27 Moliere lui-même ne conseille de lire cette comédie qu’aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu de théatre. […] L’éloge de Louis XIV, placé à la fin de la piéce, dans la bouche de l’éxemt, ne peut justifier, aux yeux des critiques, le vice du dénouement. […] C’est à cet esprit de réfléxion, prêt à s’exercer sur tout ce qui se passoit sous ses yeux, c’est à l’attention extrême qu’il apportoit à examiner les hommes, & au discernement exquis avec lequel il sçavoit démêler les principes de leurs actions, que ce grand homme a dû la connoissance parfaite du cœur humain. […] Les personnes qui attirent les yeux du public, sont plus exposées que les autres à sa malignité & à ses plaisanteries. […] 74 Avant qu’un peu de terre, obtenu par priére, Pour jamais sous la tombe eût enfermé Moliere, Mille de ces beaux traits, aujourd’hui si vantés, Furent des sots esprits, à nos yeux, rebutés.
En tous cas, ce n’est pas à Rousseau qui, lui, a tout le théâtre de Molière sous les yeux, de s’y méprendre. […] Il convient d’examiner un peu cet ouvrage pour voir ce qu’un homme intelligent, suivant les indications de Rousseau avec intelligence et avec un scrupule absolu, a réussi à faire et quels personnages il a mis sous les yeux du public. […] Et plus il était pessimiste à interpréter la réalité qui était sous ses yeux, plus il était optimiste quand il imaginait une réalité, quand il inventait un monde. […] Donc le vice, aux yeux du vulgaire, est très rarement comique, il est mêlé de comique plutôt que comique en soi. […] Le bal, les festins, les jeux, même le théâtre ; tout ce qui, mal vu, fait le charme d’une imprudente jeunesse, peut être offert sans risque à des yeux sains.
Le premier litre qu’une créature puisse avoir à notre haine, c’est de nous avoir avilis à nos yeux : de là nos colères. […] Mais Alceste a éclaté ; ses exigences diminuent à vue d’œil.
C’est ainsi à peu près qu’un beau portrait de Vandick, représentant un, personnage qui depuis longtemps n’est plus et dont le souvenir même n’excite aucun intérêt, est toujours d’un grand prix aux yeux des connaisseurs, qui savent y admirer la correction et la fermeté du dessin, l’éclat et la vérité de la couleur, l’air de nature et de vie, enfin l’art et la main d’un grand maître. […] Louis XIV allait le faire arrêter dans Vaux, et, pour ainsi dire, sous ses yeux. […] Molière, qui n’avait eu besoin de personne pour imaginer la fable légère qui sert de cadre aux différents portraits qu’il voulait faire passer sous les yeux des spectateurs, craignit du moins que sa pièce ne fût pas achevée à temps, s’il n’avait recours à quelqu’un pour l’aider dans le travail de la versification.
Je l’avouerai, mes yeux observoient dans les vôtres Des charmes qu’ils n’ont pas trouvés dans tous les autres ; Et le ravissement où j’étois de mes fers, Les auroit préférés à des sceptres offerts. […] Allons, ôtez-vous de ses yeux. […] On voit d’un œil plus doux une offense amoureuse.
Aussi Noverre ne s’y trompait pas lorsqu’il écrivait dans ses Lettres sur la danse : « Dussé-je me faire une foule d’ennemis sexagénaires, je dirai que la musique dansante de Lulli est froide, langoureuse et sans caractère. »À la vérité, le grand roi n’aimait et ne voulait que cette danse emperruquée ; à ses yeux comme à ses oreilles, un seul genre était bon : le genre ennuyeux.