Gui Patin a consigné, dans ses Lettres, la nouvelle de la représentation de L’Amour médecin, d’une manière inexacte, mais qui prouve que personne ne se méprit sur l’intention satirique de l’auteur. […] De quelque manière que se soit opéré ce changement, il écrivit sur Le Misanthrope une lettre toute admirative, que Molière ne dédaigna pas de placer en tête de sa comédie ; et c’est un honneur dont je n’ai pas voulu qu’elle fût privée dans cette édition. […] Ces prétendues ressemblances prouvaient une seule chose, c’est qu’il existait dans le monde des gens ridicules de la même manière et au même degré que les personnages mis par Molière sur la scène, et qu’en fait de vices ou de travers, il est impossible de rien concevoir, de lien imaginer qui n’ait son type dans la réalité. […] L’action ne reçoit de leur manière de juger ou de sentir, aucune impulsion ; et leur langage est simplement déterminé par l’action même. […] La satire, à la vérité, n’est point directe ; Sganarelle n’est pas de la Faculté ; il ne fait qu’imiter grotesquement les discours et les manières des véritables docteurs : mais il y a, dans cette caricature, une sorte de ressemblance grossière qui fait que le ridicule résultant de l’imitation se partage entre le copiste et ses modèles.
Celle-ci est toutefois la plus considérable, quoique la matière en soit commune et de peu de prix ; car ce n’est que du carton ; mais composé et pétri d’une manière si particulière qu’il est rendu aussi dur que la pierre et que les plus solides matières. […] « Il y a encore une manière, aussi nouvelle que hardie, d’entrer une poutre l’une dans l’autre, et de confier aux deux, sur quelque longueur que ce soit, toute sorte de pesanteur et de machine. […] Il y a partout mille traits d’esprit, beaucoup d’expressions heureuses, et beaucoup de manières de parler nouvelles et hardies, dont l’invention ne peut être assez louée, et qui ne peuvent être imitées. […] Il fit un compliment au roi, à sa manière ordinaire, c’est-à-dire plein d’esprit et d’éloquence… M. […] Despréaux eût été choisi pour remplir la place de Cotin à l’Académie, et paraît en peine de quelle manière le successeur se serait tiré de l’éloge de fondation dû à son prédécesseur, suivant les statuts académiques.
C’est de manière épisodique, et non plus d’ensemble, que le nouveau commentateur étudie la question ; Le Sicilien, ou l’Amour peintre sert de texte non seulement à son discours, mais à sa musique, car ce charmant volume, sorti des presses de Didot, enrichi d’images du temps, enguirlandé, illustré d’arabesques, estampillé de croches et de doubles-croches, fleure : l’art par toutes ses pages. […] Quant à la coupe de la pièce, au rôle important donné à la musique, à la manière dont elle intervient dans le dialogue, on y peut voir le modèle de ce que nous appelons aujourd’hui l’opéra-comique.
Comment surtout ne pas faire étalage devant eux des belles expressions et des belles manières qu’on avait apprises en un grand mois passé dans quelque hôtel garni du Marais ou du faubourg Saint-Germain ? […] Mais devaient-elles pour cela devenir simples et naturelles dans leurs sentiments, dans leurs manières, dans leurs expressions ? […] Ménage peut y avoir été trompé : c’est la seule manière d’expliquer son assertion, que démentent des faits prouvés, et que sa bonne foi reconnue empêche de regarder comme une imposture. […] Envers ces trois ennemis, chacun d’eux a une manière particulière d’agir. […] Si vous voulez savoir la manière de l’homme, Il applique à Paris ce qu’il a lu de Rome.
La raison en est, que n’étant pas réduit en principes, ou du moins n’en ayant qu’un très petit nombre, que chacun explique à son gré, les jeunes Auteurs, de tous les pays, de tous les âges, en ont abusé pour se faire des regles analogues à leur foiblesse ; & que, désespérant de marcher sur les traces des bons Maîtres, ils se sont laissé flatter par l’orgueil de créer de nouveaux genres, & d’avoir une maniere à eux. […] Louis Riccoboni, Auteur & Acteur de la Comédie Italienne, a fait à la vérité des observations excellentes sur la comédie ; mais on m’avouera que les préceptes d’un art aussi compliqué que celui de la comédie, peuvent tout au plus être indiqués dans un ouvrage de trois cents quarante-huit pages, encore le quart est-il consacré à la parodie ; ajoutons à cela que Riccoboni, étant Italien, a dû nécessairement, malgré la justesse de son goût, donner trop souvent la préférence au théâtre de ses compatriotes & à leur maniere. […] Quant aux Auteurs qui trouvent nos peres trop simples d’avoir ri à la comédie, qui blâment par conséquent les anciens, s’écartent tout-à-fait de leur maniere, & pensent s’immortaliser en usurpant le poignard de Melpomene pour le remettre à Thalie, ou qui lui font faire la grimace en la forçant de sourire d’un œil & de pleurer de l’autre, ils ont trop bien pris leur parti pour que mes réflexions puissent leur paroître bonnes. […] Nous examinerons la maniere dont les bons & les mauvais Auteurs les ont traités ; & nous citerons toujours des exemples tirés des Théâtres de tous les âges, & de toutes les nations.
Quand don Juan fait sa belle tirade contre le mariage et le faux honneur d’être fidèle, quand il demande à Sganarelle, ébloui par son éloquence sophistique, ce qu’il a à dire là-dessus, le timide bon sens de Sganarelle répond : « Ma foi, j’ai à dire… Je ne sais que dire : car vous tournez les choses d’une manière qu’il semble que vous avez raison, et cependant il est vrai que vous ne l’avez pas… Je suis tant soit peu scandalisé de vous voir tous les mois vous marier comme vous faites, et vous jouer ainsi d’un mystère sacré502… » Et quand Sganarelle n’est pas bridé par la crainte, il ne se gêne pas pour appeler cet épouseur à toutes mains « le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni loup-garou503 ; qui passe cette vie en véritable bête brute ; un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l’oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu’on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons504. » Qui ne rit encore, en repensant au refrain terrible qui met en fuite le pauvre Pourceaugnac : La polygamie est un cas, Est un cas pendable505 ? Les paroles de Sganarelle ne sont que celles d’un valet ridicule, et le refrain qui ahurit M. de Pourceaugnac n’est que le couronnement d’une farce folle ; mais sous ce ridicule et cette folie demeure et brille une vérité morale de premier ordre, affirmée nettement par Henriette et Clitandre dans les Femmes savantes, prouvée implicitement de la manière la plus victorieuse et la plus touchante par Elmire dans le Tartuffe. […] Cette triple leçon est reprise sans cesse, de cent manières diverses, et il n’y a, pour ainsi dire, pas une comédie où elle ne se trouve plus ou moins accentuée. […] » « Les honnêtes femmes ont des manières qui savent chasser d’abord les galants583. » XXX.
Il y a bien des manières d’observer ; Molière ne cherche pas l’observation fine et subtile ; il n’essaye pas de fouiller les replis perdus du cœur humain : non, il suit une voie large, une grande voie. […] Cette puissance d’observation et de généralisation, elle éclate surtout, d’une manière effrayante, chez Molière, dans la peinture des sexes. […] C’est une épopée mise en dialogue, où tous les caractères, même les plus épisodiques, sont accusés à grands traits, d’une manière qui rappelle la largeur et la simplicité de la touche homérique. […] Parce que la science n’est dans Philaminte qu’une manière de persécuter son mari. […] » Eh bien, prenez garde : quoique votre costume soit bien changé, vous ne vous habillez pas encore comme tout le monde ; il y a quelque chose dans votre chapeau ; il y a quelque chose dans la manière dont vous posez votre canne à terre, dans la manière dont vous jetez toutes vos paroles ; vous ne parlez plus latin, je le sais bien… mais, positivement, depuis une vingtaine d’années, vous vous mettez tout doucement à parler grec.
Elle fréquentait cette maison bien avant d’être en faveur près du roi ; et les premiers amusements qu’elle essaya de lui donner chez madame de La Vallière, furent aux dépens des personnes de cette société dont elle contrefaisait le langage et les manières. […] Si on trouvait leurs lettres, on en tirerait de grands avantages… On apprendrait toute la politesse du style et la plus délicate manière de parler sur toute chose Elles ont su les affaires de tous les états du monde, toutes les intrigues des particuliers, soit de galanterie ou d’autres choses où leurs avis ont été nécessaires… C’étaient des personnes par les mains desquelles le secret de tout le monde avait à passer. […] Elle eut depuis, en 1674, un démêlé littéraire avec le poète satirique, en qui se décela, d’une manière peu honorable, le genus irritabile.
Cet article est très-maigre à la verité, mais les fautes qui avoient échapé aux Auteurs ont servi de pretexte à Monsieur Bayle de traiter ce sujet à sa maniere. […] Menage de la maniere dont cette belle Scene du Chasseur fut faite. […] Il avoit beau representer à sa femme la maniere dont elle devoit se conduire, pour passer heureusement la vie ensemble. […] De maniere qu’il n’avoit plus de satisfaction que par l’estime dont le Roi l’honoroit, & du côté de ses amis. […] Ce même mot fut tourné d’une maniere un peu differente par une troupe de Comediens de Campagne.
Comme il connaissait parfaitement tous les ressorts du cœur, tous les replis de l’esprit humain, il était avantageux qu’il entreprît de traiter ce sujet, pour nous apprendre de quelle manière on peut s’approprier les idées d’autrui, et leur donner les grâces de la nouveauté. » M. […] « Il n’y avait donc qu’un seul parti à prendre en traitant un pareil sujet, je veux dire, le parti qu’a pris Molière, guidé par son génie : il a traité l’intrigue avec précision et en des moments différents ; il a resserré l’action, il en a rapproché les parties, pour lui donner plus de feu et la terminer d’une manière qui satisfît également et les acteurs, et les spectateurs. […] Molière nous enseigne dans tout le cours de cette pièce comment il faut se servir d’une fable étrangère, et de quelle manière on peut la rendre propre aux mœurs et à la langue de son pays. […] D’abord il montra beaucoup d’aigreur, et même de licence ; mais dans la suite il mit beaucoup de modération et moins de fiel : la première manière, en se rapprochant du mauvais comique reçu avant lui, servait moins au but qu’il s’était proposé ; au lieu que la seconde, plus douce et plus insinuante, était plus propre à la correction des mœurs, et remplissait mieux son intention. […] Ce fut à cette foire Saint-Germain que Raisin fit paraître une épinette à trois claviers, parce que sa fille se trouva en état de jouer, ainsi que ses deux garçons ; voici de quelle manière ce jeu s’exécutait, suivant le récit de Grimarest.
Il y a de la finesse dans la manière dont Oronte amène son sonnet, et dans la franchise mêlée d’embarras de la critique d’Alceste. […] Il n’y a point d’art dans la manière dont le vol de la cassette est amené. […] Ce sont surtout ses fourbes, pourvu qu’ils ne soient pas des monstres de bassesse et d’hypocrisie comme Tartuffe, pourvu qu’ils se contentent de chercher leur propre avantage, sans nuire autrement à leur prochain que d’une manière vénielle. […] Textuel. — Nous n’avons voulu supprimer aucune des petites chicanes que Schlegel fait à L’Avare, parce qu’elles caractérisent parfaitement sa manière. […] Dans la manière dont Schlegel traite le théâtre français, je trouve la recette pour former un pitoyable critique, dénué de toute faculté pour apprécier ce qui est excellent. » (Entretiens de Goethe et d’Eckermann.)
Églé et l’Amoureux de quinze ans sont deux tableaux d’un dessin pur et gracieux ; et cependant, lorsque l’auteur se livre à des compositions dramatiques, on voit que c’est encore la muse de la chanson qui l’inspire ; elle veut essayer un ton plus grave, des manières plus imposantes, mais elle se trahit à la naïveté de son langage, à la délicatesse de ses formes, et l’œil le moins clairvoyant reconnaît Érato sous le masque de Thalie. […] La manie de l’analyse succède à l’esprit d’observation ; le précieux, au naturel ; la manière, à la grâce. […] Mais quel contraste entre les nouveaux principes qu’on professe, et la manière dont on les annonce !
De manière que, revenant un jour de la comédie, son père lui demanda pourquoi il était si mélancolique depuis quelque temps. […] Il avait beaucoup de noblesse dans l’air et dans les manières ; il était fort aimé de la cour, et particulièrement du roi. […] Cette idée fut approfondie et discutée de manière qu’elle fournit à Boileau le sujet de sa quatrième satire. […] Le premier président de Lamoignon, l’ami de Racine et de Boileau, l’Ariste du Lutrin, ne pouvait en aucune manière être comparé à Tartuffe. […] On ne saurait donner trop de louanges à Molière d’avoir su réunir ces deux manières différentes aussi parfaitement et avec tant de succès qu’il l’a fait.
On remarque dans Les Fâcheux, entre autres scènes plaisantes, celle du chasseur : Louis XIV lui-même désigna l’original, que l’auteur a reproduit d’une manière si piquante. […] Si le jeu de mots qu’on attribue à Molière dans cette circonstance n’est pas inventé, il faut convenir qu’il se vengea d’une manière aussi ingénieuse que cruelle. […] Il avait de bons acteurs pour le comique ; mais il lui en manquait pour le sérieux, qui répondissent à la manière dont il voulait qu’il fût récité sur le théâtre. […] Retirée dans son ménage, elle y vécut d’une manière exemplaire, et mourut le 3 novembre 1700, rue de Touraine. […] Sa manière de jouer les grands rôles fit une révolution au théâtre ; mais on ne l’admira pas sur-le-champ autant qu’elle le méritait.
La comédie est un symbole moins clair, moins magnifique, de la Vérité morale, que la tragédie ; mais, puisqu’elle est un art et un art important, je puis affirmer a priori qu’elle la représente à sa manière, que certainement elle ne la contredit pas, et que si des poètes comiques l’ont contredite, ce sont de mauvais comiques et de mauvais poètes. […] N’avoir aucune manière est la seule grande manière219. […] La Justice n’était pas une chose abstraite, réglée d’une manière immuable et fixe par des articles de codes : assise sous le ciel bleu, à l’ombre des chênes, et tenant un sceptre à la main, elle écoutait les plaintes, pacifiait les différends, ou bien, changeant son sceptre en épée, elle se chargeait elle-même du redressement des torts et de l’exécution de la vengeance. […] En effet, dans un État qui mérite ce nom, tout est sous l’empire des lois et des coutumes, tes droits par lesquels la liberté est fixée et régularisée d’une manière générale et abstraite sont indépendants de la volonté individuelle, et du hasard des circonstances particulières. […] Cette imperturbable assurance dans la vérité de ses opinions est encore relevée d’une manière tout à fait heureuse par les plus beaux traits de caractère.
Molière écrivit pour lui le rôle d’Orgon : il avait été sauvé par le roi de l’imposture de Montfleury, il sauva Orgon de la même manière des manœuvres de Tartuffe. […] Doucement,dit Molière, une si sage résolution doit être réfléchie jusque dans la manière dont elle s’exécute. […] La pauvre Laforêt y parut un jour d’une bien étrange manière. […] Dans tout l’éclat et la fraîcheur de sa beauté première, n’ayant que dix-neuf ans, il joua d’une manière charmante le rôle de l’Amour. […] Tout se mêlait ensemble d’une telle manière que lui-même, peut-être, en de certains moments, n’aurait pu dire s’il mourait de son mal ou de ses tristesses.
Voici encore un chapitre qu’on ne pourroit traiter à fond qu’en revenant sur presque tous les articles dont nous avons déja parlé, puisque l’illusion théâtrale ne sauroit exister si l’Auteur n’a mis la plus grande adresse dans son plan, dans la maniere de l’exposer & d’en traiter toutes les parties. […] Cette maniere honnête de mettre le public à contribution, & de le forcer à applaudir, me paroît bien dangereuse ; il fait rarement de bonne grace ce qu’on lui demande : d’ailleurs comment ne pas trembler aux premieres représentations ?
La mortc de Moliere.... arriva d’une maniere toute surprenante. […] Moliere qui eut quelque honte de se sentir si peu de constance pour un malheur si fort à la mode, resista autant qu’il pût ; mais comme il étoit alors dans une de ces plenitudes de cœur si connuës par les gens qui ont aimé, il ceda à l’envie de se soulager, & avoüa de bonne foi à son ami, que la maniere dont il étoit forcé d’en user avec sa femme, étoit la cause de l’accablement où il se trouvoit. […] Vous me direz sans doute qu’il faut être Poëte pour aimer de cette maniere ; mais pour moi je croi qu’il n’y a qu’une sorte d’amour, & que les gens qui n’ont point senti de semblables delicatesses, n’ont jamais aimé veritablement....
Non : l’homme, être perfectible, n’est honnête homme qu’en s’appliquant de toutes ses forces à régler en soi les passions excessives, à se rendre meilleur de toutes façons, par le travail, par la science, par la charité, par les manières même et par la politesse, par l’esprit et par le corps, enfin à s’approcher autant que possible du type idéal de l’humanité ; en sorte qu’il réalise le vœu de Platon, qui demande que la vie du sage soit un effort pour se rendre semblable à Dieu 124, ou plutôt qu’il obéisse au commandement du Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait 125. » Ce n’est pas seulement en gros et dans les circonstances importantes qu’il faut être vertueux : l’honnêteté consiste à se perfectionner en tout genre, à poursuivre le bien en toutes choses, à fuir, après les vices, les défauts, les travers, les ridicules même, et toutes les misères adhérentes à l’humanité, qui rendent quelquefois les petites vertus plus difficiles à pratiquer que les grandes. […] il n’y a pas de position dans le monde ni de circonstance dans la vie, où l’honnête homme puisse s’y soustraire : partout et toujours, il y a quelque devoir, grand ou petit, à accomplir ; et partout et toujours Molière montre la manière la plus digne et la meilleure de s’en acquitter. […] Mais ce calme du sage n’est ni l’indifférence211 ni l’orgueil212 : il faut que, toujours maître de soi, l’honnête homme supporte bravement le mal sans jamais se laisser faire le bien213 ; que, malgré tous les défauts des autres, il reste pour eux indulgent, bienveillant, serviable214 ; qu’il ne soit pas simplement un homme honnête et bon, mais un homme instruit, aimable, capable de conversation, spirituel s’il peut215 ; qu’il répande autour de lui non seulement le bien, mais l’agrément, et que toutes ses qualités ne lui donnent jamais un sentiment d’amour propre216 ; qu’il ait, avec la modestie, la dignité et les bonnes manières sans affectation217 ; qu’il songe même à la façon de s’habiller, sans être négligé ni ridicule, mais aussi sans outrer la mode218 ; qu’avec une juste libéralité il évite soigneusement les excès de luxe dans la toilette comme dans la vie, et qu’il ne sacrifie point son bien ni sa famille aux inutiles satisfactions de la vanité, ou aux prétendues exigences du monde219 : ce chapitre est infini, et Molière semble n’avoir pas oublié un seul des éléments, même les plus insignifiants en apparence, dont doit se composer cette perfection de la société polie, l’honnête homme. […] Ferme et emporté comme il était, il aima mieux nier d’une manière absolue le pouvoir de la science, lui fermer tout accès auprès de lui… Il y avait donc dans son fait, à l’égard de la médecine, quelque chose de pareil à la révolte du pécheur incorrigible contre le ciel, une vraie bravade d’incrédulité, etc. » (Notes historiques sur la vie de Molière, part.
Excellente suivant les uns, elle était détestable selon les autres ; mais elle n’était trouvée ennuyeuse par personne : beaucoup la déclaraient indécente, et l’on crut remarquer que cette manière de la décrier ne faisait qu’augmenter l’affluence. […] Il valait mieux, de toute manière, lui laisser entièrement le soin d’exécuter le projet qu’il avait conçu, que de lui prêter, sans son aveu, un secours qu’il pouvait lui être également embarrassant d’accepter ou de refuser. […] Il est douteux qu’une pareille application fût saisie aujourd’hui d’une manière favorable pour l’acteur ; le publie n’accepte plus le talent en compensation des infirmités physiques. […] Son camarade Raymond Poisson en parle d’une manière fort honorable dans son Poète basque. […] Je l’ai déjà fait entendre, la répétition pour laquelle les comédiens sont rassemblés, ne peut être qu’un prétexte, ou, si l’on veut, qu’un principe d’action propre à faire naître des incidents, des épisodes satiriques, tels que cette plaisante imitation du jeu des comédiens de l’hôtel de Bourgogne ; cette arrivée d’un marquis ridicule qui assomme Molière de ses questions, et les actrices de ses fadeurs ; enfin, cette dispute si heureusement imaginée, où Molière, blâmé d’un excès de modération envers ses ennemis, les accable, les écrase par la manière même dont il démontre qu’il a dû les ménager.
La langue Française est aujourd’hui de tous les Pays, de toutes les Cours étrangères ; et l’on ne saurait se donner trop de soins pour la perfectionner ; de manière qu’elle soit toujours préférée, comme la plus propre pour s’exprimer naturellement. […] Et si je me fais bien entendre au propre ou au figuré ; de manière que je conserve les caractères, et que j’évite le languissant, le bas, et le superflu, je m’embarrasse peu que l’on me reproche la singularité : Car je déclare à mon Censeur que je ne suis nullement scrupuleux, et que s’il se présente un terme expressif, qui m’en épargne plusieurs, je l’emploie avec assurance, quand il a passé dans les conversations des personnes qui parlent bien. […] Je réponds donc avec assurance à mon Censeur qu’il n’entend point cette partie de la Rhétorique qui regarde l’action, de la manière dont il en parle ; et je veux bien l’instruire, pour repousser son insulte. […] Il doit ménager son haleine ; de manière qu’il ne la reprenne jamais dans un sens interrompu, afin de conserver l’attention du Spectateur. […] Il confond le bon cœur avec les manières : Celles de Chapelle et de Molière ne s’accordaient pas à la vérité ; mais ils se connaissaient intérieurement pour des personnes essentielles et ils essayaient à tous moments de se convertir l’un pour l’autre.
Il laisse de côté les maximes de morale pratique qu’il emploie d’ailleurs fréquemment; ou si l’on y en rencontre encore, elles s’adaptent si bien à la situation, qu’elles ne font qu’exprimer d’une manière plus complète les sentiments qui agitent les héros. […] Dès lors elle reparut souvent et en se marquant parfois d’une manière bien plus précise. […] Il lui importait assez peu d’écrire d’une manière conforme aux préceptes d’autrui ; l’essentiel était pour lui d’écrire d’une manière conforme à sa pensée. » Cependant l’admiration du jeune critique ne lui fait pas méconnaître les côtés faibles de l’œuvre de Molière. […] Mais nous avons cru mieux employer l’espace dont nous disposions, en mettant le jeune professeur lui-même en scène, en le laissant se faire connaître par des citations et en le présentant de cette manière au public français comme un homme de cœur, un penseur original et un écrivain d’un beau talent.
Tous les acteurs sont raillés dans les deux lettres, et quoique cela soit nouveau au théâtre, il fait voir néanmoins la véritable manière d’agir des coquettes médisantes, qui parlent et écrivent continuellement contre ceux qu’elles voient tous les jours, et à qui elles font bonne mine. […] Mais les deux poètes latins, plus uniformes dans le choix des caractères et dans la manière de les peindre, n’ont représenté qu’une partie des mœurs générales de Rome. […] Il était couvert de feuillée par-dehors, et par-dedans paré de riches tapisseries, que le sieur Du Metz, intendant des meubles de la Couronne, avait pris soin de faire disposer de la manière la plus belle et la plus convenable pour la décoration de ce lieu. […] Le monde ne connaissait guère alors le genre de comique noble qui commet ensemble des caractères vrais, mais différents, de manière qu’il en résulte des incidents divertissants, sans que les personnages aient songé à être plaisants. […] Mais après un certain nombre de représentations, le monde comprit que la manière de traiter la comédie en philosophe moral était la meilleure, et laissant parler contre Le Misanthrope les poètes jaloux, toujours aussi peu croyables sur les ouvrages de leurs concurrents que les femmes sur le mérite de leurs rivales en beauté, il en est venu avec un peu de temps à l’admirer.
Pour elles, il n’y a qu’une idée et une manière de l’exprimer. […] Mais d’excellents juges ont attaqué sa manière d’écrire. […] Les cinq condisciples profitèrent tous, mais diversement et chacun à sa manière, des sages et savants entretiens de Gassendi. […] Ses manières répondaient à la noblesse de son âme et à la supériorité de son esprit. […] D’autres le citent de cette manière : Nos beaux-esprits ont beau se trémousser, ils n’effaceront pas le bonhomme.
Je n’ai pu savoir absolument si ce fait est véritable ; mais j’ai été mieux informé que Mr Ménage de la manière dont cette belle Scène du Chasseur fut faite. […] De manière qu’ayant su qu’ils devaient représenter une pièce nouvelle dans deux mois, il se mit en tête d’en avoir une toute prête pour ce temps-là, afin de figurer avec l’ancienne Troupe. […] Il avait beau représenter à sa femme la manière dont elle devait se conduire, pour passer heureusement la vie ensemble. […] Il avait de bons Acteurs pour le Comique ; mais il lui en manquait pour le sérieux, qui répondissent à la manière dont il voulait qu’il fût récité sur le Théâtre. […] De manière qu’il n’avait plus de satisfaction que par l’estime dont le Roi l’honorait, et du côté de ses amis.
Comparez la grande et large allure du vers des Femmes savantes avec l’adorable bijouterie d’Amphytrion, la manière grasse et hardie du Médecin malgré lui et la façon cavalière et quasi espagnole de l’ Amour peintre ! […] Il a raison quand il veut qu’on soit sincère, quand il veut qu’on soit homme d’honneur, quand il veut qu’on fasse les vers bons, quand il veut que la justice soit juste et que les femmes nous aiment pour notre âme et non pour notre manière de nous faire les ongles ou la coupe de nos vêtements. […] C’est sa manière à lui de faire de la critique littéraire. […] Si j’accueillais de cette manière les poètes qui me font l’honneur de me consulter sur leurs ouvrages, je me considérerais comme un grand malotru. […] Elle est franche à sa manière.
« La mort de Moliere – – – arriva d’une maniere toute surprenante. […] Moliere, qui eut quelque honte de se sentir si peu de constance pour un malheur si fort à la mode, resista autant qu’il pût ; mais comme il étoit alors dans une de ces plenitudes de cœur si connuës par les gens qui ont aimé, il ceda à l’envie de se soulager, & avoua de bonne foi à son ami, que la maniere dont il étoit forcé d’en user avec sa femme, étoit la cause de l’accablement où il se trouvoit. […] Vous me direz sans doute qu’il faut être Poëte pour aimer de cette maniere ; mais pour moi je croi qu’il n’y a qu’une sorte d’amour, & que les gens, qui n’ont point senti de semblables delicatesses, n’ont jamais aimé veritablement – – –15. […] ] Prenez bien garde qu’on ne blâme ici que l’excès de sa liberté ; car au fond, l’on ne nie pas qu’il ne s’en servit bien souvent d’une maniere très-heureuse, & qui a été utile à notre Langue.
Dans cette crise, les mœurs et les manières anciennes contrastaient avec les lumières nouvelles ; et le caractère national, formé par des siècles de barbarie, cessait de s’assortir, avec l’esprit nouveau qui se répandait de jour en jour. […] C’est la représentation naïve d’une action plaisante, où le Poète, sous l’apparence d’un arrangement facile et naturel, cache les combinaisons les plus profondes, fait marcher de front d’une manière comique le développement de son sujet et celui de ses caractères mis dans tout leur jour par leur mélange et par leur contraste avec les situations, promenant le spectateur de surprise en surprise, lui donnant beaucoup et lui promettant davantage, faisant servir chaque incident, quelquefois chaque mot, à nouer ou à dénouer, produisant avec un seul moyen plusieurs effets tous préparés et non prévus, jusqu’à ce qu’enfin le dénouement décèle par ses résultats une utilité morale, et laisse voir le Philosophe caché derrière le Poète. […] quelle justesse dans la manière dont l’Auteur sépare l’hypocrisie de la vraie piété ! […] La manière dont il excusait les torts de sa femme, se bornant à la plaindre, si elle était entraînée vers la coquetterie par un charme aussi invincible qu’il était lui-même entraîné vers l’amour, décèle à la fois bien de la tendresse, de la force d’esprit, et une grande habitude de réflexion.
Le désintéressement de l’amour de Dieu, qu’il faut aimer par-dessus toute chose751, est exprimé eu action par le Pauvre qui « prie le ciel tout le jour, et qui est bien mal reconnu de ses soins, dit don Juan, puisqu’il est dans la plus grande nécessité du monde, et que, le plus souvent, il n’a pas un morceau depain à mettre sous les dents. » Pourtant, entre un louis d’or et un péché, il n’hésite pas ; et malgré le diable qui le tente et Sganarelle qui l’encourage, « il aime mieux mourir de faim752. » L’amour du prochain, qu’il faut aimer comme soi-même pour l’amour de Dieu753, quand a-t-il été pratiqué d’une manière plus touchante que par done Elvire, qui, trahie de la façon la plus injurieuse par un amant aimé, revient trouver ce scélérat, ce perfide, qu’elle a menacé de « la colère d’une femme offensée754, » pour adresser à ce cœur de tigre les paroles qui tirent des larmes à Sganarelle : « Je ne viens point ici pleine de ce courroux que j’ai tantôt fait éclater ; et vous me voyez bien changée de ce que j’étois ce matin. […] Génin : Il n’était pas janséniste, et savait attaquer les casuistes jésuites dans leur excès d’indulgence ; et quand il faisait dire à don Juan refusant un duel avec don Carlos : « Je m’en vais passer tout à l’heure dans cette petite rue écartée qui mène au grand couvent ; mais je vous déclare, pour moi, que ce n’est point moi qui me veux battre ; le ciel m’en défend la pensée ; et si vous m’attaquez, nous verrons ce qui en arrivera780, » il voulait évidemment faire allusion aux artifices de direction d’intention par lesquels, dans la VIIe Provinciale, Hurtado de Mendoza autorise l’acceptation du duel « en se promenant armé dans un champ, en attendant un homme, sauf à se défendre si l’on est attaqué… Et ainsi l’on ne pèche en aucune manière, puisque ce n’est point du tout accepter un duel, ayant l’intention dirigée à d’autres circonstances ; car l’acceptation du duel consiste en l’intention expresse de se battre, laquelle celui-ci n’a pas781 ». […] Cette morale naturelle, non chrétienne d’intention, mais de fait, car le christianisme n’a fait qu’en affirmer d’une manière absolue les principes plus ou moins indécis ; cette morale naturelle, dis-je, est la morale de Molière. […] On l’a déjà dit799 : l’homme qui fuit le vice uniquement par crainte des moqueries d’autrui, tombe dans le défaut de l’amour-propre, et sa vertu n’est qu’une hypocrisie : il est impossible d’admettre que le ridicule puisse servir d’une manière quelconque à sanctionner la morale, ni que des gens vertueux par amour propre soient des honnêtes gens.
Il est très honnête homme d’autre manière encore. […] s’écrie Alceste, ici tout à fait dans la manière et le ton de Molière. […] Il y a, pense-t-on généralement, deux manières d’exciter à la vertu. […] Il l’a attaqué de toutes les manières. […] Il le faut pour que Molière le fasse détester, maudire, mépriser et moquer de toutes les manières possibles.
Le premier président de Lamoignon, l’ami de Racine et de Boileau, l’Ariste du Lutrin, ne pouvait, en aucune manière, être comparé à Tartuffe. […] Voilà ce qu’ils ont affecté, mettant dans la bouche de cet hypocrite des maximes de religion faiblement soutenues, au même temps qu’ils les supposaient fortement attaquées ; lui faisant blâmer les scandales du siècle d’une manière extravagante ; le représentant consciencieux jusqu’à la délicatesse et au scrupule sur des points moins importants, où toutefois il le faut être, pendant qu’il se portait d’ailleurs aux crimes les plus énormes ; le montrant sous un visage de pénitent, qui ne servait qu’à couvrir ses infamies ; lui donnant, selon leur caprice, un caractère de piété la plus austère, ce semble, et la plus exemplaire, mais, dans le fond, la plus mercenaire et la plus lâche. » Je suis loin d’approuver tout ce qu’il y a de dur et d’amer, de violent et d’outré dans cette éloquente tirade. […] Il y avait dans sa manière de prononcer ce mot de tartufoli quelque chose de pénitent et de sensuel qui caractérisait assez bien la papelardise. […] Mais, dans l’édition de ses œuvres, donnée en 1682 par La Grange et Vinot, le passage est altéré d’une manière fort remarquable. […] J’ai su, cher Dorilas, la galante manière Dont tu veux critiquer et Tartuffe et Molière ; Et sans t’importuner d’inutiles propos, J’en vais rimer aussi la critique en deux mots.
Enfin, le progrès des idées et le respect dû aux chefs-d’œuvre aidant, elle vient de reparaître sur le théâtre, cette courte et belle scène que n’aurait pas désavouée Shakespeare ; nous l’avons vue enfin et entendue tout entière, telle qu’elle a jailli de l’âme et du cerveau de son auteur, telle que bien peu même des contemporains de Molière ont pu l’entendre et l’admirer ; et, pour comble de bonheur, elle a été interprétée d’une manière sublime par Ligier, qui, avec quatre ou cinq paroles sorties du cœur, sans cris, sans gestes, a ému profondément toute la salle. […] Je dis création, sans prétendre en aucune manière nier les droits de l’Espagne à l’invention de la légende, non plus que ceux de Tirso de Molina à l’honneur de l’avoir le premier réalisée dans un drame. […] A la manière indépendante et hardie dont notre grand comique a pris possession de cette fable, à voir comme il domine et manie en maître ce nouveau genre de drame, on n’aperçoit pas la moindre trace, soit de dégoût, soit de contrainte.
Bien des détails ont été écrits l’imagination, ou du moins sans preuve, quelques-uns même en dépit de preuves opposées, sur cette rupture et sur la manière dont madame de Maintenon figura dans les premiers mouvements auxquels elle donna lieu à la cour. […] Vous verrez de quelle manière se tournera cette amitié. » Le 28 juin, « Vous jugez très bien de Quantova (madame de Montespan) ; si elle peut ne point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera sa grandeur au-delà des nues ; mais il faudrait qu’elle se mît en état d’être aimée toute l’année sans scrupule111 ; en attendant, sa maison est pleine de toute la cour ; les visites se font alternativement, et la considération est sans bornes. » Une autre lettre, du 3 juillet, porte : « Ah ! […] Vous connaissez la manière de Le Nôtre.
Il veut avoir les manières d’un gentilhomme, le langage d’un gentilhomme, le faste d’un gentilhomme, les galanteries d’un gentilhomme et tous les ridicules d’un gentilhomme. […] Il attaque presque nommément, et à coup sûr de manière que personne ne s’y trompe, l’abbé Cotin, peut-être Ménage. […] Seulement il y a plusieurs manières d’être intelligent. […] C’est une manière de marquer le profond mépris où il le tient. […] S’il faut payer son écot de conversation, elle ne fera point un portrait malicieux, elle traduira en raccommodant à sa manière un passage de Lucrèce, et quel passage ?
On a une manière aujourd’hui défaire les jambons, qui est sans excuse. […] Il lui refuse le titre de science, et je ne m’en étonne pas, d’après la manière dont il l’entend. […] Tantôt, c’est Marinette et Gros René qui s’aiment, se querellent et se réconcilient à l’imitation de Lucile et d’Eraste, mais à leur grosse et franche manière ; tantôt, c’est Sganarelle qui veut éconduire son créancier, M. […] Il ose se permettre des propos sensés, mais il a soin de les faire excuser par la grâce parfaite de ses manières, de son ton ; il produit la raison, mais il la voile avec autant de scrupule que la pudeur en a pour exprimer une idée libre. […] À l’époque de la guerre de Troie, les formes de la pensée et toute la manière de vivre étaient bien différentes de celles que nous retrouvons dans l’Iliade.
Pour elle, Molière représentait la perfection de la haute comédie, et tous ceux qui le comprenaient s’efforçaient tantôt de le reproduire, et tantôt de lui dérober sa manière. […] De toutes les manières, c’est trop dire. […] Il cherche à faire saillir aux yeux du public, par la manière dont il débite ses compliments, le ridicule que Molière a mis dans l’excès de ses formules. […] L’un est charmant et aimable ; il a toujours vécu à la cour, il en a les manières aisées et libres ; il en a le langage poli, il en a aussi, il faut bien le dire, les mœurs équivoques. […] L’autre est tout l’opposé ; il a été élevé dans une petite ville : il en a l’honnêteté compacte, les manières brusques, le parler brutal.
N’en accusez que vous, si vos admirateurs Ont le goût dépravé ; vos goûts forment les leurs : Ils sont habitués aux manières charmantes De votre cher Dorat, à ses phrases brillantes. […] Les reproches que l’on fait à Thalie d’avoir été souvent trop libre dans ses manières ne sont malheureusement que trop fondés ; mais ne tombe-t-elle pas aujourd’hui dans un excès contraire ?
Après avoir concerté dans sa tête la maniere dont elle devoit s’y prendre, elle choisit une heure commode pour aller au Couvent, demande à parler au Pere, & le prie de vouloir la confesser. […] Comme de pareilles poursuites exposent ordinairement une honnête femme à des bruits fâcheux auxquels elle n’a pas contribué, j’ai eu quelquefois envie de lui faire dire par mes freres, que je trouve fort mauvais qu’il en use de cette maniere ; mais considérant qu’il s’ensuit souvent des réponses dures, & que des duretés on en vient ordinairement aux mains, j’ai mieux aimé, crainte de scandale, m’adresser à vous, dont il est peut-être l’ami, & qui êtes en droit, par votre caractere, de lui faire des réprimandes. […] Il ne m’a pas tenu parole : mais je vous promets que je lui parlerai d’une maniere qui l’obligera à ne plus vous chagriner.
En un mot son pere n’avoit rien oublié pour lui inspirer de bonne heure l’amour du gain, & l’attacher à ses intérêts d’une maniere capable de prévenir l’ardeur naturelle de ses autres passions. […] Par le même sentiment de pitié qui l’avoit saisi d’abord, il le fit appeller ; & lui ayant offert une aumône, il lui demanda de quelle maniere il étoit tombé dans l’esclavage. La réponse du malheureux Turc commença d’un ton assez tranquille : mais lorsqu’après avoir confessé en général qu’il étoit né quelque chose, & que c’étoit un malheur de fortune qui l’avoit fait tomber entre les mains des Chrétiens, il fut pressé d’une maniere tendre de s’expliquer davantage, son cœur s’ouvrit avec violence, & fit passage à une infinité de sanglots.
1775, Anecdotes dramatiques, tome II, p. 209 Ce même mot fut tourné d’une manière un peu différente, mais non moins satirique, par des comédiens de province.
L’incontinence générale ne pouvait souffrir patiemment cette réserve de langage et de manières qui faisait ressortir son effronterie ; la décence gracieuse, du genre de celle de la marquise de Rambouillet, de Julie, des Sévigné, des La Fayette, importunait la cour, foyer de la dissolution générale, choquait les personnages importants de la capitale. […] Ces bourgeoises sont de plus des pécores (peckes) sans éducation, sans esprit, de manières ignobles, qui prétendent à l’élégance du ton, des manières et du langage. […] On y conversait d’une manière si alambiquée, que sur quelque sujet que ce fût, on finissait toujours par ne pas s’entendre. […] En un mot, y aurait-il eu du bon sens à prendre deux pécores, bourgeoises, provinciales, presque canailles, qui ont si peu d’usage du monde qu’elles traitent, en hommes de distinction, des laquais travestis, mais affublés de manières propres à leur condition, pour donner une leçon de discernement à les femmes contre lesquelles le grief de Molière aurait été d’avoir un esprit trop raffiné et une délicatesse trop pointilleuse ?
Bellocq, pour son esprit et ses manières, était estimé de la cour et du roi, dont il était valet de chambre.
Après la représentation, le roi, qui n’avait pas encore porté son jugement, dit à Molière : « Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle a été représentée ; mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait mieux diverti ; et votre pièce est excellente. » Aussitôt l’auteur fut accablé de louanges par les courtisans, qui répétaient, tant bien que mal, ce que le roi venait de dire à l’avantage de cette pièce.
Elle aime votre esprit et vos manières, et quand vous nous retrouverez ici, vous n’aurez point à craindre de n’être pas à la mode. » Cette continuation de société intime avait lieu malgré la vie mystérieuse des petites maisons de nourrices. […] Le vice du sujet, et la manière dont Molière l’a traité, annoncent assez que l’opinion de la haute société pesait tout à la fois sur la cour et sur le poète, et n’embarrassait pas moins celui-ci qu’elle n’importunait l’autre.
Quant à la manière dont madame de Sévigné s’est exprimée dans une lettre confidentielle à son cousin sur la nomination de Racine et de Boileau à la place d’historiens, Voltaire était plus capable que personne den sentir la justesse ; Racine et Boileau eux-mêmes, en mettant la main sur la conscience, n’auraient pu la trouver injuste. […] N’en doutons pas, ceux-ci s’étaient assurés de la manière la plus positive qu’ils n’avaient point à redouter les applications des ouvrages satiriques dont les auteurs leur faisaient la lecture ; ils savaient indubitablement de la bouche des auteurs mêmes le nom des personnes qui avaient servi de modèle à leurs tableaux, et ils n’avaient pas besoin de le demander. […] Vigueul-Marville rapporte qu’il disait à ses amis : « Vous voyez la manière dont je parle : sachez que je suis toujours sur mes gardes et que personne n’observe mieux que moi les longues et les brèves. »T.
Mais, par quel excès de petitesse veulent-ils exclure Molière du chœur des poètes, parce qu’il a été poète à sa manière et sans remplir les conditions de leur programme ? […] Pourquoi n’a-t-elle pas toujours senti de la même manière, et a-t-elle erré quelquefois ? […] Il est dépendant, au contraire, et de la manière la plus complète, dépendant non de telle ou de telle notion particulière, mais de l’intelligence même d’Uranie, de son intelligence tout entière, avec sa richesse de connaissances et sa largeur de vues, mais aussi avec ses préjugés, son ignorance, sa faiblesse, son humanité enfin et ses sottises. […] Y a-t-il plusieurs manières différentes, opposées, d’être comique, et une pièce de théâtre est-elle une comédie avant d’avoir reçu le baptême des mains d’un philosophe, seulement parce qu’un public ignorant tout, parce qu’un poète ignorant l’Esthétique, ont eu la fantaisie de l’appeler de ce nom ? […] Dans cette faculté le jugement se voit lié à quelque chose qui se révèle dans le sujet même et en dehors du sujet, et qui n’est ni nature ni liberté, mais qui est lié au principe de cette dernière, c’est-à-dire avec le suprasensible, dans lequel la faculté théorique se confond avec la faculté pratique, d’une manière inconnue, mais semblable pour tous.
.–1688) : d’une très noble et illustre famille, dans laquelle il s’est distingué d’une manière particulière par sa bravoure et par son esprit.
Il ne fallait rien moins que ces considérations pour l’empêcher de se rendre aux vœux des siens, quelque insolente que fût la manière dont ils les exprimèrent. […] La Grange et Vinot viennent de nous dire que « la manière dont il s’acquitta du rôle du Docteur amoureux » fut déterminante pour enlever l’autorisation du Roi. […] Ils laissaient au vulgaire l’art de parler d’une manière intelligible. […] De Visé y parodiait encore le jeu tragique de Molière et sa manière d’annoncer. […] Elle obtint, par la manière dont elle s’en acquitta, les suffrages de tout ce que Versailles renfermait alors de plus brillant, et les jeunes seigneurs s’empressèrent autour d’elle.
Le burlesque plus ou moins marqué était la seule manière de faire rire. […] Il ne voit pas que le prodige de ton art est d’avoir montré le Misanthrope de manière qu’il n’y a personne, excepté le méchant, qui ne voulut être Alceste avec ses ridicules. […] Il n’y a pas jusqu’à ces deux pauvres gens, Alain et Georgette, choisis par Arnolphe comme les plus imbéciles de leur village, qui n’aient à leur manière la sorte de bon sens qui leur convient. […] La Comtesse d’Escarbagnas ne représente-t-elle pas au naturel cette manie provinciale de contrefaire gauchement le ton et les manières de la capitale et de la cour? […] Il y en a beaucoup aussi sans doute dans la manière dont Tartufe s’y prend pour en imposer à sa dupe, quand Damis l’accuse en présence d’Elmire, qui n’en disconvient pas, d’avoir voulu déshonorer Orgon.
Après la représentation, le Roi, qui n’avait point encore porté son jugement, eut la bonté de dire à Molière : Je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation, parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle avait été représentée ; mais, en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente. […] Molière a justement saisi le degré de la société où il devait placer son personnage ; et Voltaire a rendu parfaitement sensible l’excellence de son choix : « La folie du Bourgeois, dit-il, est la seule qui soit comique, et qui puisse faire rire au théâtre : ce sont les extrêmes disproportions des manières et du langage d’un homme, avec les airs et les discours qu’il veut affecter, qui font un ridicule plaisant. […] La Muse comique ne pouvait donc lancer ses traits que contre les manants qui se rendaient ridiculement malheureux en s’alliant à la gentilhommerie, ou les bourgeois qui se ruinaient follement par la fréquentation de la noblesse, et l’imitation de ses manières. […] Orgon et Harpagon, les Gorgibus et les Sganarelles, tous les pères, en un mot, même ceux qui ne sont pas ridicules ou vicieux, ont, par rapport à leurs enfants, une certaine grossièreté de pensées, de discours et de manières, qui semble appartenir à un autre siècle.
S’étant formé en Italie, notamment sous la direction de Carissini, Charpentier s’est forgé une manière très personnelle de faire la synthèse entre l’apport italien et le goût français en musique.
La substitution fut faite, mais de quelle manière ? […] Je ne sais pas d’une manière bien certaine de qui Molière s’inspira pour la scène de don Juan et de M. […] Son air faux, ses manières gênées et gênantes les gâtaient pour les autres. […] Cette manière de procéder imprima le respect à toute l’assemblée. […] Dans Arnolphe, la cabale reconnut quelqu’un des siens, un homme moral et pur à sa manière, et, tout d’une voix, elle cria comme si on l’écorchait vive.
Fénelon se contente de reprocher à Molière, d’une manière générale, « qu’il a donné un tour gracieux au vice, avec une austérité ridicule et odieuse à la vertu ; » et il lui fait ce reproche aussi légèrement qu’il l’accuse de parler « souvent mal, d’approcher du galimatias, » et d’avoir été « gêné par la versification française812. » Il semble n’avoir lu qu’en courant, et pour pouvoir dire qu’il les connaissait, les ouvrages qu’il juge avec une autorité si absolue et si brève. […] Le vice moral du théâtre de Molière ne consiste pas du tout dans les intentions de l’auteur : il ne consiste que faiblement dans l’ensemble des tableaux, où le bien domine, et où on peut dire que le mal est rarement approuvé d’une manière formelle ; mais il consiste dans le génie même qui inspire tout. […] si le peuple était instruit moralement d’une manière suffisante ; si chaque homme dans son cœur portait, avec la volonté. de bien faire, une connaissance assez nette de ce qui est bien ou mal pour rester maître de son jugement au milieu du plaisir, et discerner avec calme ce qu’il doit fuir ou imiter ; s’il avait depuis l’enfance une habitude constante et forte de l’honnête, alors ou dirait avec confiance au peuple : Allez au théâtre de Molière.
L’hôtel de Rambouillet, maintenant « diffamé », suivant la très-juste expression de Boileau, avait été, vingt ans auparavant, une école de beau langage, de bonnes manières et de bonnes mœurs. […] Voyons ce qu’ils ont dit à l’Homme, ce qu’ils ont fait contre ses vices, et comment ils s’y sont pris chacun à sa manière pour l’introduire, le guider et le soutenir dans la voie du bien. […] quelle est leur manière de vivre ? […] On se dédommage en quelques manières sur les petits de ce que l’on ne fait pas à l’égard des grands. […] Ils considèrent d’une manière toute différente et tout opposée l’attitude qu’il doit prendre et le rôle qu’il doit jouer dans le monde.
La querelle entre Trissotin et Vadius, au sujet de ce sonnet, eut réellement lieu entre l’abbé Cotin et Ménage, chez Mademoiselle où Cotin venait réciter son sonnet, lorsque Ménage entra, et en dit du mal de la manière exactement dont le fait est représenté dans les Femmes savantes.
Le roi qui vit Molière le même jour, apprit la chose avec indignation, et la marqua au duc d’une manière assez vive.
Accante arrive, Champagne l’instruit de la prétendue infidélité de sa maîtresse, malgré les signes redoublés de Laurette, qui feint de vouloir l’empêcher de parler, qui nie d’avoir reçu un billet, & qui en faisant semblant de le cacher dans son corset, le place de maniere que Champagne peut l’en arracher & le remettre à son maître. […] Il ne m’importe guere : Chacun peut en ce monde aimer à sa maniere ; Et je n’ai pas dessein, par mes raisonnements, De vouloir réformer les erreurs des amants.
Les choses étant ainsi, Molière put croire que ce serait un coup de maître de faire maltraiter les mauvais auteurs par Montausier sous le nom d’Alceste, de la même manière que Boileau et lui en usaient dans leurs ouvrages, c’est-à-dire de le montrer faisant la guerre au mauvais goût sans la faire aux personnes.