Molière connaissait les trois sortes de personnes qu’il avait à divertir, le courtisan, le savant, et le bourgeois. […] Celui de Bélise, dans les Femmes savantes ; madame Jourdain, dans le Bourgeois gentilhomme, et madame Jobin, dans la Devineresse, lui ont attiré l’applaudissement de tout Paris. […] Elle joua d’original le rôle de Bélise dans les Femmes savantes. […] Rohault, célèbre physicien, auteur de plusieurs ouvrages que les savants consultent encore. […] Ce fut peu de temps après la représentation des Femmes savantes que Louis XIV demanda à Boileau quel était le plus grand écrivain qui eût illustré son règne : Boileau nomma Molière.
La race obstinée et savante de ces chroniqueurs du théâtre s’est perdue, ou peu s’en faut, dans la nuit des temps. […] Gillette était la fille d’un savant médecin nommé Gérard. — En mourant, Gérard laissait à sa fille quelques-uns des mystères de son art. […] Dans vingt ans la comédie des Femmes savantes aura deux siècles, et l’on dirait qu’elle est faite d’hier ! […] Trissotin et soutenir convenablement l’admiration de ces dames savantes ? […] Le Misanthrope, Tartuffe, Les Femmes savantes, L’Avare, Don Juan, les grands vices, les grands ridicules, les caractères hardis, Molière les avait épuisés, tout d’un coup.
L’autorité était le grand principe de sa critique, et ce n’était pas seulement, comme on pourrait le croire, l’autorité d’Aristote et d’Horace, mais celle des Pères de l’Église, d’Heinsius, de Grotius, et de tous les savants de quelque renom, qui avaient pu glisser dans leurs énormes in-folios une pensée relative à la poésie. […] Il mérite bien qu’on lui fasse l’honneur de le critiquer dans sa langue, et ce qui me rend un peu moins incapable de le faire, c’est qu’au dix-huitième siècle a paru un grand philosophe allemand, auteur d’un ouvrage célèbre, qui n’est que la traduction en langue savante des principes de critique chers à Molière et à moi. […] Il est connu dans le monde philosophique et littéraire pour être le profond et savant contempteur de Molière ; il a une réputation et une logique à soutenir ; il ne veut pas que les critiques puissent surprendre le plus léger signe d’approbation sur son visage ; surtout il a grand-peur qu’on ne le voie rire. […] Mais elle sait aussi que plus ses idées seront nombreuses, variées, justes et frappantes, plus elle aura d’action à la longue sur l’intelligence des hommes savants qui l’écoutent et la contredisent. […] Vous êtes plus savant qu’Uranie, et ce n’est point un mal.
Molière a toujours été soucieux de. ce grand problème : leur éducation ; et aux deux bouts de sa carrière, l’École des Femmes et les Femmes savantes se font la réplique : cela d’ailleurs, quoiqu’il en semble, sans se contrarier aucunement. Il y a plus de maturité dans les Femmes savantes ; mais il n’y a pas moins de profondeur dans la générosité de l’École des Femmes. — Arnolphe, Horace, Agnès, sont des types impérissables, entrés pour jamais dans notre vie de tous les jours ; et leur histoire, mise à la scène avec tant de hardiesse et de passion, était une des admirations les plus vives de l’homme de notre temps qui s’est le plus trouvé de la famille de Molière, — de Balzac. […] Chrysale n’est pas le sage des Femmes savantes, tant s’en faut : ce sage, c’est Clitandre, qui consent qu’une femme ait des clartés de tout : c’est surtout Henriette, la plus parfaite des créations féminines de Molière. […] elle a été élevée comme la sœur Armande ; elle n’a pas poussé aussi loin en philosophie, mais elle est savante, et je ne serais pas surpris que, quoi qu’elle en dise, elle sût du grec autant que femme de France. […] D’autant plus que la science aujourd’hui s’est dépouillée du crasseux appareil qui l’affublait du temps de Molière ; qu’elle s’égaie et s’humanise ; et que tel savant, qui occupait naguère dans l’Instruction publique le plus haut poste officiel, peut-être en même temps le plus aimable compagnon, fort capable, entre deux arrêtés ou deux découvertes, d’improviser en souriant de jolis vers, sans pour cela s’en faire accroire.
C’est en perfectionnant toujours qu’il s’élève par dégrés jusqu’au Misanthrope, jusqu’aux Femmes Savantes, jusqu’au Tartuffe, jusqu’à cette pièce aprés laquelle il ne faut plus rien nommer et qui est non seulement le chef-d’œuvre du théâtre comique, mais un grand bienfait envers l’humanité.
Voilà la dernière règle : quel poète a su s’effacer derrière ses personnages avec autant d’art et de modestie que l’auteur du Tartuffe, d’Harpagon et des Femmes savantes, plus prompt aux métamorphoses que le Protée de la fable antique256 ?