Camille Saint-Saëns donne de cette vérité nouvelle des preuves qui sont trop spéciales pour que je les rapporte, et il termine en faisant remarquer que les instruments de cuivre très courts et très aigus ne peuvent pas faire sortir leur note fondamentale ; ils ne donnent jamais que des harmoniques. […] Si elle garde cette réserve, qui était nécessaire pour que la pièce eût lieu, c’est que Molière l’a revêtue d’un autre caractère que celui qui lui est donné par la plupart des comédiennes. […] Il faut, pour que cette terrible scène soit possible, la femme que Molière a peinte, honnête par défaut de tempérament, coquette d’une coquetterie nonchalante et spirituelle, avec une bonté indifférente qui se répand sur tout le monde ; n’aimant point son mari, dont elle dit avec un imperceptible haussement d’épaules : « quel homme ! […] Elle est une fille suivante, dit Mme Pernelle, et je n’ai pas besoin de vous renvoyer à la suivante de Corneille pour que vous vous rappeliez que le mot veut dire : demoiselle ou dame de compagnie, et parfois même de qualité. […] Il a assez d’autres défauts sur la conscience, ce misérable monologuiste, pour qu’on ne le charge pas de ceux dont il n’est pas responsable.
Traitant, pour ainsi dire, d’égal à égal avec l’homme de génie dont il s’était fait le commentateur, il échappait facilement au reproche d’irrévérence ; et, accoutumé dès longtemps à donner des lois au monde littéraire, il trouvait les esprits trop soumis à son autorité, pour qu’il lui fût nécessaire de les convaincre par le raisonnement. […] Une précaution lui sembla nécessaire pour que l’exercice de leurs droits comme héritiers ne pût être jamais troublé. […] C’est ce même docteur qui lui fournissait les termes de médecine dont il faisait un si plaisant usage dans ses pièces ; et, pour que tout fût singulier dans le commerce qu’ils avaient entre eux, Molière, excommunié par l’église, obtint un canonicat pour le fils dit médecin qui l’aidait à se moquer de la faculté88. […] Dix mois avant sa mort, il s’était rapproché d’elle ; et, pour que tout leur fût commun, même le service de la table, il avait discontinué l’usage du lait et repris celui de la viande. […] Le roi les congédia assez brusquement l’un et l’autre, et renvoya la veuve à l’archevêque de Paris ; mais en même temps il écrivit au prélat pour qu’il eût à faire cesser ce pieux scandale118, et Molière fut enterré au cimetière Saint-Joseph.
. — Qu’ai-je donc fait à M. le Marquis de Lon... disoit-elle, pour qu’il m’outrage ainsi ?
Arnolphe est le type de l’éternel jaloux, mais ce qui donne à sa manie, à son égoïsme, un caractère touchant, sinon poignant, ce sont les accents douloureux dont sa jalousie s’exprime, et cette douleur est trop sincère, trop personnelle pour qu’on n’y retrouve pas l’expression des chagrins secrets dont était torturé le mari malheureux d’Armande Béjard.
Son affiche, qui promettait un prodige de mécanique et d’obéissance dans une épinette, lui attira du monde les premières fois suffisamment pour que tout le public fût averti que jamais on n’avait vu une chose aussi étonnante que l’épinette du Troyen. […] Mais l’âne, qui ne savait point le rôle par cœur, n’observa point ce moment ; et dès qu’il fut dans la coulisse, il voulut entrer, quelques efforts que Molière employât pour qu’il n’en fît rien. […] Je prends cette négligence pour du mépris ; je voudrais des marques d’amitié pour croire que l’on en a pour moi, et que l’on eût plus de justesse dans sa conduite pour que j’eusse l’esprit tranquille. […] Mais le grand seigneur avait les sentiments trop élevés pour que Molière dût craindre les suites de son premier mouvement117. […] Ajoutons ici que le roi fit donner au prélat les ordres nécessaires pour que la sépulture fût accordée.
Le cou est très court, la tête enfoncée dans les épaules ; et cette conformation, dont les ennemis de Molière, comme Montfleury et Chalussay, n’ont pas manqué de tirer parti, était assez frappante pour que le peintre n’ait pas cru pouvoir la dissimuler tout à fait dans les portraits, évidemment flatteurs, de la Comédie-Française et de Chantilly. […] Ce que j’y vois, au contraire, avec la droiture dont j’ai essayé de donner des preuves, c’est assez de bonté et de bon sens pour que ces deux qualités fussent le fond essentiel de sa nature. […] Si on lui avoit dérangé un livre, c’en étoit assez pour qu’il ne travaillât de quinze jours.