Je crois, au contraire, et la suite apprendra qui d’Auger ou de moi a raison, que madame de Scarron a plu très sensible me ni au roi dans sa première visite ; que le compliment qu’il lui adressa non seulement fut sincère, mais même inspiré par une secrète inclination pour elle, et fut une première amorce, jetée par des espérances confuses de possession plus ou moins prochaine, à un cœur qu’il jugeait disposé à lui céder.
Je me trompe peut-être, mais il me semble que ces derniers mots, pour l’amour de l’humanité, qui n’étaient entrés que très récemment dans le vocabulaire des philosophes, purent, avec une apparence de raison, blesser le petit cercle de libres penseurs amis et familiers de Molière, les Bernier, les Hénaut, les Chapelle, affligés de trouver une locution, qui n’était encore qu’à leur usage particulier, placée dans la bouche d’un aussi indigne et aussi abominable scélérat6.
Deux grands médecins, le Temps et le Dépit, et la Raison, prudente garde-malade, sont en consultation au chevet de l’Amour.
Tout le monde a dans la mémoire la réflexion par laquelle Molière termine la préface du Tartuffe : « Huit jours après que ma comédie eut été défendue, on représenta devant la cour une pièce intitulée Scaramouche ermite, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire (Condé) : “Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche” ; à quoi le prince répondit : “La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes : c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.” » Les situations de Scaramouche ermite étaient d’une extrême indécence.
Et, dis-moi, rends-tu ce beau service-là à ceux qui ont tort, à ceux qui ont raison, indifféremment ?