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11. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Mais, ajoute Voltaire, les connaisseurs rendirent bientôt à Molière les suffrages de la ville, et un mot du roi lui donna ceux de la cour. » Le suffrage du roi, qui explique très bien celui de la cour, et celui des connaisseurs de la ville, s’explique très clairement lui-même par l’intérêt qu’avait le prince à diminuer la considération des sociétés graves, de mœurs honnêtes, d’occupations nobles, à rendre ridicules les censeurs de ses désordres ; et c’est ce que Molière entreprit dans sa comédie des Femmes savantes, où il représente tout savoir dans les femmes comme une méprisable pédanterie, et toute critique, ou toute censure exercée de fait sur les opinions et les mœurs de la cour, comme une insolence digne de châtiment. […] Mais Trissotin est un homme à marier, qui veut attraper une honnête famille, et Cottin était ecclésiastique. […] Elle n’empêchait pas le crédit de madame Scarron à la cour même, et l’inclination du roi vers les mœurs douces, honnêtes, et polies de la société dont elle était un ornement.

12. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

S’il n’est pas beau de prononcer dans une piece le mot de cocu, le cocuage mis en action n’a rien de fort honnête. […] Le Chevalier s’est introduit auprès de sa maîtresse en qualité de maître Italien ; son oncle le fait reconnoître sans le vouloir : voici comment cet honnête neveu lui parle : ACTE IV. […] Les hommes, quels qu’ils soient, se doivent toujours des égards, & les ames honnêtes sont fâchées de voir quelqu’un y manquer sur le théâtre comme dans le monde. […] Je défie encore qu’un homme honnête puisse les lire sans en sentir tout le révoltant, sans souhaiter à l’Auteur qui les a composées, aux acteurs qui les ont représentées, au spectateur qui les a applaudies, tout ce que Lelio éprouve. […] Je vous le répete, jeunes Auteurs, soyons honnêtes en tout.

13. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

Oui, l’auteur du Tartuffe a fait Amphitryon 586 ; celui qui a soulevé contre le suborneur hypocrite une indignation telle, que le public n’eût pas été content si le roi même n’était venu frapper ce monstre par sa justice exceptionnelle et terrible587 ; celui qui, craignant qu’on ne lui attribuât une seule des paroles prononcées par son odieux personnage, mettait en note : « C’est un scélérat qui parle588 ; » ce même homme, pendant trois actes qui sont trois chefs-d’œuvre de comédie, de poésie et d’esprit, a fait rire du noble Amphitryon et de la touchante Alcmène, trompés dans leurs honnêtes amours par le don Juan de l’Olympe. […] Si pur que soit l’amour d’Alcmène pour son époux, si indigne que soit le crime de voler par ruse à une honnête femme ce qu’on n’a pu obtenir d’elle par la séduction, de quel côté sont les rieurs ? […] En un mot, cette pièce est d’un bout à l’autre un effort du plus grand génie, qui triomphe du sentiment moral par la force comique, au point de rendre d’honnêtes époux ridicules, et de faire trouver excusable, agréable, admirable, le plus odieux adultère. […] IV, Mercure-Sosie à Cléanthis :   Mon Dieu, tu n’es que trop honnête ! […] III, Si la comédie d’aujourd’hui est aussi honnête que le prétend l’auteur de la Dissertation : « Les airs de Lulli, tant répétés dans le monde, ne servent qu’à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant les plus agréables et les plus vives qu’on peut par le charme d’une musique… : c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense, et plaisent sans être aperçus ; » chap.

14. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, Qu’une femme étudie et sache tant de choses. […] En effet, c’est du côté de la prude aux hypocrites alarmes, que se trouve l’impudeur, tandis que la plus noble décence se montre dans le langage de la jeune fille qui sait être vraie, simple, et digne dans l’aveu de son penchant pour une honnête union. […] Son ami Chrysale lui réplique fort judicieusement : Mais comment voulez-vous, après tout, qu’une bête Puisse jamais savoir ce que c’est qu’être honnête ? […] On pourrait souhaiter en elle des qualités plus sympathiques ; mais c’est, dans toute la vérité de l’expression, ce qu’on peut appeler une honnête femme.

15. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

C’était le centre de la vraie préciosité définie par Huet une galanterie honnête dans le sens qu’on donne au mot galant homme 282 ; » c’était, en un mot, l’Académie française, avec les femmes de plus et les pédants de moins283. […] Chrysale dit, dans sa protestation contre le pédantisme féminin : Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, Qu’une femme étudie, et sache tant de choses313 ; et à la délicatesse de cette réflexion dont le vieillard pousse les conséquences trop loin, Clitandre ajoute le dernier mot de la vérité et du bon sens : Je consens qu’une femme ait des clartés de tout. […] Molière a une parole de philosophe, quand il répond à cela : Mais comment voulez-vous, après tout, qu’une bête Puisse jamais savoir ce que c’est qu’être honnête ? […] Ce sont, dans l’une et l’autre École ; d’honnêtes amants qui enlèvent et épousent Isabelle et Agnès ; mais qui ne sent que la leçon va plus loin, et que, dans la vie, qui n’est point une comédie, c’est à la perte et au déshonneur qu’aboutit presque toujours cette contrainte coupable imposée à la personne et à l’âme ?

16. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Toutes les femmes que nous avons citées étaient honnêtes, spirituelles, aimables, de bon goût, exemptes de pruderie et d’affectation. […] Une circonstance déjà remarquée favorisa cette influence : à la tête du parti des mœurs était madame de Montausier, appelée à la cour de Louis XIV comme la représentante de la société des honnêtes femmes, avec laquelle le jeune monarque avait voulu se mettre en bonne intelligence, dont il voulait être l’allié, en attendant qu’il se sentit la force d’en devenir l’ami.

17. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

On reconnaît la meilleure et la plus honnête nature du monde dans le peintre hardi des ridicules de son époque. […] Elmire est la plus honnête femme qui ait été imaginée par un poète. […] Parfaitement sage, au milieu d’un entourage à demi fou, honnête sans puderie, spirituelle sans licence, ferme sans ostentation, elle résume toutes les séductions de son sexe. […] Elmire, Henriette, MmeJourdain, honnêtes femmes de tant de bons sens, qu’êtes-vous devenues ? […] Nous trouvons là, du moins, ce qui est rare chez notre auteur, un amant honnête, et qui ne peut être accusé que d’inconséquence du cœur.

18. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Il a fait tout cela sans scrupule, étant honnête au fond, et n’y voyant qu’une source de comédie. […] Il insinue, par une douce violence, tantôt l’amour de ce qu’il y a de plus hautement honnête, et tantôt une facile indulgence pour ce qu’on doit rigoureusement condamner. La part de l’honnête est certainement la plus grande : il est incontestable que Molière fortifie le bon sens et qu’il élève les âmes, qu’il les habitue, tout en riant, à se tenir dans une région de saine raison ; la morale de Molière est bonne et belle. […] si le peuple était instruit moralement d’une manière suffisante ; si chaque homme dans son cœur portait, avec la volonté. de bien faire, une connaissance assez nette de ce qui est bien ou mal pour rester maître de son jugement au milieu du plaisir, et discerner avec calme ce qu’il doit fuir ou imiter ; s’il avait depuis l’enfance une habitude constante et forte de l’honnête, alors ou dirait avec confiance au peuple : Allez au théâtre de Molière.

19. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. De l’Etat, de la Fortune, de l’Age, du Rang, du Nom des Personnages. » pp. 39-75

Ce n’est pas l’amour, ce sont les amants, tels qu’ils sont pour la plupart, que je méprise, & non pas le sentiment qui fait qu’on aime, qui n’a rien en soi que de fort honnête & de fort involontaire. […] Si en la lisant on a fait exactement la supposition dont nous sommes convenus, si l’on s’est peint le Marquis à quinze ans ou à quatre-vingt, son rôle a non seulement cessé de paroître plaisant, mais celui de la Comtesse a encore cessé d’être honnête. […] La réponse est honnête, Et vous avez toujours quelque défaite prête. […] Je prétends qu’il soit fait comme on n’en trouve point ; Qu’il soit posé, discret, accompli de tout point ; Qu’il ait, avec du bien, une honnête naissance. […] Je demande à présent s’il est décent, s’il est raisonnable, que cette femme, qui tient à des gens d’un rang honnête, & qui en est très fiere, se laisse traiter par tout ce qui l’entoure comme la derniere des grisettes.

20. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Dufresny imitateur comparé à Moliere, à Champmeslé, son Mariage fait & rompu comparé à l’histoire véritable du faux Martin-Guerre, & à la nature. » pp. 81-99

Voilà un honnête Gentilhomme ! […] LE FAUX HONNÊTE HOMME, comédie en prose, en trois actes. […]   Dans la piece de Champmeslé le rôle du Marquis n’est rien moins qu’honnête ; Mad. la Comtesse figureroit mieux dans une maison de force que sur la scene ; Catho & Manon sont en train de lui ressembler dans peu ; le Chevalier est aussi mal-adroit qu’effronté ; le pere est un imbécille ; les autres personnages sans caractere ne se montrent que pour disparoître, ou sont inutiles ; l’intrigue est traînante & mal combinée.

21. (1910) Rousseau contre Molière

L’honnête Dubois, son valet, a crié aussi. […] Restent quelques mortels qui sont à la fois intelligents et honnêtes. […] Je doute qu’une si grande perfection soit dans les forces de la nature humaine… » Et, suivant son raisonnement, il aurait pu dire : Si, plus les comédies sont honnêtes, plus elles sont dangereuses, il ne nous reste qu’à les faire peu honnêtes pour en ôter le plus malin poison qu’elles contiennent. […] On lui a dit dans sa famille qu’il n’y a rien de plus raisonnable que de faire un beau mariage, pourvu du reste qu’il soit honnête. […] Donnez-leur un sens droit et une âme honnête ; puis, ne leur cachez rien de ce qu’une âme chaste peut regarder.

22. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Répand-on des bienfaits, dit l’honnête Dupré, Il faut qu’un journaliste Dans sa feuille aussitôt en imprime une liste. […] Que d’esprits chagrins, que de prétendus sages (très honnêtes d’ailleurs) croient, à son exemple, avoir assez fait pour la vertu quand ils ont bien déblatéré contre la perversité humaine ! […] Dans ce cas, et pour arriver à ce but, il ne faudrait assurément donner à Tartuffe qu’un maintien honnête et décent, et non l’attitude et la physionomie d’un cafard. […] En quoi blesse le ciel une visite honnête Pour en faire un vacarme à nous rompre la tête ? […] Ainsi, pour en donner une juste idée, il ne faudrait pas, à l’exemple de beaucoup de comédiens, débiter certains passages du rôle avec cet accent tendre et véhément que d’ordinaire on emploie au théâtre pour exprimer les élans d’un amour honnête.

23. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Ce siècle mémorable réunissait alors sous un Maître célèbre trois Disciples singuliers ; Bernier, qui devait observer les mœurs étrangères ; Chapelle, fameux pour avoir porté la Philosophie dans une vie licencieuse ; et Molière, qui a rendu la raison aimable, le plaisir honnête, et le vice ridicule. […] une maxime honnête, liée à une situation forte de ses personnages, devient pour les spectateurs une vérité de sentiment. […] Avoir à la fois un cœur honnête, un esprit juste ; se placer à la hauteur nécessaire pour juger la société ; savoir la valeur réelle des choses, leur valeur arbitraire dans le monde, celle qu’il importerait de leur donner ; ne point accréditer les vices que l’on attaque en les associant à des qualités aimables, méprise devenue trop commune chez les successeurs de Molière, qui renforcent ainsi les mœurs au lieu de les corriger ; connaître les maladies de son siècle ; prévoir les effets de la destruction d’un ridicule : tels sont dans tous les temps les devoirs d’un Poète comique. […] C’est le personnage honnête de presque toutes ses Pièces, et la réunion de ses rôles de frère formerait peut-être un cours de morale à l’usage de la société.

24. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. » pp. 144-179

Arnolphe, connu depuis peu sous le nom de M. de la Souche, s’amuse beaucoup des disgraces qui arrivent aux pauvres maris : mais il craint leur sort ; &, pour l’éviter, il fait élever dans la plus grande ignorance celle qu’il destine à l’honneur de sa couche, malgré Chrisalde qui lui dit très prudemment : Mais comment voulez-vous, après tout, qu’une bête Puisse jamais savoir ce que c’est qu’être honnête ? […]   Celle qu’un lien honnête   Fait entrer au lit d’autrui,   Doit se mettre dans la tête,   Malgré le train d’aujourd’hui, Que l’homme qui la prend, ne la prend que pour lui. […] Le malheureux Don Pedre feignit d’être malade, & se représentant qu’il avoit choisi une femme idiote, qui non seulement l’avoit offensé en son honneur, mais encore qui ne croyoit pas s’en devoir cacher, il se ressouvint des bons avis de la Duchesse, détesta son erreur, & reconnut, mais trop tard, qu’une honnête femme sait garder les loix de l’honneur, & que si, par fragilité, elle y manque, elle sait du moins cacher sa faute. . . . . […] Il faut sur-tout remarquer que Straparole, la Fontaine, Scarron, ont pour héroïnes des femmes mariées, dont plusieurs personnes ne sauroient voir les succès amoureux avec plaisir ; & que Moliere, ami des bienséances, intéresse les ames honnêtes à une passion pure & délicate, que la vertu même approuve, & qui n’est pas couronnée de la main du vice. […] « Quel mal trouves-tu « Dans un dessein honnête & tout plein de vertu ?

25. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184

Dans cet acte Don Garcie est chez Léonor de son aveu : elle lui promet de se laisser enlever, si son pere combat son penchant ; ce qui n’est pas honnête. […] par charité, Mesdames, ayez compassion d’une honnête fille qui s’est laissé débaucher par un méchant homme. […] Vraiment oui ; c’est une de nos amies, une fort honnête fille, qui postule pour chanter gratis à l’Opéra, afin de se faire connoître. […] Tenez, Monsieur, il venoit quelquefois chez une honnête Marquise qui donne à jouer : il me vit, je lui plus ; je le vis, il me plut. […] Il veut nous éprouver ; & cela n’est ni beau ni honnête de soupçonner ainsi de pauvres innocentes comme nous, & de faire sonder notre pudeur par un peintre & par un maraud de jardinier.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Des Pieces intriguées par un Valet. » pp. 125-134

Troisièmement, les frippons d’Athenes & de Rome agissoient quelquefois pour leur propre compte ; & le public ne partage bien leurs succès ou leurs malheurs, que lorsqu’ils décident du sort de quelques personnages honnêtes. […] Un intriguant qui les imiteroit sur notre scene seroit sifflé, & mériteroit de l’être ; mais un valet qui serviroit une passion honnête, qui trouveroit le secret de se tirer des embarras les plus grands sans blesser les bienséances théâtrales, qui ne donneroit pas des coups de bâton à son patron, mais qui le tromperoit en lui faisant de fausses confidences, & qui, aussi fin que les Daves, les Mascarilles, les Scapins, mettroit le sceau à son adresse en procurant un sort heureux aux amants qu’il protege ; un tel intriguant, dis-je, seroit certainement applaudi.

27. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IX. Du Genre larmoyant. » pp. 103-122

Il a soin d’en prévenir le spectateur dans son prologue, & de l’en faire ressouvenir à la fin de la piece ; & tout en disant cela, il lâche plusieurs mots qui ne sont rien moins qu’honnêtes. […] La poésie sera pure, honnête comme une pucelle volontaire ; car il y en a bien d’autres, oui. […] « Figurez-vous, mes chers camarades, leur disoit-il, un honnête gentilhomme qui retire chez lui un misérable, à qui il donne sa fille avec tout son bien, & qui, pour le récompenser de ses bontés, veut séduire sa femme, le chasser de sa propre maison, & se charge de conduire un Exempt pour l’arrêter. » Ah !

28. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. » pp. 426-435

Pour vous, mon ami, faites-vous Gouverneur, ou Baron, ou Président, si vous voulez, & habillez-vous à la grandeur, si la fantaisie vous en prend ; mais notre fille & moi n’en ferons pas un pas davantage, ou je n’aurai pas de voix en chapitre : une femme d’honneur a la jambe rompue, & ne sauroit sortir de la maison, & les honnêtes filles ne se divertissent qu’à travailler. […] Dans le Potier d’étain Politique, piece danoise, dont nous avons déja parlé, il y a un trait visiblement imité de cet endroit ; le héros refuse sa fille à un fort honnête garçon, parcequ’il n’est point politique.

29. (1900) Molière pp. -283

Il reconnaît, il honore en Elmire l’honnête courage avec lequel, épouse de second lit seulement, et belle-mère de grands enfants, elle vient au secours du foyer domestique envahi par un odieux parasite et combat pour la famille en péril. […] Ce n’est pas l’avis de madame Pernelle que sa bru est si honnête ! […] Molière a voulu mettre et il a mis dans les relations de la vie domestique une liberté honnête qui de son temps n’y était pas de droit. […] Aujourd’hui, l’autorité plus douce a rendu les scandales de ce genre plus rares ; nous avons mis partout des dehors plus honnêtes, des maximes plus honnêtes, des maximes plus régulières, et c’est la grande gloire de Molière de s’être fait d’avance le défenseur de ces maximes dans le gouvernement de la famille. […] Vous avez une pente à vous faire des raisonnements, à vous dire avec l’Ecriture qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul, et à vous le dire un peu tard ; vous cherchez une fiancée, quelque Agnès naïve, innocente et honnête, pour laquelle vous n’avez que des sentiments très honnêtes et très innocents… Mais, je vous le dis, prenez garde : dans tous les hommes de quarante ans, il y a un Arnolphe, c’est-à-dire un monstre à la fois ridicule, odieux et tragique, qui ne demande qu’à se déchaîner.

30. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Caffaro, c’est-à-dire, oui, Molière, « nous ne pouvons passer pour honnêtes les impiétés dont sont pleines vos comédies ». […] Mais laissons en paix l’honnête Père théatin, et remarquez, je vous en prie, quel grand écrivain de feuilletons c’eût été là si Bossuet eût voulu s’en mêler. […] Jourdain, cet honnête marchand, a voulu être un gentilhomme ; Alceste, cet honnête gentilhomme, a donné à sa vertu je ne sais quelle âpreté qui lui ôte de ses agréments et de son urbanité, sans ajouter à sa toute-puissance. […] Molière a donné sa leçon à l’honnête M.  […] Et voilà, ce qu’un honnête comédien, qui ne songe qu’à se bourrer de prose et de vers, ne peut pas deviner.

31. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Jamais il ne lui est venu dans l’esprit de se venger d’elle par une guerre civile, et il trouve bien plus honnête le nom d’innocent banni, que celui de coupable victorieux. […] Scipion et Lælius en ont usé sans scrupule ; Auguste et ses amis ont été de ces honnêtes voluptueux.

32. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

. — On rirait bien, de nos jours, de cette précaution dramatique des Séleucides, et comme on se moquerait de cette loi du drame antique qui exigeait que l’on fît grâce au spectateur de certaines actions des honnêtes ou criminelles, également offensantes à la conscience et à l’honnêteté publiques. […] vous me criez aux oreilles, vous entrez ici comme la tempête, vous déclamez à outrance, vous me faites mal, vous me faites peur : le moyen de raconter une si honnête histoire au milieu de tout ce bruit que vous faites là ! […] Certes, voilà ce qui ne vous serait pas arrivé il y a dix ans, quand vous étiez quelque peu un poète, quand votre âme honnête et jeune s’ouvrait facilement aux nobles impressions du beau et du bon. […] Mais à l’aspect de cette ingénue, de cette jeune fille riante, et de ces beaux yeux qui brillent si doucement, je me mets inévitablement à songer combien de méchants vers, combien d’horribles parodies, combien d’affreux quolibets, combien de sales équivoques deviendront la pâture quotidienne de cette jeunesse honnête et florissante !

33. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

L’Honnête Homme. […] Un tel génie devait être content de soi, quand il touchait si admirablement les points où le monde s’imagine que la morale n’a rien à voir, parce que le sens moral du monde est émoussé par la double habitude du plaisir, qu’on croit honnête tant qu’il n’est point scandaleux, et de l’intérêt, qu’on croit permis tant qu’il n’est point criminel. […] Mais ce calme du sage n’est ni l’indifférence211 ni l’orgueil212 : il faut que, toujours maître de soi, l’honnête homme supporte bravement le mal sans jamais se laisser faire le bien213 ; que, malgré tous les défauts des autres, il reste pour eux indulgent, bienveillant, serviable214 ; qu’il ne soit pas simplement un homme honnête et bon, mais un homme instruit, aimable, capable de conversation, spirituel s’il peut215 ; qu’il répande autour de lui non seulement le bien, mais l’agrément, et que toutes ses qualités ne lui donnent jamais un sentiment d’amour propre216 ; qu’il ait, avec la modestie, la dignité et les bonnes manières sans affectation217 ; qu’il songe même à la façon de s’habiller, sans être négligé ni ridicule, mais aussi sans outrer la mode218 ; qu’avec une juste libéralité il évite soigneusement les excès de luxe dans la toilette comme dans la vie, et qu’il ne sacrifie point son bien ni sa famille aux inutiles satisfactions de la vanité, ou aux prétendues exigences du monde219 : ce chapitre est infini, et Molière semble n’avoir pas oublié un seul des éléments, même les plus insignifiants en apparence, dont doit se composer cette perfection de la société polie, l’honnête homme.

34. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

Peut-on donner le nom de famille à la réunion des gens, honnêtes d’ailleurs, qu’entreprend de tromper et de voler Tartuffe ? […] Certes, si les comédies tournent bien, si l’amour honnête et le désintéressement sont récompensés, si le bonheur des fils et des filles est assuré, ce n’est pas la faute des pères, et ils n’y méritent guère de reconnaissance. […] C’est faux ; le poète est là en opposition formelle avec la raison et avec lui-même, quand il peint l’amour si beau693, le mariage si excellent694, et qu’il ne représente jamais une famille honnête ni heureuse, où les parents aiment leurs enfants avec intelligence et dévouement, où l’expérience et l’âge aient raison contre la fougue des passions juvéniles.

35. (1865) Les femmes dans la comédie de Molière : deux conférences pp. 5-58

Une femme honnête cherche une âme qui la comprenne, un mari qu’elle aime et auquel elle s’attache toute. […] « Qui est, s’écrie-t-il, ce sot-là qui ne veut pas que sa femme soit muette33. » Sganarelle s’en fait une autre idée ; « j’entends », dit-il, … J’entends que la mienne Vive à ma fantaisie et non pas à la sienne ; Que d’une serge honnête elle ait son vêtement, Et ne porte le noir qu’aux bons jours seulement ; Qu’enfermée au logis en personne bien sage Elle s’applique toute aux choses du ménage, À recoudre mon linge aux heures de loisir, Ou bien à tricoter quelques bas, par plaisir. […] Il me l’a dit, ma sœur, et pour moi, je le crois Mot sublime, où s’exprime toute la confiance d’un cœur honnête et dévoué. […] Ponsard, pièce honnête, s’il en fut. […] 38 La plus honnête femme du monde peut se trouver exposée aux entreprises d’un malotru.

36. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

37. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

C’est alors que la comédie nouvelle cessa d’être une satyre, & prit la forme honnête & décente qu’elle a conservée depuis. […] La muse d’Aristophane ressemble à une femme perdue ; celle de Ménandre à une honnête femme. […] Le cardinal de Richelieu, par ses libéralités, l’habilla d’un masque plus honnête ; Moliere en le chaussant de brodequins, jusqu’alors inconnus, l’éleva au plus haut point de gloire ; & à sa mort, la nature l’ensevelit avec lui. […] La muse d’Aristophane, dit Plutarque, ressemble à une femme perdue ; mais celle de Ménandre ressemble à une honnête femme. […] Moliere étoit un des plus honnêtes hommes de France, doux, complaisant, modeste & généreux.

38. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

II faut, sans entrer dans le détail, que Molière demeure le plus honnête et même le plus vertueux homme de son temps. […] Caffaro, établi à Paris, dans une maison de son ordre, depuis une vingtaine d’années ; fort honnête religieux et professeur estimé de philosophie et de théologie. […] Quelle mère, je ne dis pas chrétienne, mais tant soit peu honnête, n’aimerait mieux voir sa fille dans le tombeau que sur le théâtre ? […] C’est le dernier trait où l’on reconnaît la nature relativement honnête de la coquetterie. […] Une femme du monde, honnête au fond de sa frivolité, et touchée de cet amour vrai et de cette souffrance dont elle est cause, s’interroge et réfléchit.

39. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

De cette différence entre les deux héros l’explication est bien simple : l’un est un honnête homme amoureux à la façon des honnêtes amours ; l’autre est un scélérat et un égoïste. […] » À cette réponse touchante, un homme moins endurci rentrerait en lui-même, et resterait pensif à ce cri énergique d’une conscience honnête. […] Mon maître, a perdu tant d’honnêtes femmes que je puis bien avoir une inclination ! […] Don Juan, c’est votre crime, tout ce désordre, et voilà votre paiement d’avoir corrompu et déshonoré l’honnête et innocente misère de ce porte-besace ! […] tu défigures les hommes, tu les accables de goutte et d’infirmités, tu leur ôtes la force et l’élégance ; moi, la Pauvreté, je les laisse jeunes, prestes, sobres, honnêtes, éloquents !

40. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

Je trouve, et je ne parle plus ici, Dieu m’en garde, des véritables écrivains qui peuvent se tromper, mais qui ne peuvent pas s’oublier, je trouve, eu égard à ce que je connais des théâtres dits populaires, qu’il est énorme pour un, public honnête de rencontrer un mets délicat parmi tant de plats avariés, ou grossiers, dont quelques-uns même sont purement et simplement empoisonnés. […] Les rosières vous agacent, et vous détestez l’orgeat, boisson honnête qui blanchissait l’âme de vos tantes! […] C’est un Allemand, « très bien, » et tout heureux d’avoir, reçu le jour dans ces pays éclairés qui prennent nos vieilles dames aux Camélias pour en faire des duchesses (je crois qu’il va remporter la sienne), il me disait hier : « A Paris, vous n’avez plus d’honnêtes femmes !

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXX. Des Caracteres propres à tous les rangs. » pp. 328-330

Leur morgue n’en auroit pas imposé chez un grand ; leur bassesse n’y auroit eu rien d’extraordinaire, ou bien y auroit passé pour une maniere honnête de faire la cour ; & ils n’eussent point osé s’y battre.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

Il est bon de savoir, pour l’intelligence de la scene, que Mégadore, étant riche, a résolu de faire la fortune d’une fille sans bien, mais honnête. […] Elle est honnête. […] Bœufs tant qu’il vous plaira : mais si votre bœuf est honnête animal, vous n’avez rien à craindre de son association : plus vous vous unirez avec les bons, quelque riches, quelque puissants qu’ils soient, ce sera toujours le mieux pour vous. […] Euclion ne redoute pas, comme Harpagon, ses propres enfants ; il ne laisse pas manquer sa fille même des choses les plus nécessaires, & ne l’oblige point par-là à chercher quelque consolation dans les bras d’un homme à qui elle s’unit secrètement ; il n’engage pas aussi son fils, par le même esprit d’avarice, à puiser des secours ruineux dans la bourse des usuriers ; il n’exhorte pas ce fils à placer à honnête intérêt, c’est-à-dire au denier douze, l’argent qu’il gagne au jeu.

43. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

— Fi des diamants, à propos des rôles les plus honnêtes de Molière ! […] Cléante est un honnête garçon très amoureux, très fidèle, et très dévoué. […] Si vous aviez là sous la main, quelque bon et honnête roman d’Auguste Lafontaine, ne le liriez-vous pas avec le plus grand empressement ? […] C’est ainsi que doit s’amuser une honnête cour toute composée d’affables grands seigneurs, que l’aspect des vices importune et fatigue. […] Tant il y va de la vie et de l’honneur, pour toute cette honnête famille !

44. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [74, p. 108-114] »

― Mon père est un avocat qui possède une fortune assez honnête. ― « Eh bien !

45. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il ne peut pas comprendre que les hommes ne soient pas scrupuleusement honnêtes, absolument droits et exactement sincères les uns à l’égard des autres. […] L’Honnête femme. […] C’est une honnête femme amenée par les circonstances à jouer une scène de coquetterie (et qui par parenthèse, du consentement de Molière, la joue mal), mais c’est une honnête femme, douce, impassionnelle et nonchalante ; c’est l’honnête femme élégante, telle que la comprenait Molière. […] C’est une très honnête femme qui n’a aucun mérite du reste à résister aux séductions d’un Tartuffe, mais qui y résiste avec naturel, décence et un commencement seulement d’honnête persiflage. […] C’est la plus honnête femme du monde.

46. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

La femme est une bonne, honnête, douce et spirituelle créature, qui n’a ni le tempérament bien impétueux, ni les passions très vives. […] Elmire est honnête femme sans doute, mais elle est coquette. […] Elle est honnête, spirituelle et froide. […] Tous ces jeux d’amour sont des plus honnêtes, puisqu’elle est là, et qu’ils doivent, c’est elle qui en donne sa parole, aboutir au mariage. […] Je n’ai pas peur de l’honnête liberté de ses discours.

47. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. Des Caracteres généraux. » pp. 263-267

Il n’est pas bien honnête, & pour beaucoup de causes, Qu’une femme étudie & sache tant de choses.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. » pp. 274-278

La pâle est aux jasmins en blancheur comparable, La noire à faire peur, une brune adorable : La maigre a de la taille & de la liberté ; La grasse est, dans son port, pleine de majesté : La mal-propre sur soi, de peu d’attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée : La géante paroît une déesse aux yeux ; La naine, un abrégé des merveilles des Cieux : L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne : La fourbe a de l’esprit, la sotte est toute bonne : La trop grande parleuse est d’agréable humeur, Et la muette garde une honnête pudeur.

49. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

En revanche, s’il n’y a pas d’esprits forts, il y a les hommes forts, il y a les disciples de Danton, de Robespierre, de Marat, d’honnêtes sans-culottes, bien vêtus qui ne voudraient pas tuer une mouche, et qui désirent, tout haut, que le genre humain n’ait qu’une tête… Oui, Suzon soyez-en sûre, ils couperaient la tête du genre humain ! […] Elle s’en va, emportant avec elle la gaîté souriante de la comédie et son honnête maintien ; son innocent sarcasme, et sa douce raillerie. […] quel geste honnête ! […] Mais laissez venir les années et les chagrins ; que votre tête soit moins touffue et moins noire ou moins blonde, que votre regard soit moins limpide, votre cœur moins honnête et votre espérance moins vaste et plus lointaine, alors nous saurons si, en effet, c’est l’art qui vous pousse et vous guide au-delà de cet horizon que vous appelez l’infini ! […] Le lendemain du jour où mademoiselle Mars prit congé de son public en deuil, chez un honnête citoyen que je ne veux pas nommer, deux braves comédiens du boulevard, faits pour mieux que cela, racontaient, en souriant, les heureuses misères de leur vie, et leur théâtre fermé.

50. (1847) Le Don Juan de Molière au Théâtre-Français (Revue des deux mondes) pp. 557-567

Quoi qu’il en soit, quatre ans après la mort de Molière, par suite d’un arrangement pris par Armande Béjart avec la troupe de la rue Mazarine1 ‌, on vit tout à coup la prose si énergique et si nerveuse de Don Juan s’aligner en assez bons alexandrins sous la plume honnête de Thomas Corneille, et ce qu’on a peine à concevoir, cette médiocre copie s’est maintenue, jusqu’à nos jours, en possession du théâtre, à l’exclusion de l’original. […] Au premier plan, un riche et insolent libertin qui veut se donner, pour son argent, le passe-temps d’entendre un pauvre homme blasphémer ; d’une autre part, un valet intéressé qui engage l’homme en guenilles à gagner, à si bon marché, un beau louis d’or : « Va, va, jure un peu ; » puis un honnête mendiant qui, ayant au cœur la crainte de Dieu et le sentiment de sa dignité qu’on insulte, répond, sans déclamation, sans hésitation, simplement, fermement : « Non, monsieur, j’aime mieux mourir de faim. » Que fait alors le libertin ?

51. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Rousseau ne pouvait ignorer toutes ces choses ; mais, par une des plus étranges saillies de son humeur sophistique, il a trouvé plaisant d’appliquer cette expression convenue d’honnête homme, à un homme qui n’est rien moins qu’honnête, en en dépouillant celui à qui elle convient dans toutes ses acceptions. […] L’intérêt est pour la femme honnête et sensée qui gémit des désastreuses folies de son mari, sans pouvoir les empêcher ; il est pour la jeune fille aimable et sensible qu’un père extravagant veut sacrifier à sa chimère ; il est, enfin, pour le jeune homme plein de franchise et d’amour, dont cette même manie repousse l’ardente et honorable poursuite. […] Dans ces comédies latines, dont presque toujours un esclave dirige l’intrigue, il est presque toujours aussi question des amours d’un jeune homme libre pour une jeune fille de même condition, enlevée à ses parents dès l’enfance, vendue comme esclave, devenue courtisane, et reconnue à la fin par quelque honnête citoyen.

52. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V.*. Destouches imitateur, comparé à Moliere, Plaute, Regnard, Shakespeare, &c. » pp. 185-218

Est-il honnête, ou du moins est-il prudent à lui de céder à une pareille proposition ? […] Evandra approuve son dessein, joint tout son or au trésor de Timon, & veut partager avec lui son honnête misere. […]   Le Dissipateur est représenté journellement : tout le monde sait que le prodigue Cléon dissipe une fortune immense ; que Pasquin, ne pouvant empêcher sa ruine, imite le chien de la fable, & mange ce qu’il ne peut garantir ; que Cléon sacrifie l’honnête Julie à la coquette Cidalise ; que ses faux amis, ceux qu’il a le plus généreusement obligés, lui ferment leur bourse quand il est dans le besoin.

53. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. Des Pieces à caractere. » pp. 253-258

Je suis trop honnête & trop rempli d’égards pour mes Lecteurs, pour leur répondre sur ce ton ; mais ils me permettront de leur dire que je suis fondé dans mon opinion par les titres qui nous restent de quelques pieces de Ménandre.

54. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

Un maintien doux, honnête, Quelques roulements d’yeux, des baissements de tête, Trois ou quatre soupirs mêlés dans un discours, Sont pour tout rajuster d’un merveilleux secours.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX & dernier. Des causes de la décadence du Théâtre, & des moyens de le faire refleurir. » pp. 480-499

Loin de nous la pitoyable affectation de déclamer avec humeur contre les Comédiens : loin de nous sur-tout la plus petite envie de dégrader leur profession ; elle est estimable comme toutes les autres, quand on y porte des sentiments honnêtes & du talent. […] gémissent de voir l’esprit de parti, la haine, la trahison regner dans une carriere où la gloire devroit seule enfanter une honnête rivalité ; ceux enfin qui désespérant de pouvoir arrêter le désordre, tombent dans l’indifférence si funeste aux talents, & achevent nonchalamment leur carriere en comptant par leurs doigts, non les couronnes qu’ils ont encore à cueillir, mais les désagréments qu’ils ont à essuyer.

56. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. De l’Art de prévenir les Critiques. » pp. 309-313

Tout ce qu’Elmire dit dans cette scene, est généralement d’un ton qu’une femme honnête doit avoir beaucoup de peine à prendre.

57. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il est honnête, sain de corps et d’esprit, riche et facile à l’attendrissement. […] Pourquoi la destinée ne voulut-elle pas que cet honnête homme épousât cette honnête femme ? […] Pauvre, il avait peine à faire face à ses engagements de vieux et bon bourgeois et de commerçant honnête. […] Par exemple, Isabelle se plaint que son mari ne croit pas à la vertu des femmes : Pour leur commun malheur il s’est mis dans la tête Qu’à moins que de l’épreuve, il n’en est point d’honnête. […] Un sourire ou plutôt un rictus d’une mélancolie apaisée relève ces lèvres honnêtes que surmonte en les estompant une petite moustache.

58. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Après plusieurs épreuves semblables, il hait également tous les hommes, et finit par se persuader qu’il n’y a rien d’honnête en aucun d’eux. » Ce type qui devait illustrer notre scène ne fut point étranger à la littérature antique. […] Non contente de mettre du blanc pour cacher ses rides, elle prend le masque de la dévotion pour paraître honnête, et braconner impunément sur les terres d’autrui : car elle n’a pas perdu tout espoir. […] Euclion, qui s’imagine que le prétendant a flairé ses écus, commence par se défier de ces avances, et les repousse ; mais, l’honnête Mégadore ne soufflant pas un mot de la dot, il cesse de refuser son consentement. […] C’est une satire dramatique du bel esprit, et des ravages que sa manie peut produire dans un ménage d’honnête bourgeoisie. […] Femme d’esprit, qui sait le monde, elle a pourtant le charme de la candeur ; mais ce n’est plus, comme chez Agnès, la terrible ingénuité de l’ignorance exposée à tant de pièges ; car, chez elle, la réflexion a devancé l’expérience, et sa raison est aussi sûre que son cœur est honnête, ou sa parole réservée.

59. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IX. Du point où doit commencer l’action d’une fable comique. » pp. 172-177

Deux amants qui commencent à se lorgner, à s’agacer, à se parler, à se rendre des soins minutieux, ne peuvent pas aller bien rapidement, ou bien ils ne sont pas honnêtes ; & le Théâtre exige de l’honnêteté & de la rapidité.

60. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. Des Pieces intriguées par un déguisement. » pp. 216-222

Arlequin, devenu hardi, fait tapage, & dit qu’il n’est pas honnête de conduire à pied devant un tribunal, un Seigneur qui a des chevaux & des carrosses.

61. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Ce roman est une pastorale allégorique dans laquelle l’auteur a décrit ses propres amours dégagés de toute idée grossière, et où, « par plusieurs histoires et sous personnes de bergers et d’autres, sont déduits les divers effets de l’honnête amitié ».

62. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

La bienséance du langage est l’expression naturelle des mœurs honnêtes.

63. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Emprunter à la morale une des plus grandes leçons qu’elle puisse donner aux hommes, leur démontrer cette vérité qu’avaient méconnue les plus fameux philosophes anciens, que la sagesse et la vertu1 même ont besoin d’une mesure, sans laquelle elles deviennent inutiles, ou même nuisibles; rendre cette leçon comique sans compromettre le respect dû à l’homme honnête et vertueux, c’était là sans doute le triomphe d’un poète-philosophe, et la comédie ancienne et moderne n’offrait aucun exemple d’une si haute conception. […] J’ai porté cette discussion jusqu’à l’évidence; je conclus : donc le ridicule ne porte que sur ce qui est du ressort de la censure comique, sur ce qui est outré, déplace, répréhensible : donc la vertu n’est point compromise, puisqu’un homme honnête n’en demeure pas moins respectable, malgré des défauts d’humeur et des travers d’esprit. […] Il donne à Cléanthis un caractère particulier, celui de ces épouses qui s’imaginent avoir le droit d’être insupportables, parce qu’elles sont honnêtes femmes. il porte bien plus loin que Plaute le comique de détails, qui naît de l’identité des personnages. […] Quelle leçon plus humiliante pour lui, et plus instructive pour tout le monde, que le moment où il se rencontre, faisant le métier du plus vil usurier, vis-à-vis de son fils qui fait celui d’un jeune homme à qui l’avarice de ses parents refuse l’honnête nécessaire ! […] Que l’on propose à un poète comique, à un auteur de beaucoup de talent, un plan tel que celui-ci : Un homme dans la plus profonde misère vient à bout, par un extérieur de piété, de séduire un homme honnête, bon et crédule, au point que celui-ci loge et nourrit chez lui le prétendu dévot, lui offre sa fille en mariage, et lui fait, par un acte légal, donation entière de sa fortune.

64. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. De l’Action, du Nœud, des Incidents. » pp. 165-171

On lui demanda ensuite s’il avoit trouvé beau ce qui s’étoit passé sur le théâtre : alors il s’écria qu’il s’étoit bien gardé de regarder trop souvent de ce côté-là : il y avoit là, dit-il, des gens qui s’entretenoient de leurs affaires, & je sais qu’il n’est pas honnête de prêter l’oreille aux discours des personnes qui se parlent.

65. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. De l’Illusion Théâtrale. » pp. 426-433

Cette maniere honnête de mettre le public à contribution, & de le forcer à applaudir, me paroît bien dangereuse ; il fait rarement de bonne grace ce qu’on lui demande : d’ailleurs comment ne pas trembler aux premieres représentations ?

66. (1886) Molière : nouvelles controverses sur sa vie et sa famille pp. -131

On raconte qu’à la répétition générale, la voyant paraître, parée en effet comme une princesse pour jouer le rôle d’Elmire, il lui dit sévèrement : « Oubliez-vous donc que vous faites le personnage d’une honnête femme ?  […] Alceste n’est si difficile à saisir que parce que, sans cesse partagé entre des sentiments contraires, il cède à de prompts revirements, ce qui est le propre des cœurs honnêtes et fortement épris, entraînés à regret par une passion dont ils sentent l’indignité. […] Assurément, c’est un pamphlet, et des plus venimeux et des plus condamnables, puisque l’auteur se cache sous le masque de l’anonyme ; mais enfin les honnêtes femmes, celles dont la vie modeste et régulière appelle le respect et repousse le soupçon, ne reçoivent point de ces flèches qui s’enfoncent en plein dans l’honneur. […] Assurément la réparation était éclatante ; mais je reprendrai ici une idée déjà exprimée plus haut : les. honnêtes femmes, celles dont la renommée est intacte, n’ont jamais à en réclamer de pareilles. […] Une réaction était inévitable : elle trouva son expression la plus prononcée, sa formule caractéristique, suprême, excessive même, dans le jansénisme, dont je n’ai point ici a apprécier l’étroitesse au point de vue purement doctrinal, mais dont l’austère morale fut un salutaire refuge pour les âmes honnêtes.

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