En gros,, s’il est permis de parler ainsi, il a attaqué le mal, et il a traité comme il faut les lieux communs de l’éternelle morale.
Prenant à corps, parmi les gens qui l’avaient attaqué, ceux qui touchaient de plus près au roi, les chefs laïques de la cabale, il avait hardiment fait voir que leur fait n’était qu’hypocrisie, il avait placé dans leur bouche même l’éloge du vice à la mode, du grand moyen de parvenir, caricaturé le prince de Conti peut-être, les raffinés, les corrompus, athées au fond, et mêlé cette satire à une étrange comédie où lui-même se permettait des libertés inconnues et lançait, dans la scène du Pauvre, ce mot d’humanité qui, sautant par-dessus le siècle, ne devait être relevé que dans le nôtre. […] Molière n’a pas attaqué la religion ; c’eût été s’en prendre à la conscience ; il n’était pas homme à cela.
Boursault n’y est pas épargné, il y est nommé avec le dernier mépris ; mais ce mépris ne tombe que sur l’esprit & sur les talens : il avoit attaqué Moliere par un endroit plus sensible. […] Si ce fut sans fondement qu’on accusa Moliere d’avoir attaqué la religion dans Tartuffe, on eût pû lui reprocher, à plus juste tître, d’avoir choqué la bienséance dans Amphitrion.
Emportés par une action, ils n’ont pas le temps de s’écouter parler ; ils ne parlent que pour attaquer ou se défendre ; et ce feu d’esprit de la conversation oisive, où l’on n’a d’autre objet que de plaire en pariant, et de laisser à l’interlocuteur quelque impression de son mérite, n’est pas plus d’usage dans cette comédie que dans la vie dont elle est l’image. […] Esprits très cultivés, formés par le monde, c’est la raison la plus fine qu’ils emploient pour attaquer ou pour se défendre.
Il y a un rythme très peu connu qu’il y faut observer, sans quoi cette poésie rebute : Corneille ne connut pas ce rythme dans son Agésilas. » « [*]Si ce fut sans fondement qu’on accusa Molière d’avoir attaqué la religion dans Tartuffe *, on eût pu lui reprocher, à plus juste titre, d’avoir choqué la bienséance dans Amphitryon ; mais soit par respect pour l’Antiquité, soit par une suite de l’usage où l’on est d’adopter sans scrupule les rêveries les plus indécentes de la mythologie, soit que l’on fût déjà familiarisé avec ce sujet par Les Sosies de Rotrou*, on n’y fit pas même attention. […] Ils n’ont eu garde de s’attaquer par le côté qui les a blessés, ils sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme. […] Les plus mutins s’ameutèrent, et ils résolurent de forcer l’entrée ; ils furent en troupe à la comédie, ils attaquèrent brusquement les gens qui gardaient les portes ; le portier se défendit pendant quelque temps, mais enfin, étant obligé de céder au nombre, il leur jeta son épée, se persuadant qu’étant désarmé, ils ne le tueraient pas ; le pauvre homme se trompa : ces furieux, outrés de la résistance qu’il avait faite, le percèrent de cent coups d’épée, et chacun d’eux en entrant lui donnait le sien. […] On voulait même que cette grâce fût personnelle ; mais Sa Majesté, qui savait par elle-même que l’hypocrisie était vivement combattue dans cette pièce, fut bien aise que ce vice, si opposé à ses sentiments, fût attaqué avec autant de force que Molière le combattait.
En vain, pour attaquer son stupide silence, De tous les lieux communs vous prenez l’assistance ; Le beau temps, & la pluie, & le froid & le chaud, Sont des fonds qu’avec elle on épuise bientôt.