La deuxième règle de la comédie, c’est de peindre les originaux d’une société. […] S’il existait quelque part un être isolé, qui ne connût ni l’homme de la nature, ni l’homme de la société, la lecture de ce grand poète pourrait lui tenir lieu de tous les livres de morale et du commerce de ses semblables253.
Moliere travaille à rendre les hommes plus agréables dans la société. […] Les personnages des Fâcheux leur disent qu’ils sont autant de fléaux dans la société. […] Les sociétés mêmes de la province ont de grandes obligations à Moliere. […] Madame la Comtesse d’Escarbagnas en purge la province, y établit le goût de la bonne société, & la politesse aisée qui regne dans la capitale. […] Nous avons ailleurs blâmé Moliere d’avoir traité trop cruellement Cotin, & jusqu’au point de le faire mourir de chagrin : nous devons cependant dire ici, pour le justifier un peu, que Cotin l’avoit poussé à bout par l’air d’insolence & de supériorité avec lequel il l’avoit traité, à son arrivée à Paris, dans toutes les sociétés où ils s’étoient trouvés ensemble.
Les mœurs n’y sont pas plus françaises qu’espagnoles ; il fallait les remplacer par des peintures de la société française. […] L’histoire, la réflexion, le travail solitaire du génie, peuvent révéler au poète les caractères et les mœurs de la tragédie ; mais pour la comédie, qui doit être l’image de la société, ni la force du génie, ni les plus profondes études ne suppléent l’observation. […] Il n’y a pas, Dieu merci, une société où l’on puisse être un tel égoïste impunément. […] Il a voulu la former tout exprès pour lui ; il ne lui souffre aucun goût auquel il aurait à sacrifier les siens ; il lui a interdit les bals, les rubans, et jusqu’à la société de Léonor, sa sœur. […] Les gens de goût y reconnaissent la langue la plus près de la pensée, et l’expression la plus parfaite de l’esprit de société dans notre pays.
Il semble que La Fontaine ait trop vécu dans la société des animaux qu’il a peints. […] Voilà l’honnête homme, œuvre de la société dans une race sociable. […] Cette opposition des sociétés spirituelles et oisives contre le gouvernement revêtit au siècle de Louis XIV un caractère moral et religieux. […] Dates données par Roederer, Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie. […] Roederer, Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie.
On peut distinguer dans les courtisans, comme dans toutes les classes de la société, l’élite, le vulgaire et la lie. […] Il l’était enfin quand il dégageait la profession de médecin de son avidité sordide et de sa funeste charlatanerie, lui imposait de saines études et un désintéressement sans lequel cette profession honorable est ignoble et pernicieuse à la société.
Il y a des vices de bonne compagnie qui passent, aux yeux indulgents du monde, pour de légers défauts ou même pour des qualités de société. […] Il n’y a pas une de ses pièces où ce défaut ne soit mis en scène : « C’est l’amour propre qui a engendré les précieuses affectant un jargon inintelligible, et les savantes engouées de sciences qu’elles ne comprennent pas ; les pédants si orgueilleux de leur érudition indigeste, et les beaux esprits si vains de leurs fadaises rimées ; le manant qui épouse la fille d’un gentilhomme, et le bourgeois qui aspire à passer pour gentilhomme lui-même ; les prudes qui affichent une sévérité outrée, et les coquettes qui étalent les conquêtes faites par leurs charmes ; les marquis qui se vantent des dons de la nature, des bontés du roi et des faveurs des dames ; et ce misanthrope lui-même dont il faut estimer la vertu, mais dont l’orgueil bourru fronde la vanité de tous les autres154. » Si l’amour propre est le défaut le plus universel, il n’est pas le seul qui règne dans la bonne société : Molière a frappé avec non moins d’autorité sur l’habitude qu’ont les gens riches ou inoccupés, de médire sans cesse du prochain, et de trouver à blâmer partout155. […] Toute la galerie de portraits des Fâcheux 161 est une revue de cette société raffinée et inoccupée, qui pense bien faire tant qu’elle ne fait pas clairement le mal. […] Mais ce calme du sage n’est ni l’indifférence211 ni l’orgueil212 : il faut que, toujours maître de soi, l’honnête homme supporte bravement le mal sans jamais se laisser faire le bien213 ; que, malgré tous les défauts des autres, il reste pour eux indulgent, bienveillant, serviable214 ; qu’il ne soit pas simplement un homme honnête et bon, mais un homme instruit, aimable, capable de conversation, spirituel s’il peut215 ; qu’il répande autour de lui non seulement le bien, mais l’agrément, et que toutes ses qualités ne lui donnent jamais un sentiment d’amour propre216 ; qu’il ait, avec la modestie, la dignité et les bonnes manières sans affectation217 ; qu’il songe même à la façon de s’habiller, sans être négligé ni ridicule, mais aussi sans outrer la mode218 ; qu’avec une juste libéralité il évite soigneusement les excès de luxe dans la toilette comme dans la vie, et qu’il ne sacrifie point son bien ni sa famille aux inutiles satisfactions de la vanité, ou aux prétendues exigences du monde219 : ce chapitre est infini, et Molière semble n’avoir pas oublié un seul des éléments, même les plus insignifiants en apparence, dont doit se composer cette perfection de la société polie, l’honnête homme.