouveauté des pieces qu’elles critiquent. […] Essayons de donner une juste idée de la comédie vraiment allégorique.
Ce sera l’honneur de la critique d’avoir protégé et défendu, obstinément, cette illustre artiste ; tant sur la fin de sa vie elle avait peine à se défendre contre les impatients qui se fatiguent d’entendre dire : — « Aristide est juste », — ou bien : « Mademoiselle Mars est la plus grande artiste de son temps ! […] C’est bien celle-là qui peut dire, et à plus juste titre que cet empereur de Rome qui allait se tuer de ses mains : — Qualis artifex pereo !
J’aurais voulu donner un autre air à ce retour, puisque c’est une pure amitié. » Le surlendemain, madame de Sévigné écrit à sa fille les détails de l’arrivée du roi : « Le bon ami de Quanto avait résolu de n’arriver que quand elle arriverait de son côté ; de sorte que si cela ne se fut trouvé juste le même jour, il aurait couché à trente lieues d’ici. […] Mais supposé que la sagesse de Bossuet ait en effet contribué, en 1680, au renvoi de madame de Montespan, le reproche que lui fait madame de Maintenon sur sa conduite en 1676 ne serait pas moins juste.
Juste Ciel ! […] A ma juste douleur il n’est plus de remede. […] Son frere, juste Ciel ! […] Son frere, juste Ciel !
Je défie un peintre avec son pinceau de faire rien de plus juste. […] Elle ne rappelle en rien l’art des Grecs, cet art contenu dans les justes bornes, dans les strictes limites. […] Disons cependant que le ton de cette scène du Juste et de l’Injuste est le ton même de la plus haute comédie ! […] Oui, mais le vrai philosophe bat son père au nom du Juste et de l’Injuste ! […] Quant à l’expression — toujours pour une femme, elle peut être juste, elle n’est pas poétique.
Si son humeur ne portait jamais que sur de pareilles choses, ce ne serait qu’un censeur juste et rigoureux, et non plus un personnage de comédie. […] Le roi, dont l’esprit juste avait senti tout ce que valaient les premiers, dit à Molière, qui était un peu consterné : Vous ne m’avez jamais tant fait rire: et aussitôt la cour et la ville furent de l’avis du monarque. […] Son avare est haï et méprisé de tout ce qui l’entoure : il est odieux à ses enfants, à ses domestiques, à ses voisins, et l’on est forcé d’avouer que rien n’est plus juste. […] La malédiction paternelle est sans doute d’un grand poids, lorsque, arrachée à une juste indignation, elle tombe sur un fils coupable qui a offensé la nature et que la nature condamne. […] Juste retour, monsieur, des choses d’ici—bas!
Nous devons cependant des remerciements à l’Académicien célebre qui nous les a indiqués, parceque si nous savons peser leur juste valeur & les placer comme il faut, nous tirerons parti de tous. […] C’est cette juste défiance Que je renferme dans mon sein, Dont j’épargne à leurs cœurs la triste connoissance, Qui ne feroit qu’augmenter leur chagrin... […] Apprenons de lui l’art d’en faire usage & de les placer selon leur juste valeur.
Cela est juste. […] Cela est juste. […] Célio, favori du Roi, craint, avec juste raison, que les Ministres, jaloux de sa faveur, ne cherchent à lui nuire.
Ce n’est pas Agnès qui va au spectacle, on l’y mène, et quand la dame qui mène Agnès fait tant que d’acheter place au miroir, soyons justes, ce n’est pas pour y voir Agnès toute seule. […] J’aime mieux répondre à une question que je crois lire sur beaucoup de lèvres : vous avez envie de savoir au juste ce que c’est que la Thèse, ou, du moins, ce que, de vous à moi, nous devons entendre ici par ce mot. […] Dans le concert qui vous amuse, il n’y a pas une fausse note, ou pas une note juste, comme vous voudrez : partout où la terreur ne se tord pas de rire, la gaîté pleure à chaudes larmes; partout où la féerie n’ouvre pas son étal de maillots vivants, l’opérette adorée, Antigone de nos décrépitudes, lève la jambe (on dit aussi la gigue) à cent mètres au-dessus du Panthéon, sous l’œil attendri, mais toujours imposant de la Censure!
Il a montré comment l’homme, en ne se laissant jamais emporter aux élans des passions, doit rester dans le juste milieu qui lui permet de voir clairement le bien, et de le pratiquer sans exagération : juste milieu qu’il faut bien se garder de confondre avec celui des nouveaux académiciens d’autrefois et des sceptiques [modernes, car c’est un état moyen de passion, et non pas un état moyen de croyance dans le vrai et d’amour pour le bien797. […] V : Les hommes, la plupart, sont étrangement faits : Dans la juste nature on ne les voit jamais.
Mais il faut être juste : si Boileau n’avoit pas choisi, pour faire ses aparté, le moment où la Fontaine, échauffé par la dispute, n’étoit pas de sang-froid, il n’auroit point réussi. […] Juste Ciel !
que tu fais languir ma juste impatience ! […] mon juste courroux le saura prévenir.
d’Aguesseau, si je ne me trompe, s’est laissé éblouir par le brillant de sa comparaison : la lunette d’approche peut fort bien ressembler aux mauvaises imitations qui rapprochent également les beautés & les défauts : mais pour nous donner une idée juste de la bonne imitation, il faudroit supposer une lunette qui laissât dans le lointain tout le laid, & ne réunît sous nos yeux que le beau.
Par un juste retour, était-ce le fougueux Damis qui l’utilisait sur le drôle ? […] Parce que me semble hardi ; quoique, me paraîtrait plus juste. […] Il va plus loin : il raille, tout bouffi d’orgueil, juste à l’heure où on l’attrape, lui ; il daube sur Orgon pour se faire valoir. « Bon, quand il nous surprendrait ! […] A l’artiste de toucher juste et ne pas tirer du public cette dissonance cruelle, le rire de la farce se fourvoyant dans la comédie. […] Tout ce qui sort de la juste nature est du domaine du poète comique ; est-ce la faute de Molière si les excessifs ont poussé la religion sur ses terres ?
Le théatre retentissoit encore des justes applaudissemens qu’on avoit donnés à l’école des maris, lorsque les fâcheux Les fâcheux, comédie-ballet en trois actes en vers, représentée à Vaux au mois d’août 1661, & à Paris, sur le théatre du palais royal, le 4 novembre de la même année. […] L’applaudissement du prince, récompense aussi juste que flateuse pour Moliere, les allusions vrayes ou fausses qui pouvoient avoir quelque chose de mystérieux, les agrémens de la musique & de la danse ; & plus encore l’espéce d’yvresse que produisent le mouvement & l’enchaînent des plaisirs, contribuérent au succès de la princesse d’Elide. […] Le Roi défendit 31 dès lors cette comédie pour le public, jusqu’à ce qu’elle fût achevée & examinée par des gens capables d’en faire un juste discernement, & ajoûta,32 qu’il ne trouvoit rien à dire à cette comédie. […] Si ce fut sans fondement qu’on accusa Moliere d’avoir attaqué la religion dans Tartuffe, on eût pû lui reprocher, à plus juste tître, d’avoir choqué la bienséance dans Amphitrion. […] L’art caché sous des graces simples & naïves, n’y employe que des expressions claires & élégantes, des pensées justes & peu recherchées, une plaisanterie noble & ingénieuse pour peindre & pour développer les replis les plus secrets du cœur humain.
Eugène Despois, si connu par la noblesse de son caractère et la finesse de son esprit, n’a pas survécu longtemps à son jeune collaborateur, et n’a pu payer à sa mémoire le juste hommage qu’il se promettait de lui rendre. […] Non : il y a toujours un Dieu qui veut être adoré en esprit et en vérité : et quand tous les hommes lui refuseraient les justes hommages qui lui sont dus, ils ne lui seraient pas moins dus par chacun des hommes, et chacun des hommes ne serait pas moins criminel en les lui refusant. » C’est tout à fait dans le même sens et dans la même pensée que Kant a dit quelque part : « Il est absolument impossible de prouver par l’expérience avec une entière certitude qu’il y ait jamais eu un seul cas où une action, extérieurement conforme au devoir, a reposé uniquement sur des principes moraux et sur le respect intérieur du devoir. […] Or la critique de La Bruyère va jusque-là : « S’il se trouve, dit-il, un homme opulent à qui il a su imposer et dont il est le parasite, il ne cajole ; pas sa femme… il ne s’insinue jamais dans une famille où il y a à la fois une fille à pourvoir et un fils à établir… il en veut à la ligne collatérale. » Je maintiens que, si ces critiques étaient justes au fond, il n’y aurait pas d’optique théâtrale qui pût justifier Molière d’aussi fortes exagérations. […] … » Jusqu’ici, tout va bien, et Sganarelle, soutenu par la force de la vérité et du bon sens, trouve le juste et la raison décisive ; mais il veut aller plus loin ; il veut pousser son argument, le développer : c’est alors qu’il s’embrouille : « Pouvez-vous voir ces artères, … ces, … ce poumon et tous ces ingrédients qui ? […] Mais, après tout, le mot a été retranché, et nous n’avons plus le droit de l’imputer à Molière ; car nous sommes libres d’expliquer ce retranchement par un assentiment donné à une juste critique, d’autant plus que le trait n’est pas original, mais emprunté.
Qu’est-ce au juste que cette affaire Guichard dont tant de gens ont parlé sans la connaître ? […] Quelle est au juste la valeur morale de cette action, et faut-il y voir un trait de piété filiale, celui d’un fils qui, connaissant l’embarras de son père, avec lequel il est brouillé, et voulant ménager sa susceptibilité, vient délicatement à son secours en se dissimulant sous le nom d’un tiers ? […] Comme elles sont fort spécieuses et que celui qui les allègue jouit, en tout ce qui concerne l’histoire de Molière, d’une juste autorité, beaucoup se sentirent ébranlés. […] Quelle est au juste l’idée qui se personnifie dans l’homme aux rubans verts, ce frondeur bourru de tous les travers sociaux ? […] Dans la langue conventionnelle de l’époque, le mot dévotion sans qualificatif s’entendait exclusivement (cela résulte d’un passage de La Bruyère) de la fausse dévotion et était juste le contraire de la piété.
juste, mais tardif témoignage que la vanité plus que la douleur de cette femme rendait à un grand homme dont elle avait trahi la tendresse et empoisonné la vie.
Le déshonneur est sûr, mon malheur est visible, Et mon amour en vain voudroit me l’obscurcir ; Mais le détail encor ne m’en est pas sensible, Et mon juste courroux prétend s’en éclaircir. […] Après, nous percerons jusqu’au fond d’un mystere Jusques à présent inoui ; Et, dans les mouvements d’une juste colere, Malheur à qui m’aura trahi !
S’il étoit juste qu’un chétif esclave eût plus d’esprit que deux hommes consommés, tels que vous êtes, Messieurs, j’indiquerois un bon moyen, & qui, à ce que je crois, loin de vous déplaire, auroit l’approbation de l’un & de l’autre. . . . . . . . . […] Comme Moliere est rarement au-dessous de ses originaux, on peut, lorsque cela lui arrive, le lui reprocher hardiment, sans craindre de ternir sa gloire : il faut d’ailleurs être juste.
Tous ces entremetteurs infâmes, tous ces valets, âmes damnées du vice et de la débauche, travaillent cependant à des causes justes, nobles, touchantes ; ils sont tendres, compatissants, désintéressés ; ils ont un esprit qui touche au génie : cela est faux dans la réalité. […] Son horreur pour Tabarin était si juste et si nécessaire, qu’il n’admettait pas la possibilité de son alliance avec Térence (Art poétique, ch.
Pour avoir une idée juste de madame de Maintenon, j’ai commencé par mettre en oubli tout ce que j’avais lu ou entendu sur son compte, les histoires de La Beaumelle, de Laus de Boissy, de madame de Genlis, de madame Suard, d’Auger, de Voltaire même, et jusqu’à la biographie écrite par le biographe le plus exact que je connaisse, M. […] Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation.
Mais qui peut ignorer les raisons que Moliere a euës de donner dans quelques-unes de ses Pieces quelques Scenes burlesques & d’un Comique un peu trop boufon : il falloit faire subsister une troupe de Comédiens, & attirer le Peuple & l’homme qui ne cherche qu’à rire : les personnes d’érudition & d’un discernement juste & délicat sont en petit nombre, & ne sont pas souvent les mieux traitez de la fortune, & par conséquent hors d’état de faire vivre les Comédiens en allant souvent aux Spectacles occuper les premieres places. […] D’ailleurs dans les Spectacles n’est-il pas juste de donner quelque chose au Peuple & aux personnes qui ne se piquent point de bel esprit ?
Quelle imagination prompte et féconde, quelle tête riche en aperçus et en intentions comiques, que celle d’où pouvait sortir, en si peu de temps et à commandement (ici l’expression est rigoureusement juste), une comédie, même la plus courte et la moins chargée d’incidents ! […] Il définissait un médecin, « Un homme que l’on paie pour conter des fariboles dans la chambre d’un malade, jusqu’à ce que la nature l’ait guéri, ou que les remèdes l’aient tué. » Molière pensait de la médecine ce qu’en ont pensé les plus graves philosophes, les plus justes appréciateurs des opinions humaines. […] Il travaillait pour le théâtre, et non pour le cabinet ; sa mission était de divertir plutôt que d’éclairer, d’être plaisant plutôt que d’être juste : la muse comique, dispensée de l’impartialité, est autorisée à ne montrer jamais que le côté ridicule des opinions ou des caractères.
Chaque attitude est juste, énergique, touchante, Et vous formez tous quatre un tableau qui m’enchante.
Robinet a raison : ce qu’il dit ne donneroit pas idée bien juste de la piece, si nous ne l’aidions un peu.
Il a répété que ses idées étaient justes, nombreuses, variées, fines, élégantes, piquantes, intéressantes, instructives. […] ô juste récompense d’un tel effort ! […] Molière a conservé le ton de la comédie et la mesure de la scène379. » La critique du délicat professeur est fort juste, et je serais bien fâché de lui chercher noise auprès des amateurs de fines remarques littéraires. […] Cette petite remarque, que Molière était français, explique bien des choses dans son théâtre, et sert à réduire à leur juste valeur, c’est-à-dire au néant, des censures telles que celle-ci prononcée par William Schlegel : Molière moralise trop ; comme si notre littérature classique tout entière n’était pas une littérature de moralistes ! […] Comme Mégabate est fort juste, il est ennemi de la flatterie ; il ne peut louer ce qu’il ne croit point digne de louanges, et ne peut abaisser son âme à dire ce qu’il ne croit pas, aimant beaucoup mieux passer pour sévère auprès de ceux qui ne connaissent point la véritable vertu, que de s’exposer à passer pour flatteur.
Malgré le juste enthousiasme que j’ai pour Moliere, je ne serai jamais aveuglé jusqu’au point de l’admirer toujours également.
Quelle que fût, au juste, la distribution du spectacle, on peut dire que Molière en fit seul tous les frais ; car le prologue et tous les intermèdes furent tirés de ses propres pièces, Les Amants magnifiques, Psyché, George Dandin, Le Bourgeois gentilhomme, et cette Pastorale comique qu’il avait composée pour le Ballet des Muses. […] Chrysale est un nouveau Gorgibus, dont la juste colère s’exhale en termes un peu moins grossiers. […] Attaqué par Despréaux, Cotin avait, à son tour, lancé contre lui quelques écrits satiriques : c’était une représaille juste, quoique bien inégale et bien imprudente. […] Mais il cesse d’être raisonnable, lorsque, dans son juste dépit contre le faux savoir et le faux esprit, il attaque l’esprit et le savoir véritables ; quand, révolté de voir des femmes qui abandonnent les travaux de leur sexe pour manier le télescope et l’astrolabe, il voudrait qu’elles ne touchassent même pas un livre ; quand, enfin, il regrette le temps où toute leur science se bornait à connaître un pourpoint d’avec un haut de chausses . […] Il fit bien de tourner en ridicule l’infatuation d’Argan pour Purgon, comme celle d’Orgon pour Tartuffe ; mais, entre l’excès de la crédulité et l’excès contraire, n’y a-t-il pas un juste milieu où la raison s’arrête et se fixe ?
Il est vrai que la perspective du théatre exige un coloris fort & de grandes touches, mais dans de justes proportions, c’est-à-dire telles que l’oeil du spectateur les réduise sans peine à la vérité de la nature. […] Aristophane fut chargé de l’infâme emploi de calomnier Socrate en plein théatre ; & ce peuple qui proscrivoit un juste, par la seule raison qu’il se lassoit de l’entendre appeller juste, courut en foule à ce spectacle. […] De ces trois genres, le premier est le plus utile aux mœurs, le plus fort, le plus difficile, & par conséquent le plus rare : le plus utile aux mœurs, en ce qu’il remonte à la source des vices, & les attaque dans leur principe ; le plus fort, en ce qu’il présente le miroir aux hommes, & les fait rougir de leur propre image ; le plus difficile & le plus rare, en ce qu’il suppose dans son auteur une étude consommée des mœurs de son siecle, un discernement juste & prompt, & une force d’imagination qui réunisse sous un seul point de vûe les traits que sa pénétration n’a pû saisir qu’en détail. […] Il joue la cour, le peuple & la noblesse, les ridicules & les vices sans que personne ait un juste droit de s’en offenser.
Mesurez-les, tant que vous voudrez, de la coiffure à la chaussure, et vous verrez combien de différences : c’est bien le même amour du luxe, de la toilette et de l’ornement ; c’est bien la même mignardise et la même affectation, et le même caprice, tout proche de la beauté dont il est la juste contrefaçon ; oui, c’est bien, au premier abord, la même coquette, et perfide et galante, le même piège et ses dangers, — et pourtant d’un siècle à l’autre. il nous est impossible de reconnaître et de retrouver les modèles de ces portraits. […] On n’a entendu parler, de nos jours, en fait de passions du cœur, que de la plus triste sorte d’adultères inconnus à nos pères, et dont ils n’ont pas l’air même de se douter ; adultères plus réglés que les mariages, plus réguliers que les justes noces. […] Oui, ses envieux, ses jaloux, et ce troupeau de Béotiens qui se fatiguent d’entendre appeler Aristide : le juste ! […] Il faut avoir partagé l’émotion de cette soirée, dramatique, s’il en fut, pour arriver à un juste idée de ce que peut être une réunion d’honnêtes gens qui aiment sincèrement les beaux-arts. […] Rien ne trouble pourtant votre repos robuste, Laboureurs endormis dans le sommeil du juste !
Quant aux Comédiens, la proposition de l’Auteur n’est pas plus juste : Molière, dit-il, ne reconnaîtrait pas ses Ouvrages, s’il les voyait représenter aujourd’hui. […] L’Auteur fait faire ici un personnage à Molière d’homme désintéressé et juste ; mais il me semble qu’il pouvait dissuader le jeune étourdi de prendre sa profession, sans lui en faire voir le ridicule et l’indignité : C’est, dit-il, la dernière ressource de ceux qui ne sauraient mieux faire, ou des libertins qui veulent se soustraire au travail : c’est enfoncer le poignard dans le cœur de vos parents, de monter sur le Théâtre : je me suis toujours reproché d’avoir donné ce déplaisir à ma famille : c’est la plus triste situation que d’être l’esclave des fantaisies des Grands Seigneurs ; le reste du monde nous regarde comme des gens perdus, et nous méprise.
La, en vous répondant si juste, les yeux fort ouverts ; mais il ne s’en sert point, il ne regarde ni vous ni personne, ni rien qui soit au monde. […] La conséquence n’est pas juste, Monsieur : l’argent est bien, mais nous ne le tenons pas. […] Il n’y a rien de plus juste, rien de plus raisonnable. […] Encore une incursion sur les terres de Regnard, & nous pourrons, je crois, nous flatter de connoître la juste valeur de ses richesses théâtrales.
Avec raison ils fêtent l’heureux jour Qui de Molière a marqué la naissance ; De ses bienfaits, c’est un juste retour, Ne blâmez point notre reconnaissance » S’illustrant dans tous les travaux, De tous les arts, la patrie est la mère.
Le rire est leur domaine ; ils s’emparent triomphalement de la correction des mœurs ; ils sont, tout à la fois, des sages et des écrivains ; ils inventent leur comédie, ils inventent leur langage, et ce fut la plus juste admiration du dix-septième siècle, de trouver que Molière était un poète à côté de Racine, e non loin de Despréaux, un prosateur comparable à Pascal. […] Accident heureux, qui permit à Molière d’adresser un placet à Monsieur, frère du roi, disant : que lui et sa troupe représentaient ses comédiens ordinaires, et qu’il était juste, en effet, que Monsieur, leur accordât l’usage de cette belle salle que M. le cardinal de Richelieu avait fait bâtir dans le Palais-Royal, en l’honneur de Mirame. […] Enfin, dans cet abandon de sa femme, il n’est pas resté sans consolation, et juste au moment où les historiens l’entourent d’une excessive pitié, il écrivait L’École des femmes (dédiée à Madame).
Soyons donc justes.
» Les femmes, de leur côté, exercent de justes représailles : « En France, dit Colombine, les hommes ne font que babiller jusqu’au jour de la noce ; aussi, quand ils sont mariés, ils n’ont plus rien à dire à leurs femmes. […] Allons, touchez là, il est trop juste de vous donner le tiers des sommes que vous me faites prêter.
Molière s’est moqué de l’affectation d’une fausse culture de l’esprit et de la sotte présomption d’un vain savoir ; mais l’orgueil de l’ignorance et le mépris de toute culture intellectuelle sont aussi des ridicules, et il faut convenir que la façon de penser que l’auteur nous donne pour juste et raisonnable, touche de près à ces autres travers. […] Une peinture fine et juste des caractères s’allie avec succès dans cette pièce à une intrigue qui fixe l’attention ; et l’on voit avec plaisir qu’une certaine douceur de sentiments est lame de tout cet ouvrage. […] En revanche, on lui reproche un jeu trop frivole dans l’expression des sentiments ; mais, est-il juste de demander à un léger prestige tel que l’opéra, la sévérité du cothurne tragique ? […] Lors même que leur idée était juste, ils mettaient bientôt le tort de leur côté, par la fausse application qu’ils en faisaient.
À être trop curieuse et trop subtile, l’observation risquerait de manquer d’ampleur, et de n’être ni absolument exacte ni absolument juste. Or l’exactitude et la justesse sont la passion, l’instinct, le besoin de Molière : il est juste et exact avant tout, surtout dans le langage qu’il prête aux personnages qu’il crée. […] Elles perdraient, à n’être qu’utiles, la grâce, qui est une de leurs plus incontestables qualités : il y a donc une théorie juste et très bien exprimée dans le vers : Il est bon qu’une femme ait des clartés de tout. […] Parmi les représentants les plus outrés de ce rigorisme, nous retrouvons un très grand adversaire de Molière, un adversaire qui pense très juste sur bien des points, mais qui, en tout ce qui regarde les femmes, est souvent d’un ridicule achevé. […] Je serais bien embarrassé aujourd’hui de définir au juste ce que j’entends par classique.
Toute la puissance d’un grand roi est à peine assez grande contre la colère des dévots ; et Louis, qui avait une volonté ferme et prompte, sentit que, pour protéger le Tartuffe, il fallait des précautions et du temps ; « il défendit dès lors cette comédie pour le public, jusqu’à ce qu’elle fût achevée et examinée par des gens capables d’en faire un juste discernement, et ajouta que personnellement il n’y trouvait rien à dire1. » Ainsi le roi faisait d’abord pencher la balance par le poids de sa propre opinion, tout en ménageant la susceptibilité des gens d’église et des vrais dévots. […] Louis devina juste en lui prêtant son appui : la reconnaissance du poète a contribué à la grandeur du prince ; leur gloire est à jamais confondue. […] Palissot a dit avec raison que Le Tartuffe n’avait de modèle dans aucune langue et dans aucun théâtre : on citera quelques anecdotes, quelques traits épars dans les moralistes ou dans les satiriques dont Molière s’est emparé ; mais ils lui appartenaient, et quand il a dit : « Je prends mon bien où je le trouve » il a exprimé une pensée très juste ; il a parfaitement défini les droits de l’auteur comique : s’il a conçu un sujet, s’il veut tracer un caractère, il le compose de tous les traits isolés qui s’y rattachent, soit dans le monde, soit dans les livres : il interroge Théophraste, Plutarque, La Bruyère, Lucien, de même qu’il écoute le courtisan, l’avare et l’hypocrite qu’il veut faire parler : il n’oublie rien de ce qu’il lit, rien de ce qu’il entend ; il inscrit sur ses tablettes les mots qui échappent à l’amour-propre, et jusqu’aux saillies qui éclatent dans la conversation : il fait de la sorte son profit des ridicules et de l’esprit des autres ; je dirais presque, si je ne craignais que la comparaison ne fut un peu précieuse, qu’il butine au milieu du monde comme l’abeille au milieu des fleurs. […] » Mais le persécuteur de Fénelon pouvait-il être juste envers Molière ! […] En assistant aujourd’hui à la représentation du Tartuffe, ne reconnaît-on pas les grimaciers religieux de notre époque, surtout lorsqu’on entend le misérable s’excuser d’avoir dénoncé son bienfaiteur, par cette froide réponse : […] L’intérêt du prince est mon premier devoir : De ce devoir sacré la juste violence Étouffe dans mon cœur toute reconnaissance, Et je sacrifierais à de si puissants nœuds Amis, femme, parents, et moi-même avec eux.