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5. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Sentant la vraie nature, plus intellectuelle que sociale, de la révolution occidentale, il s’efforça, sous l’impulsion cartésienne, de discréditer les métaphysiciens et de rectifier les médecins dont l’attitude devenait vicieuse, à mesure qu’ils perdaient la présidence scientifique1. » C’est la valeur positive d’une morale capable de flétrir les classes rétrogrades et de corriger les éléments progressifs, qu’il importe d’autant plus de mettre en lumière qu’elle ne se trouve guère formulée en de longs sermons, selon la fâcheuse tendance des auteurs comiques modernes, mais qu’elle ressort d’un ensemble de tableaux destinés à une action immédiate sur l’ensemble du public. […] Qu’il s’agisse d’un père égoïste qui veut marier sa fille contre son gré ; d’un tuteur égoïste qui prétend s’imposer comme époux à sa pupille ; d’un médecin qui fait périr dans les règles ses malades à grand renfort de purges et de saignées ; d’un dévot qui subordonne aux devoirs envers le ciel les sentiments humains et sympathiques, Molière n’a qu’un cri : « Vous offensez la nature. » Dans un siècle où la discipline catholique tendait à régir toutes les consciences, où le dogmatisme, la casuistique, le formalisme, la prétendue tradition encombraient toutes les branches de la science, opprimaient tous les efforts de la pensée, Molière, poursuivant l’œuvre d’une partie des écrivains du xvie  siècle et préludant à celle des philosophes du xviiie  siècle, mais conservant un sens positif de la discipline humaine qui ne se retrouvera guère que, de nos jours, chez Comte et ses disciples, défend hardiment la nature et la raison. […] N’est-il pas vrai que les médecins, au temps de Molière, ne connaissaient guère l’organisme humain ? […] Madame Jourdain sera là pour lui dire : « Est-ce que nous sommes, nous autres, de la côte de saint Louis », et Nicole pour lui déclarer que la noblesse ne lui en impose guère, car le fils du gentilhomme de son village « est le plus grand malitorne et le plus sot dadais qu’elle ait jamais vu ». […] On le trompe, on le dupe ; Tartuffe ment, il ne méprise les richesses que faute d’en posséder et parle trop de sa naissance pour un homme uniquement occupé du ciel : Qui d’une sainte vie embrasse l’innocence Ne doit pas tant prôner son nom et sa naissance… Mais elle ne s’attarde guère à ces considérations générales.

6. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Le grand tragique n’observait guère. […] Ce n’est guère le fait d’une jeune fille qui sait si bien congédier les galants. […] Sganarelle ne voit guère au-delà du gros bon sens bourgeois ; il a ramassé dans son carrefour tous les aphorismes de cette sagesse de ménage, et il s’en sert contre les autres, sans songer à en profiter pour lui. […] Les personnages du Misanthrope ne doivent guère se tromper dans ce qui ne les touche pas ; et s’ils se font du tort, c’est toujours par les meilleures raisons. […] Il y a d’autres vilaines gens dans son théâtre, et il ne les a pas ménagées ; mais la preuve qu’il ne leur en veut guère, c’est qu’il se contente de les rendre ridicules.

7. (1853) Des influences royales en littérature (Revue des deux mondes) pp. 1229-1246

Au XVIIe siècle, on ne l’employait guère que pour désigner l’action que les astres avaient alors sur la destinée des hommes ; aujourd’hui il sert assez souvent à désigner des influences qui ne sont pas beaucoup plus réelles. […] Louis XIV, pendant les premières années, continue avec fermeté la politique inaugurée par Henri IV et Richelieu ; il conserve à leur place les hommes éminens que lui léguait l’administration de Mazarin : c’était faire preuve d’un bon sens rare, mais dans tout cela, on ne voit guère cette initiative personnelle qu’on se plaît à attribuer au grand roi. […] On sait combien le roi goûtait peu ce bel-esprit chimérique, et la correspondance de Fénelon prouve qu’il n’était guère plus juste à l’égard du roi. […] Il existe aujourd’hui une puissance courtisée par les gens de lettres, plus courtisée que ne l’a jamais été Louis XIV : c’est le public ; ceux qui s’adressent à un autre pouvoir ne le font guère que quand ils désespèrent de plaire à celui-ci. […] En considérant ces destinées nouvelles faites aux lettres par la révolution, nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de regretter le temps passé : nous ne croyons guère à l’heureux effet des hautes influences en littérature ; impuissantes pour le bien, elles ne l’ont pas toujours été pour le mal.

8. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Molière ne riait guère ; il était un contemplateur comme le sera toujours le vrai poète comique. […] Je ne connais guère de comédie écrite avec plus de vivacité, plus de grâce et d’énergie. […] Le docteur Marphurius n’est guère moins divertissant que le docteur Pancrace. […] Elle ne tient guère plus à Lycaste qu’à Sganarelle. […] Bartholo fait sa barbe, c’est-à-dire qu’il traite Rosine comme on ne traite guère que la dernière des servantes.

9. (1886) Revue dramatique : Les Fâcheux, Psyché (Revue des deux mondes) pp. 457-466

Le public n’y pense guère, ou, s’il y pense, ce n’est pas pour se plaindre ni réclamer ; et si, d’aventure, on lui proposait ce supplément de chefs-d’œuvre, il n’en ferait pas plus de cas, sans doute, que de ceux qu’on lui présente déjà. […] Enfin, de bonne foi, on trouvera dans ces épreuves quelque peu de plaisir, et, comme on n’est guère habitué à en recevoir des classiques, on se contentera de ce peu-là. […] justement, vous êtes le cousin du roi, et du grand roi ; vous êtes à sa cour : ces ballets eux-mêmes, qui en firent les délices principales, se donnent à nouveau pour votre plaisir. — Au demeurant, c’est peut-être aussi la meilleure façon de jouir des chefs-d’œuvre, à présent qu’on n’a plus guère d’occasions de les voir sur la scène, ni surtout de les voir bien joués, et du milieu d’un public assez chaud.

10. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Ce n’est pas là un document sans réplique ; et je ne vois guère de bonnes raisons d’accepter ce passage du livre comme une page d’Évangile alors qu’on repousse le reste avec horreur. […] Je ne crois guère aux indignations politiques de Molière. […] Alceste n’a guère de ces délicatesses. […] Qu’on me permette de citer cette charmante page ; ce n’est pas une mince bonne fortune, pour un humble comédien comme moi, que de rencontrer son opinion si spirituellement habillée, dans cette auguste salle de conférence qui s’appelle l’Académie ; lieu où les paradoxes n’ont guère de chance d’être admis, comme on sait ; les vérités même n’y entrant guère qu’après un stage quelquefois un peu long : « Il y a aussi de la vraie critique dans le Misanthrope et l’Auvergnat. […] John Lemoinne ; j’ajouterai, moi, et des conférences ; car ici comme sous la noble coupole, toutes proportions gardées, le style d’Alceste ne serait guère de mise.

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