Mais, dépourvu d’esprit philosophique, il n’était pas capable de pénétrer la vraie nature de la comédie non plus que de la tragédie, et dans les puérils excès de sa réaction contre la critique française il se prit d’une admiration affectée pour les productions les plus médiocres, à tel point qu’il eut un jour l’effronterie175 de comparer publiquement à Aristophane un misérable farceur nommé Legrand. […] Montrer le cœur humain, créer, en Angleterre, des caractères individuels, en France, des types généraux, est devenu pour le poète la grande chose, et si l’on a quelquefois exagéré dans Corneille et dans Racine cette connaissance de l’homme et ce talent pour le peindre, il faut avoir l’impertinente suffisance ou le coup d’œil superficiel de certains petits critiques allemands, pour ne pas reconnaître en ce genre une rare supériorité chez Molière. […] Son Misanthrope échoue dans sa farouche indépendance et sa révolte ouverte contre la Société, non seulement parce que sa brusque franchise et son mépris des devoirs sociaux lui suscitent des embarras, mais surtout parce qu’il ne peut réussir à s’affranchir tout à fait des bonnes manières d’un homme du monde ; il les retient en dépit de ses maximes, et la scène où il enveloppe dans les formules embarrassées de la politesse la plus correcte, une rude critique littéraire, qui, finalement, rompt ses liens et éclate dans toute sa grossière brutalité, cette scène-là est une des plus profondes et des plus morales de la pièce. […] Car voici à quoi se réduit sa critique sur ce point important : Pour ce qui est de la comédie moderne, elle offre une différence que j’ai déjà indiquée en parlant de l’ancienne comédie attique.
Tout passe, tout est bon, tout est vrai, les critiques perdent leur temps. […] Ses admirateurs demeurent aussi peu redoutables pour lui que ses critiques. […] On entend là-dessus s’extasier la plupart des critiques. […] » Ces critiques s’appliquent au Tartuffe. […] Cette critique s’applique à tous les grands ouvrages du poète.
Oui, quand un de vos critiques veut assassiner d’un seul mot n’importe quoi, il vous dit : « C’est une berquinade ! […] Molière a ciselé un joyau exquis, la Critique de l’Ecole des Femmes, tout exprès pour mériter les circonstances atténuantes.
dit aussitôt le Critique, cela est pillé, c’est Molière tout pur » ; s’en écarte-t-on un peu : « Oh ! […] En 1876, le Cercle de la critique musicale et dramatique, dont j’avais l’honneur d’être le président, décida sur la proposition de M. […] Nul effort n’a été tenté par la critique pour en découvrir l’origine ni l’auteur. […] Qu’il me soit permis d’ajouter que Paul Lindau — un critique d’esprit doublé d’un auteur dramatique assez remarquable — s’est mis en quatre pour la propagation du culte de Molière en Allemagne. […] Il n’y a pas de critique considérable chez nous qui n’ait parlé de Molière.
Les règles d’une bonne critique permettent-elles de donner, pour l’original d’une scène dont le développement et le style constituent le principal mérite, une situation indiquée seulement dans quelque obscur scenario ?
Laisser le théâtre vuide est une grande maladresse de la part d’un Auteur ; & s’il est plus mal de blesser l’esprit que les yeux, du moins la faute est-elle beaucoup moins dangereuse : elle ne peut être critiquée que par la réflexion, ou par un petit nombre de connoisseurs ; l’autre frappe sur-le-champ l’habile homme & l’ignorant, la femme instruite ou celle qui ne sait faire que des nœuds, l’orchestre même, qui, accoutumé à partir lorsqu’il ne voit plus d’acteur sur la scene, a souvent partagé un acte par une ariette, & fait en musique la critique la plus sanglante.