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70. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Toutes les fois qu’il n’est pas obligé de divertir la cour par ordre, ou le peuple par nécessité, il moralise pour le siècle, il donne des leçons, il tient école. […] Ces vers si souvent cités : C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût emporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin, auraient quelque fondement si Molière eût mêlé dans ses chefs-d’œuvre le bouffon au comique noble ; mais ne l’ayant point fait, on ne voit pas par quelle sorte de contagion Les Fourberies de Scapin, George Dandin ou La Comtesse d’Escarbagnas pourraient aller corrompre la beauté dans les pièces où elle se trouve sans alliage et enlever ainsi à Molière la palme qu’aucun poète comique n’osera lui disputer.

71. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

Ou comprend sur ce point la sévérité d’un évêque comme Bossuet610, voyant le troupeau entier du peuple se corrompre joyeusement à ces immoralités étalées, tandis que si peu d’hommes prudents y savent prendre les leçons excellentes qu’elles cachent. […]   Quand on réfléchit de sens froid au suprême intérêt de la moralité des peuples et des rois, au désastre de leur immoralité, on comprend que Platon eût chassé Molière de sa république656 ; on comprend que Bossuet l’ait anathématisé.

72. (1740) Lettres au Mercure sur Molière, sa vie, ses œuvres et les comédiens de son temps [1735-1740] pp. -89

Il s’est particulièrement appliqué à connoître le génie des grands, et de ce qu’on appelle le beau monde, au lieu que les autres se sont souvent bornés à la connoissance du peuple. […] « Le même auteur, voyant Moliere au tombeau dépouillé de tous les ornemens extérieurs dont l’éclat avoit ébloüi les meilleurs yeux, durant qu’il paroissoit lui-même sur son théâtre, remarqua plus facilement ce qui avoit tant imposé au monde, c’est-à-dire ce caractère aisé et naturel, mais un peu trop populaire, trop bas, trop plaisant et trop bouffon‌ 23. » Au reste, quelque capable que fût Moliere, M- Baillet assure qu’il « ne savoit pas même son théâtre tout entier, et qu’il n’y a que l’amour du peuple qui ait pû le faire absoudre d’une infinité de fautes. […] C’est par là que Moliere, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût remporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Terence allié Tabarin. […] Dans le Bourgeois gentilhomme, le Pourceaugnac, les Fourberies de Scapin, et les autres de cette nature, il a trop donné au goût du peuple pour les situations et les pointes bouffonnes.

73. (1692) Œuvres diverses [extraits] pp. 14-260

C’est par là que Molière illustrant ses écrits Peut-être de son Art eût remporté le prix ; Si moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon, l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin.

74. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

La scène primitive, parlant à des peuples primitifs de faits nationaux, de sentiments religieux ou patriotiques, était, certes, un enseignement, et la tragédie grecque, évangile païen, résumait la somme entière des notions historiques et philosophiques de la Grèce. […] Que l’éternelle beauté soit dans l’œuvre d’Eschyle comme dans l’œuvre d’Homère, cela ne soulève aucun doute; il est certain aussi que la poésie de tous les peuples et de tous les siècles a puisé abondamment à cette source qui bouillonne aux plus hauts sommets de l’art antique ; mais il manque quelque chose à cela pour nous.

75. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Que ce partisan effréné du pouvoir absolu, qui veut qu’on bâtisse “deux citadelles à Paris pour contenir le peuple, et qui, avec ses grands airs d’austérité, rivalise avec sa femme, pour servir les plaisirs du roi ! […] « Comme Shakspeare et Cervantès, Molière appartient à cette race de penseurs et de poètes qui créent dans le domaine de la fantaisie un monde réel, qui font des types vivants avec les personnages qu’ils inventent, des types qui ne meurent jamais, et qui sont connus de tous les peuples, qu’ils s’appellent Falstaff, Don Quichotte, Sancho, Tartufe, Alceste ou Harpagon.

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