Ce qu’il a voulu nous montrer, n’est-ce pas qu’en nous enseignant à n’avoir « d’affection pour rien », la religion nous enseignait à nous détacher, non pas tant de nous-mêmes que de ces sentiments humains qui font le prix de la vie ? […] C’est elle, puisqu’il l’a chargée de démasquer Tartufe, qu’il eût également chargée d’exprimer son respect pour les sentiments dont le langage de Tartufe n’est qu’une parodie sacrilège, — et non pas Cléante, qui ne tient pas à l’action, qui ne parle qu’à la cantonade, qu’on pourrait ôter de la pièce sans qu’il y parût. […] Ainsi Boileau n’a rien écrit de mieux que certains vers de son Lutrin, où les sentiments qu’il prête à ses personnages, n’ayant rien que d’assez vulgaire, trouvent leur expression accomplie dans sa langue de tous les jours, au vocabulaire, au timbre, à l’accent de laquelle il était fait dès l’enfance. […] On le verra bien si on compare ses vers «à ceux de La Fontaine, qui est poète, qui l’est dans ses Fables, et même dans ses Contes, où pourtant on ne dira point qu’il soit préoccupé de sentiments très nobles.— En résumé, nous dirons que la versification de Molière, telle qu’elle est, facile, « chevillée », prosaïque, est exactement adaptée aux nécessités de sa comédie.
Il n’est vice, ou faiblesse, ou sottise qui n’y passe ; il ne se laisse éblouir par aucune fausse respectabilité ; et du moment que le sentiment le plus sacré sort de la juste nature, Molière l’empoigne au passage, et en met à nu le ridicule. […] « … Ses vrais sentiments sont combattus par lui, aussitôt qu’il les voit dans la bouche d’autrui. »Il veut un grand mal à la nature humaine, mais il la souhaiterait volontiers pire encore, afin de donner plus large carrière à son humeur. […] de mes sentiments l’obligeante assurance Contre tous vos soupçons ne prend pas ma défense ?
D’ailleurs je n’ai pas les sentiments assez flexibles pour la domesticité ! […] C’était une femme altière et peu raisonnable, lorsqu’on n’adhérait pas à ses sentiments : elle aimait mieux être l’amie de Molière que sa belle-mère ; ainsi il aurait tout gâté de lui déclarer le dessein qu’il avait d’épouser sa fille. […] Ne me plaignez-vous pas, leur disait-il un jour, d’être d’une profession et dans une situation si opposées aux sentiments et à l’humeur que j’ai présentement ? […] Et ce n’est plus seulement le bon sens qui raille ou s’indigne, il y a là une grandeur véritable, je ne sais quoi de plus profond, un sentiment plus élevé, une conception plus humaine et plus haute. […] « Agréez l’expression de tous mes sentiments distingués.
« Moliere, dit M. de Voltaire, pour ne pas heurter de front le sentiment des Critiques, & sachant qu’il faut ménager les hommes quand ils ont tort, donna au public le temps de revenir.
Souviens-toi, mon cher Anselme, que l’honneur d’une femme ne consiste presque qu’en la bonne opinion qu’on a d’elle : contente-toi là-dessus des sentiments de tout le monde & des tiens propres ; & puisque tu connois pour le moins autant qu’un autre la foiblesse des femmes, ne va pas tendre des pieges à la tienne par la simple curiosité d’éprouver si elle pourroit les éviter ; car enfin une belle femme est une glace polie que la moindre vapeur ternit, & une fleur délicate qui se flétrit pour peu qu’on la touche. […] La jalousie mal fondée de Lothaire, l’aveu qu’il fait au mari dans son désespoir, le chagrin qu’il en a dans la suite, la ruse dont la femme se sert pour tourner cette faute à l’avantage de leur passion, la rage du mari changée par cette ruse même en sentiments d’admiration, tout cela ranime l’intrigue, & lui donne une vivacité que celle de la piece n’a certainement pas.
Je vais mettre sous les yeux du lecteur tout ce que les ennemis & les défenseurs outrés du monologue disent pour & contre ; je risquerai mon sentiment sur les raisons que les uns & les autres porteront, & le public décidera.