S’il est un écrivain qui ne doive rien à son temps, c’est assurément Fénelon : il n’y a pas une de ses idées qui ne soit une protestation contre les opinions dominantes, officielles et approuvées. […] Je sais que cette conclusion choque le préjugé vulgaire ; mais, pour apprécier la valeur de l’opinion commune, il serait sage d’examiner comment elle s’est établie.
Aimé Martin a confirmé cette opinion par un curieux passage du philosophe Locke, qui, se trouvant à Montpellier en 1676, trois ans seulement après la mort de Molière, écrivait les lignes suivantes : « Recette pour faire an docteur en médecine.
Molière et le Misanthrope J’ai entendu, il y a déjà nombreuses années, un homme d’infiniment d’esprit et de talent, quelque peu négligé aujourd’hui, ce me semble, — Léon Gozlan, — émettre en façon d’axiome l’opinion que voici : « L’un des premiers symptômes de la folie chez le comédien, — c’est de vouloir jouer le Misanthrope. » La sentence me parut notable et je me la suis toujours rappelée ; de façon que je n’ai éprouvé aucune surprise lorsque plus tard, n’ayant pas plus qu’un autre échappé à la règle et m’entretenant avec quelques amis de mon désir naissant d’interpréter Alceste, je recueillis immédiatement cette réponse unanime : « Mais vous êtes fou, mon cher ! […] et le Misanthrope n’est pas un traité de Misanthropie, mais une comédie ; si donc, sur une question de théâtre, tous les acteurs sont d’accord, eux qui ont charge d’entrer assez avant dans la pensée de l’auteur pour pouvoir l’incarner, il y a gros à parier qu’ils n’ont pas tort, ce me semble ; et leur opinion vaut bien en tous cas qu’on la considère autant que celle de littérateurs très éminents du reste, mais qui ne sont pas de la partie. […] Qu’on me permette de citer cette charmante page ; ce n’est pas une mince bonne fortune, pour un humble comédien comme moi, que de rencontrer son opinion si spirituellement habillée, dans cette auguste salle de conférence qui s’appelle l’Académie ; lieu où les paradoxes n’ont guère de chance d’être admis, comme on sait ; les vérités même n’y entrant guère qu’après un stage quelquefois un peu long : « Il y a aussi de la vraie critique dans le Misanthrope et l’Auvergnat.
Comme M. de Voltaire ne parle que de la tragédie, je puis plus hardiment dire qu’une comédie en vers blancs, bonne d’ailleurs, réussiroit sur notre Théâtre ; & bien des personnes seront, je crois, de mon opinion, si l’on fait attention à la prose de Moliere ; elle est si bien cadencée, on y remarque tant de vers, qu’elle ne s’éloigne guere de la poésie des Anglois.
Comme je ne veux point être accusé de ne présenter que le côté favorable à mon opinion, je vais prendre pour un moment les armes contre moi, & mettre en usage les plus fortes.
Là, je vous marie, soyez heureux, & ayez meilleure opinion de mon cœur une autre fois, bêtes que vous êtes. » Je ne sais si le lecteur sera de mon avis ; mais il me semble, je le répete, que ces trois scenes remaniées, retournées par la main habile de M.