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24. (1734) Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière (Œuvres de Molière, éd. Joly) [graphies originales] pp. -

Peut-être crut-il devoir cet égard à ses parens, qui ne pouvoient que désapprouver la profession qu’il embrassoit ; peut-être aussi ne fit-il que suivre l’exemple des premiers acteurs5 de l’hôtel de Bourgogne, qui avoient au théatre des noms particuliers, tant pour les rôles sérieux, que pour les rôles de bas comique. […] Non seulement il plaisoit dans les rôles de Mascarille, de Sganarelle, d’Hali, &c ; il excelloit encore dans les rôles de haut comique, tels que ceux d’Arnolphe, d’Orgon, d’Harpagon. […] Mondorge parut, Moliere l’embrassa, le consola, & joignit au présent qu’il lui faisoit, un magnifique habit de théatre, pour jouer dans les rôles tragiques. […] Mademoiselle Poisson fille de du Croisy, comédien de la troupe de Moliere elle a joué le rôle d’une des Graces dans Psiché en 1671. […] Il avoit du Croisy en vûë, lorsqu’il composa le rôle de Tartuffe ; comme, dans la suite, profitant de la taille & des graces de Baron encore jeune, il lui destina le rôle de l’Amour dans Psiché.

25. (1765) [Anecdotes et remarques sur Molière] (Récréations littéraires) [graphies originales] pp. 1-26

Moliere n’auroit plus joué que dans les rôles du haut comique, mais sa mort précipitée le priva d’une place bien méritée, & l’Académie d’un sujet si digne de la remplir. […] Comme Béjart faisoit beaucoup de plaisir, on boita aussi-tôt sur tous les théatres de Province ; non-seulement dans le rôle de la Fleche, où cela devenoit nécessaire, mais indifféremment dans tous ceux que Béjart remplissoit à Paris. […] Elle jouoit à merveille les rôles que Moliere, son mari, avoit fait pour elle, & ceux des Femmes Coquettes & Satyriques. Elle remplissoit aussi fort bien les seconds rôles Tragiques. […] N’y-a-t-il que vous dans la troupe, qui puisse exécuter les premiers rôles ?

26. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Chacun de ces rôles est tracé de la main du maître, et chaque rôle a son prix ; donc pas de dispute entre les acteurs, à qui jouera ceci et ne jouera pas cela ! Tout rôle est bon, dans ces œuvres populaires où chaque rôle a sa récompense ! […] Le rôle de madame Pernelle n’a qu’une scène, il est le meilleur de l’emploi ! […] C’est là le grand rôle de l’emploi, le rôle unique peut-être ; quand on le joue bien, on joue tous les autres, même celui de Figaro. […] Non content de s’être représenté dans le rôle d’Alceste, il a créé le rôle, et avec quelle tristesse et quelle brusquerie il devait le jouer !

27. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

L’aide-mémoire de Dominique Biancolelli, dont nous parlerons plus loin, ne traçant qu’un seul rôle, ne permet point de se former une idée suffisante de l’ensemble des pièces. […] Ces canevas nous paraissent appartenir, au moins pour le fond, à la période où les rôles des deux zanni acquirent une importance exceptionnelle sur le théâtre italien de Paris, grâce au talent supérieur du Trivelin Locatelli et de l’Arlequin Dominique, qui y régnèrent l’un à côté de l’autre de 1662 à 1671, époque où le premier mourut et Dominique resta seul maître de l’emploi. […] Saint-Simon dit de lui, dans une de ses notes sur les Mémoires de Dangeau : « Comédien plaisant, salé, mettant du sien, sur-le-champ et avec variété, ce qu’il y avait de meilleur dans ses rôles ; il était sérieux, studieux et très instruit. […] Scaramouche notamment semble avoir conservé toute la licence de son rôle. […] Quand cette pièce de Scaramouche, pédant scrupuleux fut jouée en monologues, à la foire Saint-Laurent (en 1709) pour braver les défenses obtenues par les comédiens français, sept acteurs venaient l’un après l’autre réciter leur rôle.

28. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Celui de la Comédie-Française le représente dans un rôle de théâtre, et un rôle tragique : César, de la Mort de Pompée. […] Pour ses grands rôles, Arnolphe, Alceste, Harpagon, Sosie, M. […] Vous ai-je pas dit que vous faites un rôle où l’on doit parler naturellement ?  […] Mlle du Parc reçoit avec mauvaise humeur « un rôle de façonnière, » sous prétexte qu’elle n’est rien moins que cela : « Mon Dieu ! […] Il faut parfois se faire violence. » De même, çà et là, dans les conseils qu’il donne à ses acteurs sur le caractère de leur rôle, il semble faire la satire de leurs défauts.

29. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

D’abord quelques changements eurent lieu dans le personnel de la troupe : Mario Antonio Romagnesi, fils de Marc Romagnesi et de Brigida Bianchi (Aurelia), débuta dans les seconds rôles d’amoureux sous le nom éclatant de Cintio del Sole. […] Molière mourut le 17 février 1673, en jouant pour la quatrième fois le rôle du Malade imaginaire. […] Ce rôle redevint un des principaux de la comédie de l’art, et une série de mimes célèbres ont perpétué chez nous sa popularité, de sorte qu’il en est demeuré plus Français qu’Italien. […] Le roi parut prendre tant de plaisir à cette entrée, que Dominique la fit durer le plus longtemps qu’il lui fut possible, et il s’y échauffa tellement, que, n’ayant pu changer de linge au sortir du théâtre (parce qu’il lui fallut exécuter son rôle tout de suite), il lui survint un gros rhume qui se tourna en fluxion de poitrine. […] Voy. les Observations du sieur de Rochemont, sur ces derniers mots du rôle de Sganarelle.

30. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

Je ne sais si je m’abuse, mais il me semble que sa constante préoccupation a été de les ramener à la nature, de leur montrer tout ce qu’elles ont à gagner à être vraies, sensées, indulgentes et bonnes, éclairées sans pédantisme, gracieuses sans afféterie, et tout ce qu’elles ont à perdre, au contraire, à usurper un rôle qui ne saurait leur appartenir et qui est si contraire, d’ailleurs, à la douce et bienfaisante influence qu’elles peuvent et doivent exercer, influence d’autant plus irrésistible qu’elle est plus modeste et plus ménagée. […] Le rôle d’Agnès est une des plus charmantes créations de Molière. […] Noël pense que, dans ce rôle de Célimène, Molière a voulu tracer le portrait de cette jeune Armande Béjart qui, pour récompense de ses bienfaits, trahit la foi qu’il avait mise en elle et fit le malheur de sa vie. […] Tel est cependant l’ascendant de la bonté unie à la grâce que ce rôle d’Éliante, tout effacé qu’il semble, produit à la scène la plus heureuse impression, quand il est rempli par une actrice faite pour le comprendre et le représenter dignement. […] Sous ce rapport, le rôle d’Elmire est un chef-d’œuvre de composition.

31. (1836) Une étude sur Molière. Alceste et Célimène (La Revue de Bordeaux et Gironde unies) pp. 65-76

Celui qui avait conçu ce rôle, Molière seul, pouvait lui prêter quelques traits de son propre caractère. […] La jeune fille ne se montra pas ingrate, et Molière eut la faiblesse de prendre la reconnaissance pour de l’amour. — Notre poète joue ici sous quelques rapports le rôle d’Arnolphe, de L’École des Femmes, mais moins heureux, il ne rencontre pas un Horace qui veuille, avant la noce, lui enlever la future. […] — Cette absence d’unité dans ce rôle doit-elle être imputée à défaut, ou bien considérée comme une beauté nouvelle ? […] Il valait mieux, dira-t-on, ne pas faire de comédie, que d’accumuler, dans un beau rôle, les invraissemblances et les contradictions. — Je dois répéter ici qu’Alceste sans imperfection, non seulement ne serait pas comique, mais qu’il serait même faux et hors de nature. […] Si chaque homme ne suivait qu’une impulsion, rien ne serait si facile que de concevoir un rôle de théâtre, ce serait un ouvrage de mathématicien ; mais la nature humaine n’est pas ainsi faite.

32. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

et le rôle de Sémiramis en telle année ? […] Et qui donc a créé le rôle du grand Frédéric dans Les Deux Pages ? […] Mais on lui faisait des rôles excellents dans des pièces charmantes ! […] Ce rôle d’Henriette était son chef-d’œuvre ! […] — Fi des diamants, à propos des rôles les plus honnêtes de Molière !

33. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Mais le rôle de protecteur de la beauté est un rôle dangereux. […] Son rôle est ailleurs. […] Que celle qui le remplit ne se plaigne point de son rôle. […] Le rôle d’Alcmène était un rôle des plus périlleux. […] Il y a dans le rôle d’Alceste une protestation cachée.

34. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VI. Les Femmes. » pp. 103-120

C’est là qu’apparaît Elmire dans sa gloire, quand elle sait rester chaste en étant coquette, et rehausser son honneur en jouant le rôle le moins honorant. […] Elle reste inébranlable dans son rôle saint et charmant d’épouse, de mère, et même de femme d’esprit, ce qui ne gâte rien. […] Elle sera, comme Mme Jourdain, avec plus de grâce et d’esprit si elle peut, la mère de famille qui veille à tout, môme quand le père oublie son devoir et quitte son rôle de chef respecté372. […] Ce rôle sans paix ni trêve de (honteux mensonge et de basse jalousie, si cruellement dépeint par l’imprudente et jeune coquette, sera un jour, hélas ! […]   « Molière avait confié le rôle A’Elmire à sa femme.

35. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

. — (Rôle équivalent à celui de Zanobio ou de Cassandro.) […] Zucca, valet de Fabio. — (Rôle d’Arlequin.) […] La prudence de Virginia le rassure ; elle joue très bien son rôle : le jour elle fait semblant de ne point le connaître ; la nuit elle use de toute sorte de précautions pour le faire entrer chez elle, et, pour qu’on ne les découvre point, n’allume point de lumière. […] Il n’est pas douteux que les célèbres bouffons de l’Hôtel de Bourgogne, Gros-Guillaume, Turlupin, Gautier-Garguille, etc., ne s’abandonnassent à leur verve facétieuse, sans s’astreindre à réciter leurs rôles. […] Il appropria à chaque fois l’habit du personnage au rôle qu’il lui donnait ; l’inventaire après décès l’atteste également.

36. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Je l’avouerai toutefois, j’ai la conviction que Ménage est le modèle qu’eut principalement en vue Molière, lorsqu’il créa le rôle de Vadius. […] Ce rôle de Bélise, il le faut bien avouer, manque de vérité ; du moins il n’a pas la vérité dramatique, qui n’est autre que la vraisemblance. […] Le rôle de Bélise est la seule tache de ce chef-d’œuvre. […] Rarement leur rôle est ridicule ; plus rarement il est vil et odieux. […] Le rôle de M. 

37. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

Quant à Georgette, c’est Mlle Marotte qui la joue ; une toute pouponne fillette, à qui l’on ne donne encore que de petits rôles, à qui même on fournit ses costumes ; Lagrange a du goût pour elle. […] Sa femme parut ; c’était la première fois qu’elle jouait dans une pièce de lui ; et ce fut pour le défendre, puisqu’elle eut le rôle si parisien d’Élise, la spirituelle moqueuse. […] C’est exactement la contre-épreuve de la Critique ; les rôles ridicules y sont dévolus aux partisans de Molière, voilà tout, et Molière a dit juste : « Ils ont retourné ma pièce comme un habit pour faire la leur ». […] mais parce que cette idée fausse, et comme vous le dites fort bien, si peu avantageuse à Molière, en a engendré une autre non moins incongrue : à savoir que ce. rôle d’Arnolphe est un rôle tragique et qu’Arnolphe, c’est-à-dire Molière, doit nous faire pleurer au cinquième acte.. […] J’entends les vrais : ses rôles de jeunes premiers, dans lesquels il sera toujours lui-même.

38. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

C’est pourquoi, depuis Molière et sans doute aussi avant lui, le rôle d’un vieil avare amoureux a été un des lieux communs de la comédie à masques et de l’opéra buffa des Italiens ; à dire le vrai, c’est là que ce rôle est à sa place. […] Dans le rôle du jeune homme possédé de la manie des vers, Piron a voulu, en quelque sorte, faire son propre portrait. […] Le dialogue doit être écrit de telle sorte qu’un acteur intelligent ne puisse pas se tromper sur la manière de saisir les détails de son rôle. […] C’est là que les mélodrames jouent un grand rôle. […] Dans la Marianne de Mairet, poète antérieur à Corneille, un acteur s’est tué à force de crier en jouant le rôle d’Hérode.

39. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Dufresny imitateur comparé à Moliere, à Champmeslé, son Mariage fait & rompu comparé à l’histoire véritable du faux Martin-Guerre, & à la nature. » pp. 81-99

Du reste il n’est point vraisemblable qu’un homme s’expose à jouer un aussi sot personnage dans la maison de sa maîtresse : son rôle jure avec son rang, ses prétentions, le lieu de la scene, & par conséquent avec la nature. […] On ne sauroit définir le caractere de l’héroïne ; c’est une espece de Malade imaginaire, ou plutôt une folle, une imbécille, qui joint au ridicule de se croire malade sans l’être, un amour extravagant, & qui joue pendant toute la piece un rôle dégoûtant, ennuyeux, insipide. […] Il y a un excellent rôle de valet. […]   Dans la piece de Champmeslé le rôle du Marquis n’est rien moins qu’honnête ; Mad. la Comtesse figureroit mieux dans une maison de force que sur la scene ; Catho & Manon sont en train de lui ressembler dans peu ; le Chevalier est aussi mal-adroit qu’effronté ; le pere est un imbécille ; les autres personnages sans caractere ne se montrent que pour disparoître, ou sont inutiles ; l’intrigue est traînante & mal combinée. […] Quant aux deux rôles du Chevalier Acaste, Chammeslé n’a fait que les indiquer.

40. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Le paravent représente tour à tour le palais et la chaumière ; le grand fauteuil joue le rôle du père qui gronde toujours ; la chaise de paille vous représente la soubrette alerte et vive, le guéridon, posé sur un pied, saluez ! […] Convenez surtout que ce petit rôle d’Agnès est peut-être le rôle le plus égrillard du théâtre. […] L’enfant joua peu à peu tous les petits rôles de Molière ; peu à peu l’esprit lui vint, puis sa main blanchit, puis son coude et le bras se remplit, puis la jambe ; un jour le voile tomba de cette voix éclatante, sonore, et touchante. […] Voilà donc tous nos comédiens réunis, et naturellement pas un d’eux ne sait son rôle. Du Croisy voudrait en être quitte pour dix pistoles ; Brécourt pour vingt bons coups de fouet, (Allez donc prier aujourd’hui un comédien de créer le rôle de Brécourt, vous verrez si sa dignité ne se trouvera pas offensée.) — Et que feriez-vous, si vous étiez à ma place ?

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. Des Pieces intriguées par plusieurs Personnages. » pp. 169-175

Il joue alternativement le rôle de Campagnard, de Veuve, de Géronte lui-même ; aussi devient-il un personnage conséquent dans l’esprit du public : le gré qu’on lui sait de sa peine rejaillit sur la piece & sur l’Auteur. […] Moliere ne pouvoit, dis-je, faire remplir tous ces rôles par Sbrigani que Pourceaugnac ou le beau-pere auroit reconnu ; d’un autre côté, il a voulu le rendre attachant. […] Le spectateur ne sait jamais à quel intrigant il a l’obligation du succès ; & l’Auteur, embarrassé pour nuancer leurs rôles, ou ne met aucune différence entre eux, on ne différencie celui du valet que par un jargon bas & affecté, tout-à-fait ridicule.

42. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

Voltaire n’avait pas jugé indigne de lui le rôle même d’éditeur de Molière. […] On raconte que, pour le rôle d’Elmire, elle s’était fait faire, à l’insu de son mari, un habit magnifique. […] Molière avait confié à Beauval le rôle de Thomas Diafoirus. […] Elle y jouait le rôle d’une des Grâces. […] N’y a-t-il que vous dans la troupe, qui puissiez exécuter les premiers rôles ?

43. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Ce mérite et la gaieté du rôle de Mascarille ont soutenu cette pièce au théâtre, malgré tous ses défauts. […] Tout ce rôle d’Agnès est soutenu d’un bout à l’autre avec la même perfection. […] Mais on lui persuada que c’était lui que Molière avait eu en vue dans le rôle de Lisidor, et il fit contre lui le Portrait du. […] Le principal rôle est un Sganarelle, nom qui désignait, dans les anciennes farces, un personnage imbécile ou grotesque. […] Ce rôle m’a toujours paru le seul, dans les bonnes pièces de Molière, qui soit réellement ce qu’on appelle chargé.

44. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Charmé du mérite de cette pièce, ainsi que du jeu de Molière dans le rôle de Sganarelle, il avait placé, en tête de chaque scène, des arguments destinés à faire valoir le talent du poète et celui du comédien. […] Quoique l’ouvrage n’ait pas de but moral, et ne prétende pas même offrir une peinture de mœurs, on ne peut au moins s’empêcher de voir, dans le petit rôle de Gorgibus, une esquisse fidèle des opinions, des manières et du langage des petits bourgeois de ce temps-là. […] Sganarelle, quoique appartenant à la classe des bourgeois, rappelle, en plusieurs endroits de son rôle, l’humeur de ce valet poltron, fanfaron et facétieux. […] Molière qui s’était réservé le rôle de Dom Garcie, ne s’en étant pas acquitté à la satisfaction du public, fut forcé de le céder à un autre. […] Les deux rôles principaux, celui du jaloux et de sa victime, sont habilement tracés et soutenus ; plusieurs scènes sont préparées et exécutées avec art.

45. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

L’interprétation de ce rôle magistral exige, m’a-t-on dit, un nez fait d’une façon particulière, ou tout au moins particulièrement différente de la mienne. — Cela, je n’y puis rien. […] Mais à côté de cette page où Molière a le beau rôle, il y en a d’autres où l’on nous le présente sous les plus révoltantes couleurs. […] Sur un rôle créé par Molière même, la théorie vraie ne peut pas être nouvelle, il faut au moins qu’elle remonte à Molière, et je crois que c’est le cas. […] Coquelin est celle de tous les acteurs qui ont publié des études sur le caractère d’Alceste ; les littérateurs sont unanimes, au contraire, pour donner un grand sens philosophique à ce rôle. D’abord, je ne nie point que le rôle ait un grand sens ; je le prends autrement que vous, voilà tout.

46. (1884) Tartuffe pp. 2-78

A ce point que le rôle, avec tout ce qu’il a d’effets sûrs, n’en est pas moins un des plus difficiles du répertoire. […] Il rendit justice à Molière, avoua que la pièce pouvait être belle et instructive, mais ajouta que ce n’était pas le rôle des comédiens d’apprendre aux hommes la morale chrétienne et la religion. […] Son rôle, ajoute l’imaginatif critique, n’est pas du tout un rôle comique ; Userait aisément terrible et il l’est un moment, malgré les efforts de Molière pour modérer la situation… Tartuffe est l’athée en rabat noir ». […] Les contemporains ont noté avec quel soin Molière confiait ses rôles aux comédiens extérieurement les plus propres à en rendre l’esprit. […] qui suffit, à lui seul, à donner la caractéristique du rôle.

47. (1821) Sur le mariage de Molière et sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène pp. 131-151

Sur le mariage de Molière et sur Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène Esprit de Raimond de Mormoiron, comte de Modène1, est connu dans la république des lettres par une Histoire des révolutions de la ville et du royaume de Naples 2, où lui-même avait joué un très grand rôle, en sorte que cet ouvrage a l’intérêt qu’excite toujours un auteur qui parle des événements dont il a été le témoin, et auxquels il a pris part. […] La vieille madame Bejard, Marie Hervé, la reconnut pour sa fille, quoiqu’elle fut véritablement son aïeule et sa marraine ; le comédien son oncle, la comédienne sa tante, et sa mère elle-même, se prêtèrent à ce déguisement, et y jouèrent leur rôle comme ils l’auraient fait sur le théâtre. […] Lorsque son premier mari l’avait inscrite sur le rôle des acteurs, il lui avait donné le nom de mademoiselle Molière28 ; après son second mariage, elle fut inscrite sur le rôle de 1680, sous les noms d’Armande-Grésinde-Claire-Elisabeth Bejard, femme Guérin, reprenant ainsi le nom d’Armande, et en ajoutant deux autres.

48. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Une jeune Milanaise, déguisée en page, vient sous le nom de Lesbino offrir ses services au capitaine qu’elle aime ; ce rôle est tenu par la signora Silvia Roncagli, de Bergame. […] Nous prendrions les scherzi et les contrasti publiés après la mort d’Isabelle Andreini et qui contiennent certainement des souvenirs de ses rôles. […] Tout le rôle de la Milanaise existe, par exemple dans Gli Ingannati (les Abusés) des Étourdis de Sienne. […] Andreini fit paraître à Venise, en 1607, un recueil des traits les plus comiques de son rôle : Le Bravure del capitano Spavento, divise in molti ragionamenti in forma di dialogo.

49. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Cette longue interruption, qui ne fut point commandée par l’autorité, eut pour cause le départ subit de La Grange et de La Thorillière, acteurs employés dans un trop grand nombre de rôles pour qu’il fût possible de donner aucune représentation utile en leur absence. […] Comme l’abbé de Roquette fréquentait beaucoup cette belle et galante princesse, il est peut-être le héros de l’aventure dont parle Rousseau, et alors la duchesse y aurait joué le rôle d’Elmire. […] Tartuffe devait donc jouer si bien son rôle, que tous les personnages de la pièce et le public même fussent dupes de lui aussi bien qu’Orgon ; qu’il fût regardé jusqu’au bout comme un homme sincèrement pieux, et que la comédie finît par le triomphe complet de ses infâmes fourberies. […] Molière, par cette raison, n’a pas mis un seul monologue, un seul a parte dans tout le rôle de Tartuffe. […] Ce rôle toutefois n’était qu’un embellissement dont l’ouvrage pouvait se passer.

50. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Le rôle lui a porté bonheur. […] Pour moi, je n’échangerais jamais un tel rôle de dupe contre celui de dupeur. […] Il s’ensuit que Molière n’était excellent que dans les rôles de laquais, et pourtant il a joué bien des rôles dans son répertoire. On peut dire, jusqu’à un certain point, qu’il y a rempli les meilleurs rôles. […] » Excellent dans les rôles tragiques, il fut l’élève de Molière.

51. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX & dernier. Des causes de la décadence du Théâtre, & des moyens de le faire refleurir. » pp. 480-499

Malheur à vous si vous n’avez pas eu soin de vous ménager un parti en promettant les meilleurs rôles, si vous avez dédaigné de faire votre cour à Marton, si vous avez riposté aux épigrammes d’Amarinthe, si vous n’avez pas composé de petits vers pour Angélique, si vous n’avez pas constamment applaudi Dorimene ! […] Enfin vous obtenez les honneurs de la représentation : mais l’un des Acteurs est mécontent de son rôle, ou peut-être ne le sent-il point ; en conséquence il le rend mal, n’y fait aucune sensation ; la piece déplaît, & le public vous attribue votre chûte. […] Le pigmée reste, accoutume peu à peu le public à ses défauts, agence quelques rôles à sa taille, à sa voix, à sa poitrine, à son tempérament, à ses petites manieres, devient Acteur en chef, rend à ceux qui veulent le doubler ce qu’on a fait à son début : ses successeurs l’imitent ; leurs doubles essuient les mêmes traitements, & les rendent. […] Le célebre Préville a un frere qui lui ressemble presque parfaitement, & qui jouoit des rôles françois à la comédie italienne. […] Une si modique différence n’excite ni les paresseux, ni ceux qui croient se ménager des applaudissements en paroissant rarement, ni ceux qui trouvent les petits rôles indignes d’un grand talent.

52. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Dans La Supplica, dont nous parlerons plus loin, il invoque, en témoignage du zèle qu’il déploya dans son service, son capitaine l’illustre duc-cardinal de La Valette ; il est évidemment tout glorieux d’avoir joué ce rôle guerrier. […] Ce fut certainement L’Inavertito qui créa au personnage de Scapin une sorte de supériorité parmi les rôles de premiers zanni, c’est-à-dire de valets intrigants26. […] Le génie français dépassait de beaucoup le génie italien ; et celui-ci, réduit à un rôle inférieur, ne fournissait plus, pour ainsi dire, qu’aux menus plaisirs de la cour et de la nation.

53. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Il fit parler à M. de Montausier par quelques personnes... » Mais coupons court à ces détails, qui prêtent à Molière un rôle inconciliable avec la noblesse de son caractère, et arrivons au dénouement Montausier vit la pièce; sa colère se changea en reconnaissance; il trouva dans le Misanthrope « le caractère du plus parfaitement honnête homme qui pût être ; » il fut même d’avis que Molière lui avait fait trop d’honneur, et ils se séparèrent les meilleurs amis du monde3 L’authenticité de cette anecdote, plus piquante que vraisemblable, est contestée de la manière la plus formelle par M. […] » Les commentateurs n’ont pas manqué de s’autoriser de ce mot, dont l’authenticité semble au moins contestable, pour croire que de Saint-Aignan avait réellement pu servir d’original au rôle d’Oronte. […] Ici Alceste devient Molière lui-même ; sous les traits de Célimène, on reconnaît sa femme; dans le rôle d’Éliante, on devine Mlle de Brie, l’amie dévouée du grand homme; et l’acariâtre Du Parc est le type d’Arsinoé. […] Sans doute, il y a dans le choix tel sujet un indice grave des dispositions d’esprit où se trouvait l’auteur ; et Molière., comme Shakspeare, lorsqu’il conçut l’idée de mettre sur la scène un misanthrope, devait être plus porté à la mélancolie qu’à la gaieté, et voir surtout le côté triste des choses humaines; mais ses plaintes amères contre l’humanité, qu’il a mises dans la bouche de son héros, ne sont pas pour cela l’expression vraie de :ses sentiments personnels, une diatribe sociale derrière laquelle se cache l’auteur20 Non, Molière n’est pas Alceste tout entier; car, si parfois il semble s’être identifié avec son personnage, souvent ; aussi il l’abandonne : on en voit ,1a preuve dans les avertissements et les leçons qu’il lui fait donner par ceux qui l’entourent ; tel est en particulier le rôle de Philinte. […] » Ce qui est impossible, c’est que Molière ne jouât pas avec une tristesse et une brusquerie saisissantes ce rôle d’Alceste tout empreint de sa propre personnalité, avec sa femme pour Célimène; c’est que les spectateurs ne fussent pas profondément émus, quand il s’écriait avec un accent déchirant : « Ah !

54. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Du Croisy, qui comptait avoir le rôle de la statue, et qui était tout fait pour ce rôle, n’en a plus voulu, et il s’est trouvé heureux de jouer un petit rôle de marchand. […] C’est La Grange qui remplit le rôle de don Juan ; madame Béjard joue le rôle d’Elvire ; Armande, sa fille, joue un rôle de paysanne, et moi aussi. Molière s’est réservé le rôle de Sganarelle, qui est des plus plaisants. […] Cette fois, tous les rôles sont changés dans la vie humaine. […] « Ce rôle, dit M. 

55. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Les personnages du Menteur sont plutôt des rôles que des caractères ; il fallait en faire des caractères. […] Les personnages de ces pièces sont moins des caractères que des rôles composés pour des acteurs. […] Mais en homme de génie, Molière met dans ces rôles le plus de l’homme qu’il peut, et c’est assez pour les faire vivre. On rit du rôle, et on reconnaît la vigoureuse et naïve ébauche de caractère qui est dessous. […] Après avoir créé le caractère, il créait le rôle.

56. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

C’est en effet Sganarelle qui représenté le rôle du bon sens dans la pièce, comme Sancho dans le roman de Cervantès. […] On remarquera que Molière a fait en général assez peu d’usage du rôle de sage dans ses comédies. […] Il semblait que Molière l’eût deviné d’avance et eût voulu discréditer son rôle de censeur de mœurs, en le tournant en ridicule. C’est que pour Jean-Jacques, c’était en effet un rôle qu’il jouait ; et ce rôle, qui n’était pas sans grandeur, n’était pas non plus sans quelque mélange de ridicule. Ce rôle venait chez lui de l’imagination et de la tête plus que de l’âme.

57. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

C’était un beau rôle à jouer en ce temps, mais il était impossible. […] Ce rôle a été tissu avec les fibres de son cœur. […] Molière représentait don Pèdre, le principal rôle. […] Ce rôle a beaucoup d’écueil pour les jeunes actrices. […] Ce n’est point un rôle secondaire que celui-là.

58. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

Jetons un rapide coup d’œil sur le représentant des passions humaines il y a deux cents ans, sur Molière, sur Alceste ; interrogeons ce grand rôle qui n’a pas été étudié à ce point de vue, écoutons ce qu’il nous dit, et surtout ce qu’il ne nous dit pas. […] Il y a, en général, dans tout rôle, un mot caractéristique qui le résume. […] Ce rôle admirable étincelle de splendeurs cachées. […] Enfin il entre ; il est bien décidé à faire une scène terrible ; je parierais qu’il a préparé son rôle pour être plus certain de ne pas faiblir ; mais Célimène joue avec son éventail.

59. (1732) Jean-Baptiste Pocquelin de Molière (Le Parnasse françois) [graphies originales] « CII. JEAN-BAPTISTE POCQUELIN. DE MOLIERE, Le Prince des Poëtes Comiques en France, & celebre Acteur, né à Paris l’an 1620. mort le 17. Fevrier de l’année 1673. » pp. 308-320

Cette Piece fut le tombeau de son Auteur, qui mourut cinq ou six heures après qu’il y eut joué le rôle du Malade imaginaire. […] La mort (comme on vient de le dire) enleva Moliere presque à la sortie du théatre, où il se força pour jouer le rôle du Malade imaginaire, étant très-incommodé de la poitrine, & n’ayant pas voulu renvoyer un grand nombre de Spectateurs, qu’il avoit vû dans la Salle de la Comédie, avant que de s’aller habiller. […] Perrault en parla à plusieurs de ses Confreres, qui marquerent qu’un homme tel que Moliere meritoit des distinctions, & étoit au-dessus des regles ordinaires ; mais que s’il étoit reçu à l’Académie, il falloit qu’il ne jouât plus sur le théatre que des rôles graves & à manteau, & qu’il renonçât aux rôles de valets, qui sont sujets à recevoir quelques coups.

60. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Ce fut alors qu’il changea de nom pour prendre celui de Molière ; peut-être crut-il devoir cet égard à ses parents, peut-être aussi ne fit-il que suivre l’exemple des premiers acteurs de l’Hôtel de Bourgogne, qui avaient au théâtre des noms particuliers, tant pour les rôles sérieux que pour les rôles du bas comique*. […] « La nature, qui lui avait été si favorable du côté des talents de l’esprit, lui avait refusé ces dons extérieurs si nécessaires au théâtre, surtout pour les rôles tragiques. […] Non seulement il plaisait dans les rôles de Mascarille, de Sganarelle, d’Hali, etc., mais il excellait encore dans les rôles de haut comique, tels que ceux d’Arnolphe, d’Orgon et d’Harpagon ; c’est alors que par la vérité des sentiments, par l’intelligence des expressions, et par toutes les finesses de l’art, il séduisait les spectateurs au point qu’ils ne distinguaient plus le personnage représenté dans le comédien qui le représentait ; aussi se chargeait-il toujours des rôles les plus longs et les plus difficiles ; il s’était encore réservé l’emploi d’orateur de sa troupea. […] Il obligea sa femme, qui était extrêmement parée, à changer d’habit, parce que la parure ne convenait pas au rôle d’Elmire convalescente, qu’elle devait représenter dans Tartuffe. […] Voici une preuve sans réplique que l’auteur des Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière s’est trompé en donnant le rôle d’Hali à Molière.

61. (1696) Molière (Les Hommes illustres) « JEAN-BAPTISTE POQUELIN. DE MOLIERE. » pp. 79-80

Il est vrai que la Troupe ne réussit pas cette première fois : mais Molière fit un Compliment au Roi, si spirituel, si délicat et si bien tourné, et joua si bien son rôle dans la petite Comedie qu’il donna ensuite de la grande, qu’il emporta tous les suffrages, et obtint la permission de jouer à Paris. […] Il a été si excellent Acteur pour le Comique, quoique très médiocre pour le sérieux, qu’il n’a peu être imité que très imparfaitement par ceux qui ont joué son rôle après sa mort.

62. (1900) Molière pp. -283

Sarcey par le panégyrique absolu de Molière, de sa personne, de sa vie, du rôle politique et social qu’il a joué ou du moins du rôle politique et social que depuis une soixantaine d’années on s’est habitué à lui attribuer. […] Je dois observer ici que ce rôle d’Arnolphe est presque toujours joué faux sur notre théâtre : on le représente en barbon. […] Vous la trouvez exprimée dans le rôle de Chrysale de L’École des femmes. […] Je ne crois pas que tel ait été le rôle de Molière. […] Ce mot sur Molière, mot risqué et bien sévère, avait trait à son rôle de poète amuseur du roi Louis XIV et de la cour.

63. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

On verrait quel artifice particulier a présidé à chacun de ses Ouvrages ; avec quelle hardiesse il élève dans les premières Scènes son Comique au plus haut degré, et présente au spectateur un vaste lointain, comme dans L’École des femmes ; comment il se contente quelquefois d’une intrigue simple, afin de ne laisser paraître que les caractères, comme dans Le Misanthrope ; avec quelle adresse il prend son Comique dans les rôles accessoires, ne pouvant le faire naître du rôle principal, c’est l’artifice du Tartuffe ; avec quel art un seul personnage, presque détaché de la Scène, mais animant tout le tableau, forme par un contraste piquant les groupes inimitables du Misanthrope et des Femmes savantes ; avec quelle différence il traite le Comique noble et le Comique bourgeois, et le parti qu’il tire de leur mélange dans Le Bourgeois Gentilhomme ; dans quel moment il offre ses personnages au spectateur, nous montrant Harpagon dans le plus beau moment de sa vie, le jour qu’il marie ses enfants, qu’il se marie lui-même, le jour qu’il donne à dîner. […] Les Grecs et les Romains n’étant point emprisonnés pour leur vie dans la sphère d’un seul état de la société, ne cherchaient point à accréditer des préjugés en faveur d’une condition qu’ils pouvaient quitter le lendemain, ni à jeter sur les autres un ridicule qui les exposait à jouer un jour le rôle de ces maris, honteux de leurs anciens traits satiriques contre un joug qu’ils viennent de subir. […] C’est à cet usage qu’il a destiné le rôle du frère. C’est le personnage honnête de presque toutes ses Pièces, et la réunion de ses rôles de frère formerait peut-être un cours de morale à l’usage de la société.

64. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Pieces à scenes détachées, dans lesquelles une Divinité préside. » pp. 61-74

  L’an qu’Isis au jour paroîtra,  Tremble, frémis, malheureux Opéra ;  Elle sera pour toi la fatale comete   Qui t’annoncera ta défaite : De ses climats glacés tout se ressentira : Dans le rôle d’Io 9, l’Amour s’enrhumera. […] Lemaure, qui venoit de jouer le rôle d’Amour dans le ballet des Sens. […] Gaussin jouoit le rôle de Zaïre.

65. (1856) Les reprises au Théâtre-Français : l’Amphitryon, de Molière (Revue des deux mondes) pp. 456-

Le poète a beau quitter la terre pour le séjour des dieux, tracer pour le maître de l’Olympe un rôle de fourbe et pour Mercure un rôle d’entremetteur : il ne peut se dégager pour longtemps de ses souffrances morales.

66. (1697) Poquelin (Dictionnaire historique, 1re éd.) [graphies originales] pp. 870-873

Une infinité de gens ont dit qu’il expira dans cette partie de la piece ; & que lors qu’il fut question d’achever son rôle, en faisant voir que ce n’étoit qu’une feinte, il ne put ni parler, ni se relever, & qu’on le trouva mort effectivement. […] Mais la verité est que Moliere ne mourut pas de cette façon : il eut le tems, quoique fort malade, d’achever son rôle. […] Fevrierb 1673, jour de la quatriéme representation du Malade Imaginaire, il fut si fort travaillé de sa fluxion qu’il eut de la peine à joüer son rôle : il ne l’acheva qu’en souffrant beaucoup, & le public connut aisément qu’il n’étoit rien moins que ce qu’il avoit voulu joüer : en effet, la Comedie étant faite il se retira promptement chez lui ; & à peine eut-il le tems de se mettre au lit, que la toux continuelle dont il étoit tourmenté, redoubla sa violence.

67. (1663) Nouvelles nouvelles pp. 210-243

Mais je crois qu’il suffit de vous dire que c’était une Pièce sérieuse et qu’il en avait le premier rôle pour vous faire connaître que l’on ne s’y devait pas beaucoup divertir. […] Ces endroits ne se rencontrent pas seulement dans ce que joue Agnès, mais dans les rôles de tous ceux qui jouent à cette Pièce. […] Après le succès de cette Pièce, on peut dire que son Auteur mérite beaucoup de louanges pour avoir choisi, entre tous les sujets que Straparole lui fournissait, celui qui venait le mieux au temps, pour s’être servi à propos des mémoires que l’on lui donne tous les jours, pour n’en avoir tiré que ce qu’il fallait et l’avoir si bien mis en Vers et si bien cousu à son sujet, pour avoir si bien joué son Rôle, pour avoir si judicieusement distribué tous les autres et pour avoir enfin pris le soin de faire si bien jouer ses compagnons que l’on peut dire que tous les Acteurs qui jouent dans sa Pièce sont des originaux que les plus habiles Maîtres de ce bel Art pourront difficilement imiter.

68. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il le savait et il sa indiqué dans le rôle de son Ariste de L’École des maris. […] On voit par exemple dans le rôle de Gros-René : « Croyez-vous que ce ne soit pas le désir qu’elle a d’avoir un jeune homme qui la travaille ? […] » La pièce a quelque originalité encore en ceci qu’elle contient un rôle de fou de cour qui est très spirituel. […] Mais précisément c’est ce qui nous indique qu’être coureur de dot est son rôle et qu’être auteur est son caractère, et que le rôle que l’on se donne n’a pas la force de vaincre le caractère qu’on a, ni même de le combattre quand le caractère est en jeu et en mouvement sans une excitation un peu vive.« Mon sonnet mauvais ! […] Son rôle pourrait être intitulé à quoi rêvent les vieilles filles.

69. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V.*. Destouches imitateur, comparé à Moliere, Plaute, Regnard, Shakespeare, &c. » pp. 185-218

L’opinion commune est que Destouches inventa les rôles de Financier : il faut connoître bien peu le théâtre pour avoir une pareille idée. […] Il colporte son squelette dramatique chez les petites-maîtresses, chez les demi-Grands ; ceux-ci envoient chercher un Comédien, on lui donne le principal rôle & le produit des représentations. […] Le Curieux ne paroît qu’en second auprès du rival qu’il s’est choisi, & joue le rôle d’un malhonnête homme vis-à-vis de sa maîtresse. […] Léonelle joue chez Cervantes un rôle qui donne du ressort à ceux de Camille, de Lothaire & d’Anselme, qui les met tous dans des situations pressantes. […] Destouches calqua le caractere de son Glorieux sur celui de Dufresne, Comédien auquel il destinoit le principal rôle.

70. (1800) Des comiques d’un ordre inférieur dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VII) pp. 294-331

La pièce, qui a cinq actes, pourrait finir au troisième : il y a un rôle de père d’une crédulité outrée, et la scène du valet déguisé en médecin est une charge trop forte. […] Le rôle de Célie, femme du jaloux, est original et intéressant. […] Quand cet ouvrage fut représenté en 1701, on fit supprimer au théâtre quelques endroits du rôle de Crésus et de celui d’Esope, comme trop hardis. […] La comtesse est même à peu près inutile, et le faux marquis est un rôle outré, et quelquefois un peu froid : mais il est adroit de l’avoir fait démarquiser par cette même madame la Ressource, qui rompt le mariage du Joueur avec Angélique. […] Ses rôles, dont la conception est la plus comique, sont la femme contrariante dans la pièce que je viens de citer, la veuve du Double veuvage, la coquette de village dans la pièce de ce nom, le président et la présidente du Mariage fait et rompu, le Gascon Glacignac dans la même pièce, le meilleur de tous les Gascons que l’on ait mis sur la scène, et le Falaise de la Réconciliation normande.

71. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Les rôles d’Henriette et de Clitandre, si charmants qu’ils soient, ne suffisent pas pour donner à cette œuvre toute l’élévation morale que l’on serait en droit d’attendre. […] L’hypocrisie a donc joué un grand rôle dans la poésie française, parce qu’elle en a joué un grand dans la société française. […] Le rôle de Cléante ne suffit pas à contre-balancer celui de Tartufe; c’est un rôle d’éloquence et de sages maximes plutôt que de fortes actions. […] Il y a dans ce rôle une protestation cachée.

72.

S’il a vu jouer le rôle d’Elmire, je ne demande pas par qui ; mais assurément ce n’était pas par Mlle Mars. […] Elle plante ses deux poings sur la table ou sur ses hanches, elle débite son rôle comme une leçon de l’ancien catéchisme poissard. […] Est-ce qu’elle a pris l’Odéon pour les Variétés, et les rôles de Mlle Dupont pour les rôles de Mlle Flore ? […] Le rôle du Misanthrope étant l’incarnation même de Molière, son rôle de prédilection par excellence, il nous a paru curieux de rechercher si c’était par l’effet d’un pur hasard qu’Alceste avait des rubans verts. […] Le rôle où Molière s’est personnifié devait porter son cachet personnel, sa couleur.

73. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Mais hâtons-nous d’analyser rapidement un rôle dont l’importance est capitale, puisqu’il sert de contrepoids à celui de Tartuffe, et représente la morale de la pièce. […] Tous ont ceci de commun qu’ils concourent à faire valoir la figure d’Harpagon, et jouent en quelque sorte près de lui le rôle d’agents provocateurs. […] Il eut aussi le tort de ne pas comprendre l’importance de Célimène et de son rôle. […] Être en vue, c’est le bénéfice du rôle. […] Ici, le rôle de Ce sage est moins important que dans L’École des maris, ou Tartuffe.

74. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Il faut que les acteurs de la comédie sentent eux-mêmes le néant de leur rôle. […] Pénétrés de la conscience de leur propre mérite, ils n’ont garde de se confiner tout entiers dans l’étroitesse de leur rôle de gueux, de fripons ou de débauchés. […] Mais, dans la comédie, où l’accidentel et l’arbitraire jouent naturellement un rôle essentiel217, on ne saurait en faire une règle absolue. […] Il pouvait, en donnant à son drôle une imagination riche et une intelligence supérieure, l’affranchir de ses passions basses par le baptême de l’esprit, et élever sa personne à une hauteur infinie au-dessus du rôle injuste et faux joué par sa scélératesse. […] Voltaire dit : Je pleure, et Shakespeare pleure ; mais le rôle de l’art est précisément de dire et de paraître, et non pas d’être en réalité.

75. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVI. De l’opposition des Caracteres. » pp. 398-416

Alors les deux Philosophes contrasteroient en effet ; mais le second personnage de la piece, la folle, la capricieuse Céliante qui, dans tout son rôle, ne combat pas d’un mot la manie du héros, n’est tout au plus qu’en opposition avec lui. […] Il n’y a donc point dans cette scene, ainsi que dans les deux rôles, durant toute la piece, le moindre contraste d’intérêt, pas même celui que l’amour fait naître dans les pieces les plus médiocres. […] Une tirade seule de l’oncle avare vaut tout le rôle du Dissipateur, si l’on en excepte le dénouement.

76. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IX. M. PALISSOT. » pp. 297-316

Damis & Crispin son valet, ridiculement habillés, jouent auprès du premier Tuteur les rôles d’antiquaires. […] Lélio joue ces quatre rôles différents. […] « Le personnage d’Arlequin est le seul qui soit de l’invention de l’Auteur ; il parut se soutenir à côté du rôle principal : l’entreprise n’étoit pas aisée ; on ne appelle à tous ceux qui ont lu le Conte.

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