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103. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

De tous les noirs chagrins qui suivent de tels feux. […] Deux cents représentations consécutives du Mariage de Figaro n’épuisèrent point la curiosité parisienne, et, sans partager l’opinion de ce littérateur chagrin qui trouve dans cet ouvrage le germe de tout ce que la Révolution a depuis accompli, « la destruction de la noblesse et de la magistrature, le mépris pour tout ce qui était respecté, la haine pour tout ce qui pouvait réprimer les passions, l’apologie de tous les vices, etc., » on ne peut nier qu’il n’ait exercé une grande influence sur l’esprit public de ce temps, et nombre d’individus exaltés durent se faire des traits satiriques des réparties mordantes et des sarcasmes qu’il renferme, des arguments puissants pour se précipiter dans le parti qui leur semblait devoir le plus vite mettre un terme à d’intolérables abus. […] Que d’esprits chagrins, que de prétendus sages (très honnêtes d’ailleurs) croient, à son exemple, avoir assez fait pour la vertu quand ils ont bien déblatéré contre la perversité humaine ! […] Il n’en est pas ainsi de la misanthropie : loin de s’en cacher, on semble au contraire s’en faire gloire, et le nom de misanthrope est si peu offensant, qu’au lieu de le renier, on le revendiquerait plutôt comme une qualification honorable : c’est qu’en effet un des mille préjugés qui nous gouvernent nous prévient en faveur des gens de ce caractère ; c’est que nous aurions certainement meilleure opinion dans le monde de celui qui s’écrierait comme Alceste : J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond, Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font. […] Il est véritable aussi que votre esprit Se gendarme d’abord contre tout ce qu’on dit, Et que, par un chagrin que lui-même il avoue, Il ne saurait souffrir qu’on blâme ni qu’on loue.

104. (1892) Vie de J.-B. P. Molière : Histoire de son théâtre et de sa troupe pp. 2-405

Supportant avec peine le chagrin qu’il ressentait de l’affront qu’il lui avait été fait, il cherchait l’occasion d’amener Boissat à un combat singulier et de se venger ainsi. […] Il prit pour confidente de ses chagrins Mlle Debrie, bonne et simple autant que Mlle Duparc était orgueilleuse et façonnière. […] J’y contribuerais de tout mon possible à faire passer votre chagrin, et je vous ferais assurément connaître que vous avez en moi une personne qui tâchera toujours à le dissiper ou, pour le moins, à le partager. […] Le principal témoignage qu’il soit à propos d’invoquer est celui de Molière lui-même : voici le portrait qu’il a tracé d’Armande, à une époque où elle lui avait déjà causé beaucoup de chagrins ; le dialogue s’engage entre Cléonte et Covielle, au sujet de Lucile représentée par Mlle de Molière, à la scène IX du troisième acte du Bourgeois gentilhomme : — Vous trouverez cent personnes qui seront plus dignes de vous.

105. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

Au lieu de courir chez sa Maîtresse avec les transports d’un Amant, il fait appeler le Tailleur du Prince, et lui filoute un habit galonné ; il escroque à son Banquier un sac d’argent, à un Juif une bague, etc ; et toute l’intrigue roule sur le chagrin que tous ces gens-là causent au véritable Amphitrion pour les dettes contractées par le Dieu ». […] Tome I, p. 354 Le Silence du Roi sur cette Comédie [Les Femmes savantes], causa à Molière le même chagrin qu’il avait éprouvé au sujet de son Bourgeois Gentilhomme. […] Le Barbouillé commence par se plaindre des chagrins que lui donne sa méchante femme. […] La Grange n’avait qu’une fille unique qu’il aimait beaucoup, et qu’il maria à un homme qui la trompa ; il en mourut de chagrin.

106. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

Que de raison également et d’à-propos dans le langage déjà plus relevé de Nicole, la confidente des chagrins de la bonne et sage Mlle Jourdain, pour qui elle est plutôt une humble amie qu’une servante !

107. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XV. M. DE CHAMFORT. » pp. 420-441

Allons, mes enfants, réjouissez-vous d’être tombés en si bonnes mains, & baillez-moi ici un petit plat de votre métier, pour faire passer mon chagrin.

108. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Après l’échec de Dom Garcie de Navarre, Molière, comme acteur et comme auteur, renonça définitivement aux visées héroïques ; mais l’on vit de plus en plus dans ses œuvres la trace chagrine d’un cœur irrité contre la noblesse, contre la décence et contre le devoir. […] Il faudrait un discours entier, si je voulais m’étendre sur cette morale, dont peut-être vous ne serez que trop persuadés, et qui, par l’abus que vous en pourriez faire, vous servirait de prétexte pour autoriser vos chagrins contre le monde, et vos plaintes souvent très injustes… Il est vrai, on voit dans le monde des hommes qui, selon le monde, paraissent amplement récompensés : on en voit dont les récompenses vont même bien au-delà de leurs services et de leurs mérites. […] La représentation de Tartuffe par autorité royale avait été, nous dit Bazin, « une représaille de la cour contre la dévotion chagrine, rigoureuse, sans complaisance pour les faiblesses », qui condamnait les désordres dont le roi donnait l’exemple. […] Le roi, qui donnait en effet l’exemple du désordre, et à qui le parti était suspect par ses anciennes relations avec les chefs de la fronde, ne pouvait que trouver bon qu’on se moquât aussi de cette cabale austère qui l’importunait, et il ne vit pas certainement autre chose dans Tartuffe qu’une plaisante représaille contre la dévotion rigoureuse, chagrine, sans complaisance pour les faiblesses. […] El parce qu’un tel soupçon est en lui-même très humiliant, et que la délicatesse de notre orgueil ne le peut souffrir, de là vient qu’ébranlés, ou, si vous voulez, que, fatigués de cette tentation, nous perdons peu à peu la joie intérieure, qui est un des plus beaux fruits de la piété ; que nous nous rebutons de ses pratiques ; que nous devenons tièdes, languissants, pusillanimes sur tout ce qui regarde le culte de Dieu ; que nous n’accomplissons plus les obligations du christianisme qu’avec cet esprit de chagrin, qui, selon saint Paul, en corrompt toute la perfection et tout le mérite.

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