Et c’est ce qui lui arrive en effet ; et c’est la revanche du paradis perdu, le serpent est trompé par la femme. […] Il ne perd pas de temps du reste, et dès qu’on lui parle de ce mariage avec Marianne : Ce n’est pas le bonheur après quoi je soupire… Et, avec une suavité digne de sainte Thérèse, il fait sa déclaration d’amour à Dieu dans la personne d’Elmire, car … je n’ai pu vous voir parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint.
Ces gens qui par une âme à l’intérêt soumise Font de dévotion métier et marchandise, Et veulent acheter crédit et dignités Au prix de faux clins d’yeux et d’élans affectés ; Qui savent ajuster leur zèle avec leurs vices, Sont prompts, vindicatifs, sans foi, pleins d’artifices, Et, pour perdre quelqu’un, couvrent insolemment Des intérêts du ciel leur fier ressentiment : D’autant plus dangereux dans leur âpre colère, Qu’ils prennent contre nous des armes qu’on révère, Et que leur passion, dont on leur sait bon gré, Veut nous assassiner avec un fer sacré.
Dans le salon où elle règne, il faut qu’elle donne le sentiment de l’aisance parfaite et de la suprême distinction ; et, au dénoûment, elle subit une humiliation cruelle, sans revanche possible ; elle a une sortie écrasante, et, même alors, elle ne doit rien perdre de sa fière attitude et de son sourire tranquille. […] Le poète dut éprouver les mêmes souffrances que son héros, avec ce surcroît d’irritation et d’inquiétude que donne la qualité de mari, c’est-à-dire la crainte de perdre non pas seulement ce que l’on désire, mais ce que l’on possède, et le souci de l’honneur en danger.
Si j’ai plutôt qu’aucun un tel moyen trouvé Pour les ressusciter sur ce qu’il a rêvé, C’est qu’en fait d’aventure, il est très ordinaire De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire, Puis être à leur famille à point nommé rendus, Après quinze ou vingt ans qu’on les a cru perdus.
Verrait-il, sans porter la main sur ses crayons, l’abus que nous avons fait de la société et de la philosophie, le mélange ridicule des conditions, cette jeunesse qui a perdu toute morale à quinze ans, toute sensibilité à vingt, cette habitude malheureuse de vivre ensemble sans avoir besoin de s’estimer ; la difficulté de se déshonorer, et quand on y est enfin parvenu, la facilité de recouvrer son honneur et de rentrer dans cette Île autrefois escarpée et sans bords ?
Il n’y a que la France, c’est une chose singulière, pour se donner cette joie difficile à comprendre, cette volupté baroque de se calomnier elle-même en criant à tue-tête dans un porte-voix : « Je suis la plus perdue de toutes les nations !