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25. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Mais le poète n’aura pas osé en tant faire. […] Mais cependant le poète se met à l’œuvre. […] Entre Molière et Lulli, pour n’oublier personne, il faut placer le vrai héraut de ces amours, le jeune poète Quinault, le poète de Renaud et d’Armide. […] Avouez que vous avez rencontré, rarement, un poète de cette force ! […] Le poète était trop jeune pour la circonstance !

26. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

À quoi voulez-vous qu’elles servent aux poètes, qui, pour la plupart, écrivent par inspiration, ou qui, s’ils sont assez grands pour composer avec réflexion, sont assez grands aussi pour puiser leurs réflexions en eux-mêmes ? […] Les grands esthéticiens sont donc, comme les grands poètes, d’admirables créateurs inutiles. Ils créent des idées grandioses, comme les poètes de grandioses images, et il est rare que la faculté créatrice d’images et la faculté créatrice d’idées se trouvent réunies dans le même homme, rare surtout qu’elles fonctionnent ensemble. Goethe, le poète de la réflexion, Goethe, le moins fou des hommes, a dit : — « Vous venez me demander quelle idée j’ai cherché à incarner dans mon Faust ! […] Elle a si peur de n’être pas tout intelligence, de conserver la moindre apparence d’âme, de partialité, d’enthousiasme ; elle s’applique avec un dépouillement si entier, si farouche, à se faire toute à tous, à être anglaise avec les Anglais, allemande avec les Allemands, française avec les Français, qu’elle méconnaît une chose : c’est que les Anglais, les Allemands, les Français sont des hommes, et que dans Molière, dans Shakespeare, dans tous les grands poètes il y a, sous les différences de temps et de lieux, un pathétique capable de faire battre toute poitrine humaine, sans distinction de nationalités.

27. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

« Il faut avouer que Molière est un grand poète comique. […] » Cette indulgence de Fénelon pour le plus grand poète et le poète le plus vivant de la cour de Louis XIV n’était pas, non certes, dans l’âme et dans l’esprit de Bossuet. […] Ce fut une grande originalité à notre poète, de mettre des Français sur la scène. […] Molière ne riait guère ; il était un contemplateur comme le sera toujours le vrai poète comique. […] Sans doute, ce n’est point le style de Molière ; mais quel poète comique a écrit comme Molière ?

28. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Mais rien ne le prouve, et j’accuserais plutôt non Homère, mais le temps où ce poète a vécu, d’avoir été grossier et barbare. […] Parce qu’elle est ivre, elle croit que tous les poètes le sont, l’ont été et doivent l’être. […] Plaute oubliait alors qu’il était poète comique. […] On croirait vraiment que le poète échappe à la loi de l’association des idées ; à coup sûr, il n’a pas fait de plan. […] D’où vient ce luxe du poète anglais, et cette économie de Molière ?

29. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Cette réunion de quatre grands poètes, leur concert pour favoriser les mœurs de la cour, célébrer les maîtresses, exalter, sous le nom de magnificence royale, des profusions ruineuses, étaient au grand préjudice des mœurs générales. […] Napoléon faisait la cour aux poètes de son temps, en déclarant qu’il l’eût faite à Corneille. […] Nos quatre poètes ont voulu plaire au roi galant et magnifique ; ce fut leur tort. […] D’ailleurs désirer de plaire à un roi galant, mais vaillant et glorieux, est le faible le plus pardonnable à un poète courtisan. […] Enfin, c’est se laisser aller à l’imagination, faculté dominante des poètes, qui n’accorde pas toujours à la réflexion la liberté de se mettre sur ses gardes.

30. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Poète français. […] Mais pour ne rien entreprendre sur les devoirs de nos pasteurs et des prédicateurs de l’Évangile, j’abandonne le comédien pour ne parler ici que du poète comique, et pour rapporter de la manière la plus succincte et la plus sèche qu’il me sera possible, quelques-uns des jugements que nos critiques séculiers et réguliers en ont porté. […] Les anciens poètes, dit le P.  […] Voila peut-être tout ce qu’on peut raisonnablement exiger d’un critique judicieux qui n’a pu refuser la justice que l’on doit à tout le monde, et qui n’a point cru devoir blâmer des qualités qui sont véritablement estimables, non seulement parce qu’elles viennent de la Nature, mais encore parce qu’elles ont été cultivées et polies par le travail et l’industrie particuliere du poète. […] Il faut avouer qu’il parlait assez bien français ; qu’il traduisait passablement l’italien ; qu’il ne copiait point mal ses auteurs : mais on dit peut-être trop légèrement, qu’il n’avait point le don de l’invention, ni le génie de la belle poésie11, quoique ses amis même convinssent que dans toutes ses pièces le comédien avait plus de part que le poète, et que leur principale beauté consistait dans l’action.

31. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Peut-être se souvint-il alors des défiances d’Horace à l’égard d’Auguste, et de l’indépendance du poète romain, si facile à effaroucher. […] Ce sont, dit-on, les poètes qui ont le plus besoin d’un puissant patronage, ce sont les Auguste qui font les Virgile, et voilà qu’à Corneille, à La Fontaine, à Molière, à Racine, succède, sous l’influence du nouvel Auguste, qui ? […] Il reste prouvé pour bien des gens que le régime qu’il faut regretter quand on est poète, imiter quand on est prince, c’est celui des royales munificences, où les pensions et les encouragemens allaient, dit-on, éveiller le génie : le règne de Louis XIV. […] Les protections élevées, si intelligentes qu’on les suppose, ont leurs inconvéniens ; la dignité du poète en souffre toujours, sans parler des mauvais vers que lui arrache la reconnaissance, et dont il est trop puni par le ridicule de les avoir faits. […] Il n’est pourtant pas bien certain que le roi ait apprécié comme il le devait le génie de Molière, et quand il demandait à Boileau quel était le plus grand écrivain de son temps, le poète le surprit en lui nommant l’auteur du Misanthrope.

32. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

s’écrie le grand poète irrité. […] Voilà la justice distributive des poètes satiriques !  […] Que pouvait donc faire le poète, ayant ainsi les mains liées ? […] Il n’en fallut pas davantage au poète comique !  […] Elmire est la plus honnête femme qui ait été imaginée par un poète.

33.

LE POÈTE. […] LE POÈTE. […] LE POÈTE. […] Schweitzer raconte de votre poète. […] Les traducteurs du poète sont innombrables.

34. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Qui sait, enfin, si le jésuite n’a pas été animé d’un secret ressentiment contre le poète qui avait jeté l’odieux et le ridicule sur certaines maximes tant reprochées à la fameuse société ? […] Substituons le mot d’hypocrite à celui de dévot ; et cette excuse du personnage deviendra l’apologie du poète. […] Ces moyens faciles et vulgaires, dont ici la difficulté dramatique semblait invoquer particulièrement le secours, étaient repoussés par la vraisemblance morale’, et le génie du poète a su s’en passer. […] Cet emploi d’un même ressort serait partout ailleurs une faute qui accuserait le poète de stérilité. […] La dissertation qui précède l’Amphitryon est terminée ainsi : « Après cet examen de l’Amphitryon de Plaute, j’avais résolu de faire celui de l’Amphitryon de Molière ; mais je crois que ce que j’ai dit sur la comédie du poète latin, peut suffire à ceux qui voudront bien juger de celle du poète français. » Je ne doute pas que cette phrase n’ait donné lieu à l’anecdote rapportée par Voltaire qui n’a pas fait attention aux dates.

35. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Les quatre poètes avaient de bonne heure cédé au penchant qui, de tout temps, a porté les écrivains et les artistes à se chercher. […] Les voluptueux sont tristes, et l’on sait avec quelle sincérité douloureuse leur poète favori, Lucrèce, exprime l’amertume qui se dégage des plaisirs. […] L’Amour médecin est du 15 septembre 1666 et, six mois après, le 21 février 1667, Robinet nous apprend que le poète avait failli mourir. […] Une dernière fois, la passion a mal servi le poète ; pour un moment, elle est parvenue à le rendre diffus et froid. […] Cet acharnement ne peut s’expliquer que par des raisons personnelles au poète.

36. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

C’est pourquoi Socrate dit, dans le Banquet de Platon, qu’il appartient au même homme de traiter la comédie et la tragédie , et que le vrai poète comique est en même temps poète tragique 133. […] La réalité a pour symbole une planche partagée en cases sur laquelle le poète peut jouer le vulgaire jeu de dames ou le royal jeu d’échecs, selon qu’il ne possède que de simples morceaux de bois rond, ou des figures artistement taillées164 — Le besoin d’effacer en soi toute originalité pour se faire une surface unie a donné aux Français pour les termes généraux un goût contraire au vrai style comique. […] Mais dans ses pièces dites régulières, je ne vois que l’abaissement, vers la cour172, d’un poète qui eut pu être grand et qui avait du génie, témoin L’Impromptu de Versailles. […] Voilà justement ce qui fait que Molière est un assez méchant poète comique. […] Il faut dans la comédie que celui qui se joue lui-même paraisse manquer de jugement… le poète doit exprimer son idéal en l’alliant à des grimaces de singe et à un langage de perroquet… Il doit savoir écrire sa propre écriture à rebours.

37. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

De 80 comédies que cet aimable poëte avoit faites, & dont 8 furent couronnées, il ne nous en reste que des fragmens qui ont été recueillis par M. le Clerc. […] Enfin c’est un poëte des plus rians & des plus agréables. […] Ce poëte a imprimé tellement son caractere personnel à ses ouvrages, qu’il leur a presque ôté celui de leur genre. […] Le poëte grec songeoit principalement à attaquer ; c’est une sorte de satyre perpétuelle. […] Enfin je goûte tant cet excellent poëte, que je ne puis m’empêcher d’ajouter encore un mot sur son aimable caractere.

38. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

Une Satyre d’Horace a fourni à notre Poëte comique la scene d’exposition de ses Fâcheux. […] Le Poëte raconte qu’il a eu toutes les peines du monde à se défaire d’un fâcheux. […] je défie Poëte d’en faire mieux que moi, & plus vîte. […] Mathurin Regnier naquit à Chartres le 21 Décembre 1573, de Jacques Regnier & de Simonne Desportes, sœur de l’Abbé Desportes, fameux Poëte de ce temps-là. […] Ce fut encore la protection du Poëte Desportes qui lui valut cette faveur.

39. (1843) Épître à Molière, qui a obtenu, au jugement de l’Académie française, une médaille d’or, dans le concours de la poésie de 1843 pp. 4-15

De la nature humaine immortel interprète, Comédien, penseur, philosophe, poète, Qui, planant de si haut sur l’univers moral, Gai comme Rabelais, profond comme Pascal, Des mœurs que châtiait ta verve satirique, Traças pour tous les temps la peinture historique, Ô Molière ! […] Si tu voyais les Arts, courtisans de Louis, Du faste de son règne esclaves éblouis, Demander leur salaire à son royal caprice, C’est le peuple à présent dont la main protectrice, De ses dignes élus sanctifiant les droits, Couronne les héros, les poètes, les rois. […] le bronze a paru tressaillir ; J’ai vu de tes regards le feu sacré jaillir ; Ta bouche s’est ouverte, et la sagesse même Proclame par ta voix son oracle suprême : « Ô poètes ! […] Poètes !

40. (1856) Les reprises au Théâtre-Français : l’Amphitryon, de Molière (Revue des deux mondes) pp. 456-

Cependant je crois que le poète n’avait pas songé à toutes les allusions que les courtisans prétendaient deviner dans cette comédie. […] Le poète a beau quitter la terre pour le séjour des dieux, tracer pour le maître de l’Olympe un rôle de fourbe et pour Mercure un rôle d’entremetteur : il ne peut se dégager pour longtemps de ses souffrances morales. […] Les poètes de notre temps qui se disent amans de la fantaisie se croient volontiers obligés de témoigner pour la raison un dédain absolu. […] Pour écouter Mercure et Sosie, Alcmène et Jupiter, on n’est pas obligé d’oublier ou de répudier toutes les notions dont se compose la vie de l’intelligence : c’est pour l’auditoire et pour le poète un immense avantage.

41. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Ce grand poète occupe dans son art le même rang que Sophocle dans le sien. […] Une bonhomie fine, un abandon mesuré, dans les rapports du poète comique avec son public, ne sont pas choses mauvaises. […] Comment être poète dans ces conditions ? […] Un poète médiocre en aurait fait un sot. […] Si Shakespeare se contentait de pleurer, pendant que Voltaire paraît pleurer, Shakespeare serait un mauvais poète .

42. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Quoi qu’il en soit, il est du moins certain que plusieurs s’ingénièrent à prêter au poète des allusions dont il faut dire un mot. […] Il a un duel, pour avoir voulu tirer d’un poète l’aveu que ses vers sont mauvais. […] Laissons donc les puritains froncer le sourcil, et ne marchandons pas notre gratitude au poète ou à son protecteur. […] Voilà le travers, dont le poète avait besoin pour tourner au comique l’austérité de son sujet. […] Le poète seul est représenté d’après nature.

43. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

En un mot, le poète comique est moins un prédicateur de vertus qu’un précepteur de bienséances. […] La tentative fut heureuse, puisque nous lui dûmes un chef-d’œuvre ; mais le poète ne la renouvela pas. […] Molière, plus qu’aucun autre poète dramatique, a excellé dans l’art des préparations. […] Peu de temps après, ce poète mourut de chagrin, on peut-être même des suites du coup. […] En 1682, il donna, avec Vinot, ami de Molière, la première édition complète des Œuvres de ce grand poète.

44. (1836) Une étude sur Molière. Alceste et Célimène (La Revue de Bordeaux et Gironde unies) pp. 65-76

Dans sa vie de comédien et de valet de chambre du Roi, le poète avait souffert bien des mépris; obligé de sacrifier son indépendance à sa gloire, de se créer de puissans protecteurs pour qu’il lui fût donné de lire des marquis et de stygmatiser les tartufes, il avait eu à subir le contact impur de la cour. […] La jeune fille ne se montra pas ingrate, et Molière eut la faiblesse de prendre la reconnaissance pour de l’amour. — Notre poète joue ici sous quelques rapports le rôle d’Arnolphe, de L’École des Femmes, mais moins heureux, il ne rencontre pas un Horace qui veuille, avant la noce, lui enlever la future. […] Vous me direz sans doute qu’il faut être poète pour aimer de cette manière; mais, pour moi, je crois qu’il n’y a qu’une sorte d’amour, et que les gens qui n’ont point senti de semblables délicatesses n’ont jamais aimé véritablement. […] Le poète observateur a voulu peindre l’homme tel qu’il est, l’homme avec ses passions, ses instincts de bien et de mal, ses sentimens de calme et d’agitation, d’abattement et de courage; l’homme, en un mot, ondoyant et divers, celui qu’a si bien étudié le philosophe Montaigne. […] Il l’est, en effet, à certains égards, et ce qui démontre que l’intention du poète est bien de le rendre tel, c’est celui de l’ami Philinte qu’il met en opposition avec le sien : ce Philinte est le sage de la pièce…»Sans doute l’auteur a rendu Alceste ridicule, et il le devait sous peine de n’en faire qu’une doublure de Philinte.

45. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Des traits épars qui circulent dans le monde, ou qui sont enfermés dans les livres, sont peu de chose pour l’écrivain, pour le poète : c’est l’art de la composition qui de ces traits fait un ouvrage, et c’est le génie qui de cet ouvrage fait un chef-d’œuvre. […] Maintenant le poète a-t-il eu tort en offrant une image si fidèle de ce qu’on voit si souvent dans le monde ? […] Si la censure du poète guérit le vice des pères, elle prévient le crime des enfants qui en est la conséquence ; et ainsi, loin d’être pernicieuse pour personne, elle devient salutaire pour tous. […] Un poète comique de nos jours craindrait de faire entendre ces regrets dérisoires ou ces souhaits impies ; et il oserait encore moins peut-être présenter un fils tournant en dérision la malédiction la plus ridicule. […] Ce qui, sortant de la plume du moraliste ou de la bouche du prédicateur, obtiendrait l’approbation publique, le poète comique le met en action.

46. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Gloutonneau le poëte, « cet homme agréable qui ne dit pas quatre paroles dans un repas, mais qui pense & mange beaucoup » ? […] Le Docteur offensé lui répond qu’il a fait aussi une piece qui a pour titre le Poëte extravagant (il Poeta matto). […] Le Docteur, offensé derechef, dit que si le Poëte jouoit le rôle du Docteur, le lazzi seroit excellent (se il Poeta facesse da Dottore, il lazzo anderebbe bene). […] Le Poëte offre plusieurs pieces au Chef, qui sont toutes refusées. […] On sollicite le Chef en faveur du Poëte qui ne dit rien, mais qui fait de grandes courbettes.

47.

Car on rimait volontiers les pièces de Molière, même celles que le poète avait écrites en prose. […] Les autres pièces du poète tragique se lisent, mais ne se jouent plus. […] Le répertoire possède, en outre, un certain nombre de drames historiques du poète moderne, M.  […] Ces productions du grand poète, littérairement inférieures aux autres, ont ainsi, pour les fureteurs, les chercheurs d’anecdotes, un intérêt tout particulier. […] Mais les difficultés s’aplanirent, le mécanicien et le poète tombèrent d’accord, et les préparatifs furent poussés avec activité.

48. (1759) Moliere (Grand Dictionnaire historique, éd. 1759) [graphies originales] « article » pp. 604-605

MOLIERE (Jean-Baptiste Pocquelin) célébre poëte comique, qui s’est acquis une réputation qui ne mourra jamais. […] Riccoboni a fait des observations sur le génie de ce poëte comique. […] MOLIERE, autre poëte, qui vivoit en 1620, & qui a composé diverses piéces de théâtre, la Polixène, &c. des épîtres, &c.

49. (1892) Vie de J.-B. P. Molière : Histoire de son théâtre et de sa troupe pp. 2-405

Les auteurs comiques de la Grande-Bretagne essaient d’imiter les pièces du poète français. […] L’Allemagne déploya, dans les représentations surtout, le zèle le plus vif pour le poète français. […] Du moins, la France endolorie attesta qu’elle n’oubliait pas son poète. […] Les poètes de second ordre renchérissaient tant qu’ils pouvaient sur l’emphase cornélienne. […] Il est estimé homme d’esprit et bon poète.

50. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Qu’il y ait peint tout à fait et au juste son état d’esprit, il était trop poète pour cela. […] N’est-ce pas le genre d’attraits que l’on voit à la Célimène idéale, celle qui n’est point telle ou telle actrice, mais le type créé par le poète ? […] Cette foule d’amans qui l’entoure, et dont le poète ne met en scène que le nombre nécessaire à l’action, se retrouvait certainement autour d’Armande. […] A ce moment, la concorde régnait entre les deux époux et le poète n’avait pour sa femme qu’ingénieuses prévenances et délicates flatteries. […] Ce foyer de chaleur, accessible à tous, et qui semble sortir de la tombe même du poète, n’est-ce pas l’image de son génie, cet autre foyer de raison, de poésie et de gaîté ?

51. (1879) Les comédiennes de Molière pp. 1-179

Combien d’amères souffrances éclatent dans les beaux vers du poète ! […] Voilà le destin des fous quand ils se font poètes, et le destin des poètes quand ils deviennent fous. » Marie Ragueneau fut d’abord fille de chambre de Mlle de Brie. […] dit le poète, je ferai des tragédies et des comédies. » Au bout d’un an il fut libre d’aller jouer ses chefs-d’œuvre en prenant une stalle sur le chariot du Roman comique. […] Robinet dit qu’elle était sage, mais Robinet était un poète. […] Jules Levallois a étudié d’un regard pénétrant le sentiment amoureux du poète.

52. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Là-dessus, nos deux Poètes se dirent à-peu-près l’un à l’autre, les douceurs que Molière a si agréablement rimées. […] Ces réflexions trop sérieuses ayant mis le Poète satirique de mauvaise humeur : « Oh ! […] On cite un canevas très-ancien, dont on dit que notre Poète a beaucoup profité. […] Poète et dramaturge) : dramaturge. […] Il se marie tard à trente-sept ans en 1672 avec Marie Ragueneau, fille du pâtissier poète.

53. (1765) [Anecdotes et remarques sur Molière] (Récréations littéraires) [graphies originales] pp. 1-26

On ne prétend rien diminuer du mérite & de la gloire de Moliere, en disant que le fond de la fable de sa Comédie de l’Avare est pris en partie de l’Aulularia de Plaute, & en partie de la Sporta del Gelli, qui a suivi le Poëte latin ; que le premier Acte est imité d’une Comédie Italienne à l’inpromptu, intitulée l’Amante Tradito, & jouée à Paris sous le nom de Lelio & d’Arlequin, valets dans la même maison : que la premiere Scene du second Acte est tirée du Dottor Bachettone, Canevas Italien ; que la Scene 5me. […] Despréaux, qui lui corrigea ces deux vers de la premiere Scene des Femmes Savantes, que le Poëte Comique avoit faits ainsi : Quand sur une personne on prétend s’ajuster, C’est par les beaux côtés, qu’il la faut imiter. […] Car, qu’un homme s’imagine être Alexandre, & autres caracteres de pareille nature, cela ne peut arriver, que la cervelle ne soit tout-à-fait altérée : mais le dessein du Poëte Comique étoit de dépeindre plusieurs fous de société, qui tous auroient des manies pour lesquelles on ne renferme point, & qui ne laisseroient pas de se faire le procès les uns aux autres, comme s’ils étoient moins fous pour avoir de différentes folies. […] Peu de temps après la désertion du Poëte Tragique, Moliere donna son Avare, ou M. […] Ces réflexions trop sérieuses ayant mis notre Poëte en mauvaise humeur : Ho !

54. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

ne laissait passer, sans un éclatant tribut de son zèle et de son talent, aucune occasion de divertir et de flatter le roi, et qui enfin avait cela de particulier, qu’amant malheureux, mari trompé, il était poète sans pitié pour les victimes d’un désordre qui faisait son tourment. Je n’insisterai pas sur ce rapprochement qui restera toujours affligeant pour les nobles admirateurs du grand poète, si de nouvelles lumières ne viennent en détruire l’effet. […] Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, da us la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.

55. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Voltaire aussi le déclare mauvais poète, mais homme fort savant, et, ce qui est étonnant, bon critique. Voltaire s’exprime ainsi sur Cottin : Non moins plat poète (que Chapelain), et, de plus, plat prédicateur, mais homme de lettres et aimable dans la société. […] Cependant je ne puis dissimuler que dans son épitre à Boileau il accuse la société de Rambouillet d’avoir réuni les sots ennemis du poète : Je veux t’écrire encor sur tes sots ennemis, À l’hôtel Rambouillet contre toi réunis. […] C’est pourtant sur cet anachronisme de Voltaire que se sont établis les principaux détracteurs de l’hôtel Rambouillet ; c’est sur la foi du poète, inexact chronologiste, que les biographies et les commentaires se sont à qui mieux épuisés en mépris sur l’hôtel Rambouillet.

56. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [36, p. 64-67] »

Aussi l’abbé Cotin, décrié par Boileau comme prédicateur et comme poète, fut joué sur le théâtre, par Molière, comme un mauvais poète, comme un pédant, et ce qui ne peut être jamais permis, à moins que la personne ne soit infâme, comme un mal honnête homme, du moins comme un homme sans délicatesse, et même sans principes.

57. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. De l’Entr’acte. » pp. 289-308

L’art du peintre & l’art du poëte, du poëte dramatique sur-tout, sont à-peu-près les mêmes. […] On a imaginé les entr’actes pour donner le temps aux Auteurs de dépêcher derriere le théâtre une intrigue qui ne pourroit qu’offrir des longueurs ou des choses minutieuses & funestes aux plus essentielles, si on les faisoit passer sans distinction sous les yeux du spectateur : par conséquent le poëte a le plus grand tort quand, n’employant pas des moments si précieux, il reprend tout uniment au commencement d’un acte la fable où il l’avoit laissée à la fin du précédent. […] Reprenons la comparaison du peintre avec le poëte dramatique. […] « Ainsi que l’art du peintre, disent-ils, consiste à finir si bien ce qu’il montre, qu’on devine aisément ce qu’il cache : de même le poëte doit travailler avec tant d’adresse, que les choses représentées sur la scene fassent deviner ce qui se passe derriere la toile ».

58. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Je le crois grand poète, parce que j’apprends qu’on récitait ses vers après sa mort, et qu’on l’avait laissé mourir de faim pendant sa vie; mais je crois qu’en fait de vérités, il y a peu à gagner avec lui. […] Et si ce travers vient ou d’une humeur chagrine et brusque, ou d’un rigorisme outré sur l’obligation d’être toujours vrai, le poète qui nous le fait sentir n’est-il pas un précepteur de morale ? […] N’est-il pas clair que tout le dialogue qui suit n’est qu’un combat où l’amour-propre du censeur lutte contre l’amour-propre du poète ? Un philosophe sans humeur n’eût-il pas trouvé tout simple qu’un poète, et surtout un mauvais poète, défendît ses vers à outrance? […] Je réponds : Oui, c’est ce que doit faire le poète comique; mais c’est ici le cas de rappeler le mot d’Horace : Qui empêche de dire la vérité en riant?

59. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Il imposait au poète, il refroidissait sa verve. […] C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

60. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Les poètes célèbrent le grand comique, les comédiens viennent saluer son image. […] Quant à la maison où le grand poète est mort, je crois, avec M.  […] La coquetterie, l’infatuation d’Armande devaient empoisonner les jours et les veilles du poète. […] Notez que l’on brûlait encore les poètes en Grève. […] La vaste coiffure du temps de Louis XIV couvre le front pensif et ridé du poète.

61. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Les meilleurs poètes de l’antiquité furent ainsi soumis à sa dîme toute puissante. […] Dimanche, et le poète ainsi ne manqua pas sa vengeance. […] L’abbé répondait à cette amitié par une vive admiration pour ses œuvres ; mais c’est surtout à notre poète qu’il avait voué son estime. […] Une bien grande dame sans doute, car aucune autre ne se fût permis de traiter le poète avec ce sans gêne et ce laisser-aller. […] On fait de tout un crime au malheureux poète.

62. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Ce silence du monarque parut aux courtisans une marque certaine de mécontentement, et ils se mirent à traiter le poète comme un homme en disgrâce, c’est-à-dire à le déchirer. […] » Ce sont exactement les mêmes paralogismes que j’ai déjà réfutés à l’occasion de L’Avare et de George Dandin ; c’est toujours ce double vice de raisonnement, qui consiste, d’une part, non pas seulement à poser en fait ce qui est en question, mais à affirmer le contraire de ce qui est certain ; et, de l’autre, à confondre le but moral que se propose le poète, avec les moyens qu’il emploie pour y arriver. […] Ce qui se passait dans les mystères ne pouvait être divulgué sans crime : c’est par là que l’auteur de la dissertation explique ce silence absolu, difficile à exprimer autrement, que jusqu’au siècle d’Apulée, les écrivains, surtout les poètes de la Grèce et de Rome, ont gardé sur les aventures si poétiques de Psyché. […] Mais ce qui est presque aussi singulier qu’une telle association, c’est que l’ouvrage qui en fut le résultat ne s’élève pas au-dessus du médiocre, et n’est, dans sa totalité, digne d’aucun des trois poètes illustres qui y contribuèrent. […] Dans ce que Molière eut le temps d’exécuter lui-même, quelques traits d’observation comique percent, par intervalle, à travers la dignité obligée du langage ; mais ils sont déplacés, et semblent n’être là que pour attester combien peu le caractère du sujet convient à celui du poète.

63. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « [Introduction] » pp. 1-4

Nous espérons prouver encore par-là que les successeurs les plus célebres de Moliere sont ceux qui ont imité davantage leurs prédécesseurs, & que tous ont été plus ou moins applaudis, à mesure qu’ils se sont plus ou moins rapprochés de Moliere, le premier Poëte comique de tous les âges & de toutes les nations ». […] Tel est à-peu-près ce que j’ai nommé le prestige de l’imagination du Peintre & du Poëte ; il rapproche l’objet, il le met tout entier & tel qu’il est sous mes yeux : c’est à quoi se termine toute l’industrie de l’Imitateur.

64. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

C’était déjà, d’ailleurs, flatter délicatement l’orgueil des deux princesses, dont l’une était la mère et l’autre la femme de Louis XIV, que de prendre pour modèle un des meilleurs ouvrages d’un des poètes les plus estimés de leur nation. […] Le poète qui a fourni à Molière le sujet de La Princesse d’Élide, est Augustin Moreto, reconnu supérieur, dans le genre de la comédie, à Caldéron, son compatriote et son contemporain. […] Suivant un usage auquel ne dérogent jamais les poètes dramatiques delà les Pyrénées, il y a dans la pièce espagnole un valet bouffon, dont les détestables pointes ne peuvent faire rire qu’un peuple grave, peu connaisseur ou du moins peu difficile en plaisanterie. […] Le poète espagnol a la gloire d’avoir imaginé un sujet heureux et d’en avoir tiré de grandes beautés : Molière a le mérite d’avoir presque toujours perfectionné dans sa copie un bon original. […] La passion du roi pour mademoiselle de La Vallière avait donné à toute sa cour le signal de la galanterie et de la volupté ; parmi les jeunes seigneurs, quelques-uns étaient ses confidents, tous étaient ses imitateurs ; et, dans toutes les fêtes données par le monarque, les poètes chargés de les embellir de leurs talents, offraient l’histoire fidèle de ces nobles amours sous le voile des plus transparentes allégories.

65. (1900) Molière pp. -283

On s’était déjà occupé de Molière à l’Athénée ; tout un mois on disserta dans les journaux sur ce qui s’y était dit au sujet du grand poète comique. […] Chez nos grands poètes, cette influence est très réelle et très profonde. […] Un poète peut s’en mêler ; il peut devenir poète politique et rester cependant grand poète. […] Un poète écrit alors, sous l’inspiration d’un courant national violent, Les Souvenirs du peuple, Le Vieux sergent, La Vivandière, La Déesse de la Liberté ; il peut trouver de ces inspirations qui châtient d’une façon immortelle les faits dont souffre une nation : mais ce ne peut être qu’un moment, et cette intervention directe du poète n’est possible qu’à des conditions très précises et très déterminées. […] Ce mot sur Molière, mot risqué et bien sévère, avait trait à son rôle de poète amuseur du roi Louis XIV et de la cour.

66. (1732) Moliere (Grand Dictionnaire historique, éd. 1732) [graphies originales] « article » pp. 45-46

MOLIERE (Jean-Baptiste Pocquelin) poëte comique, étoit fils d’un valet de chambre-tapissier du roi, & nâquit à Paris vers l’an 1620. […] Il ne faut pas confondre ce poëte avec un autre Moliere, qui vivoit l’an 1620.

67. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On souriait avec dédain à l’idée qu’on pût se permettre de dire : qu’une poésie est bien châtiée ; qu’un souris est fin, qu’un souris est amer ; qu’un mauvais poète est un bâtard d’Apollon ; que les peintres sont des poètes muets ; que le soleil est l’époux de la nature. […] Ce n’étaient pas encore les chefs-d’œuvre de ces deux poètes, s’en étaient les prémices.

68. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

L’auteur ne fait que montrer ; peut-être l’indifférence apparente du poète, qui constate au lieu de juger, et montre tout sans rien maudire, ajoute-t-elle à la poignante horreur de la réalité. […] Partial comme un homme passionné, le poète actuel divinise ce qu’il aime personnellement et maudit ce qui lui déplaît ; Molière regarde en pleurant et ne fait que constater. J’admire profondément dans Alceste cette haute impartialité du poète qui s’est représenté, et s’est représenté ridicule. […] Pour en revenir au Dépit amoureux, que du reste nous n’avons pas quitté (car les querelles et les réconciliations remplissent Molière : sou œuvre entière pourrait être intitulée le Dépit amoureux), j’y entends un mot qui révèle le caractère de ce poète : « Je veux être fâché, » dit Gros-René.

69. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Poète comblé des faveurs du roi, il avait composé à la hâte, pour les fêtes de la cour, Le Mariage forcé, La Princesse d’Élide, et L’Amour médecin. […] Il avait vu la pièce qu’il louait, son éloge était positif, et l’heureuse excursion du jeune poète tragique dans le domaine de la comédie pouvait inquiéter celui qui avait quelque droit de s’en regarder comme le possesseur. […] Si l’on éprouve pour lui de tels sentiments, c’est que Molière l’en a fait digne : ce grand poète ne prévoyait sûrement pas qu’on dût prendre un jour contre lui la défense d’Alceste, et s’armer, pour l’attaquer lui-même, de tout l’intérêt qu’il a voulu qu’inspirât ce personnage. […] Sans parler de l’écrit éloquent qui la renferme et des excellentes dissertations qui la combattent, un poète, qui la partageait ou qui a feint de la partager, en a fait presque un chef-d’œuvre pour la scène : peu de vérités ont été plus fécondes pour notre gloire littéraire. […] On a des raisons de croire que l’auteur de ce ballet, Benserade, voyait déjà Molière d’un œil jaloux et malveillant ; mais, plus fin courtisan qu’habile poète, il crut devoir flatter, dans le rival qui lui faisait ombrage, l’homme qui savait amuser son maître et punir ses ennemis.

70. (1716) Projet d’un traité sur la comédie pp. 110-119

Ce Poète comique a une naïveté inimitable, qui plaît, et qui attendrit par le simple récit d’un fait très commun : Sic cogitabam, Hem, hic parvæ consuetudinisTerent. […] Il faut avouer que Molière est un grand Poète comique.

71. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Ainsi, lorsqu’ils ont mal jugé des pièces de Molière, et qu’ils n’ont pas rendu justice à ce grand poète, ils étaient en quelque sorte excusables. […] « Le goût pour les spectacles était presque général en France, depuis que le cardinal de Richelieu avait accordé une protection distinguée aux poètes dramatiques. […] Mais les deux poètes latins, plus uniformes dans le choix des caractères et dans la manière de les peindre, n’ont représenté qu’une partie des mœurs générales de Rome. […] L’on rit, dit Horace*, et le poète est tiré d’affaire. […] Le poète français embrasse un objet plus étendu et plus utile.

72. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Le premier poète comique de l’Italie, Goldoni, est un disciple de Molière. […] Ce fat pour la gloire cosmopolite de notre poète une nouvelle phase, celle de la vénération. […] Chassang, Les Précieuses ridicules de Molière ; le poète a triomphé là comme sur un vrai théâtre. […] Molière dans Amphitryon a presque autant d’esprit qu’un poète de nos musées. » (On appelait en ce temps-là musées le recueil de vers des poètes à la mode.) […] dit le poète.

73. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Le cardinal, jaloux du poète qui lui échappait, et envieux en même temps de sa gloire, imposa à l’Académie la critique du Cid. […] Quelle prévention que cette qui fait voir un bureau de fade bel esprit dans cette maison, ou le poète le plus mâle de notre littérature et le plus élevé, à qui il n’est arrivé qu’une seule fois de mettre une passion amoureuse sur la scène, allait chercher des conseils et des encouragements, échauffer et exalter son énergique talent, et où il trouvait l’inexprimable bonheur délie goûté, senti, admiré dans son élévation et dans sa profondeur, par des femmes qui s’étaient passionnées dans la noble conversation de Balzac pour la grandeur romaine !

74. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

Pourquoi faut-il que cette grande figure du poète moraliste soit la statue dont la tête d’or semble toucher le ciel, tandis que ses pieds d’argile s’enfoncent dans la boue585 ? […] On ne parle ici qu’au point de vue de la morale universelle ; mais on ne peut s’empêcher pourtant de remarquer qu’à une époque où les rois dansaient en costume d’Apollon devant la cour, et étaient traités de dieux par les poètes et par Molière même597, il y avait quelque chose de particulièrement immoral et odieux à proclamer Qu’un partage avec Jupiter N’a rien du tout qui déshonore598. […] Mais quand on veut étudier sous toutes ses faces la variété de ce génie, on ne doit lui ôter ni son talent ni son immoralité de poète anacréontique. Il faut citer, pour pouvoir l’admirer et le condamner en même temps, ce léger et séduisant langage de la corruption innocente, qui fut avec tant de succès imité mais non égalé par les petits poètes du dix-huitième siècle ; il faut rendre à Molière l’honneur et la honte des bergeries. […] V des Maximes et Réflexions sur la Comédie : « La postérité saura peut-être la fin de ce poète comédien, qui, en jouant son Malade imaginaire ou son Médecin par force, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut peu d’heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit le dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez (Luc, VI, 25).

75. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

disait un poète en se contemplant lui-même, qu’ai-je fait, malheureux, des vices éclatants de ma jeunesse ? […] Pendant que le nombre des historiens nous échappe, on sait, à un homme près, le nombre des poètes. […] Tôt ou tard, il faut que le poète meure. […] Son père, le comédien Monvel, était un vrai comédien, un peu philosophe, un peu poète. […] La critique ne dit pas : « Ce n’est rien, c’est un vieux poète, c’est un vieux musicien, c’est un vieux comédien qui se meurt ! 

76. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

La tâche de l’éditeur des Œuvres de Molière a été rendue très difficile par l’incorrection presque incroyable des différentes éditions de ce grand poète. […] C’est dans le temps qu’il suivait le cours de ce professeur, que Poquelin jeta les fondements de sa traduction de Lucrèce, édifice qu’il n’a jamais achevé, et dont plusieurs parties révèlent un grand poète. […] De pareils succès ne purent enchaîner le poète sur les bords du Rhône : il fut appelé par l’amitié du prince de Conti dans la ville de Béziers, où devaient se tenir les états de Languedoc. […] Vous trouverez dans le poète latin l’idée du fameux sans dot ; Euclion perd aussi sa cassette, et se livre au plus affreux désespoir ; on séduit sa fille ; il prend l’amant pour le voleur, et cette méprise amène des quiproquo comme dans le poète français ; mais où est le maître Jacques de Molière, où est la situation si morale de ce père qui fait l’usure avec son propre fils ? […] Vinot, ami intime de Molière, et La Grange, son camarade, donnèrent une édition de ce poète en 1682.

77. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Molière, poète de la cour de Conti, avait donc beau jeu pour mettre sur le théâtre de Béziers sa comédie des Précieuses ridicules. […] Une précieuse fait l’éloge de Corneille, une autre qui préfère Benserade, poète plus galant et homme de cour, une troisième prend le parti de Chapelain. […] Il pouvait savoir par le prince et la princesse de Conti, dont il avait été le poète et le directeur des spectacles, que la cour avait été importunée du bruit elle nouvelle école si opposée à ses traditions et à ses habitudes. […] Molière, intéressé comme poète et comme comédien à plaire aux gens de cour et aux gens du monde, avait pu se laisser aller à leur aversion pour les mœurs opposées aux leurs : cette facilité était l’esprit de son état. […] N’est-ce pas faire payer cher au poète l’esprit qu’on veut bien lui prêter, que de le dépouiller de celui qu’il a ?

78. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

Si Louis XIV avait été instruit de cette suppression, par qui se serait-il cru offensé, ou par le poète, qui répétait après tant d’autres ces vieilles et utiles vérités, ou par ceux qui en faisaient évidemment à leur souverain une application si maligne? […] Comme il est le héros de son ouvrage, il commence par faire son portrait sous le nom de Zelmis; et, soit à titre de romancier, soit à titre de poète, soit par la réunion de ces deux qualités, il se dispense absolument de la modestie. […] Il y a longtemps qu’on a pulvérisé ce sophisme frivole; mais il n’est pas inutile d’observer que ces systèmes d’erreur, sur lesquels on a fait de nos jours des volumes dont les auteurs se croyaient une profondeur de génie bien supérieure au plus grand talent dramatique , se retrouvent dans les amusements de la jeunesse d’un poète comique, et ne valent pas une scène de ses moindres pièces. […] Ce dialogue est la nature même : le poète, qui était joueur, n’a eu de ces mots-là que dans la peinture d’un caractère qui est le sien ; et Molière, qui en est rempli, les a répandus dans tous ses sujets; en sorte qu’il a toujours trouvé par la force de son génie ce que Regnard n’a trouvé qu’une fois et dans lui-même. […] Le sujet est de Plante : nous avons vu, à l’article de ce poète latin, combien il est resté au-dessous de son imitateur: celui-ci multiplie bien davantage les méprises, et met à de bien plus grandes épreuves la patience du Ménecline campagnard.

79. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Je n’ai pas à rappeler les mésaventures conjugales du poète : elles sont connues de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des lettres. […] Qu’il se méprenne sur la pensée du poète, qu’il lui prête des intentions réprouvées par le bon sens, ce n’est là pour le plus grand nombre qu’une question sans importance. […] Je ne discute pas la pensée du poète, ma tâche est d’examiner comment cette pensée est rendue. […] Quand il s’agissait de Talma, on pouvait dire sans exagération que le comédien était pour moitié dans l’œuvre du poète : je ne vois personne aujourd’hui qui mérite un pareil éloge ; mais les acteurs applaudis se prennent volontiers pour les égaux de Talma, et lorsqu’ils jouent l’ancien répertoire, tout en affirmant qu’ils possèdent la vraie tradition, ils ne s’interdisent pas le plaisir de l’interpréter à leur guise. […] Ils ont beau parler de composition, ils émiettent la pensée du poète, et l’unité disparaît.

80. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Préliminaires S’il est un fait établi par les lois les plus constantes de l’histoire, c’est que les grands poètes et les grands artistes n’ont pas été en leur temps des accidents fortuits, des phénomènes isolés. […] Notre grand poète comique Molière a été, l’un des premiers, livré à la curiosité de l’érudition.

81. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Corneille crut devoir en user ainsi pour faire taire les critiques, qui prétendaient que ce que l’on admirait le plus dans les deux poèmes n’était que des larcins faits au poète latin et à l’auteur espagnol. […] Chacun se trouva en état de comparer l’original avec sa traduction et de reconnaître que jamais inférieur à ses modèles, ce grand poète les a souvent surpassé, et que ce qu’il a ajouté est encore supérieur. […] « L’intérêt de la pièce est celui que font naître les fâcheux : le poète par son titre ne s’est engagé à rien de plus. […] « Le poète qui fait profession de fournir le théâtre, et d’entretenir durant toute sa vie la satisfaction des bourgeois, ne peut souffrir de compagnon. […] « À la moitié du second acte, par exemple, le poète espagnol amène une fête, ou un jeu dans le goût de sa nation, et dont voici les principales règles.

82. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Molière, pour composer L’École des femmes, n’a eu recours à aucun poète dramatique ; mais il a beaucoup emprunté à des auteurs de nouvelles. […] Tout l’artifice du poète consiste à transposer les rôles, c’est-à-dire à mettre l’ignorance et la sottise du côté des admirateurs de L’École des femmes, le jugement, l’esprit et le goût du côté de ses détracteurs ; et, comme de raison, c’est à ceux-ci que demeure tout l’avantage de la contestation. […] Cela s’explique quand on sait que mademoiselle Hervé était la même que madame Aubry, femme de Jean-Baptiste Aubry, maître paveur et poète tragique, qu’elle s’appelait Geneviève Béjart, et que Molière avait épousé sa nièce. […] Son camarade Raymond Poisson en parle d’une manière fort honorable dans son Poète basque. […] Du reste, il semblait être dans la destinée de Boursault d’être en guerre avec les poètes les plus redoutables de son temps.

83. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

On trouva outrecuidant qu’un auteur attaqué se défendit en personne, et, qui pis est, se défendît en poète comique, c’est-à-dire fit de ses critiques une comédie, et des plus vives. […] A ce mot qui fait éclater le parterre, les dames pincent les lèvres, un quidam à notre côté, à mine discrète et fade, poète probablement, murmure : « Cela est grossier » ; et M. de la Feuillade, sur le théâtre, lève les bras au ciel d’un air de pitié. […] La scène semble froide au poète pincé, notre voisin, non pas à nous : car, outre qu’il nous paraît juste qu’Arnolphe soit attrapé par les choses même dont il s’est cru garantir contre toute attrape, — n’y a-t-il pas de quoi crever de rire, rien qu’à voir la face ahurie d’Alain ? […] Il n’importe : la libéralité du roi fut précieuse à Molière, pour l’effet moral qu’elle produisit ; on ne voulait voir en lui qu’un acteur, un bouffon de tréteaux ; il fallut bien désormais le prendre pour ce que disait le Grand-Livre : un excellent poète comique. […] C’est que chez Molière, comme chez tous les véritables poètes dramatiques, l’esprit planait au-dessus des misères du cœur ; et que ses tortures intimes n’altérèrent jamais ni son incomparable verve comique, ni la souveraine impartialité de son génie.

84. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le grand poète, l’homme de génie ne put faire absoudre le comédien. […] Si plus d’un trait des Fâcheux fait reconnaître le poète comique, il est une scène qui décèle le poète philosophe. […] Ce poète si pédantesque, ce Lysidas si plein de lui-même, selon la clef, c’était le jeune Boursault. […] Le jeune poète se mit à l’ouvrage. […] Le poète de cour chargea Molière de remplir la partie du cadre que devaient occuper Thalie et Euterpe.

85. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

Ce sont des especes d’incursions permises, à la vérité, mais indépendamment du vice inséparable des pieces qui nous offrent des mœurs étrangeres, comme nous l’a prouvé dans ce même article M. l’Abbé Dubos : « Il y a encore deux choses à craindre : la premiere que le poëte n’imite ces peintres qui peignent une belle femme d’idée, sur le rapport qu’on leur aura fait de sa beauté, ou après ne l’avoir vue qu’en passant. […] Le poëte, & le poëte comique sur-tout, doit-il être l’esclave né d’un préjugé national ?

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. Pieces intriguées par un événement ignoré de la plupart des Acteurs. » pp. 192-198

Aristote prétend qu’il est permis au poëte de supposer quelque chose contre la vraisemblance, pourvu que ce soit dans les choses qui se sont faites avant l’ouverture du théâtre, & qui doivent être racontées dans l’exposition. […] Loin d’excuser un poëte qui manque à la vraisemblance dans ses avant-scenes, je le crois plus blâmable que celui qui la choque pendant l’action : il est bien plus le maître de ne pas choisir un sujet défectueux par lui-même, que d’en arranger à sa fantaisie les incidents, quand l’ouvrage est une fois en train.

87. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XL. Du dénouement des Pieces à caractere. » pp. 469-474

de l’Empyrée fasse le dénouement, il s’en faut bien qu’en lisant la lettre qui prouve sa générosité & qui dénoue la piece, on s’écrie : Voilà bien le trait d’un poëte ! […] de l’Empyrée ne tient pas davantage à la Métromanie qu’à tout autre passion ; à un poëte qu’à un orateur, un peintre, &c.

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