L’actrice qui excellait à l’exprimer sur la scène, et qui passait même pour l’inspirer à l’auteur, était la Champmeslé, comédienne excellente, mais courtisane dangereuse qui avait séduit le jeune Sévigné, dont elle dérangeait la fortune, en donnant des soupers où Racine et Boileau se trouvaient. […] Si jamais il n’est plus jeune, et qu’il cesse d’être amoureux, il ne sera plus la même chose. » C’était donc la sollicitude maternelle qui disposait mal madame de Sévigné pour les premiers ouvrages de Racine ; Andromaque fut la première de ses pièces qu’elle vit avec faveur, tant que son fils fut amoureux de l’actrice.
Et cela lui était d’autant plus facile qu’il était un grand acteur en même temps qu’un grand auteur et qu’il avait l’habitude de s’abstraire de lui-même pour entrer dans la peau de personnages parfois très différents de sa propre nature. […] Coquelin est celle de tous les acteurs qui ont publié des études sur le caractère d’Alceste ; les littérateurs sont unanimes, au contraire, pour donner un grand sens philosophique à ce rôle. […] et le Misanthrope n’est pas un traité de Misanthropie, mais une comédie ; si donc, sur une question de théâtre, tous les acteurs sont d’accord, eux qui ont charge d’entrer assez avant dans la pensée de l’auteur pour pouvoir l’incarner, il y a gros à parier qu’ils n’ont pas tort, ce me semble ; et leur opinion vaut bien en tous cas qu’on la considère autant que celle de littérateurs très éminents du reste, mais qui ne sont pas de la partie. Mais la vérité est que si les acteurs sont d’accord pour ma thèse, les littérateurs ne le sont point contre.
Les têtons des actrices, les beaux habits des acteurs, les deux queues ? […] Que l’acteur qui fait Cléante ait un ton animé, et le moins pédant qu’il sera possible ; cela relèvera beaucoup la pièce. […] Cette scène y manque un peu son effet, parce que l’acteur qui fait le rôle de Géronte le rend trop imbécile. […] Les acteurs ne se donnent pas le temps nécessaire pour inventer ce qu’ils disent. […] Les acteurs négligent les meilleures pièces, parce qu’elles n’ont pas besoin de leurs soins.
Il se fatigue, il s’impatiente, il trouve que c’est payer trop cher un beau cri, un beau geste, un beau regard ; d’où il suit « que l’extrême sensibilité fait les acteurs médiocres, que la sensibilité médiocre fait la multitude des mauvais acteurs, et que le manque absolu de sensibilité prépare les acteurs sublimes ». […] « Un acteur est pris de passion pour une actrice. […] La scène y gagnera si l’acteur est médiocre, elle y perdra s’il est un habile homme. […] Un poète pardonne beaucoup plus aisément à un poète le succès d’une pièce, qu’une actrice ne pardonne à une actrice les applaudissements qui la désignent à quelque illustre ou riche débauché ! […] s’écria l’acteur.
Les acteurs font encore plus mal en s’adressant à des personnes toujours respectables pour eux, puisqu’elles ont payé à la porte.
Plus les obstacles sont grands, plus l’acteur chargé lui seul de les détruire, devient attachant.