Quand le Roi fut instruit de ce désordre, il ordonna aux Commandants de ces quatre Corps, de les faire mettre sous les armes le lendemain, pour connaître, faire punir les plus coupables, et leur réitérer ses défenses. […] Il se fit en effet par deux Prêtres qui accompagnent le corps sans chanter ; et on l’enterra dans le cimetière qui est derrière la Chapelle* de Saint-Joseph, dans la rue Montmartre.
Léandre voit que son pere est en colere contre lui, il soupçonne Scapin d’y avoir donné lieu ; il veut lui passer son épée au travers du corps, s’il n’avoue son crime.
La populace, qui ne connaissait dans Molière que le comédien, et qui ignorait qu’il avait été un excellent auteur, un philosophe, un grand homme en son genre, s’attroupa en foule à la porte de sa maison le jour du convoi : sa veuve fut obligée de jeter de l’argent par les fenêtres ; et ces misérables, qui auraient, sans savoir pourquoi, troublé l’enterrement, accompagnèrent le corps avec respect.
Mais dans l’ensemble, le corps était singulièrement corruptible, sinon corrompu ; et bien que Boileau en ait fort adouci les traits, les sanglantes satires de Rabelais et de d’Aubigné contre les Chats-fourrés et les Grippeminauds, n’avaient guère perdu de leur vérité cruelle. — Achetant leurs charges, se les transmettant de père en fils ; formant dans l’État un état tout nourri d’abus gothiques et de traditions romaines, parfaitement étrangères au génie de la nation ; ayant par conséquent toute nouveauté en horreur et tout mouvement en détestation ; s’arrogeant vis-à-vis du pouvoir un droit de remontrance qu’ils n’exerçaient d’ailleurs, fort prudemment, que quand le pouvoir était faible ; alliés politiquement à leur bonne sœur l’Église, afin de partager, eux, gardiens des lois humaines, l’inviolabilité que confère aux prêtres la loi divine, de confondre ainsi deux choses distinctes, et de gouverner, eux aussi, en se rendant sacrés ; — voilà en quelques lignes les magistrats comme je les vois, les magistrats du temps de Molière, je le répète ; car, ainsi qu’on sait, nous avons changé tout cela.
Voilà déjà le langage de la comédie : encore un pas, et nous aurons les caractères et les mœurs ; et ce langage, déjà si ferme, nourri de pensées plus sérieuses, prendra plus de corps et s’épurera.