/ 171
65. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Ceux de Molière, par la synthèse de leurs traits divers, représenteraient assez bien son propre caractère. […] Comme Gassendi, comme plusieurs autres du même caractère, il tenait à finir convenablement. […] Leur plus grand faible, c’est l’amour qu’ils ont pour la vie, et nous en profitons, nous autres, par notre pompeux galimatias. » Ce n’est plus là le langage de la comédie, où les caractères doivent se peindre d’une façon inconsciente, mais de la pure satire. […] J’attribuerais volontiers à la même cause la direction donnée à plusieurs de ses pièces, dont le caractère n’est pas très net, puisque, depuis le jour de leur apparition, les critiques n’ont cessé de disputer à leur sujet. […] Il faut parfois se faire violence. » De même, çà et là, dans les conseils qu’il donne à ses acteurs sur le caractère de leur rôle, il semble faire la satire de leurs défauts.

66. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

On sent là, comme aux courtes et dignes paroles qu’elle adresse à Trissotin sur sa brusque retraite, une nature énergique et noble au fond, à qui il ne manquait peut-être que d’être contenue et dirigée par un mari ayant lui-même plus de caractère. […] Ce qui montre toute la hauteur et toute la justesse des vues de Molière dans l’opposition qu’il s’est plu à faire de ces deux caractères de femme, c’est l’impression que laissent les scènes si scabreuses du premier et du quatrième acte, où la pédante Armande affecte ces délicatesses quintessenciées à l’endroit du mariage. […] Mariane dans Le Tartuffe, Lucile dans Le Bourgeois gentilhomme, Angélique dans Le Malade imaginaire sont autant de caractères charmants de jeunes filles, au milieu desquels il semble que notre grand poète se soit plu à vivre en esprit, comme s’il s’en fut fait une sorte de famille. […] Indépendamment de ces jeunes figures de femme qui semblent avoir été pour Molière la réalisation de ses rêves les plus chers, il nous en a tracé d’autres ayant un caractère plus marqué, qu’il semble avoir eu encore grand plaisir à peindre. […] Je le croirais volontiers à la manière généreuse avec laquelle il la traite, la parant de toutes les grâces et ménageant si délicatement le côté odieux de son caractère, comme aussi à ces paroles si touchantes qu’il lui adresse par la bouche d’Alceste : Défendez-vous au moins d’un crime qui m’accable, Et cessez d’affecter d’être envers moi coupable.

67. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

On ne peut dire si le caractère de Beltrame existait avant lui ; mais, en tout cas, il le fixa, le perfectionna et lui donna une importance toute nouvelle. […]   Quant au caractère de Beltrame, tel il se dessine dans celle pièce, tel il persista jusqu’à la fin du dix-huitième siècle. […] Nous insistons sur le caractère de ce personnage, parce qu’on en fait généralement un valet intrigant, de la même famille que Scapin, et que nous croyons que Riccoboni s’est trompé et a induit en erreur sur ce point ceux qui s’en sont rapportés à lui.

68. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

vous eût-on reconnu dans un caractère si opposé au vôtre ? […] est-ce un caractère à m’occuper ? […] quels caractères ! […] A l’égard de son caractère, il était doux, complaisant, généreux. […] que peut-on trouver de risible dans de pareils caractères, qui ne sont propres qu’à révolter le cœur et l’esprit?

69. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Comment le Roi ne fut-il pas choqué de l’odieuse bassesse d’un tel caractère, appliqué à un homme de sa cour, de sa suite, et presque de sa familiarité ? […] Quelques défauts, quelques torts, dont la plupart furent si magnanimement effacés par son propre aveu, pourraient-ils jamais obscurcir son noble caractère et son glorieux règne ? […] L’exposition, par sa vraisemblance et sa simplicité, est remarquable entre toutes celles de Molière, qui n’en a guère imaginé que d’excellentes : c’est celle du caractère de M.  […] Dans ce que Molière eut le temps d’exécuter lui-même, quelques traits d’observation comique percent, par intervalle, à travers la dignité obligée du langage ; mais ils sont déplacés, et semblent n’être là que pour attester combien peu le caractère du sujet convient à celui du poète. […] La première renferme ces grands tableaux de mœurs et de caractères qu’il composait d’après la seule impulsion de son génie, tels que Le Misanthrope, Tartuffe, L’Avare et Les Femmes savantes.

70. (1819) Notices des œuvres de Molière (I) : L’Étourdi ; Le Dépit amoureux pp. 171-334

Il n’avait pas manqué de s’apercevoir que plusieurs des actions de Lélie n’étaient point des étourderies, mais de simples incidents comiques, propres à mettre en jeu l’imagination et activité de Mascarille ; et il crut pallier cette espèce de faute, en accolant deux titres, dont l’un indiquât les effets du caractère, et l’autre les combinaisons de l’intrigue. […] On excepte le cas où, le premier titre étant le nom du personnage principal, le second sert à qualifier son caractère ou à spécifier l’action dont il est le centre ; mais, dans ce cas même, un seul des deux titres suffirait, l’autre est presque une superfluité. […] Mais, comparativement aux autres pièces de la même époque, L’Étourdi était un chef-d’œuvre ; et, s’il occupe aujourd’hui un rang inférieur parmi tant de beaux ouvrages dont notre scène est enrichie, c’est à Molière lui-même qu’il le faut attribuer ; c’est Molière qui, en créant la véritable comédie de caractère et de mœurs, et, en la portant à sa perfection, a, pour ainsi dire, repoussé à une grande distance les chefs-d’œuvre mêmes de la comédie d’intrigue, et assuré par là une supériorité incontestable à notre théâtre sur celui de toutes les autres nations.

/ 171