L’on m’appellera sot de ne me venger pas ; Mais je le serois fort de courir au trépas. […] Que je suis un grand sot de m’hasarder ainsi ! […] plaise au Seigneur qu’il soit sot à tel point, Qu’il me tienne mauvais & ne se batte point !
Ce qu’il condamne, c’est la sotte vanité, la lourde suffisance qui nous empêche de nous rendre compte du peu que nous savons, et nous dispense d’interroger les faits. […] Moi-même j’en ai honte ; et dans l’âge où je suis, Je ne veux plus passer pour sotte, si je puis… Molière ne souhaite point que la femme soit laissée dans l’ignorance, car une âme ignorante est une âme atrophiée, et Molière veut pour chacun le développement et la puissance intégrale de toutes ses facultés. […] On sait par quels moyens M. de la Souche, pour se garder des accidents auxquels tous les maris sont exposés, s’est efforcé de rendre sotte autant qu’il se pourrait la malheureuse qu’il destinait, dès l’enfance, à l’honneur de sa couche. […] Son rire clair, joyeux, puissant, sonne dans ces deux vers : Oui, ma foi, là-dessus, Une sotte en sait plus que le plus habile homme ! […] Madame Jourdain sera là pour lui dire : « Est-ce que nous sommes, nous autres, de la côte de saint Louis », et Nicole pour lui déclarer que la noblesse ne lui en impose guère, car le fils du gentilhomme de son village « est le plus grand malitorne et le plus sot dadais qu’elle ait jamais vu ».
Je connois là-dessus sa sotte vanité. […] Je commençai par l’écouter avec impatience ; je finis par l’entendre avec dégoût ; je pris même la liberté d’avouer à mes parents que cet homme-là m’ennuyoit à l’excès : on me répondit que j’étois une sotte, & qu’un mari étoit fait pour cela. […] point du tout : je ne compte que sur mon étoile, qui ne veut pas que je sois un sot. — Et vous croyez à votre étoile ? […] Vous êtes un homme dé mérite ; vous avez des talents, des connoissances : jé né suis pas un sot, un ignorant. […] Je n’en vis jamais tant, Ni de plus sots.
Parmi nous des fâcheux, des sots et des avares Les types sont communs, mais leurs peintres sont rares. […] Démasquez au nom de la morale Tant de sots parvenus, couronnés de scandale, Et des grandes vertus, source des grands talents, Que mon exemple en vous excite les élans !
Vous en mordrez vos doigts, ou je ne suis qu’un sot. […] Les Auteurs ont la sotte maladie de vouloir faire croire qu’ils ne vivent que dans le grand monde. […] Ses amis lui firent sentir que ce nom avoit trop de rapport avec celui du malheureux Abbé ; il feignit de céder à l’honnêteté pour mieux servir la vengeance & la malignité qui lui firent substituer à la place celui de Trissotin, qui veut dire trois fois sot. […] Il est honteux que les hommes de génie & de talent s’exposent, par cette petite guerre, à être la risée des sots ». […] C’est un homme qui n’a rien à perdre ; & les comédiens ne me l’ont déchaîné que pour m’engager à une sotte guerre, & me détourner, par cet artifice, des autres ouvrages que j’ai à faire : & cependant vous êtes assez simples pour donner dans ce panneau !
Ils se mêlent de trop d’affaires, De prétendre tenir nos chastes feux gênés ; Et sur les jours caniculaires, Il nous donnent encore, avec leurs loix séveres, De cent sots contes par le nez. […] Devroient-ils étayer par-là le mépris que les sots affectent pour eux ? […] Il est honteux, ajoute-t-il, que des hommes de génie & de talent s’exposent, par cette petite guerre, à être la risée des sots ». […] Mais j’appréhende De faire une sotte demande.
J’aimerais mieux, dit le gentilhomme espagnol, une femme laide et qui serait fort sotte, qu’une fort belle qui aurait de l’esprit. […] c’est celui-là qui est un sot, malgré son âge et son expérience; et celle qui répond : Que ne vous êtes-vous fait aimer? […] Je conçois bien que les contemporains pardonnent plus volontiers à l’amour-propre des sots qui attaquent qu’à celui de l’homme supérieur qui se défend : les uns ne font qu’oublier leur faiblesse ; l’autre fait souvenir de sa force. […] Qu’un sot s’avise de dire à quelqu’un : Monsieur, trouvez-vous que j’aie de l’esprit? […] Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots, En cuisine peut-être auraient été des sots.
Ainsi Tofan, comme un sot parfait, fit la paix après le dommage reçu. […] C’est dans cette derniere nouvelle que Moliere a puisé la sotte vanité de George Dandin qui s’allie à une famille au-dessus de la sienne. […] A quoi la jeune fille, sans considérer ce qu’elle disoit, repart tout-à-l’heure : Vraiment, je n’avois garde d’être si sotte, j’y avois déja été attrapée deux ou trois fois.
La Demoiselle se déclare en faveur de Desronais : Desronais s’emporte ; Dupont le fils est plus sot qu’à l’ordinaire. […] qu’arriveroit-il s’il savoit ma foiblesse, La seule qui soit vraie & qui m’a tourmenté, Ma sotte intrigue avec cette Comtesse ? […] Les fourbes nous y tiennent par leurs subtiles inventions, les sots par leur ignorance, les Théologiens39 par leurs mysteres, les Avocats par leurs chicanes, les gens d’Etat par leurs intrigues. […] Enfin j’ai vu des sots titrés, des coquins pensionnés, & l’honnête homme vêtu de bure.
Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant Qu’un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant. […] Arnolphe déclare que c’est pour n’être point sot qu’il veut épouser une sotte. […] Peut-être parlent-elles avec d’autant plus d’éloquence qu’il n’a pas la sotte prétention de parler pour elles. […] Mais il est bientôt payé de cette sotte et ridicule ambition : il souffre tous les malheurs de quiconque se déplace mal à propos et se déclasse. […] Rien , sinon que la sotte vanité qui porte les hommes à sortir de la condition où Dieu les a placés, est pour eux une source de déboires sans fin.
Mille de ces beaux traits aujourd’hui si vantés Furent des sots esprits à nos yeux rebutés. […] Tous ces grands défauts à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles que quelque faut goût, quelque sot entêtement, quelques affectations ridicules, telles que celles qu’il a reprises assez à propos dans les prudes, les précieuses, dans ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelque poésie de leur façon à montrer aux gens.
Les abus finiront quand finira le monde ; Et sur ce grand théâtre on verra, de tout temps, Des méchants et des sots, des sots et des méchants.
Disait-on, Molière est-il fou, et nous prend-il pour des sots, de nous faire essuyer cinq actes de prose ?
1775, Anecdotes dramatiques, tome I, p. 356 Molière joua d’abord Cotin, sous le nom de Tricotin, que plus malicieusement, sous prétexte de mieux déguiser, il changea depuis en Trissotin, équivalant à trois fois sot.
Si vous vous contentez de copier servilement un seul avare, un seul sot, un seul prodigue, &c. vous ferez son portrait : toutes ses connoissances le reconnoîtront peut-être ; mais vous ne ferez pas le portrait de l’avarice, de la sottise, de la prodigalité ; & c’est pourtant ce qu’il faut sur la scene. […] Enfin, puisqu’avec toi je puis trancher le mot, Je faisois justement la figure d’un sot.
Que tu es sotte, répliqua Sancho ! […] Nous avons le fils du gentilhomme de notre village, qui est le plus grand malitorne & le plus sot dadais que j’aie jamais vu.
Sganarelle est le vrai père d’Isabelle ; de même qu’Arnolphe, dans L’École des Femmes, en voulant faire d’Agnès une sotte, en fait une fille de sens, qui aura plus de ressources pour lui échapper que son jaloux pour la retenir. […] Arnolphe professe un mépris systématique pour les femmes d’esprit : il se persuade qu’il n’y a de sûreté pour un mari qu’avec une sotte. […] il serait vaincu par une sotte et un étourdi ! […] Trissotin est un de ces sots qui le sont en toutes choses, sauf sur leur intérêt. […] Il diffère de Tartufe en ce qu’il est dupe tout le premier de son travers, et qu’il a cette confiance du sot, Qui fait qu’à son mérite incessamment il rit19.
C’en est trop, dit-il, en lui donnant un coup de pied qui le fit tomber à la renverse : ce maraud-là me chaussera éternellement à l’envers ; ce ne sera jamais qu’un sot quelque métier qu’il fasse.
Sotte condition que celle d’un esclave, de ne vivre jamais pour soi, & d’être toujours tout entier aux passions d’un maître, de n’être réglé que par ses humeurs, & de se voir réduit à faire ses propres affaires de tous les soucis qu’il peut prendre ! […] Sotte condition que celle d’un esclave, De ne vivre jamais pour soi, Et d’être toujours tout entier Aux passions d’un maître, D’être réglé par ses humeurs, Et de se voir réduit à faire Ses propres affaires De tous les soucis qu’il peut prendre.
On met dans la bouche du premier tout ce qui est pour lui, & l’on fait du second un sot ou un mal-adroit. […] J’ose penser que si le public ne croit pas dans la premiere scene voir autant le Philanthrope que le Misanthrope, ce n’est ni au titre ni à l’annonce que l’Auteur en a l’obligation : c’est encore moins à la précaution de mettre dans la bouche d’Alceste des raisons triomphantes & de faire de Philinte un sot ; de bien plaider la cause du Misanthrope, de mal plaider celle du prétendu Philanthrope ; mais à l’adresse de différencier les deux rôles sans les faire contraster, puisqu’Alceste est l’ennemi déclaré du genre humain, & que Philinte, loin d’être l’ami déclaré des hommes, les plaint sans les aimer, souffre leurs défauts uniquement par la nécessité de vivre avec eux, & l’impossibilité de les rendre meilleurs.
Avant qu’un peu de terre, obtenu par prière, Pour jamais sous la tombe eut enfermé Molière, Mille de ces beaux traits, aujourd’hui si vantés, Furent des sots esprits, à nos yeux, rebutés.
Cependant je ne puis dissimuler que dans son épitre à Boileau il accuse la société de Rambouillet d’avoir réuni les sots ennemis du poète : Je veux t’écrire encor sur tes sots ennemis, À l’hôtel Rambouillet contre toi réunis.
Il est, par exemple, dans tous les pays, des gens de rien, de petits artisans, qui n’ont pas reçu la moindre éducation, qui n’ont pas la moindre notion des choses les plus ordinaires, & qui se mêlent cependant de faire les politiques ; qui négligent totalement leurs affaires domestiques pour songer à celles de tous les Princes du monde : des sots qui n’approuvent jamais ce que font les ministres, & qui puisent dans leur ignorance la vanité de croire que les affaires prendroient entre leurs mains une meilleure tournure. […] Louis Halberg, Auteur de plusieurs Pieces Danoises, ne l’a pas trouvé indigne de ses soins ; il en a fait une piece très plaisante, très morale, très philosophique, dans laquelle il verse non seulement des flots de ridicule sur les originaux qu’il attaque ; il y prouve encore aux gens en place, que, loin de s’affecter sérieusement des propos de leurs imbécilles censeurs & d’avoir recours à des châtiments qui peuvent faire crier à la tyrannie, il doivent rire de leur extravagance & les livrer à tout le ridicule qu’ils méritent ; c’est le châtiment des sots.
Elles partent de là pour assurer sur leur honneur que les Auteurs vivants sont des sots, des animaux qui ne savent rien voir.
Dans Scarron, un gentilhomme grenadin, souvent trompe par des femmes d’esprit, imagine d’en épouser une bien sotte qu’il fait élever exprès et qu’il entoure de valets aussi sots qu’elle. […] Laure (c’est l’héroïne de la nouvelle tragi-comique), Laure est une véritable sotte. […] On y vit, dans le personnage de Climène, ces femmes prudes et précieuses à la fois, toujours prêtes à prendre la naïveté pour de la bassesse, et la gaieté pour de l’indécence ; dans celui du marquis, ces sots du grand monde, qui condamnent d’un mot l’ouvrage qu’ils connaissent à peine et qu’ils seraient hors d’état de juger ; enfin, dans celui de M. […] C’est ainsi, par exemple, qu’un homme, possédé de la manie de se croire malade, et livré, par une suite de cette triste faiblesse, aux artificieuses caresses d’une marâtre qu’il a donnée à ses enfants, entend cette femme cupide se réjouir inhumainement à la fausse nouvelle de sa mort ; c’est ainsi qu’un petit bourgeois, qui a la sotte vanité de passer pour gentilhomme, est berné, dupé, volé par un escroc de qualité ; c’est ainsi, enfin, qu’un riche paysan, qui a fait la folie d’épouser une demoiselle, est témoin des rendez-vous nocturnes qu’elle donne à son amant.
Elle est un peu sotte, Agnès, bien petite fille. […] Voici tout simplement le calcul qu’a fait Angélique : elle s’est dit que ses parents, bien que bons gentilshommes, étaient fort ridicules et fort pauvres ; qu’elle aurait beaucoup de peine à se marier ; qu’un bon parti se présentait pour elle ; qu’elle trouverait avec Dandin une situation, de l’aisance, la liberté ; qu’elle aurait un sot pour mari et qu’elle le traiterait comme tel. […] On a déjà fait remarquer, je crois, que Les Femmes savantes et Tartuffe se ressemblaient par un point : la maison d’Orgon est dominée par un scélérat ; la maison de Philaminte est conquise par un sot.
Mais, dit-on, Molière a mis l’athéisme dans la bouche de l’homme d’esprit, et il a fait défendre la cause de Dieu par un valet impudent et sot. […] Soit ; mais il n’en résulte pas moins, disent les adversaires, que la religion n’a d’autre défenseur qu’un sot valet, qui la rend ridicule par son ignorance et sa superstition. […] Et après tout, ce valet est-il si ridicule et si sot lorsque obéissant à la voix de sa conscience et faisant violence à la peur qu’il a de son maître, il ose lui faire la leçon en ces termes simples et forts qui vont presque à l’éloquence : « Je ne parle pas à vous, Dieu m’en garde ! […] Qui ne voit que ce jeu de théâtre a précisément pour objet de permettre à don Juan de se tirer de la dialectique de son valet par un sot quolibet ? […] Enfin Oronte et les marquis achèvent ce portrait du monde : c’est, d’un côté, la jeunesse superficielle, frivole, vide, la fatuité sotte, le bavardage inutile, et la médisance élégante ; dans Oronte, il y a moins de légèreté et moins de frivolité ; mais ces défauts sont remplacés par la ridicule prétention d’un poète de salon.
Que d’esprit du côté du Prince des Sots ! […] Salut à toi, le Prince des Sots ! […] Il n’y a que des sots et des sottes, ma femme, qui se riront de moi. […] quelles sottes mœurs ! […] Cette Lucinde est plus sotte encore que ce Moncade n’est sot et impudent.
ma belle, est-ce vous Dont mon sot de neveu prétend être l’époux ? […] J’aurois été peut-être aussi sot que mon frere : Mais, puisqu’on m’ose encor traiter de la façon, Un bon procès, morbleu, va me faire raison.
Cidalise a beaucoup de mépris pour les dernieres volontés d’un homme qui n’étoit qu’un sot, & ordonne à sa fille d’accepter Valere, qui, non content de l’aimer, saura la conduire. […] Alors tout le monde éclata, & le sot, ne se doutant pas que c’étoit de lui, crut au contraire avoir fait sentir une beauté.
Voilà un sot pere que ce pere-là, de souffrir toutes ces sottises-là sans rien dire. […] Entendez-vous, beau pleureux, maître sot ? […] Dans la premiere scene de l’Ecole des Femmes, Arnolphe & Chrisalde se regardent mutuellement en pitié, parceque l’un pense mettre son front à l’abri de toute insulte en épousant une femme sotte ; & que l’autre croit au contraire l’honneur d’un mari plus en danger entre les mains d’une idiote que d’une spirituelle.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable, La noire à faire peur, une brune adorable : La maigre a de la taille & de la liberté ; La grasse est, dans son port, pleine de majesté : La mal-propre sur soi, de peu d’attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée : La géante paroît une déesse aux yeux ; La naine, un abrégé des merveilles des Cieux : L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne : La fourbe a de l’esprit, la sotte est toute bonne : La trop grande parleuse est d’agréable humeur, Et la muette garde une honnête pudeur.
C’est l’hommage que les sots rendent aux grands hommes.
Il y a eu depuis Molière, il y a encore aujourd’hui, il y aura toujours des pédantes telles qu’il les a peintes, c’est-à-dire des femmes douées de quelque esprit et ornées de quelques connaissances, mais s’en croyant beaucoup plus qu’elles n’en ont, et brûlant d’en montrer encore plus qu’elles ne s’en croient ; puristes et prudes tout ensemble ; raffinant sur les idées, les sentiments et les expressions ; dédaignant tous les soins d’épouse, de mère et de maîtresse de maison ; méprisant tout ce qui n’est pas de leur coterie, et réservant tout leur enthousiasme pour elles-mêmes d’abord, puis pour quelque petit auteur bien sot, bien vain, bien envieux, qui les flagorne, et qui fonde sur leur engouement l’espoir de sa renommée, souvent même celui de sa fortune. […] Il est raisonnable, enfin, lorsqu’il préfère pour époux de sa fille l’aimable et honnête Clitandre à ce vil et sot pédant de Trissotin. […] Celui-ci, tout occupé du salut de son âme, croit attirer sur lui les bénédictions du ciel, en introduisant dans sa famille un misérable qui fait le saint homme ; celui-là, ne songeant qu’à la santé de son corps, espère se procurer des secours contre la maladie, et se trouver à la source des consultations, des ordonnances et des remèdes, en se donnant pour gendre un sot que le bonnet seul a fait docteur ; et chacun d’eux, par là, veut sacrifier sa fille à une passion qui se fonde uniquement sur son intérêt personnel. […] Toinette, servante dévouée, mais franche et familière jusqu’à l’insolence, n’ayant d’autre intérêt que celui de ses maîtres, d’autre passion que le zèle du bon droit et du bon sens, se moquant librement d’Argan, parce qu’il est ridicule et qu’elle lui est nécessaire, opposée par droiture à Béline, malgré tout le mal qu’elle en doit craindre et tout le bien qu’elle en peut espérer, et attachée au parti d’Angélique, parce qu’elle est doublement indignée qu’on veuille l’enlever à un galant homme pour la donner à un sot, et la dépouiller de son bien pour en enrichir une étrangère ; Toinette est, comme on dit en peinture, une répétition de la Dorine du Tartuffe ; elle agit et parle de même dans des circonstances toutes semblables : il n’y a que le nom de changé. […] Son Turlupin l’assiste, et, jouant de son nez, Chez le sot campagnard gagne de bons dînés.
Il faut que leur propre personnage soit aussi frivole, aussi nul aussi sot à leurs yeux qu’à ceux du public. […] Les plaisanteries les plus fades ou du plus mauvais goût ont le privilège d’égayer les sots, et parfois de dérider les sages. […] Qu’arriverait-il, en effet, si les deux premiers éléments, au lieu d’être confondus, restaient distincts et séparés, si les acteurs de la comédie n’étaient purement et simplement que des sots, et si les Dieux se contentaient de sourire soit dans la conscience des spectateurs, soit dans un chœur comique ? […] La scène, comique sans le savoir, resta grave dans l’inconscience de sa propre sottise, et les spectateurs, seuls à rire, eurent l’air de dire aux personnages : Messieurs les acteurs de la comédie, nous sommes beaucoup plus sages que vous, et nous comprenons parfaitement que vous êtes des sots. […] Un poète médiocre en aurait fait un sot.
Ce don naturel et acquis d’observation pénétrante nous garantit que Célimène sait fort bien discerner les caractères ; aussi n’est-elle point dupe des sots et des fats dont elle accepte les compliments, non sans arrière-pensée de raillerie dédaigneuse. […] S’il est assez sot pour boire à longs traits les compliments adressés à son teint frais et gaillard, il se garde bien de les payer. […] Son Turlupin l’assiste ; et, jouant de son nez, Chez le sot campagnard gagne de bons dînés. […] Au lieu de flatter une folle et de se faire violence pour l’admirer, il la blesse par les traits dont il perce le sot qui l’encense. […] Le préjugé qui repoussait l’emploi de la prose dans la haute comédie fut si tenace que, cent ans après, en 1775, un sot nommé Mailhot osa porter la main sur la prose de Molière, et la traduire en vers.
C’est pour n’être point sot qu’Arnolphe veut épouser une sotte. […] Tous les travers qui font faire sotte figure lui étaient rigoureusement interdits.
la sotte province ! […] Il a pris une pauvre fille qui lui a été confiée, il l’a fait élever au village, et comme il est engoué de ce système qu’une femme doit être sotte, comme il veut la garder pour lui seul, il compte abuser de sa simplicité pour l’épouser. […] Dimanche qui se laisse mettre à la porte, et non pas ce sot Pierrot qui se laisse enlever sa fiancée sans mot dire ! […] Il manque beaucoup aux gens d’esprit, et ils n’ignorent pas ce qui leur manque ; aussi, n’ayant ni le mérite accompli, ni la confiance suprême des sots qui en tient lieu, ils n’arrivent presque jamais à rien. […] ——— L’esprit ne sert à rien, pas même à consoler du succès des sots.
À-t-il voulu prouver le vain orgueil et l’impuissance de la philosophie en nous montrant un sage dont les discours sont si peu d’accord avec les actions, et qui, finalement, n’est pas moins esclave que les autres hommes des plus sots préjugés ? […] La scène où Clitandre prend congé d’Angélique, après avoir passé une partie de la nuit chez elle en l’absence de son mari, est sans doute d’une grande inconvenance; mais enfin elle a pour but de rendre plus complète la punition d’un paysan assez sot, assez vain pour s’être mis en tête d’épouser, sans même la consulter, ce que l’on appelait autrefois une demoiselle. […] Si j’étais assez sot pour me croire un génie... […] Est-il supposable, en effet, qu’un ambitieux, un sot de cette espèce, qui ne veut plus voir son ancien ami Michelson, le marchand drapier, «parce qu’il n’est rien dans « l’État; » qui, tout enivré des hourras que poussent en son honneur ses nombreux ouvriers, dit à sa femme et à son fils : « Vous l’entendez, ils crient vive Burkenstaff ! […] La scène ou Bertrand désigne à la reine, pour le chef de la conspiration, le sot Burkenstaff ; celle où il obtient du ministre Falkenskied le brevet d’officier du jeune Éric; la scène du conseil; celle qui termine le quatrième acte, entre Bertrand et Koller, sont traitées d’une façon supérieure et digne des maîtres.
Si l’Auteur m’avoit seulement intéressé pour Durval & Constance ; s’il n’eût employé d’autres moyens pour cela que les sottes irrésolutions & le ridicule préjugé de l’époux, je lui aurois prodigué des éloges.
Ce fut la fin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux que voulurent jouer, après, les conseillers des aides, commissaires et sergents, lesquels, se prétendant injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en prison MM. les joueurs ; mais ils furent mis dehors le jour même, par exprès commandement du roi, qui appela les autres sots, disant Sa Majesté que, s’il fallait parler d’intérêt, il en avait reçu plus qu’eux tous, mais qu’il leur avait pardonné et pardonnerait de bon cœur, d’autant qu’ils l’avaient fait rire jusqu’aux larmes.
Il en est cependant dans Moliere, même dans les pieces que l’ignorance & le sot bel esprit croient avilir en les nommant des farces.
L’Amour conseille aux spectateurs d’imiter cet exemple, & leur adresse ces paroles : Faites de votre honneur comme elle fait du sien, Qui toujours est entier : mais qu’on n’en sache rien : Et par elle apprenez que les plus fines dames, De pareilles douceurs entretiennent leurs ames Dedans leurs cabinets, & que bien sottes sont Les filles aujourd’hui qui comme elles ne font.
Il change le théâtre, & Mario se trouve assis sur un trône magnifique ; il épouse Flaminia, pardonne à son ennemi, & promet de grandes récompenses à son cher Arlequin, qui, selon moi, est un grand sot de ne pas faire sa fortune lui-même, puisqu’il est si puissant.
Tant que l’Univers durera, Avec plaisir on lira Que quoiqu’une femme complote, Un mari ne doit dire mot, Et qu’assez souvent la plus sote Est habile pour faire un sot.
Malavisé, cela s’entend, c’est un sot qui, soit bêtise naturelle, soit inattention, soit étourderie, soit même hasard, arrive toujours à la male heure et rompt les entreprises les mieux concertées. […] Il a parfois l’air d’un sot ; c’est que Molière a voulu qu’il le fût en effet. […] Le Leslie qu’il nous donne est un sot ; mais il reste distingué jusqu’en ses plus fortes balourdises : c’est un fils de famille et qui porte l’épée. […] Un grand benêt de fils aussi sot que son père. […] Dorimène est invitée par son amant, un franc escroc, à dîner, chez ce vaniteux et sot bourgeois, le Crevel d’un siècle pourri de gentilhommerie.
Oui ; mais je voudrois bien qu’il ne s’y servît pas ; C’est un fort méchant plat que sa sotte personne, Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu’il donne. […] Depuis que dans la tête il s’est mis d’être habile, Rien ne touche son goût, tant il est difficile : Il veut voir des défauts à tout ce qu’on écrit, Et pense que louer n’est pas d’un bel esprit ; Que c’est être savant que trouver à redire ; Qu’il n’appartient qu’aux sots d’admirer & de rire, Et qu’en n’approuvant rien des ouvrages du temps, Il se met au-dessus de tous les autres gens : Aux conversations même il trouve à reprendre ; Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre, Et les deux bras croisés, du haut de son esprit, Il regarde en pitié tout ce que chacun dit.
Diafoirus et de son fils Thomas était tout entière en germe dans les quelques mots de Colletet et dans la sotte réponse du fils. […] Celui-là était riche, il était sot, et, de plus, son proche parent ; à ce dernier titre, Molière lui donna la préférence : il en fit le Bourgeois gentilhomme. […] Il n’y avait qu’à se soumettre ; Molière le fit, ainsi qu’il convenait à un homme comme lui, c’est-à-dire sans aucune des sottes et insolentes protestations qu’on lui prête et dont nous avons ailleurs prouvé la fausseté. […] — Cinq, madame la comtesse. — Comment, petite sotte ! […] J’ai dit que ce n’est qu’un tissu d’infamies mensongères et de sottes insultes ; il ne faut que la lire pour voir que c’est pis encore.
Je veux faire le brave ; &, s’il est assez sot pour me craindre, le frotter quelque peu. […] Mais faut-il nous brouiller pour un sot point de gloire ?
Moliere tire d’un sot l’aveu de ce ridicule pour le mieux faire appercevoir dans ceux qui ont l’esprit de le dissimuler. […] Georges Dandin, où sont peintes avec tant de sagesse les mœurs les plus licentieuses, est un chef-d’œuvre de naturel & d’intrigue ; & ce n’est pas la faute de Moliere si le sot orgueil plus fort que ses leçons, perpétue encore l’alliance des Dandins avec les Sotenvilles. […] Mille de ses beaux traits, aujourd’hui si vantés, Furent des sots esprits à nos yeux rebutés. […] Laissez aux libertins ces sottes conséquences, Démêlez la vertu d’avec ses apparences ; Ne hazardez jamais votre estime trop tôt, Et soyez, pour cela, dans le milieu qu’il faut.
Pour moi, je ne vois rien de plus sot, à mon sens, Qu’un Auteur qui par-tout va gueuser des encens ; Qui, des premiers venus saisissant les oreilles, En fait le plus souvent les martyrs de ses veilles. […] Des actions d’autrui l’on nous donne le blâme : Si nos femmes, sans nous, font un commerce infame, Il faut que tout le mal tombe sur notre dos : Elles font la sottise, & nous sommes les sots. […] Ce petit sacrifice une fois fait, il rit des sots qui, en la ramassant, se félicitent d’avoir fait une bonne trouvaille.