Bernardin, se contente d’écrire1 : « L’enlèvement par les corsaires ne semblait pas comme aujourd’hui une intrigue démodée, empruntée à la comédie antique ; en se servant de ce procédé commode pour dénouer le Parasite et l’Avare, Tristan et Molière employaient un moyen dramatique qui était encore de leur temps fondé sur la réalité des choses ; écoutons plutôt Mascarille dans l’Étourdi (IV, 1) : C’est qu’en fait d’aventure il est très ordinaire De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire, Puis être à leur famille à point nommé rendus, Après quinze ou vingt ans qu’on les a crus perdus ; Pour moi, j’ai déjà vu cent contes de la sorte.
Le dénouement des Adelphes n’a nulle vraisemblance : il n’est point dans la nature qu’un vieillard qui a été soixante-dix ans chagrin, sévère et avare, devienne tout à coup gai, complaisant et libéral. […] Mais, d’un autre côté, un père, non seulement sacrifié à son fils, mais assez impudemment dupé et bafoué par lui, offensait des bienséances qu’il n’est permis de violer que quand, de leur violation même, résulte une grande leçon morale, comme dans L’Avare.
« [*]La nature, qui semblait avoir épuisé ses dons en faveur de Molière, parut en être avare pour les poètes qui vinrent après lui : on négligea la perfection des plans et de l’intrigue ; on dédaigna les caractères, on abandonna la noble simplicité de sa diction ; et soit incapacité, soit indolence dans les auteurs qui suivirent ce grand homme, ses ouvrages occupèrent longtemps seuls le théâtre français, avec la supériorité et la justice qui leur étaient dues ; enfin les spectateurs, lassés d’attendre un génie capable d’imaginer avec l’art de Molière des fables nouvelles, et d’imiter aussi heureusement celles des anciens, refusèrent leurs applaudissements à des comédies qu’on leur présenta, parce qu’elles étaient dénuées d’intrigue, ou qu’elles en étaient trop chargées. […] Et cet avare Écho qui répond par ta bouche, Serait plus indulgent à l’amour qui me touche. […] Molière ne pensait pas que Les Fourberies de Scapin et Le Mariage forcé valussent L’Avare, Le Tartuffe et Le Misanthrope, ou fussent même du même genre.
Harpagon sur-tout, dans l’Avare, nous feroit partager ses larmes, lorsqu’on lui a volé sa chere cassette, & qu’il s’écrie, acte IV, scene VII : Au voleur, au voleur, à l’assassin, au meurtrier !
Si vous vous contentez de copier servilement un seul avare, un seul sot, un seul prodigue, &c. vous ferez son portrait : toutes ses connoissances le reconnoîtront peut-être ; mais vous ne ferez pas le portrait de l’avarice, de la sottise, de la prodigalité ; & c’est pourtant ce qu’il faut sur la scene.
L’avare Financier, d’une main de forfante, Lâche sur un contrat trois mille écus de rente ; On a de l’Auditeur Quarante mille écus en billets au porteur ; le Capitaine cede un coffret plein de neuf ou dix mille pistoles : & quand ils pensent venir recueillir le fruit de leur fausse générosité & de leur amour intéressé, on leur avoue le tour qu’on leur a joué.