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55. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Son père, devenu infirme, ne pouvant suivre la Cour, il y alla remplir les fonctions de sa charge, qu’il a depuis exercée jusqu’à sa mort ; mais à son retour à Paris, cette passion pour le théâtre qui l’avait porté à faire ses études se réveilla plus vivement que jamais. […] Élise, d’un autre côté, en lui permettant de faire cette supposition à son père, manque aux bonnes mœurs et à la bienséance ; et jamais l’on ne doit exposer de pareils modèles aux yeux du spectateur. […] On censure dans Cléante, fils d’Harpagon, le peu de respect qu’il a pour son père ; on trouve qu’en cela les mœurs et les bienséances sont trop blessées ; on ajoute que si le théâtre n’est pas fait pour inspirer la vertu, on ne doit pas du moins en faire une école du vice ; et qu’un pareil caractère pourrait diminuer, dans un fils qui verrait la représentation de L’Avare, les sentiments de respect qu’il doit à son père. […] La violence de sa passion, la disette d’argent où il se trouve, le désespoir où le jette l’usure horrible de son père, et dont il supporte tout le désavantage, et son âge enfin, le font sortir du caractère de soumission et de respect qu’il avait si bien annoncé au commencement de la pièce. […] Il lui fait dire à son père dans la dernière scène, que son trésor est retrouvé, et qu’il lui sera rendu, s’il veut consentir à son mariage avec Marianne : il ajoute que la mère de Marianne lui laisse la liberté du choix, et finit par supplier son père de lui céder sa maîtresse.

56. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Encore vaut-il mieux chercher nos pères dans Le Cabinet satyrique 37, que dans l’histoire de France écrite en très beau latin, par M. le président de Thou. […] ils commençaient, comme leurs pères n’eussent pas osé finir ! […] « Nos pères, disait La Bruyère, nous ont transmis, avec la connaissance de leurs personnes, celle de leurs habits, de leur coiffure, de leurs armes offensives et défensives et des autres vêtements qu’ils ont aimés pendant leur vie. […] Son père, le comédien Monvel, était un vrai comédien, un peu philosophe, un peu poète. […] au même instant, dans la tour du Temple, à côté de son père, de sa mère, de son frère enfant, était enfermée une jeune fille de quinze ans, — l’âge de la jeune débutante !

57. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

  Qui ne condamnera, au point de vue moral, toute la longue comédie de l’Etourdi 232, où, d’un bout à l’autre, l’auteur étale la conduite d’un fils débauché, doublé d’un valet digne des galères233, travaillant ensemble, de la façon la plus plaisante du monde, à duper et à voler un vieux père et son vieil ami234 ? […] Il est si gai qu’on lui pardonne tout : qu’il boive, qu’il mente, qu’il vole246, qu’il aide à enlever une fille247, et qu’il cajole une femme au nez du mari248 : le mari et le père, les trompés et les volés sont si niais, Sganarelle a tant d’esprit, qu’on applaudit toujours, et qu’on serait désolé de le voir pendre, comme le voudrait bien Lucas 249. […] Que, pour comble, il charge de coups de bâton l’honnête maître dont il a volé l’argent et corrompu le fils262, nous rirons encore et toujours, en dépit de la morale oubliée, et nous ne pourrons nous empêcher d’applaudir au triomphe final de ce Prince des Fourbes, entouré de sa messagère Nérine, de ses lieutenants Carie et Sylvestre, et de la foule des pères, des fils, des amantes qui subissent la toute-puissance de son génie diabolique263.

58. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

En voici le sujet en quelques mots : Chrisoforo (Epidicus de Plaute), valet de Polipo (Strattippoclès), jeune soldat, fils d’un père opulent, a été chargé par son maître, qui est allé au siège de Nicosie, en l’île de Chypre, d’acquérir par tous moyens Flavia, esclave d’un marchand d’esclaves nommé Arpago. […] Chrisoforo sait que le père de son jeune maître, le vieillard Polidoro, maintenant veuf de son épouse légitime, a toujours une première femme et une fille qu’il a laissées autrefois à Nicosie, et que cette fille, nommée Emilia, doit bien avoir à présent une vingtaine d’années. Le valet n’imagine rien de mieux, pour exécuter l’ordre de son maître que de faire passer Flavia pour cette Emilia, et d’arracher au père qui n’a jamais vu sa fille l’argent nécessaire à la rançon de l’esclave.

59. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Elle a de l’intérêt par elle-même ; il n’est pas indifférent à la morale, de voir comment cette femme, née dans une prison, d’un père protestant, qui se ruina au jeu et mourut à la Martinique, où elle fut laissée en gage à un créancier par sa mère obligée de venir chercher du pain en France ; renvoyée à sa mère, à quatorze ans, par ce créancier qui trouvait trop onéreux de la nourrir ; devient à quarante-cinq ans l’amie, la confidente d’un roi galant, parvient à le détacher de ses maîtresses, ne voulant prendre la place d’aucune, et à quarante-huit ans devient la femme de ce roi, plus jeune qu’elle de trois ans. […] Elle est née le 27 novembre 1635, dans la prison de la conciergerie de Mort, où son père était renfermé. Son père, Constant d’Aubigné, était protestant ; et sa mère, Jeanne de Cardillac, fille du commandant du château Trompette, était catholique.

60. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

C’est ainsi qu’il montre et bafoue l’égoïsme jusque dans le cœur des pères, les Géronte, les Argan, les Harpagon ; l’injustice et la tyrannie dans l’amour le plus vrai, comme dans Arnolphe et dans tous ses jaloux ; et dans Orgon, le meilleur des hommes, tout ce que la vénération niaise et dévote peut déterminer d’inhumanité. […] On était tout bonnement le fils de son père et point l’enfant du siècle. […] Nos pères étaient plus mâles que cela. […] Voilà : vous ne m’aimez pas, donc vous avez tué père et mère, vous Ôtes un abrégé de l’enfer, un monstre ! […] je le déclare, je ne trouve rien de plus agaçant que la perpétuelle préoccupation de personnalité dont nos écrivains d’aujourd’hui remplissent leurs ouvrages et rien ne me paraît plus contraire au génie de nos pères, et j’oserai ajouter, au génie de notre pays.

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