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5. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

Je divertis le Prince par les spectacles que je lui donne ; je le rebuterai par un travail sérieux, et mal conduit. […] Il obtint une permission de faire voir à la foire Saint Germain le petit spectacle qu’il avait préparé. […] Elle la fit passer dans l’appartement de la Reine, pour lui donner un spectacle si nouveau. […] Cette Troupe prit le titre de Comédiens de Monsieur le Dauphin, et elle se donna en spectacle avec succès pendant du temps. […] Baron, à qui ce Mondorge s’adressa, s’en aperçut aisément ; car ce pauvre Comédien faisait le spectacle du monde le plus pitoyable.

6. (1886) Revue dramatique : Les Fâcheux, Psyché (Revue des deux mondes) pp. 457-466

On assiste à ces spectacles avec indifférence, comme on regarde, à l’occasion, la reliure d’une Imitation de Jésus-Christ : c’est « le plus beau livre qui soit sorti de la main des hommes, » on veut bien le croire, mais on l’a connu naguère, dans les intervalles du catéchisme, à titre de petit ouvrage de piété. — Ainsi donc ces fruits du génie, ayant perdu le duvet et la fleur, nous sont vainement offerts : si quelques autres, de même qualité environ, restent dans le fruitier, qui s’en aperçoit ? […] Aussi, vers la fin de la vie de Molière, le Florentin l’emportera-t-il en faveur sur le Parisien ; et, ayant inventé en France, avec Quinault, la tragédie chantée tout entière, c’est-à-dire l’opéra, il obtiendra que défense soit faite aux comédiens de se servir de plus de six « musiciens » et de plus de douze joueurs d’instrumens, et « d’aucuns des danseurs qui reçoivent pension de Sa Majesté. » Jusque-là, dans ces occasions, Molière, auteur des récits, se tient à peu près sur le même rang que Benserade, auteur des vers, — c’est-à-dire des complimens glissés dans le livre de ballet, ou programme distribué aux spectateurs, en l’honneur des principaux personnages qui assistent au spectacle où se mêlent de danser un pas. […] Ou, réciproquement, tel ridicule qu’on croirait appartenir à ce temps-là, on s’aperçoit avec malice qu’il est encore de ce temps-ci : celui, par exemple, de l’homme qui fait ses embarras au spectacle. […] Un ouvrage mythologique à grand spectacle, une féerie, un opéra d’avant l’invention de l’opéra, voilà cette tragédie-ballet. — Tout beau ! […] La bonne manière, à présent, de goûter ces moindres œuvres des classiques, c’est de s’en donner le spectacle dans un fauteuil.

7. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

Ce qui ajoute à l’immoralité du spectacle, c’est le caractère méprisable donné aux vieillards235, qui fait excuser d’autant plus volontiers les joyeuses manœuvres des deux jeunes escrocs. […] 240 Mais il importe d’insister sur l’immoralité d’un spectacle où l’intérêt, le charme, la passion sont sans cesse inspirés par des hommes indignes, chez qui l’auteur fait survivre des qualités d’esprit et de cœur inconciliables avec la bassesse de leurs actions, en sorte qu’on leur pardonne leur vice en faveur de leur grâce, de leur sensibilité, de ce reste d’honneur qui leur a été artistement laissé ; elle gai spectacle de leurs succès finit par insinuer doucement au spectateur séduit, que le vice, après tout, n’est pas si noir qu’on le fait. […]   On peut mettre en avant l’excuse que, tout en nous réjouissant par le triomphe des fourbes et des coquins, Molière nous les présente spirituels, mais coquins ; risibles, mais coquins ; bienveillants, dévoués même à leurs heures, mais toujours coquins ; en sorte qu’on ne sort guère de ce spectacle avec une grande estime pour eux, ni un grand désir d’avoir un valet comme Mascarille, Sbrigani ou Scapin. […] Et que dire en sortant d’un spectacle qui a commencé par le Misanthrope, et qui se termine par les Fourberies de Scapin ?

8. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

Je divertis le Prince par les spectacles que je lui donne ; je le rebuterai par un travail serieux, & mal conduit. […] Il obtint une permission de faire voir à la Foire saint Germain le petit spectacle qu’il avoit préparé. […] Elle la fit passer dans l’appartement de la Reine, pour lui donner un spectacle si nouveau. […] Cette Troupe prit le titre de Comediens de Monsieur le Dauphin, & elle se donna en spectacle avec succès pendant du temps. […] Au spectacle, où il étoit assidu, Moliere lui demanda une de ses heures perduës pour lui faire une lecture.

9. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

Certes, aucun spectacle plus enchanteur n’y peut mieux disposer les cœurs, et les femmes, instruites à ces leçons, doivent se dire avec Caliste : Ah ! […] Et quand on entend bergers et bergères, imités dans leurs danses luxurieuses par « trois petites Dryades et trois petits Faunes, » s’écrier ensemble : Jouissons, jouissons des plaisirs innocents Dont les feux de l’Amour savent charmer nos sens 644, n’est-il pas tout naturel qu’en sortant du spectacle on aille faire comme eux645 ? […] » Lettre à d’Alembert sur les spectacles. […] III, Si la comédie d’aujourd’hui est aussi honnête que le prétend l’auteur de la Dissertation : « Les airs de Lulli, tant répétés dans le monde, ne servent qu’à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant les plus agréables et les plus vives qu’on peut par le charme d’une musique… : c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense, et plaisent sans être aperçus ; » chap. […] Tout ce qui nourrit les passions est de ce genre… Qui sauroit reconnoître ce que c’est en l’homme qu’un certain fonds de joie sensuelle, et je ne sais quelle disposition inquiète et vague au plaisir des sens qui ne tend à rien et qui tend à tout, connoîtroit la source secrète des plus grands péchés… Le spectacle saisit les yeux : les tendres discours, les chants passionnés, pénètrent le cœur par les oreilles.

10. (1899) Salut à Molière, dit par Coquelin cadet, le soir du 15 janvier, pour le 277e anniversaire de la naissance de Molière, sur la scène de la Comédie-française pp. 3-8

Le spectacle lui apparaît en son entier, depuis les manifestations instinctives jusqu’aux conceptions abstraites, et il donne la forme théâtrale à cette intelligence du monde qui est en lui. […] Il traîne son agonie sur la scène, offre sa mort en spectacle pour ne pas faire manquer la représentation du soir.

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