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16. (1706) Addition à la Vie de Monsieur de Molière pp. 1-67

Je dis plus, je me suis imaginé que son Ouvrage n’est qu’un ramassis des différents sentiments que l’on a répandus sur mon travail ; si tout était parti de son génie, il y aurait peut-être plus d’ordre, et moins de contradiction dans sa Critique. […] Et s’imagine-t-il que l’on eût dit du temps de François Premier, Je me suis rabattu sur l’expression , pour j’ai cherché ma satisfaction dans son style  : que l’on eût employé les aventures qui offusquent la Vie de Molière pour dire, qui empêchent que l’on ne trouve ses actions et ses sentiments  ; que l’on eût hasardé s’écarter de la voie commune , pour signifier ne pas suivre les règles ordinaires du style . […] Je me récrierai toujours contre ces Juges, qui n’ayant qu’une légère connaissance de la langue, s’imaginent que ce qui n’est pas à leur goût et à leur portée, n’est pas bon : et que toutes sortes de sujets peuvent être traités d’un style général. […] Si mon Censeur ne s’en est pas aperçu, ce n’est point ma faute ; et s’il s’imagine que je n’ai rapporté tous ces traits que pour faire rire, il se trompe fort. […] La profession de Comédien ne ferme point la porte aux emplois honorables, comme mon Censeur se l’imagine.

17. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. M. DIDEROT. » pp. 317-332

Goldoni n’avoit pas été plus scrupuleux : il s’étoit emparé de l’Avare, sans que personne se fût avisé de le trouver mauvais, & l’on n’avoit point imaginé parmi nous d’accuser Moliere ou Corneille de plagiat, pour avoir emprunté tacitement l’idée de quelque piece, ou d’un Auteur Italien, ou du Théâtre Espagnol. […] « Sans la supposition que l’aventure du Fils naturel étoit réelle, que devenoit l’illusion de ce Roman & toutes les observations répandues dans les entretiens sur la différence qu’il y a entre un fait vrai & un fait imaginé, des personnages réels & des personnages fictifs, des discours tenus & des discours supposés ; en un mot toute la poétique, où la vérité est mise sans cesse en parallele avec la fiction ? […] On imagine bien que celles de Flaminia ne sont pas pressantes.

18. (1765) [Anecdotes et remarques sur Molière] (Récréations littéraires) [graphies originales] pp. 1-26

Tout cela est revêtu du style le plus bas & le plus ignoble que l’on puisse imaginer. […] Moliere s’est servi pour la composition de la premiere Scene & pour l’exposition de toute la Piece dont je viens de parler, de la Satyre IX du premier livre d’Horace ; Ibam forte via sacra, &c ; mais il imagina un motif, une intrigue ou action, & un dénouement. […] Car, qu’un homme s’imagine être Alexandre, & autres caracteres de pareille nature, cela ne peut arriver, que la cervelle ne soit tout-à-fait altérée : mais le dessein du Poëte Comique étoit de dépeindre plusieurs fous de société, qui tous auroient des manies pour lesquelles on ne renferme point, & qui ne laisseroient pas de se faire le procès les uns aux autres, comme s’ils étoient moins fous pour avoir de différentes folies.

19. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

En l’an 1576, au moment où allaient s’ouvrir les États généraux de Blois, quatre ans après la Saint-Barthélemy, Henri III, qui appréhendait la réunion de cette grande assemblée, n’imagina rien de mieux, soit pour l’adoucir, soit pour la distraire, que de mander d’Italie la plus fameuse troupe d’acteurs de la commedia dell’arte qu’il y eût alors : les Gelosi (Jaloux de plaire), à la tête desquels venait de se mettre un homme distingué par sa naissance et par ses talents, Flaminio Scala, dit Flavio au théâtre. […] On peut imaginer les équivoques. […] Il imagina de faire un livre, de l’imprimer et de l’adresser au roi.

20. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Les auteurs commençaient par imaginer une suite et une confusion singulière d’incidents : c’était là l’invention. […] Je m’imagine qu’il n’eût pas reconnu Hercule dans cette statuette de Lysippe, dont parle Stace, haute d’un pied, qui était si petite à l’œil, et si grande par l’impression de grandeur qu’on en recevait4. […] Que, pour échapper à un mariage pour lequel son père a donné parole, il imagine de dire qu’il est marié, et à trois mois d’être père, et qu’il fasse ce charmant conte des deux amants surpris dans l’alcôve, son mensonge s’explique encore : il est utile, il est dans l’action. […] Imaginez un travers plus sérieux, un vice, et que la peine soit en proportion de la faute, voilà un caractère, voilà la vie. […] Tout à l’heure le père ne soutiendra pas le mari, et il sera fort heureux pour Henriette que son oncle Ariste imagine un stratagème qui rend Trissotin odieux même à Philaminte, en faisant voir en lui un pédant malhonnête homme.

21. (1855) Pourquoi Molière n’a pas joué les avocats pp. 5-15

Dès lors, rappelez des fautes commises, imaginez-en si vous voulez de nouvelles ; celui-ci se charge de plus d’affaires qu’il n’en peut étudier ; cet autre exige des honoraires ruineux; en voici un qui plaide indifféremment toutes causes‌ 8. […] Ce n’est point à des avocats qu’il faut aller, car ils sont d’ordinaire sévères là-dessus, et s’imaginent que c’est un grand crime que de disposer en fraude de la loi : ce sont gens de difficultés et qui sont ignorants des détours de la conscience.

22. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Du Choix du Titre. » pp. 94-102

Le titre influe sur toute la piece ; & un Auteur doit l’analyser, connoître à fond sa juste signification, & le bien saisir, afin de ne pas imaginer une seule situation, de ne pas faire une seule scene, de ne pas arranger un seul incident, qui n’y répondent. […] Il auroit vu finir ses jours misérablement, si dans le temps du systême il n’eût imaginé de présenter au Régent un placet conçu à-peu-près en ces termes : Monseigneur, Dufresny vous supplie de le laisser toujours pauvre, afin qu’il existe un misérable dans la nation pendant votre régence.

23. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Je n’entrerai point dans un plus long détail des beautés dont Molière a enrichi sa pièce ; beautés que la nouvelle de Boccace et la comédie de Vega ne pouvaient lui fournir, et que lui seul a pu imaginer. […] Molière, en portant cette même surprise au théâtre, semble l’avoir affaiblie, lorsqu’il fait dire à la princesse qu’elle a imaginé un moyen de découvrir les véritables sentiments du prince. […] « Dans la dernière scène du troisième acte, la princesse dit, en quittant le théâtre, qu’elle vient d’imaginer un stratagème qui lui fera découvrir infailliblement les véritables sentiments du prince. […] « Lucinde, Clitandre et Lisette, qui sont les principaux acteurs et les plus intéressés dans l’action, voyant Sganarelle, père de Lucinde, toujours environné de médecins et de charlatans, imaginent de faire déguiser Clitandre en médecin et de l’introduire dans la maison. […] « Depuis que les modernes ont jugé, avec raison, que les dénouements en action réussissent beaucoup mieux que s’ils étaient en récit, comme ceux des anciens, il n’y a jamais eu, sur aucun théâtre de l’Europe, un dénouement aussi bien imaginé que celui-ci.

24. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. » pp. 106-124

Le jaloux éloigne toute espece de confident : elle imagine de se servir de lui-même pour apprendre à son rival ce qu’elle pense. […] Vous étiez-vous imaginé que le mari de cette honnête femme étant absent, elle vous recevroit à bras ouverts ? […] La lettre de Dorimon est mieux imaginée ; mais la fente de la porte dans laquelle la femme prétend l’avoir trouvée, présente une idée basse.

25. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

Arlequin est embarrassé ; il imagine de dire à Pantalon que pour l’amuser il va exécuter avec son écoliere une scene d’un opéra bouffon qu’on doit jouer dans peu. […]   Cette scene est excellente pour le Théâtre Italien, & celle de Moliere est excellente pour le Théâtre François, parceque l’Auteur en faisant imaginer & exécuter le stratagême amoureux par l’amant même, a banni la farce de la scene & l’a rendu plus attachante, plus intéressante. […] Le premier intermede du Malade est imaginé en partie d’après un conte de la Fontaine. […] Je fais voir pour une personne toute l’ardeur & toute la tendresse qu’on peut imaginer : je n’aime rien au monde qu’elle, & je n’ai qu’elle dans l’esprit : elle fait tous mes soins, tous mes desirs, toute ma joie : je ne parle que d’elle, je ne pense qu’à elle, je ne fais des songes que d’elle, je ne respire que par elle, mon cœur vit tout en elle ; & voilà de tant d’amitié la digne récompense !....

26. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [37, p. 67-68] »

1775, Anecdotes dramatiques, tome I, p. 213 Un bon bourgeois de Paris, vivant bien noblement, s’imagina que Molière l’avait pris pour l’original de son Cocu imaginaire.

27. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [46, p. 78-80] »

220 Ce serait là les derniers degrés de perfection du comique, si, dans la même pièce et après cette situation, on n’en trouvait une encore plus étonnante ; on parle de celle de la table, au-delà de laquelle on ne peut rien imaginer.

28. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXX. Des Surprises. » pp. 490-502

Si le lecteur veut s’épargner l’ennui de me voir multiplier les exemples, il remarquera que la premiere idée surprend Isabelle avec le spectateur, & que la seconde surprend seulement le public, puisqu’Isabelle, qui l’imagine, & Sganarelle qui n’entend point finesse à la scene, ne peuvent éprouver aucune surprise. […] En effet, qui se seroit jamais attendu à trouver ici au milieu de l’action, une scene entre Valere & Isabelle, & qui auroit jamais imaginé de faire amener Valere & Isabelle par Sganarelle même ?

29. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [90, p. 134] »

Le comte de Saxe285 avait imaginé en 1729 de faire construire une galère sans rames et sans voiles, qui devait remonter la seine de Rouen à Paris, en 24 heures.

30. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. De la Catastrophe ou du Dénouement. » pp. 503-516

L’on s’imaginera peut-être que je ne crois pas ce que je vais dire ; mais on s’imaginera tout ce qu’on voudra.

31. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVII. Du titre des Pieces à caractere. » pp. 417-432

Après bien des quiproquo très plaisants, il imagine de lire que celui qui écrit va marier son fils. […]  Mademoiselle s’imagine  Qu’il n’a rien d’égal à Racine.

32. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. Des Actes. » pp. 274-288

Au lieu que quand un autre a paru avant son retour, l’imagination du spectateur qui a été divertie par cet autre acteur, ne trouve rien à redire quand il revient ; & comme les spectateurs aident eux-mêmes au théâtre à se tromper, pourvu qu’il y ait quelque vraisemblance, ils s’imaginent facilement que ce personnage a eu assez de temps pour ce qu’il vouloit faire, quand avec la musique ils ont eu devant les yeux un autre objet qui a presque effacé l’image qu’ils avoient de celui qui leur étoit demeuré le dernier à l’esprit, dans l’acte précédent ». […] Elle ne nous annonce rien, elle ne nous prépare à rien, elle ne nous fait rien desirer ; d’ailleurs ses interlocuteurs ne paroissent sortir que pour finir l’acte : la raison pour laquelle ils quittent la scene est maigre : enfin l’acte finit d’autant plus mal, que ces deux personnages qui entrent chez eux pour rêver, n’imaginent rien.

33. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIX. Des Caracteres propres aux personnes d’un certain rang seulement. » pp. 312-327

Vous imaginez-vous que j’aie envie de mourir potier d’étain ? […] Être Bourg-mestre, Crispin, n’est pas une chose aussi aisée que je me l’étois imaginé.

34. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

C’est de Lopès de Vega qu’il a emprunté le caractere du Menteur, dont il disoit avec tant de modestie & si peu de raison, qu’il donneroit deux de ses meilleures pieces pour l’avoir imaginé. […] Ce qui caractérise encore plus le comique Italien, est ce mêlange de mœurs nationales, que la communication & la jalousie mutuelle des petits états d’Italie a fait imaginer à leurs poëtes. […] C’est dans ces sortes d’ouvrages qu’il a imaginés, où il a été excellent. […] La préoccupation se rencontre dans les commentateurs, parce que ceux qui entreprennent ce travail, qui semble de soi peu digne d’un homme d’esprit, s’imaginent que leurs auteurs méritent l’admiration de tous les hommes. […] Lorsqu’ils ont une fois imagine un systeme qui a quelque vraissemblance, on ne peut plus les en détromper.

35. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Dans Scarron, un gentilhomme grenadin, souvent trompe par des femmes d’esprit, imagine d’en épouser une bien sotte qu’il fait élever exprès et qu’il entoure de valets aussi sots qu’elle. […] Imaginerait-on que de tels éléments pussent constituer une comédie d’intrigue et de mœurs, en cinq actes, où l’intérêt allât toujours croissant ; où tout fût animé, sans qu’il y eût, pour ainsi dire, de mouvement ; où, enfin, l’exécution la plus riche et la plus variée sortît du fond le plus stérile et le plus uniforme en apparence ? […] Celui-ci, habile, expérimenté, fertile en ressources, voit sans cesse échouer ou plutôt tourner contre lui-même les moyens qu’il imagine pour faire cesser les accointances d’une jeune innocente et d’un jeune éventé 4, dont l’une ne lui cache rien par simplicité, et dont l’autre lui confie tout par étourderie, mais que la fortune, d’intelligence avec l’amour, semble protéger, en dépit de leur indiscrétion, contre tous les desseins d’un ennemi vigilant et bien averti : cette suite de confidences forme donc véritablement une suite de situations dramatiques, dont l’effet serait à peine égalé par tout ce que les jeux et les coups de théâtre peuvent avoir de plus vif et de plus frappant. […] Je l’ai déjà fait entendre, la répétition pour laquelle les comédiens sont rassemblés, ne peut être qu’un prétexte, ou, si l’on veut, qu’un principe d’action propre à faire naître des incidents, des épisodes satiriques, tels que cette plaisante imitation du jeu des comédiens de l’hôtel de Bourgogne ; cette arrivée d’un marquis ridicule qui assomme Molière de ses questions, et les actrices de ses fadeurs ; enfin, cette dispute si heureusement imaginée, où Molière, blâmé d’un excès de modération envers ses ennemis, les accable, les écrase par la manière même dont il démontre qu’il a dû les ménager. […] Il est possible que l’hôtel de Condé, qu’habitait ce prince, ait été, en quelque sorte, l’atelier où se forgeaient toutes les critiques contre L’École des femmes, et que Montfleury, pour faire sa cour, ait imaginé de constater cette circonstance par le titre même de sa pièce.

36. (1852) Molière, élève de Gassendi (Revue du Lyonnais) pp. 370-382

Grimarest fait dire à Molière : « J’en fais juge le bon père, si le système de Descartes n’est pas cent fois mieux imaginé que tout ce que M. de Gassendi nous a ajusté au théâtre pour faire passer les rêveries d’Épicure. Passe pour sa morale, mais le reste ne vaut pas la peine que l’on y fasse attention. » Chapelle, à son tour, s’écrie : « que Descartes n’a formé son système que comme un mécanicien qui imagine une belle machine sans foire attention à l’exécution ; le système de ce philosophe est contraire à une infinité de phénomènes de la nature que le bonhomme n’avait pas prévus. » Chapelle l’accuse encore d’avoir rêvé, ne lui accordant d’autre éloge que d’avoir mieux rêvé qu’homme au monde, quand il n’a pas pillé ses rêveries.

37. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

(Car le Bourgeois s’imagine être beaucoup plus au-dessus du Comédien, que le Courtisan ne croit être élevé au-dessus de lui.) […] Molière s’imagina que toute la Cour, toute la Ville en voulait à son Épouse. […] Son mariage diminua l’amitié que la Béjart avait pour lui auparavant, au lieu de la cimenter : de manière qu’il voyait bien que sa belle-mère ne l’aimait plus, et il s’imaginait que sa femme était prête à le haïr. […] Il reprit la même attention qu’il avait eue pour lui dans les commencements ; et l’on ne peut s’imaginer avec quel soin il s’appliquait à le former dans les mœurs, comme dans sa profession. […] Il avait manié le caractère de l’hypocrisie avec des traits si vifs et si délicats, qu’il s’était imaginé que bien loin qu’on dût attaquer sa pièce, on lui saurait gré d’avoir donné de l’horreur pour un vice si odieux.

38. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Du Dialogue. » pp. 204-222

Il faut être bien possédé du démon des tirades pour avoir imaginé ces deux-là ! […] Cependant, imagine-toi, Davus, qu’elle n’avoit pas la moindre chose qui pût relever sa beauté.

39. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

Le Sganarelle du Cocu imaginaire, avec ses plaisanteries et ses actes grivois243, est un type si peu honorable qu’on serait presque heureux de le voir devenir ce qu’il s’imagine être. […] Quoique l’homme soit un insondable mélange de bien et de mal, c’est erreur d’imaginer que les qualités les plus délicates puissent s’accoupler avec les vices les plus honteux.

40. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Je ne sais sur quel fondement des critiques ont imaginé que Molière pourrait bien avoir eu quelques obligations à Dorimond. […] Loin d’en tirer vanité, Molière s’en excuse : s’il n’a fait que des portraits au lieu d’un tableau, des scènes au lieu d’une comédie, ce ne fut pas par choix, mais par nécessité, c’est parce qu’il fut obligé de composer et de faire jouer une pièce en moins de temps qu’il ne lui en eût fallu seulement pour imaginer le sujet d’une véritable action dramatique. […] Molière, qui n’avait eu besoin de personne pour imaginer la fable légère qui sert de cadre aux différents portraits qu’il voulait faire passer sous les yeux des spectateurs, craignit du moins que sa pièce ne fût pas achevée à temps, s’il n’avait recours à quelqu’un pour l’aider dans le travail de la versification.

41. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

C’est pour prévenir ce malheur que le mot influence et quelques autres de même espèce semblent avoir été imaginés. […] J’imagine que Corneille et Molière riraient bien, s’ils pouvaient connaître les intentions qu’on leur prête et les influences qu’ils sont censés avoir subies. […] Avant Auguste, Plaute, Térence, Lucrèce, Catulle, Cicéron, Salluste, César ; c’est quelque chose, j’imagine.

42. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

Le roi, très irrité, demanda à Vardes, qu’il traitait avec faveur, de qui pouvait venir cette méchanceté ; et il conjectura que la duchesse de Navailles, femme scrupuleuse, pourrait bien avoir imaginé ce moyen de rétablir la fidélité conjugale.

43. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

En un mot, on reproduisait, sous toutes les formes, les personnages hors de la nature, comme les seuls qui pussent faire rire; parce qu’on n’avait pas encore imaginé que la comédie dût faire rire les spectateurs de leur propre ressemblance. […] Toute l’intrigue roule sur une supposition inadmissible, qu’un homme s’imagine être marié avec la femme qu’il aime, le lui soutienne à elle-même, et soit marié en effet avec une autre. […] On n’imaginait pas qu’une comédie pût n’être pas en vers, et la pièce tomba. […] Ce caractère est fort beau ; mais c’est la sagesse parfaite, et il serait plaisant que Molière eût imaginé de la jouer. […] Mercier, s’avance et dit : C’est moi qui ait imaginé ce sujet qui vous fait trembler, et quand vous en verrez l’exécution, il vous fera rire, et ce sera une comédie.

44. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Mais, comme il s’imagine avoir fondé la critique littéraire sur quelque chose en la fondant sur le goût, avant d’exposer mes nouveaux principes, j’ai à suivre l’exemple qu’il m’a donné lui-même : moi aussi, je dois lui dire pourquoi je considère sa méthode comme chimérique. […] Il était impossible à Racine d’imaginer et de penser autrement qu’avec l’imagination et l’esprit de son temps, de sentir avec un autre cœur que le sien, d’écrire une autre langue que cette langue polie et abstraite qu’il avait reçue des mains de Malherbe, et qui s’était encore épurée dans les salons de Louis XIV. […] « Je n’ai rien vu, dit-il, mais les hommes comme moi n’attendent pas de voir ; il suffit qu’ils imaginent, qu’ils soupçonnent, qu’ils aient une crainte, une idée. » Un jour, il rencontre, sans l’avoir cherchée, une preuve positive, le poignard du prince dans la chambre de sa femme. […] Je ne sais pas pourquoi l’on est convenu de considérer comme parfaite une certaine beauté négative, où l’on a évité toutes sortes de fautes ; c’est par une illusion d’optique que l’on croit avoir évité toutes sortes de fautes, et que l’on s’imagine voir dans l’harmonie et la mesure plus de perfection que dans la fougue désordonnée. […] Quand il perdit son père à dix-huit ans, le pauvre fils de pasteur n’ayant pas le sou, point de science et peu d’idées, pour vivre imagina d’écrire, et pour se faire lire imagina de n’avoir pas le sens commun, d’être original à tout prix, c’est-à-dire à peu de frais.

45. (1802) Études sur Molière pp. -355

Les scènes n’en sont pas détachées, bien s’en faut, mais les divers moyens que Mascarille imagine forment chacun une petite pièce, qui n’a aucun rapport avec celle qui la précède et celle qui la suit ; mais elles tendent toutes au même but, toutes font ressortir les caractères du Fourbe et de l’Étourdi. […] Ce mouvement subit de générosité, fût-il involontaire, peint, mieux qu’un long discours, un amant tout entier aux intérêts de son cœur ; et je félicite le comédien qui l’imagina. […] Il y a grande apparence que notre comique a pris l’idée de sa pièce, de sa première scène surtout, dans une satire d’Horace ; et qu’un canevas italien, intitulé Gli interompimenti di Pantalone, lui a fait imaginer son intrigue ; donnons un aperçu de l’un et de l’autre. […] Molière a-t-il imaginé le mot Tartuffe ? […] Quel impudent personnage a pu imaginer cette grossièreté ; et comment ce parterre si renommé, ce parterre du pays latin, a-t-il pu la supporter ?

46. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. De l’Entr’acte. » pp. 289-308

On a imaginé les entr’actes pour donner le temps aux Auteurs de dépêcher derriere le théâtre une intrigue qui ne pourroit qu’offrir des longueurs ou des choses minutieuses & funestes aux plus essentielles, si on les faisoit passer sans distinction sous les yeux du spectateur : par conséquent le poëte a le plus grand tort quand, n’employant pas des moments si précieux, il reprend tout uniment au commencement d’un acte la fable où il l’avoit laissée à la fin du précédent. […] A ces intermedes nous avons, pendant long-temps, fait succéder tout uniment quelques violons, pour délasser le spectateur sans le distraire ; & nous paroissions vouloir nous en tenir là, lorsqu’un Auteur, entraîné par le desir de créer & de franchir la barriere ordinaire, a imaginé de remplacer les chœurs des anciens & les intermedes de nos peres, par la pantomime.

47. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

Un valet de cette fille, qui s’intéresse à son honneur, imagine d’envoyer successivement plusieurs personnages pour arrêter le vieillard, & lui faire manquer l’heure du rendez-vous. […] Il s’est emparé des traits les plus saillants imaginés par son maître.

48. (1847) Le Don Juan de Molière au Théâtre-Français (Revue des deux mondes) pp. 557-567

L’ombre du grand homme, qu’un poète jeune et de bonne espérance a évoquée ingénieusement ce soir-là, aurait pu se montrer fière et reconnaissante de ce nouvel hommage, préférable peut-être même au premier ; car, si les statues publiques sont la digne et seule récompense à offrir à la mémoire des grands généraux et des grands citoyens, nous n’imaginons pour les poètes et pour les artistes aucun hommage plus désirable et plus flatteur que le culte intelligent de leurs ouvrages. […] N’importe ; il continue : « On n’imaginait pas qu’une comédie pût n’être pas en vers, et la pièce tomba. » Le registre manuscrit de La Grange, conservé dans les archives du Théâtre-Français, et consulté si fructueusement par le dernier biographe de Molière, donne un démenti formel à cette assertion.

49. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Je souhaiterais un cabinet tout tapissé de dessous de cartes au lieu de tableaux… Nous trouvions plaisant d’imaginer que de la plupart des choses que nous croyions voir, on nous détromperait. » 26 juillet. […] On s’y promène ; ce sont des allées où l’on est à l’ombre ; et pour cacher les caisses, il y a des deux côtés des palissades à hauteur d’appui, toutes fleuries de tubéreuses, de roses, de jasmins, d’œillets : c’est assurément la plus belle, la plus surprenante et la plus enchantée nouveauté qui se puisse imaginer.

50. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

La Fontaine et Racine avaient besoin, l’un de l’imagina lion des femmes de la cour pour faire passer ses con tes, l’autre de leur âme pour faire sen tir plus vivement le pathétique dont la sienne renfermait le secret ; tous avaient besoin du roi pour obtenir la vogue, objet ordinaire de l’ambition des talents, et souvent leur unique récompense.

51. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. De l’Etat, de la Fortune, de l’Age, du Rang, du Nom des Personnages. » pp. 39-75

Pour moi je ne trouve pas le moindre esprit à imaginer de pareils noms. […] Le hasard leur a donné ces noms ; transportez-les sur la scene, ils paroîtront imaginés avec effort pour faire la critique de ces deux états. […] Quelques Auteurs, sentant la difficulté qu’il y a à imaginer des noms pittoresques, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, les ont empruntés en totalité ou en partie des Grecs & des Latins.

52. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

La scène ne doit point être prise pour une chaire de morale, ainsi que beaucoup de personnes se l’imaginent, croyant que sa devise doit être invariablement : Castigat ridende mores. […] Arnolphe, aveuglé par cette passion, s’est imaginé que le moyen le plus sûr de n’être pas trompé par sa femme est d’épouser une sotte. […] Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement comme si c’était à lui-même. — Comment! […] Mais Octave, qui a du respect et de l’affection pour l’auteur de ses jours, reste interdit lorsqu’il s’imagine que c’est son père qui lui adresse ces reproches. […] Ce qui revient à dire : l’homme pense, imagine, raisonne, juge comme il sent. 2° Il n’y a pas de faculté appelée raison.

53. (1886) Molière : nouvelles controverses sur sa vie et sa famille pp. -131

Si ces étroits et intolérants admirateurs de Molière, après avoir interdit de rien critiquer dans son œuvre, imaginent d’étendre cette prohibition jusqu’à sa vie et à celle de sa femme, c’est là une façon si étrange de comprendre l’histoire littéraire qu’on a bien le droit d’en sourire. […] On imagine aisément l’irritation que cette perfide déposition dut soulever chez Guichard : il comptait sur une alliée et rencontrait une ennemie. […] Je fais ici allusion à la célèbre conversation dans le jardin d’Auteuil, entre Chapelle et son illustre ami, la page la plus étonnante du livre, la plus impossible à expliquer si l’on n’y veut voir qu’un simple artifice de narration, imaginé par l’auteur pour varier la forme du récit. […] Lui reste-t-il, pour faire accepter ses bons offices, d’autre moyen que celui qui fut imaginé par Molière ? […] Il imagina donc l’expédient que l’on sait ; il ordonna une enquête et permit d’enterrer Molière au cimetière Saint-Joseph, mais à la nuit noire (à huit heures du soir, en février !)

54. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

L’air y ajoute encore ; cet air qui a été imaginé par Régnier et repris par Coquelin dériderait un mort. […] Imaginez-le débité au théâtre, le public n’y comprendra goutte et ne sourcillera pas. […] J’imagine qu’ils resteront froids en les regardant. […] Est-ce que je me serais jamais imaginé ! […] coloré, sans doute — il le fallait bien puisque le sujet s’élevait, — mais sobre, mais précis, mais net, et avec la phrase la plus ample qui se puisse imaginer.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. Des Pieces à caractere. » pp. 253-258

Don Juan imagine de parler à sa maîtresse à travers un tour que le jaloux a fait mettre à sa porte, comme on en voit dans nos Couvents.

56. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Par la suite des siècles, quand tout ce qui a précédé et préparé les créations du génie a disparu dans l’oubli, les œuvres éminentes, les monuments qui restent seuls debout, apparaissent à une hauteur inexplicable, et telle qu’on s’imagine avec peine qu’ils aient été construits par des hommes.

57. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Des Comédies Héroïques. » pp. 9-29

parcequ’ils ont trouvé plus commode de traduire des pieces que d’en imaginer ; & sentant, avec leurs modeles, que la scene livrée entiérement à des propos, des amours, ou des actions constamment héroïques, deviendroit très froide & très ennuyeuse, ils ont substitué aux criados, aux villanos, leur arlequin, infiniment plus plaisant ; en sorte qu’en marquant d’une façon plus sensible la différence qu’il y a d’un bouffon à un Seigneur, un Roi, une Reine, ils ont rendu le contraste plus choquant & leurs drames plus monstrueux ; je le pense du moins : voyons si le lecteur sera de mon avis. […] Le Roi, touché des malheurs de son fils, mais plus alarmé par l’emportement de son caractere, imagine de lui faire prendre un breuvage somnifere, & de le faire porter, pendant son sommeil, au milieu de sa Cour, au risque de le faire reporter dans la tour par le même moyen, s’il abuse de son autorité.

58. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IX. Du Genre larmoyant. » pp. 103-122

Qu’ont donc imaginé les Modernes, pour se flatter d’avoir créé un nouveau genre ? Ils ont, à la vérité, imaginé d’exprimer le sentiment par des lignes entieres de points.

59. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. M. DE CHAMFORT. » pp. 420-441

On imagine assez leur tristesse & leurs pleurs dans ces circonstances. […] Il se passera bien de toi, je m’imagine.

60. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Dans les farces mêmes que Molière a véritablement inventées, il ne laisse pas de s’approprier des formes comiques imaginées chez les étrangers, et en particulier celles de la bouffonnerie italienne. […] Les erreurs que commettent les personnages, en se confondant eux-mêmes avec les dieux qui ont pris leur figure, sont imaginées avec une sorte de métaphysique légère et piquante à la fois ; et, dans le fait, les observations de Sosie sur les différents moi qui se sont battus les uns les autres, peuvent donner beaucoup à penser aux philosophes de nos jours. […] Mais rien ne pouvait être mieux imaginé que d’en tirer parti pour la scène, et l’exécution est un véritable chef-d’œuvre. […] L’intrigue et les accessoires en sont imaginés avec talent et convenance, à l’exception de deux caricatures dont on aurait bien pu se passer.

61. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Est-ce à dire que l’on puisse imaginer le Misanthrope d’après une conception différente ? […] » Molière fit donc pour son jeu ce qu’il faisait pour ses pièces ; prenant son bien où il le trouvait, et l’on s’explique, pour les deux côtés de son génie, la comédie écrite et la comédie jouée, que la jalousie, promptement éveillée par ses débuts, s’écriât : « On ne peut pas dire qu’il soit une source vive, mais un bassin qui reçoit ses eaux d’ailleurs. » Bonne fortune singulière pour le théâtre d’une nation, au moment où, par l’entier développement de ses forces vives et l’équilibre de toutes ses qualités, elle arrivait à son apogée littéraire et social, il se trouvait un grand comédien pour recueillir ce que toute une lignée de « farceurs » nationaux et étrangers avait imaginé de plus excellent, le fixer, le faire sien, et, créant lui-même une tradition, le faire entrer définitivement dans le patrimoine dramatique de notre pays. […] Ils n’ont pas un défaut dont il ne profite quelquefois, et il rend originaux ceux-là même qui sembloient devoir gâter son théâtre. » Donneau de Visé rapporte, d’autre part, que l’on s’étonnait « de quelle manière il faisoit jouer jusques aux enfans, » et que lui-même se piquait de « faire jouer jusques à des fagots. » Il nous apprend aussi quelle précision Molière exigeait, ne souffrant pas que rien fût abandonné au hasard de l’inspiration et à la fantaisie individuelle : « Chaque acteur sait combien il doit faire de pas, et toutes ses œillades sont comptées. » Même sévérité pour la diction : « Il avoit imaginé, dit l’abbé Dubos, des notes pour marquer les tons qu’il devoit prendre en récitant ses rôles, » à plus forte raison ceux que devaient prendre ses acteurs. […] A l’occasion, il imaginait, avant la pièce, d’ingénieuses petites scènes que l’on a souvent imitées depuis. Lui-même nous apprend qu’à Vaux, avant les Fâcheux, il « parut sur le théâtre en habit de ville, et, s’adressant au roi avec le visage d’un homme surpris, il Gt des excuses en désordre sur ce qu’il se trouvoit là seul et manquoit de temps et d’acteurs pour donner à Sa Majesté le divertissement qu’elle sembloit attendre. » Une autre fois, à Versailles, il imagine de faire un marquis ridicule cherchant une place sur le théâtre et engageant une conversation avec une marquise placée dans la salle.

62. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. Pieces intriguées par un événement ignoré de la plupart des Acteurs. » pp. 192-198

Le jour que l’hymen se prépare, Son esprit imagine un moyen fou, bizarre, Mais le seul qui pouvoit causer ma guérison.

63. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

On est certain que cet écho ne laisse pas tomber ces paroles, on se contente de cette certitude ; en traversant cette place, même sans prêter l’oreille, on est saisi de respect, et l’on n’imagine pas que cette émotion soit une duperie ; on sent que, du haut de ce balcon, quarante chefs-d’œuvre au moins contemplent la foule : ah ! […] Qu’auront imaginé messieurs les sociétaires pour celte solennité ?

64. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Que s’ils imaginent, sous une forme positive, un dénouement plus naturel, et un personnage aussi méprisable, mais plus gai, leur imagination n’est qu’un souvenir : ce dénouement, c’est celui de quelque autre chef-d’œuvre, et ce drôle, ce sera Falstaff, par exemple. […] Nous pouvons établir une hiérarchie entre les diverses imitations d’un même modèle, parce que nous avons une commune mesure pour les comparer ; mais nous ne pouvons point établir de hiérarchie entre deux modèles, parce nous n’imaginons pas d’exemplaire idéal supérieur à l’un et à l’autre. […] Vous avez sur l’Europe un avantage, vous goûtez Aristophane ; vous le goûtez à force d’intelligence et de science ; car j’ose dire que ce n’est plus un goût naturel, et si l’on représentait aujourd’hui ses pièces à Londres, à Paris ou même à Berlin, j’imagine que le public serait trop étonné pour songer à se divertir. […] « Ils se sont imaginés avoir pleinement satisfait à toutes les objections, quand ils ont soutenu qu’il importait peu que le Cid fût selon les règles d’Aristote, et qu’Aristote en avait fait pour son siècle et pour des Grecs, et non pas pour le nôtre et pour des Français.

65. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

(car le Bourgeois s’imagine être beaucoup plus au dessus du Comedien, que le Courtisan ne croit être élevé au dessus de lui.) […] Moliere s’imagina que toute la Cour, toute la Ville en vouloit à son épouse. […] Il reprit la même attention qu’il avoit euë pour lui dans les commencemens : & l’on ne peut s’imaginer avec quel soin il s’appliquoit à le former dans les mœurs, comme dans sa profession. […] Il ajoûtoit qu’il n’avoit pas pretendu representer au juste les ceremonies Turques, mais en imaginer une qui fut risible ; & il faut avouër qu’il a réussi. […] *Bien des gens s’imaginent que Moliere a eu un commerce particulier avec M.

66. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Aussi Boileau lui-même y reconnaît-il « une narration également vive et fleurie, des fictions très ingénieuses, des caractères aussi finement imaginés qu’agréablement variés et bien suivis Il fut fort en estime même des gens du goût le plus exquis17 ».

67. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. De l’Action, du Nœud, des Incidents. » pp. 165-171

Dès qu’une fois il a fait naître un embarras, qu’il en a tiré parti, il l’abandonne tout-à-fait pour en imaginer un autre qui n’a aucun rapport au premier.

68. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Des différents Genres en général. » pp. 1-8

Dufresny a dit : « Ce n’est pas étendre la carriere des Arts que d’admettre de nouveaux genres ; c’est gâter le goût ; c’est corrompre le jugement des hommes, qui se laisse aisément séduire par les nouveautés, & qui, mêlant ensuite le vrai avec le faux, se détourne bientôt, dans ses productions, de l’imitation de la nature, & s’appauvrit en peu de temps par la vaine ambition d’imaginer & de s’écarter des anciens modeles ».

69. (1856) Les reprises au Théâtre-Français : l’Amphitryon, de Molière (Revue des deux mondes) pp. 456-

Il est vrai qu’il parle à sa femme sur le ton de la colère, quand il apprend à son arrivée qu’Alcmène a passé la nuit dans les bras d’un autre Amphitryon ; mais j’imagine que la marquise de Montespan n’a jamais répondu à son mari comme la femme du général thébain : elle n’a pas essayé de lui persuader qu’elle avait cédé au roi par surprise.

70. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

Les Auteurs qui sont venus après le pere de la vraie comédie, ont, je n’en doute point, tenté de marcher sur les traces de ce grand homme, & de présenter leurs idées avec des expressions naturelles, comiques, intelligibles aux spectateurs les moins éclairés : mais la nature a épuisé ses dons en faveur de Moliere, & s’est montrée avare pour ses successeurs, qui n’ayant pas un génie capable d’imaginer des fables nouvelles, d’imiter heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des nations voisines ; ne pouvant enfanter que des pieces dont l’action & le mouvement suffisent à peine pour soutenir un seul acte, & ne voulant pas ressembler à Poisson, qui se nommoit plaisamment un cinquieme d’Auteur, parcequ’il n’avoit fait que de petites pieces, imaginerent d’amuser le spectateur & de l’éblouir par des pensées brillantes. […] Ils semblent n’imaginer à la hâte une petite intrigue que pour avoir le droit de ramasser beaucoup de monde & de faire débiter sur les planches une diction qu’ils se piquent d’avoir à eux.

71. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Et il conçoit de de mieux humain, puisque la perfection ne nous est pas donnée, une idée si haute et si pratique, qu’il est difficile d’imaginer qu’aucun homme puisse s’en faire une meilleure. […] On s’imagine trop facilement qu’il suffit de savoir lire pour savoir juger, et de savoir juger ce qui est bien pour pouvoir le pratiquer.

72. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Ceux-ci s’étant bien divertis, ayant pris goût à ce jeu et se croyant devenus, en quelques mois, des acteurs consommés, s’imaginèrent de tirer profit et gloire de leurs représentations, et d’ouvrir leur théâtre au public. […] J’imagine que c’est vers ce temps qu’il faut placer la petite anecdote du grand monarque déjeunant en tête à tête avec le grand comédien, et le relevant ainsi aux yeux de tous du mépris de ses nobles valets de chambre. […] Les mousquetaires, les gardes du corps, les gendarmes, les chevaux-légers s’imaginèrent, comme faisant partie de la maison du roi, qu’ils pouvaient entrer à la comédie sans payer, en sorte que tous les soirs ils venaient emplir le parterre de leurs colossales et tumultueuses personnes, ce qui était aux comédiens d’un tort considérable. […] N’imaginons pas, toutefois, que Molière ait été, dans sa vie, exactement ce qu’est Alceste dans sa pièce ; il était trop maître de son cœur pour cela. […] Il voulut revoir ce rôle de sa jeunesse, il voulut le rejouer; mais combien, j’imagine, cela lui paraissait faible et le satisfaisait peu maintenant !

73. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Le 1er juin 1663, jour où La Critique de l’École des femmes fut jouée à Paris, n’était pas loin du 14 octobre, jour de la grande fête projetée pour Versailles, et où devait être joué L’Impromptu de Versailles, pièce où les marquis sont l’objet du plus sanglant outrage et du plus direct qu’on puisse imaginer.

74. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Pour exemple, imaginez que dans un salon une jeune et jolie femme de vingt-sept ans, soit originalité, soit caprice, ou probité, s’avise d’avouer tout haut qu’elle a eu vingt-sept ans, il y a trois jours, aussitôt l’étonnement est général. […] À ces bruits avant-coureurs du bruit des couronnes brisées et des têtes qui tombent, les grands seigneurs et les belles dames s’imaginaient que c’était tout simplement un coup de tonnerre qui les venait surprendre : « Allons, disaient-ils en se séparant, allons voir aujourd’hui ce qui se passe à l’assemblée des notables, nous reprendrons demain la conversation où nous l’avons laissée. » Ah ! […] Voilà tout le secret du succès de la comédie de Marivaux ; elle est pour quelques-uns un regret, elle est pour tous de l’histoire ; elle a été un grand écueil pour ceux qui ont voulu imiter ce style à part, et qui avaient imaginé de faire parler les bourgeois de ce temps-ci, comme parlaient les grands seigneurs d’autrefois. […] Scribe à dater du jour où ce charmant esprit avait imaginé de couvrir d’un voile, et de charger d’un nuage, les deux beaux yeux de Valérie, afin que bientôt le voile tombant rendit une force inattendue à ce regard, perçant comme l’esprit, et tendre comme l’amour.

75. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

On s’imagine volontiers, en pareil cas, que l’on reste à la même place tandis que les autres marchent ; on voit les enfans devenir de jeunes hommes ou de jeunes filles, et on ne se doute pas que, tout le chemin qu’ils ont fait vers la jeunesse, on l’a fait soi-même vers la vieillesse. […] A la seule lecture de ces deux pièces, contrat et acte de célébration, tombent les diverses fables imaginées sur le mariage de Molière. […] En somme, tout ce que les contemporains d’Armande ont écrit contre elle se trouve faux si on l’examine d’un peu près ; à plus forte raison ce qu’une admiration mal entendue pour, Molière a fait imaginer depuis. […] Il faut ajouter à l’honneur de l’un et de l’autre que, dans leur ménage, la mémoire de Molière fut entourée non-seulement de « respect, » mais de « vénération. » Ce sont les propres termes qu’employait en parlant du premier mari de sa mère, un fils né de leur mariage : en 1698, à peine âgé de vingt ans, ce jeune homme avait imaginé d’achever et de mettre en vers libres la Mélicerte de Molière, et c’est dans la préface de ce travail bien inutile qu’il s’exprimait de cette façon.

76. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Il imagine de se faire passer pour hôtelier, et d’attirer dans sa maison le capitaine, en le flattant et en feignant d’ajouter foi à ses fanfaronnades.

77. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

C’est exactement la ruse qu’imagine Isabelle, dans L’École des maris, pour faire parvenir un billet à Valère.

78. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Saint-Simon nous représente le duc de Guiche avec « moins d’esprit qu’il est possible de l’imaginer, peu de bon sens, une parfaite ignorance, payant de grandes manières et de sottises ; » à peu près comme Alceste nous dépeint Clitandre n’ayant pour tout mérite que sa toilette et sa fatuité14. […] Enfin, bien qu’il soit difficile de distinguer, dans une œuvre littéraire, ce que l’auteur a éprouvé de ce qu’il a imaginé, on peut dire que tout ce qui dépasse l’accent mélancolique n’appartient pas aux sentiments du poète et n’est que le produit de son imagination.

79. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. De la Gradation. » pp. 342-351

Et toi, t’imagines-tu que je m’accommode de tes froideurs & de tes absences d’amour ?

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