Une de ces convenances que la multitude révère, et que le sage respecte, l’avait privé pendant sa vie des honneurs littéraires, et ne lui avait laissé que les applaudissements de l’Europe. […] Il eut des préjugés à vaincre, des représentations à repousser pour embrasser la profession de Comédien ; et cet homme, qui a obtenu une place distinguée parmi les Sages, parut faire une folie de jeunesse en obéissant à l’attrait de son talent. […] Ce Maître, si heureux en Disciples, était Gassendi, vrai Sage, Philosophe pratique, immortel pour avoir soupçonné quelques vérités prouvées depuis par Newton. […] En un moment il a démasqué un traître, insulté un Magistrat, flétri un délateur, calomnié un Sage. […] Arrêter ses funestes effets serait-il un dessein moins digne d’un sage ?
Il sied mal de vouloir être plus sage que celles qui sont sages. […] Quand le fils d’Orgon, outré de tant de scélératesse et emporté par la fougue de son âge, veut tout révéler au père, elle dit : Non, Damis ; il suffit qu’il se rende plus sage, Et tâche à mériter la grâce où je m’engage. […] Elle deviendra la sauvegarde et l’honneur de la famille, comme la sage et rieuse Nicole 377 et la médecine Toinette 378. […] Qu’elle soit indulgente, polie ; qu’elle n’aille point perdre son temps dans ces conversations où le prochain est toujours attaqué ; qu’elle apprenne à être sage sans aigreur, et à avoir de l’esprit sans médire381. […] Il ne peut, pas plus que Boileau, supporter « ces femmes qui se retranchent toujours fièrement sur leur pruderie, regardent un chacun de haut en bas, et veulent que toutes les plus belles qualités que possèdent les autres ne soient rien en comparaison d’un misérable honneur dont personne ne se soucie382. »II déteste également « ces personnes qui prêtent doucement des charités à tout le monde, ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant, et seraient bien fâchées d’avoir souffert qu’on eût dit du bien du prochain383. »Il veut que, jusque dans sa défense, la vertu attaquée reste douce ; il fait exprimer ce précepte par Elmire, insultée par la lubrique déclaration de Tartuffe : J’aime qu’avec douceur nous nous montrions sages, Et ne suis pas du tout de ces prudes sauvages, Dont l’honneur est armé de griffes et de dents, Et veut au moindre mot dévisager les gens384.
Je sais, quand il le faut, par un peu d’artifice, Du sort injurieux corriger la malice : Je sais, dans un trictrac, quand il faut un sonnez, Glisser des dés heureux, ou chargés, ou pipés ; Et quand mon plein est fait, gardant mes avantages, J’en substitue aussi d’autres prudents & sages, Qui, n’offrant à mon gré que des as à tous coups, Me font en un instant enfiler douze trous. […] Je le crois : vous êtes homme sage, vous, & je vous empêcherai bien d’être tenté. […] Ma ruine ne peut me rendre plus sage ; & même dans ce moment je voudrois jouer. […] Destouches, dans son Philosophe marié ou son Mari honteux de l’être, n’a-t-il pas marié à la philosophie, principe de toute sagesse, la folie du préjugé le plus ridicule, & la plus éloignée du sage ? […] J’eus le chagrin mortel de voir soutenir « qu’un Auteur sage doit, pour être plus sûr de réussir, ne placer dans chaque acte qu’une seule scene brillante & forte par sa situation ; que les autres doivent être faites seulement pour amener celle-là ; que dans les actes où il y a plusieurs grandes scenes, le spectateur, étourdi par des beautés qui se croisent mutuellement, les sent moins que lorsqu’il en voit seulement quelques-unes joliment enchassées, & distribuées avec prudence ».
C’était, dit Voltaire, l’ouvrage d’un sage qui écrivit pour les hommes éclairés, et il fallut que le sage se déguisât en farceur pour plaire à la multitude.
Il n’est pour le vrai sage aucun revers funeste ; En perdant toute chose, à soi-même il se reste. […] Arnolphe dit bien, il est vrai, à Chrysale son ami : Épouser une sotte est, pour n’être pas sot, Je crois, en bon chrétien, votre moitié fort sage Mais une femme habile est un mauvais présage. […] Pour moi, de tels propos je me ris simplement Et l’éclat là-dessus ne me plaît nullement, J’aime qu’avec douceur, nous nous montrions sages. […] Que de raison également et d’à-propos dans le langage déjà plus relevé de Nicole, la confidente des chagrins de la bonne et sage Mlle Jourdain, pour qui elle est plutôt une humble amie qu’une servante ! […] elle répond : Vous n’en feriez que mieux de suivre mes leçons, ce n’est pas seulement les rieurs, mais les sages qu’elle a de son côté.