Les monstruosités morales appartiennent de droit à l’extravagance volontaire de la farce, et c’est pourquoi le personnage représenté par Harpagon est un des lieux communs de l’opéra buffa des Italiens. […] Toutefois, bien d’autres en avaient fait autant avant lui, et je ne vois pas ce qui, dans ce genre, devrait l’ériger en créateur unique et entièrement original… Nous allons examiner brièvement si Molière a vraiment réussi à perfectionner les pièces qu’il a imitées, en tout ou en partie, de Plaute et de Térence… Plusieurs des sujets de Molière ont tout l’air d’être empruntés d’ailleurs, et je suis convaincu qu’il serait possible d’en découvrir la source si l’on parcourait les antiquités littéraires de la farce ; c’est ce qu’atteste formellement le savant Tiraboschi : Molière, dit-il, a tellement tiré parti des comiques italiens, que si on lui reprenait tout ce qu’il en a emprunté, les volumes de ses Œuvres ne seraient pas en si grand nombre… Notre Hans Sachs avait mis en œuvre avec assez de gaieté l’idée de la scène du Malade Imaginaire, où l’on met l’amour de la femme à l’épreuve en supposant la mort du mari… Dans les farces mêmes que Molière a véritablement inventées, il ne laisse pas de s’approprier des formes comiques imaginées chez les étrangers, etc.
Enfin, chez nous-mêmes, un auteur du dernier siècle, de Lisle, a transporté le misanthrope d’Athènes sur la scène italienne, scène subalterne et peu régulière qui permit à l’auteur de montrer l’âne de Timon métamorphosé en arlequin, et donnant à son maître des leçons de sagesse et de bonté dont il profite.
Elle est racontée dans la Vie de Scaramouche, par le sieur Angelo Constantini, comédien ordinaire du roi dans sa troupe italienne, 1698, chap. 25.
Plus tard il fit connaissance avec la littérature italienne et en a tiré quelque profit. […] Il accommodait pour son théâtre des pièces italiennes ; il écrivait soit des canevas de pièces : la Jalousie du Barbouillé (d’où il devait tirer plus tard Georges Dandin), le Médecin volant (dont quelques morceaux devaient passer dans le Médecin malgré lui), soit des pièces entières : l’Étourdi, le Dépit amoureux, les Précieuses ridicules. […] Ce personnage était de tradition dans la comédie italienne ; mais celui du Dépit amoureux est original ; il a son trait particulier. […] Les Italiens appellent cela un sproposito. […] D’abord il est dans, la tradition de la comédie italienne et de la comédie française auxquelles son public est fort habitué.
Un musicien des Italiens, à qui l’on ne peut refuser un très grand volume de voix, a toujours été connu sous le nom de Tout-voix.
Cet homme, sensualiste comme un Italien, amoureux comme un Espagnol, est tour à tour, et selon la position présente, un poète, un soldat, un philosophe, un paysan, un bretteur, un dévot, un médecin, un esprit fort, un hypocrite ; il ne devient un hypocrite qu’à la fin du drame, et quand il faut absolument pousser jusqu’au bout, par cet exemple, la perversité humaine. […] C’est ce méchant petit Italien, arrivé on ne sait d’où, dans les cuisines de la grande Mademoiselle, et qui déjà se faisait remarquer par le bruit harmonieux qu’il savait rencontrer dans le choc de deux casseroles de cuivre et de leurs deux couvercles ! […] Il avait — ce vil bouffon — la verve ingénieuse de ces Italiens enfants de la mélodie, qui chantent comme l’oiseau chante, et sans plus de préparation.