Molière, né avec des mœurs droites, et dont les manières étaient simples et naturelles, souffrait impatiemment le Courtisan empressé, flatteur, médisant, inquiet, incommode, faux ami. […] De sorte qu’il s’appliquait à mettre ses Acteurs dans le naturel ; et avant lui, pour le comique, et ayant Mr le Baron, qu’il forma dans le sérieux, comme je le dirai dans la suite, le jeu des Comédiens était pitoyable pour les personnes qui avaient le goût délicat ; et nous nous apercevons malheureusement que la plupart de ceux qui représentent aujourd’hui, destitués d’étude qui les soutienne dans la connaissance des principes de leur art, commencent à perdre ceux que Molière avait établis dans sa Troupe. […] Chaque Bourgeois y croyait trouver son voisin peint au naturel, et il ne se lassait point d’aller voir ce portrait : Le spectacle d’ailleurs, quoique outré, et hors du vraisemblable, mais parfaitement bien exécuté, attirait les Spectateurs ; et on laissait gronder les Critiques, sans faire attention à ce qu’ils disaient contre cette pièce.
Celui-là accordera la palme à Molière, qui, dans un poète, cherche surtout le côté éternel, la peinture de l’homme et du cœur humain de tous les temps, celui qui prise le naturel, la franchise, la vérité, la raison, le bon sens assaisonné de gaieté saine, et même la gauloiserie. […] L’anecdote n’est pas de celles qui plaisent aux délicats, mais elle tient trop au sujet pour qu’il me soit permis d’en faire grâce h mes lecteurs, d’autant qu’elle peint au vif le naturel à la fois ingrat et bouffon du personnage. […] Eudore Soulié, qui avait découvert les contrats et les contre-lettres, eut la vision, dans l’enthousiasme bien naturel que lui causait sa trouvaille, d’un acte de délicatesse et de générosité qui ne s’accorde pa3 du tout avec les faits.
Cependant le petit Poquelin tombait dans un abattement qui inquiétait bien le grand-père : il aurait voulu lui rendre un peu de cette sérénité naturelle à son âge, mais il ne savait comment faire. […] Le pauvre garçon ne pouvait guère passer pour l’aigle de la troupe, bien qu’il y cumulât plusieurs emplois; mais de sa vie il n’avait réussi à s’attirer le moindre encouragement de la part du public : il était gauche, sans naturel. […] Cette pièce (pastorale héroïque) étant d’un genre peu naturel, Molière, qui n’était à son aise que dans le vrai, y avançait lentement, et, dans l’intervalle, voici ce qui arriva : La Molière, qui n’aimait point Baron, eut une difficulté avec lui, et elle s’emporta jusqu’à lui donner un soufflet.
Plaignons quiconque ne voit aucune difficulté dans l’art d’animer par un dialogue précis & naturel, & par un jeu théâtral analogue au sujet, ce qu’un Romancier laisse tout uniment tomber de sa plume.
La 10e entrée : Réunion du Carnaval et des peuples qui forment cette mascarade, Corrigeons de l’hiver la rigueur naturelle...
Cette préférence se conçoit : un homme de génie peut bien s’abaisser à quelques complaisances ; mais il y a en lui une sorte d’indiscipline, une indépendance naturelle qui tôt ou tard se révolte et le brouille infailliblement avec ses protecteurs.