Ici le sublime est sans cesse à côté du plaisant.
De son côté Molière, observateur profond, avait jugé qu’il avait besoin de flatter son maître pour avoir le droit de ne pas flatter son siècle : sous une minorité orageuse, il n’eût pas été libre d’exprimer une seule vérité, parce que chaque faction régnait à son tour, et qu’elles étaient trop éphémères ou trop faibles pour supporter le ridicule. […] Cette comédie, c’était le Tartuffe ; l’apparition de ce chef-d’œuvre, à côté des froides allégories de Benserade et des insipides ballets du duc de Saint-Aignan, devait former un étrange contraste : le roi parut sérieux, et le visage des courtisans se rembrunit ; les scènes les plus passionnées, les tableaux les plus capables d’enflammer les sens n’avaient scandalisé personne : un ouvrage où la vraie piété est mise en honneur, et la scélératesse, dépouillée du manteau sacré dont elle s’affuble, parut le comble de l’audace.
Enfin, dans sa dernière pièce, le Malade imaginaire, qu’il compose et joue avec la mort à ses côtés, c’est une ivresse de mépris et de dérision contre la médecine, les médecins et les malades ; il revient au procédé brutal de l’Amour médecin, institue un débat sur la médecine, soutient contre elle une thèse, et en son propre nom, car il se nomme ; pour cela, il interrompt l’action par une interminable scène, où l’on est obligé de faire maintenant de larges coupures. […] » Molière fit donc pour son jeu ce qu’il faisait pour ses pièces ; prenant son bien où il le trouvait, et l’on s’explique, pour les deux côtés de son génie, la comédie écrite et la comédie jouée, que la jalousie, promptement éveillée par ses débuts, s’écriât : « On ne peut pas dire qu’il soit une source vive, mais un bassin qui reçoit ses eaux d’ailleurs. » Bonne fortune singulière pour le théâtre d’une nation, au moment où, par l’entier développement de ses forces vives et l’équilibre de toutes ses qualités, elle arrivait à son apogée littéraire et social, il se trouvait un grand comédien pour recueillir ce que toute une lignée de « farceurs » nationaux et étrangers avait imaginé de plus excellent, le fixer, le faire sien, et, créant lui-même une tradition, le faire entrer définitivement dans le patrimoine dramatique de notre pays.
VIII Il ne nous reste plus à parler que de la deuxième entrée du Carnaval, de le Maître d’école ou Barbacola ; nous l’avons, avec intention, laissée de côté pour en parler en dernier lieu.
En tout cas, de quelque côté que soit la première faute, Molière a souffert, et profondément souffert de ce mariage. […] Du côté de ceux qui suivent la nature, du côté de ceux-là sont aussi la vérité, le lion sens, l’honnêteté, la vertu ; et de l’autre côté le ridicule, et la prétention, et la sottise, et l’hypocrisie, c’est-à-dire du côté de ceux qui se défient de la nature, qui la traitent en ennemie, et dont la morale est de nous enseigner à la combattre pour en triompher.
Veux-tu que je m’arrache un côté des cheveux ?