Orgon, dans la piece de l’Imposteur, doit jouer le rôle d’un homme totalement dupe de la cagoterie de son Tartufe ; aussi, d’après le portrait que Dorine en fait, le spectateur ne peut s’attendre qu’à lui voir ce ridicule. […] Madame Pernelle qui ne doit être dans le courant de la piece qu’une bavarde entêtée, fait elle-même son portrait dans la premiere scene en faisant celui de tous les autres personnages. Le héros des Fourberies de Scapin, qui ne doit briller que par ses fourberies, ne vante que son adresse dans son portrait qu’il fait lui-même. […] Le Glorieux va nous fournir un exemple bien marqué de ce défaut, dans le rôle d’Isabelle : Lisette & Pasquin font son portrait en ces termes : ACTE I. […] D’après ce portrait, le public s’attend à voir l’inconstance d’Isabelle donner lieu à des scenes ; il est bien trompé, puisque la belle souffre très constamment toutes les impertinences du Comte.
Mais Molière n’a pris que l’idée d’Horace : tous les portraits sont de lui, Molière. […] On lui a reproché d’avoir nommé Boursault ; mais Boursault venait de livrer à la publicité une méchante diatribe intitulée le Portrait du peintre. […] Les gens qui la trouve mauvaise ne doivent pas se la permettre: d’ailleurs Boursault avait osé donner à un théâtre rival son Portrait du peintre. […] Il l’a fait avec des traits profonds; il a buriné ce portrait comme celui de l’avare, mais sans avoir derrière lui cette fois de modèle fourni par l’antiquité. […] Voici le portrait qu’un des personnages trace du chevalier de Villefontaine, le héros de la pièce.
À la vérité, il a excellé dans ses portraits et je trouve ses comédies si pleines de sens, qu’on devrait les lire comme des instructions aux jeunes gens, pour leur faire connaître le monde tel qu’il est… » Il ne faut accueillir toutes ces assertions qu’avec beaucoup de réserve. […] Il est vraisemblable, avons-nous dit, qu’un canevas italien, intitulé Il Ritratto (le Portrait), très différent de celui des Gelosi qui porte le même titre, fut utile à Molière pour la composition du Cocu imaginaire, mais il est impossible de déterminer dans quelle mesure, le canevas primitif ne nous étant pas connu, et les Italiens ayant, à coup sûr, profité de ce qu’il y avait à leur convenance dans la pièce française. […] On sait les vers placés au-dessous de son portrait gravé par Vermeulen : Il fut le maître de Molière, Et la nature fut le sien.
Le marquis de Sourdis a fait d’elle un portrait merveilleux qui se trouve à la suite des mémoires de Mademoiselle parmi beaucoup d’autres portraits, dont la composition faisait partie des amusements de sa société. Mademoiselle a fait elle-même un autre portrait de la comtesse de Maure sous le nom de reine de Misnie, dans l’histoire allégorique de la Princesse de Paphlagonie.
Admettons qu’il existait, avant Molière, quelque imbroglio fondé sur l’équivoque du portrait : il n’est guère douteux que cette intrigue ne provienne de la source ordinaire des quiproquos et des méprises comiques, c’est-à-dire de la commedia dell’arte. […] La Bibliothèque impériale possède une curieuse estampe représentant « le vray portrait de M. de Molière en habit de Sganarelle 44 », estampe signée Simonin et qui, selon toute apparence, a été dessinée de visu. […] 18. — Le vray portrait de M. de Molière en habit de Sganarelle. […] Nous reproduisons ce portrait, qui représente Molière adressant au public le compliment d’usage à la fin du spectacle. […] Mais elle causera moins de surprise, si on la compare aux images les plus authentiques qui nous restent, par exemple, au portrait gravé, d’après Pierre Mignard, par J.
Dis-moi, dans celle-ci, ne parlera-ton pas d’un portrait ? […] Oronte veut des portraits : le poëte dit que Moliere a gâté le théâtre. […] J’ai, lui dit-il, une sœur qui donne à jouer : plusieurs personnes me rendent visite ; vous étudierez leurs caracteres : vous ferez une comédie toute de portraits, dont la scene fera mon antichambre ; & pour prologue vous mettrez la conversation que nous venons d’avoir. […] Fanchon fait le portrait de toutes les personnes qui doivent servir à la piece.
Il eût en effet manqué son but, s’il ne nous eût jamais offert que des portraits dans lesquels il nous eût été impossible de nous reconnoître. […] Mais remarquons que de pareils portraits ne peuvent figurer que dans de petites pieces telles que le Procureur arbitre 40, ou la Coupe enchantée 41. […] Le portrait, à coup sûr, n’est point ressemblant : tels sont ceux des Petits-Maîtres François qu’on voit sur les théâtres de Londres & d’Italie.
Le roi savait la douleur profonde que madame de Maintenon ressentait de la perte de cet ami : il fait placer le portrait du maréchal d’Albret dans la galerie de Maintenon. Et cependant madame de Maintenon n’était point heureuse : on devinera aisément pourquoi, en lisant ce qu’elle écrivait à son frère après un nouveau séjour à Maintenon, « Maintenon, dit-elle, est fort embelli ; en entrant dans la galerie, la première chose que j’ai vue, c’est le portrait du maréchal d’Albret : j’ai pleuré.
Se reconnaissant dans les portraits que la comédie lui offrait, l’homme s’étudia et finit par se corriger : où la vertu avait échoué, l’amour propre, mobile de nos actions, sut triompher et nous apprendre à nous vaincre. […] Par ce moyen, ils ont ménagé le peu d’étendue de leur sujet principal, par la richesse, la variété de leurs portraits ; ils ont racheté les développements si précieux de la comédie de caractère, et ont instruit et amusé en même temps leurs spectateurs. […] Aussi, Molière recommandait-il toujours à ses camarades d’amener leurs enfants à la répétition de ses pièces ; souvent il les regardait comme ses juges.S’il lisait aussi ses pièces à sa servante, s’il tenait à son approbation, c’est que ce grand homme lui avait reconnu ce naturel, cette justesse, qui seuls saisissent à l’instant la vérité d’un portrait ; mais jamais on ne nous a dit que Molière fît répéter ses pièces en présence de gens sans éducation : il connaissait trop leur incapacité. […] C’est une vaste galerie où il a prodigué tous les trésors de son coloris, où il a tracé tous les portraits que sa connaissance approfondie de l’homme, ses longues méditations lui avaient fait connaître.
Il saurait qu’il n’y a pas un de ses personnages qui ne soit le portrait fidèle de quelqu’un de ses contemporains, pas un trait qu’il ne doive à quelque inconnu, pas une inspiration qui lui soit propre, — de sorte que sa part d’invention est aujourd’hui réduite à bien peu de chose, et que tout le monde, au XVIIe siècle, finit par être un peu plus l’auteur des œuvres de Molière que Molière lui-même. […] Regardez les portraits d’hommes qui nous restent de cette époque, ils se ressemblent tous en un point : c’est quelque chose de souriant, de poli, d’indécis. […] Les physionomies si marquées qui nous frappent dans les portraits du temps de Richelieu ont disparu pour faire place à une sorte d’uniformité décente et polie. […] Que ses portraits, image fidèle et précieuse de la société du temps, soient des chefs-d’œuvre de vérité et de vie, nul ne le conteste ; mais qui a jamais songé à comparer les beaux portraits que Rigaud peignait à la même époque aux toiles inspirées de Lesueur et de Poussin ?
Quand on fait le portrait d’un sot, on fait un peu le portrait de tout le monde ; quand on fait le portrait d’un homme raisonnable, c’est du romanesque. […] Il est à noter, je crois, que Don Juan n’est pas un portrait de Don Juan, comme j’ai dit ; c’est plusieurs portraits de Don Juan, c’est plusieurs portraits successifs de Don Juan. […] Excellemment vu et le portrait est très fin. […] Je n’ai pas besoin de dire-que la fin du portrait d’Onuphre est exquise. […] Elle est plutôt faiseuse de portraits.
Le siecle passé a rendu justice à tous ses faiseurs d’églogues, de satyres, d’épigrammes, de romans, de portraits, d’allégories : il les a tous admirés ; & leurs noms parvenus jusqu’à nous, sont certains de ne mourir jamais. […] Eh bien, pour vous détromper, lisez notre Théâtre ancien : vous y trouverez des églogues, des satyres, des portraits à la suite l’un de l’autre, sans aucune liaison, & des romans mis en action.
Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce que vous voulez ; ce sont des portraits à plaisir, où l’on ne cherche point de ressemblance, et vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux. Mais lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d’après nature : on veut que ces portraits ressemblent ; et vous n’avez rien fait, si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. […] C’est, dit-on, que l’irréligion peut abuser de ce portrait fidèle pour en détourner les traits contre la dévotion sincère. […] Les gens de bien qui ne veulent pas être trompés ne sauraient trop méditer les deux portraits que Molière a burinés, pour n’être pas exposés à confondre avec les vrais dévots.
Moliere dans sa Comédie du Bourgeois Gentilhomme, a donné, dit-on, le portrait de Mademoiselle Moliere, (Acte III. […] Il y a grande apparence que cette Anecdote est vraie, car ce portrait est très-ressemblant à tous ceux qu’on a fait de cette Actrice. […] Moliere avec le Comédien Guerin d’Etriché, (en 1677 ou 1678. pour le plus tard.) que l’on fit ces quatre vers, en forme de portrait.
La Nature féconde en bizarres portraits, Dans chaque âme est marquée à de différents traits. […] Ce n’est pas un portrait, une image semblable ; C’est un Amant, un Fils, un Père véritable.
Boursault compose Le Portrait du peintre contre Molière. […] Il assiste à une représentation du Portrait du peintre ; fin de leur querelle. […] Portrait satirique de Molière acteur. […] Sganarelle était le portrait du perruquier L’Amour. […] Enfin ils avaient annoncé et affiché Le Portrait du Peintre.
Il ajoute que les beautés des portraits qu’il fait sont si naturelles qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossières : et que le talent qu’il avait à plaisanter s’était renforcé de la moitié par celui qu’il avait de contrefaire. […] Despréaux, qui par une prudence toute particulière ayant commencé son portrait de son vivant, ne voulut l’achever qu’après sa mort, relève extraordinairement cette facilité merveilleuse qu’il avait pour faire des vers, et s’adressant à lui-même, il lui dit avec une franchise des premiers siècles6.
Le Religieux comprit d’abord, par le portrait du personnage, que c’étoit son ami dont il s’agissoit. […] Remarquons cependant qu’il a substitué au Confesseur une parente de l’amant, & au présent de la bourse & de la ceinture, celui d’un portrait. […] Le portrait de la Fontaine est un présent plus honnête, c’est dommage qu’il soit inutile à l’intrigue.
C’est ainsi à peu près qu’un beau portrait de Vandick, représentant un, personnage qui depuis longtemps n’est plus et dont le souvenir même n’excite aucun intérêt, est toujours d’un grand prix aux yeux des connaisseurs, qui savent y admirer la correction et la fermeté du dessin, l’éclat et la vérité de la couleur, l’air de nature et de vie, enfin l’art et la main d’un grand maître. […] M. de Soyecourt, possédé d’une manie qu’il n’avait pas seul et que sûrement il ne croyait pas avoir, ne dut pas se reconnaître plus qu’un autre dans le portrait du chasseur ridicule ; et si quelque chose était propre à éloigner de lui l’idée que Molière l’eût choisi pour modèle, c’était sans doute le soin qu’il avait eu de le prendre pour auxiliaire de son travail. […] Loin d’en tirer vanité, Molière s’en excuse : s’il n’a fait que des portraits au lieu d’un tableau, des scènes au lieu d’une comédie, ce ne fut pas par choix, mais par nécessité, c’est parce qu’il fut obligé de composer et de faire jouer une pièce en moins de temps qu’il ne lui en eût fallu seulement pour imaginer le sujet d’une véritable action dramatique. […] Molière, qui n’avait eu besoin de personne pour imaginer la fable légère qui sert de cadre aux différents portraits qu’il voulait faire passer sous les yeux des spectateurs, craignit du moins que sa pièce ne fût pas achevée à temps, s’il n’avait recours à quelqu’un pour l’aider dans le travail de la versification.
Boursault crut se reconnaître dans le portrait de Lysidas. Pour s’en venger, il fit jouer à l’hôtel de Bourgogne une petite pièce dans le goût de la Critique de l’École des femmes, intitulée : Le Portrait du peintre, ou la Contre-Critique. […] Molière est le premier qui ait su tourner en scènes ces conversations du monde, et y mêler des portraits. […] Mais si l’on veut connaître la différence du style de Plaute et du style de Molière, qu’on voie les portraits que chacun fait de son Avare. […] C’est que la peinture de nos passions nous touche encore davantage que le portrait de nos ridicules, c’est que l’esprit se lasse des plaisanteries, et que le cœur est inépuisable.
Il n’y a même que les plus grands moralistes qui aient le droit de tracer le portrait actuel de cette puissance et de cette force, au-delà de toutes les limites connues. […] Ainsi il fit le portrait de la Ville, il fit aussi le portrait de la Cour. […] Ceci dit, et le portrait à peine achevé, et tout d’un coup, ce monde éclatant, ce monde éternel, s’en va et disparaît dans l’abîme ! […] Mesurez-les, tant que vous voudrez, de la coiffure à la chaussure, et vous verrez combien de différences : c’est bien le même amour du luxe, de la toilette et de l’ornement ; c’est bien la même mignardise et la même affectation, et le même caprice, tout proche de la beauté dont il est la juste contrefaçon ; oui, c’est bien, au premier abord, la même coquette, et perfide et galante, le même piège et ses dangers, — et pourtant d’un siècle à l’autre. il nous est impossible de reconnaître et de retrouver les modèles de ces portraits. […] En vain les curieux impertinents sont là pour vous dire : « Mais prenez garde, il est peu probable que tous ces portraits soient ressemblants ; prenez garde, cette galerie est incomplète », ou encore : « À quoi bon vous amuser à étudier ces visages dont le nom même est effacé et qu’entoure, à peine, un lointain souvenir ?
Comme cet ancien Gille ressemble à beaucoup de Gilles modernes, nous allons citer le portrait qu’en fait l’auteur du Misanthrope : C’est de la tête aux pieds, un homme tout mystère, Qui vous jette en passant un coup d’œil égaré, Et sans aucune affaire est toujours affairé.
1775, Anecdotes dramatiques, tome III, 344-345, p. 347 Mademoiselle Poisson, fille du Ducroisy, comédien de la troupe de Molière, fait ainsi le portrait de l’auteur du Misanthrope et du Tartuffe.
Et lui-même, paraît-il, aurait été jusqu’à remercier Molière et à l’embrasser pour la beauté du portrait, — tout en le déclarant flatté. […] Santeuil s’était reconnu dans un des portraits de La Bruyère, Théodas, l’enfant en cheveux gris ; il s’en était plaint ; et La Bruyère se défendait dans sa lettre d’une aussi méchante intention. […] C’est le portrait de l’accusée. […] Il se voit toujours sur la tête son étoile de dieu tombé, et si on lui présente de lui un portrait ressemblant, il se met à pleurer dessus. […] Alceste est-il donc le portrait, plus ou moins retouché, de quelque autre personnage du temps, de ce M.
Les beautés des portraits qu’il a fait, sont si naturelles, qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossières, et le talent qu’il avait de plaisanter était renforcé de la moitié par celui qu’il avait de contrefaire.
Il est sans doute plus beau, plus grand de faire une piece à caractere ; mais elle est défectueuse si l’intrigue n’en lie les différents portraits, & ne les place dans une situation frappante.
Otez le monologue du Babillard, le coup de pinceau le plus fort manquera à son portrait ; par conséquent le monologue peut aider par lui-même à caractériser un personnage. […] Il fit porter le portrait du Monarque dans sa chambre ; & là, réguliérement quatre fois par jour, il débitoit son compliment, & passoit ensuite du côté du tableau pour se faire une réponse favorable, & pour se gratifier de quelque faveur.
La tragédie est un tableau d’histoire, la comédie est un portrait ; non le portrait d’un seul homme, comme la satyre, mais d’une espece d’hommes répandus dans la société, dont les traits les plus marqués sont réunis dans une même figure. […] La malignité des poëtes ni celle des spectateurs ne perdit rien à cette défense ; la ressemblance des masques, des vêtemens, de l’action, désignerent si bien les personnages, qu’on les nommoit en les voyant : telle fut la comédie moyenne, où le poëte n’ayant plus à craindre le reproche de la personnalité, n’en étoit que plus hardi dans ses insultes ; d’autant plus sûr d’ailleurs d’être applaudi, qu’en repaissant la malice des spectateurs par la noirceur de ses portraits, il ménageoit encore à leur vanité le plaisir de deviner les modeles. […] S’il est peint avec force & vérité, il aura toûjours, comme les portraits de Vandeyk & de Latour, le mérite de la peinture, lors même qu’on ne sera plus en état de juger de la ressemblance ; & les connoisseurs y appercevront cette ame & cette vie, qu’on ne rend jamais qu’en imitant la nature. […] Observons, à-propos de cette piece, qu’il y a quelquefois un grand art à charger les portraits. […] Contemplez de quel air un pere dans Térence, Vient d’un fils amoureux gourmander l’imprudence ; De quel air cet amant écoute ses leçons, Et court chez sa maitresse oublier ses chansons ; Ce n’est pas un portrait, une image semblable, C’est un amant, un fils, un pere véritable.
Non, l’artiste n’est pas fait pour copier les scènes journalières de la vie, mais pour s’élever de l’accidentel à l’universel, et du portrait au type. […] La Bruyère, Portrait de Lise. […] Il fit un bien méchant portrait de Mme de Sévigné. […] Il faut lire, entre autres, son portrait de Mme d’Olonne. […] Il est clair que Molière ne trace plus un portrait quand il peint le soupirant.
Pour vous répondre donc sur la connoissance parfaite que vous dites que j’ai du cœur de l’homme, par les portraits que j’en expose tous les jours au public, je demeurerai d’accord que je me suis étudié autant que j’ai pu à connoître leur foible ; mais si ma science m’a appris qu’on pouvoit fuir le peril, mon experience ne m’a que trop fait voir, qu’il étoit impossible de l’éviter, j’en juge tous les jours par moi-même ». […] A la vérité il a excellé dans ses Portraits, & je trouve ses Comédies si pleines de sens, qu’on devroit les lire comme des instructions aux jeunes gens, pour leur faire connoistre le monde tel qu’il est. […] Begon35 a fait graver les Portraits, & dont il a procuré au public l’Eloge Historique.
Constance voit son portrait au bras du Masque, elle le croit chargé de le lui rendre de la part de son époux. […] d’où vous vient mon portrait ?
je le sens, je n’ai que ton courage ; Mais si du feu divin qui t’échut en partage Quelque étincelle un jour électrisait mes vers, Sous mes coups redoublés immolant nos travers, Je n’écouterais plus que la haine du vice ; Et la sottise, en tout sa fidèle complice, Par sa grotesque allure égayant mes portraits, Viendrait à ses dépens divertir les Français. […] On croira difficilement, un jour, à la ressemblance de pareils portraits ; et, cependant, on ne peut faire un pas dans le monde sans rencontrer de ces incorrigibles dont il n’y a rien à espérer, mais dont il n’y a, dieu merci, rien à craindre.
L’Étourdi est suivi du Dépit amoureux, des Précieuses ridicules, autre ébauche admirable, d’où sortiront les Femmes savantes ; de Sganarelle : quatre comédies d’intrigue, même les Précieuses ridicules, quoique le fond en soit un portrait des mœurs du temps. […] On ne veut pas ressembler à ce portrait, et on a raison. […] Nous avons tous posé pour ce portrait. […] Dans les pièces de sa seconde manière, les portraits de ce grand peintre, comme les tableaux qui veulent être vus de loin, sont çà et là empâtés. […] Il n’a pas craint leurs originaux dans le monde, et il ne leur fait pas l’honneur de se fâcher en traçant leurs portraits.
Ils se rattrapèrent sur le Portrait du Peintre, dont ils firent grand bruit, laissant à entendre que Corneille même, le vrai Corneille, y avait travaillé ; ce qui est faux d’ailleurs, bien qu’à ce moment Corneille ressentît en effet quelque chagrin de voir sa muse altière éclipsée par la muse gaillarde du génie nouveau venu. Le Portrait du Peintre eut du succès. […] Après le Portrait du Peintre, et presque en même temps, parut le Panégyrique de l’École des Femmes, un acte en prose, qui est, paraît-il, d’un certain Robinet, gazetier comme Loret. […] Mais nous sommes devenus meilleurs, Dieu merci, Villiers écrivit la Vengeance des Marquis, encore un méchant petit acte insupportable ; et Montfleury le fils, à l’instar de Rodrigue, épousant la querelle de son père, un peu écorné par Molière, lança l’Impromptu de l’Hôtel de Condé, où il y a quelque talent : c’est de là qu’on tire le portrait, si souvent cité, de Molière dans les rôles tragiques, le nez au vent, la tête sur le dos, la perruque pleine de lauriers comme un jambon de Mayence. […] Il n’avait chez lui, en fait de tableaux, que deux portraits, l’un de Molière, l’autre de Corneille. — Mais, cher maître Samson, me hasardai-je à lui demander un jour, expliquez-moi donc pourquoi l’on ne voit dans votre cabinet que ces deux portraits, qui sont deux croûtes ?
Ainsi les Tartuffes, en accusant Molière, prouvaient la vérité de ses portraits ; ils mettaient leurs noms au bas comme si on ne les eût pas suffisamment reconnus. […] Ce petit trait de satire enflammait encore plus le courroux de madame Pernelle ; et Cléante, continuant comme s’il ne s’en fût pas aperçu, opposait à l’éloge d’une bigote que venait de faire la vieille les portraits de plusieurs personnes vraiment pieuses ; il en citait tour à tour six ou sept qu’il montrait comme réunissant tous les caractères d’une vertu solide. […] Ce changement est d’autant plus vraisemblable que l’auteur de la Lettre sur L’Imposteur qui analyse avec le plus grand soin, et presque mot à mot, la scène entre les deux beaux-frères, n’y fait aucune mention de ces portraits, et qu’il a parlé de six ou sept dans celle de l’exposition. […] Ils s’entretenaient de Tartuffe, au portrait duquel ils donnaient le dernier coup de pinceau, et ils achevaient de prouver que les dévots, non contents de leurs pieuses grimaces, ne s’insinuaient dans les maisons que pour s’enquérir des affaires les plus secrètes, mettre la discorde entre le père et les enfants, et devenir peu à peu les tyrans des familles. […] L’un dessine purement un portrait ; la ressemblance est exacte, les traits sont fidèles, les nuances même les plus fugitives sont habilement saisies ; mais ce n’est qu’une figure isolée, sans mouvement et sans vie : l’autre conçoit un vaste sujet ; il groupe autour de son personnage principal d’autres figures qui font ressortir la sienne ; il met en présence le vice et la vertu, l’hypocrisie et la bonne foi ; il presse, il anime, il enflamme son action : du jeu des contrastes les plus opposés il fait sortir la ressemblance ; du choc des passions les plus tristes il fait jaillir la gaieté ; enfin d’un divertissement il tire une haute leçon morale, et du portrait d’un homme il fait le tableau d’une époque.
Il a opéré cette métamorphose en symbolisant ses personnages, qui sont dans son théâtre moins des individus que des types généraux23, en faisant d’eux non de fades portraits sans autre mérite qu’une plate ressemblance, mais des caricatures24 idéales et expressives ; surtout en prodiguant les richesses de la plus inépuisable fantaisie, à proportion que le fond de ses pièces était plus vulgaire et plus près de la prose. […] L’ancienne comédie faisait des caricatures, la comédie nouvelle fait des portraits. Mais les caricatures grotesques ont bien plus d’expression et de vérité idéale que les portraits les plus fidèlement exécutés42. […] Il sait faire aussi de bonnes caricatures ; ses portraits ne sont pas toujours ressemblants ; il les charge parfois assez pour leur donner une couleur poétique. […] Schlegel oppose aux portraits de la comédie nouvelle les caricatures de l’ancienne. — Septième leçon.
Les beautés des portraits qu’il a faits sont si naturelles, qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossieres ; & le talent qu’il avoit de plaisanter étoit renforcé de la moitié par celui qu’il avoit de contrefaire.
Sganarelle, ou le Cocu imaginaire, est tiré d’une comédie italienne en cinq actes, intitulée : Il Ritratto, Le Portrait ; ou Arlechino cornuto per opinione, Arlequin cocu imaginaire. […] Camille, femme d’Arlequin, arrive, ramasse le portrait de Celio. Arlequin revient, surprend sa femme admirant la beauté du jeune homme représenté dans le portrait, et le lui enlève. […] La scène où la femme de Sganarelle ramasse le portrait, est encore meilleure que l’italienne, parce que la femme, en flairant la miniature qui est parfumée, donne à croire à son mari qu’elle la baise, et motive par là ses soupçons. […] Cependant, d’après le portrait qu’a laissé de lui une actrice, sa contemporaine, la nature semblait lui avoir donné un physique propre à la tragédie.
Vous avez remarqué que dans la scène des portraits, c’est-à-dire des médisances, il ne dit rien, rien du tout. […] Alceste est le portrait atténué de Rousseau. […] Non, de beaux portraits de Saturne, du roi Priam, du vieux Nestor et du bon père Anchise sur les épaules de son fils. […] Consultez leurs yeux, leur teint, leur respiration, leur air craintif, leur molle résistance : voilà le langage que la nature leur donne pour vous répondre… » Tout cela, c’est le portrait de Célimène, corrigé, embelli, affiné ; mais, enfin, c’est le portrait de Célimène. […] Dorine est, avant tout, une satirique : portrait satirique de Tartuffe, portraits satiriques de Daphné et de son petit époux et de Mme Oronte ; portrait satirique d’Orgon ; narration satirique de la maladie d’Elmire et des consolations que Tartuffe s’est données à ce propos ; épigrammes à Orgon ; épigrammes à Tartuffe ; voilà surtout son rôle.
Ce portrait-là n’est pas fort à votre avantage ; Mais malgré vos défauts je vous aime à la rage. […] Ce portrait-là n’est pas fort à votre avantage ; Mais malgré vos défauts je vous aime à la rage.
Ces sentiments sont excités par un portrait que Silvia a fait mettre dans la poche de Lélio par Arlequin : ce même portrait, & une lettre de Lélio qui est perdue par Arlequin, causent une équivoque qui persuade à Mario que la mélancolie qu’il a remarquée dans son ami n’est causée que par l’amour qu’il a pour sa sœur, & par les efforts que l’amitié fait pour ne point apporter d’obstacle à l’hymen avantageux de Silvia avec le Comte Octavio.
En face de ce portrait impitoyable, le spectateur se trouve eu cause ; il croit que les regards de tous vont se fixer sur lui, comme si l’auteur le dénonçait. […] Dans la scène des portraits, pensez-vous que la fameuse sortie : Allons, ferme, poussez , parte d’un cœur désintéressé ?
Elle fut presque couronnée à Rome : son portrait fut placé entre ceux de Pétrarque et du Tasse, dans une fête que lui donna un de ses plus fervents admirateurs, le cardinal Aldobrandini. […] Ce portrait est fidèle, ainsi qu’il résulte des explications suivantes : « J’ai trouvé, dit Riccoboni, dans le cabinet de M. de C…, un livre dont voici l’origine.
Elle mit le sonnet suivant au bas d’un portrait en vers, qu’elle adressait à la signora Isabella C…, qui peignait parfaitement et qui avait fait le portrait de la comédienne : Voi col penello il mio ritratto fate, Et io con la mia penna forme il vostro ; Voi stemprate i colori et io l’inchiostro ; Io carta adopro, e voi tela adoprate.
Les nombreux personnages qui concourent à l’action de la pièce, ou dont les portraits seulement sont encadrés dans le dialogue, offrirent aux yeux des attitudes si naturelles, des formes si bien senties, des traits si bien modelés, qu’on voulut voir des individus peints avec ressemblance, où il n’y avait que des espèces représentées avec vérité, et qu’on chercha partout, à la cour comme à la ville, les originaux dont Molière avait pris les figures à leur insu pour les transporter et les distribuer dans sa composition. […] De tous ces noms inscrits par la malignité contemporaine au bas des portraits placés dans Le Misanthrope comme en une vaste galerie, quelques-uns nous ont été conservés par la tradition ; mais ou ils vont mal aux figures, ou ils sont trop peu connus pour intéresser notre curiosité. […] Ne voyons donc dans ses paroles que le détour plus ou moins adroit d’un homme du monde, qui ne veut pas accepter un ridicule public, et refuse de se reconnaître dans un prétendu portrait plus fait, quoi qu’on en ait dit, pour offenser son amour-propre, que pour blesser sa modestie.
Portrait de Lindor. […] Portrait de Mr Lisban. […] Son héroïne ne ressemble guere au portrait qu’il en fait.
Je sais qu’à la représentation des Précieuses, un vieillard, frappé par la vérité des portraits qu’on lui présentoit, s’écria : Courage, Moliere, voilà la bonne Comédie : je sais que Ménage, en sortant de la premiere représentation, dit à Chapelain : « Nous approuvions, vous & moi, toutes les sottises qui viennent d’être critiquées si finement & avec tant de bon sens ; croyez-moi, il nous faudra brûler ce que nous avons adoré, & adorer ce que nous avons brûlé » : je sais enfin que Moliere a si fort ridiculisé ses originaux, qu’ils ont disparu, & que cependant nous voyons la piece avec plaisir10.
Il y a deux especes de caracteres nationaux, parcequ’il faut distinguer parmi les caracteres propres à toutes les nations, ceux qui sont si bien articulés, si bien prononcés, qu’il n’y a qu’une seule maniere pour les peindre à tous les yeux, & ceux qui demandent à être présentés avec des couleurs différentes selon les divers pays où l’on fait leur portrait.
Et Molière connaissait-il si peu les intérêts de son art et de sa gloire, qu’il attendît, pour étaler des portraits comiques sur la scène, que les originaux ne pussent plus être aperçus dans la société, ou ne méritassent plus d’y être remarqués ? […] Sur le titre seul, on avait jugé que le fond était trop stérile pour qu’il pût en sortir autre chose qu’un ouvrage languissant et froid, où le défaut d’action entraînerait l’abus du dialogue, et où quelques portraits satiriques tiendraient lieu de caractères. […] Déjà, Molière lui-même, dans L’Impromptu de Versailles, avait nommé injurieusement Boursault, qui, dans Le Portrait du peintre, avait commencé par le désigner outrageusement ; et Louis XIV, arbitre et modèle des bienséances, avait autorisé de sa présence, de son approbation même, cette cruelle représaille. […] De peur que ce portrait ne fût pas reconnu (et, il faut l’avouer, il était assez flatté pour qu’on s’y trompât), l’auteur eut, pour ainsi dire, le soin d’écrire au bas le nom de celle qu’il avait voulu peindre. […] Bonnefoi n’est donc pas, si je ne me trompe, le type satirique de la profession à laquelle il appartient ; il est seulement le portrait d’un individu qui en est indigne, et que ses confrères retrancheraient de leur matricule, s’ils étaient instruits de ses forfaitures.
Dans son genre ce portrait est parfait; mais ce n’est pas celui d’un homme, c’est la vive peinture d’une originalité. […] Henriette n’est pas la plus brillante, mais elle est la plus aimable de toutes les jeunes filles à marier dont Molière a tracé le portrait. […] Voyez les portraits de Saint-Simon. […] Les portraits de Saint-Simon sont ressemblants, à cela près que les gens y ont plus de vie qu’ils n’en avaient dans la réalité. […] Il est deux tirades satiriques qui rentraient d’abord dans son rôle : l’une est, dit-on, un portrait de la comtesse de Soissons, l’autre un portrait de la duchesse de Navailles, qui toutes deux s’opposaient à la cour au parti de la jeunesse et du plaisir.
Si, dans une piece à caractere, il est nécessaire que depuis l’exposition jusqu’à l’arrivée du héros, tout le peigne, tout nous parle de lui ; par une suite de cette regle dictée par la raison, & autorisée par l’exemple des meilleurs maîtres, il est clair qu’une piece à caractere est défectueuse, si, après qu’on nous a fait le portrait du premier personnage, après qu’il a paru lui-même à nos yeux, nous ne voyons pas toute l’action rouler par lui, sur lui, ou pour lui ; c’est-à-dire, s’il n’est pas la cause directe ou indirecte de tout ce qui se passe sur la scene ; si tout ne part pas de lui, ou ne rejaillit pas sur lui ; si enfin la scene est un seul moment sans qu’il y soit question de lui. […] La Fleche lui déclare qu’elle y compte en vain, & lui fait le portrait de l’Avare & de ses lésines.
Molière a tracé, dans la même pièce, trois portraits différents de ce ridicule, qui prouvent une fois de plus la fécondité de son génie et la finesse de son observation. […] Quelle verve, mais aussi quelle méchanceté dans les portraits qu’elle trace de ses adorateurs, depuis le grand flandrin de vicomte qui crache dans un puits pour y faire des ronds, jusqu’à l’homme à la veste qui s’est jeté dans le bel esprit et veut être auteur malgré tout le monde. […] Ne croyez pas, Mesdames, qu’en dessinant un tel portrait, mon dessein soit de recommencer une critique déguisée de vos défauts. […] Ses pièces nous offrent donc l’esquisse de plusieurs femmes estimables, par lesquelles il paraît s’être essayé au portrait qu’il voulait achever plus tard.
Corneille dans le portrait de Lubin, le chancelier Le Tellier dans le portrait d’Edelinck, etc., etc. […] Miller, The Picture, or The Cuckold in Conceit (Le Portrait, ou le Cocu imaginaire), mêlée de chansons, a été représentée en 1735. […] Ce qui est certain, c’est qu’il y a, dans ce délicieux passage de la Critique, le portrait d’un contemporain. […] Mettons irritable et passionné, le portrait se complète. […] Moncornet a gravé le portrait, et que Boursault a cité, avec Jodelet et Mascarille, dans la septième scène de son Médecin volant (voyez mon Iconographie moliéresque, nº 305, p. 111).
Les beautés des portraits qu’il a faits sont si naturelles, qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossieres ; & le talent qu’il avoit de plaisanter étoit renforcé de la moitié par celui qu’il avoit de contrefaire.