Les amis de Molière crurent devoir réfuter cette diatribe ; elle n’était pas digne d’une réponse : l’envie porte avec elle son contrepoison ; elle rehausse le mérite en s’efforçant de l’abaisser ; plus elle le nie, plus elle le reconnaît. […] Quand il s’agit d’un tel ouvrage, c’est une question à peu près oiseuse que celle du titre ; cependant tout ce qui se rapporte à la plus belle comédie de caractère et de mœurs qui existe au théâtre a une certaine importance, et mérite d’exciter la curiosité publique. Le nom d’un chef-d’œuvre mérite bien autant de recherches que le nom d’un homme, et nous vivons dans un temps où il n’est peut-être pas hors de propos de s’occuper de la généalogie du Tartuffe. […] Quant à L’Hypocrite de l’Arétin, voici de quelle manière en parle Ginguené dans son excellente Histoire littéraire d’Italie : on jugera par cette rapide analyse de la foi que mérite l’assertion de M. […] « Le sien, dit-il, ne cajole point la femme de l’homme opulent à qui il a su imposer ; il ne lui fait du moins ni avance, ni déclaration ; il s’enfuira, il lui laissera son manteau s’il n’est aussi sûr d’elle que de lui-même ; il est encore plus éloigné d’employer pour la séduire le jargon de la dévotion ; ce n’est point par habitude qu’il le parle, mais avec dessein et selon qu’il lui est utile, et jamais quand il ne servirait qu’à le rendre très ridicule. » L’Onuphre de La Bruyère est un pénitent exténué par le jeûne ; il a peu de mérite à jouer l’abstinence et la chasteté : il est sans passion, sans désirs ; mais le Tartuffe de Molière est un homme ardent, plein de feu, de santé ; sa convoitise est sans cesse excitée par l’aspect d’une femme jeune et belle, dont le mari est vieux et dévot, et qui paraît d’ailleurs un peu portée à la coquetterie.
Ces pièces et quelques autres d’un moindre mérite durent les succès dont elles furent honorées, et à la nouvelle forme que les poètes leur avaient donnée, et à la persuasion où le public était que Corneille avait pour toujours renoncé au théâtre. […] C’était le moyen de profiter du crédit que son mérite lui avait acquis auprès de plusieurs personnes de considération qui, s’intéressant à sa gloire, lui avaient promis de l’introduire à la Coura. […] Vinot et M. de La Grange ; le premier avait été intime ami de l’auteur, et savait presque tous ses ouvrages par cœur, et l’autre, acteur de la troupe de M. de Molière, était un homme d’un vrai mérite, docile et poli, Molière s’était donné des soins pour le former et pour l’instruire.
Ceci mérite un Chapitre à part.
Et tandis que les mauvaises mœurs et le langage grossier constataient leur impuissance contre la société polie, celle-ci prenait sur elles un invincible ascendant ; elle le prenait sans discussion, sans dispute, uniquement par la force de son exemple, par la séduction propre à son langage spirituel, élégant et gracieux ; peut-être aussi par un effet naturel du progrès des lumières, et de l’affinage des esprits dans l’exercice continu de la conversation, dont la société de Rambouillet avait eu le mérite de fournir le premier modèle.
La Princesse piquée répond qu’elle est surprise de le voir soupirer pour une femme qui ne le mérite pas. […] Elle convient enfin qu’ayant voulu enflammer Carlos, elle mérite d’être enflammée, parceque les incendiaires sont punis par le feu.
Un ouvrage dramatique qui manque par l’intérêt, quelque mérite qu’il offre sous d’autres rapports, ne peut jamais obtenir un succès durable. […] Sur ce seul point, combien n’avons-nous pas vu de littérateurs du plus grand mérite, professer une opinion toute contraire sur les plus beaux ouvrages de la scène, la soutenir même par des raisonnements capables d’ébranler et de faire douter !